TRAUM : PHILIP K. DICK, LE MARTYR ONIRIQUE

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la sensation ahurie de l’homme au réveil : celui-ci ne croit pas à ce qu’il voit, et ne saisit pas pourquoi, une milliseconde plus tôt, il chutait dans le ciel, pilotait un hovercraft ou éjaculait dans sa bonne amie. Je doute, donc je rêve est le credo (le dubito, devrais-je dire) dickien. Mais sait-on jamais quand on rêve ? On recense autant de lectures d’une œuvre qu’il en existe de lecteurs, aussi accordons-nous un instant sur l’idée que, si toutes ne se valent pas, toutes méritent qu’on y risque un œil ou une minute, ne serait-ce que pour lever le doute, retourner le galet. Pourtant, l’on ne proposera pas dans ces pages une (re)lecture de l’œuvre de Dick, pas plus que l’on ne s’escrimera à démontrer comment Dick a imprégné l’époque—qu’on regarde autour de soi, il est partout, mon Dieu ! J’échafauderai en revanche, à travers quelques œuvres d’art et de fiction, gravitant elles-mêmes autour de certaines de mes lectures de Dick en effet, quelques hypothèses, et parfois quelques conclusions, sur le bon usage du doute exponentiel, et du projet de Rêve que l’on peut y associer. Elles seront livrées pour être expérimentées, c’est-à-dire vécues, par les lecteurs. Cet avant-propos se veut aussi un avertissement. Le bigbrothering constant auquel est soumis l’Internet (notre principale et parfois unique source, avouons-le, de connaissances), m’a vite conduit à craindre la fin du livre de papier. Selon moi, et d’autres, le plus dangereux des attributs du fantoche étatique dépeint par George Orwell n’est certainement pas la surveillance intensive et perpétuelle—nous nous en sommes tous parfaitement accommodés, n’est-ce pas ?—, mais le révisionnisme généralisé. Autrefois, l’actualité devenait Histoire ; aujourd’hui, toujours plus volage 10


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