Magazine L'écran Mars 2016

Page 9

Rien, nada, le néant absolu. Si la réalisation est propre et efficace, tout le reste bat de l’aile. Exemple le plus flagrant, la véritable héroïne du film et narratrice n’est autre que Frances Shea, la femme de Reggie Kray, interprétée avec une platitude abyssale par Emily Browning. Si le postulat est tout à fait acceptable à priori, il ne fonctionne absolument pas car le spectateur se contrefout de ce qui peut bien arriver à ce personnage geignard, plat et clichesque au possible, qui ne sert au final qu’à faire avancer de manière paresseuse et sans inventivité la narration en voix off dès que le film stagne quelque peu, ou ne sait pas comment raconter un évènement. Les personnages de Reggie et Ronnie Kray ne sont pas en reste, il est en effet impossible de leur insuffler une quelconque crédibilité en tant que parrains de la mafia locale, pour la bonne et simple raison que l’on est totalement tenu à l’écart de leur ascension, qui n’est jamais montrée. Comment poser des enjeux ou créer un attachement, un intérêt autour de personnages que l’on ne voit jamais rien faire si ce n’est tailler le bout de gras, s’engueuler, et chouiner à propos de leurs romances hasardeuses ? Le réalisateur ne semble pas savoir lui­ -même où le film nous mène, des séquences sans intérêt ni lien entre elles s’enchaînent péniblement pendant deux heures qui en paraissent le double. Encore pire, Helgeland semble ignorer totalement, ou alors il

ne sait pas s’en servir et c’est bien plus grave (le mec est censé être scénariste), le principe pourtant éculé et indispensable à tout film qui se réclame criminel : le set­up/pay­off. Ce procédé consiste à installer un enjeu, une situation qui reviendra plus tard dans le film pour être développée et résolue, ce qui n’est jamais le cas dans Legend. De nombreux exemples de ratages dantesques dans cet aspect là de la narration sautent aux yeux : les policiers qui enquêtent sur eux sont introduits plusieurs fois puis disparaissent totalement, idem pour les bandes mafieuses rivales, ou encore les gangsters venus des Etats­ Unis passer un accord potentiellement lucratif. La liste peut s’étendre à l’infini, mais je m’arrête là pour ne pas spoiler les quelques téméraires qui auront le courage de regarder le film jusqu’au bout. En bref, Legend n’a rien d’un film de gangsters, ce qui est pourtant le registre dans lequel il a choisi de se situer, et raconte au final plus la vie et la mort d’une romance éduclorée et inintéressante que le quotidien d’un groupe mafieux. Le film rejette systématiquement tout ce qui a trait de près ou de loin à la vie d’un truand et nous offre un spectacle plat, sans tension ni enjeux, ce qui est bien dommage car même la bonne performance de Mister Hardy ne suffit pas à l’extirper des limbes dans lesquels il se (et nous) perd. - Gonzo Bob

9


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.