Le Bonbon Nuit 19

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Etienne Jaumet

“Je respecte beaucoup l’école psychédélique française.” instrumentiste, j’essaie de développer mes qualités autrement. Je joue beaucoup sur la réactivité et l’intuition, je gère les accidents comme tous ceux qui font des vrais lives. Un ordinateur, quand il plante, il plante. Avec les synthés analogiques, on est obligé de composer avec les bugs, on ne peut pas s’arrêter. En fait, c’est très euphorisant et créatif. Tu es également saxophoniste. Le lien n’a pas l’air très évident, mais on peut en trouver un entre le saxo et ta passion pour les vieux synthés ?

Mais complètement ! J’ai commencé à jouer du saxo quand j’étais môme dans une fanfare. Le saxo, c’est un instrument ingrat, difficile, car c’est avant tout une histoire de son. Tout est basé làdessus, tant que tu n’as pas le son, tu n’y arrives pas. Et avant d’avoir le son, il y a quelque chose qui doit se passer avec ton corps. C’est sans doute à cause de cette histoire de sonorité que je me suis intéressé par la suite aux synthés analogiques. Dans le fond, ces deux instruments sont similaires au niveau du souffle et de l’implication corporelle.

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Les analogiques ont bercé les oreilles des générations nées entre 70 et 80. Il y a un côté madeleine de Proust pour toi ?

Oui, gosse, j’étais surtout sensible aux jingles qui passaient à la télé, à la radio, à la musique des dessins animés comme Chapi Chapo. C’était les débuts de la musique électronique et il y avait des choses extrêmement délirantes aux heures de grande écoute dans les médias populaires. J’ai un souvenir marquant de Radioactivity de Kraftwerk, par exemple. Quelle claque ! En t’écoutant bien, on dirait que tu as un certain dédain pour le numérique.

Pas du tout ! C’est grâce au numérique que l’analogique est tombé en désuétude dans les années 90 et que j’ai pu m’acheter mon premier ARP pour une bouchée de pain dans un cash converters… Plus sérieusement…

Avec Internet et le format MP3, c’est sûr qu’aujourd’hui, tout va très vite. Attention, j’aime bien quand ça va vite aussi, je ne suis pas un adepte de la lenteur. Mais les jeunes qui débutent dans la musique n’ont plus le temps de réfléchir aux choses, de les comprendre, de les assimiler. Moi, à leur âge, quand un disque me plaisait, je pouvais l’écouter des dizaines de fois, je décortiquais toutes les pistes, je connaissais par cœur la pochette, j’analysais les textes… Il y avait un rapport très fort à l’objet musical. Cette approche presque obsessionnelle m’a permis de digérer des groupes que j’aimais quand j’étais ado : Joy Division, Front 242, Trisomie 21, Liaisons dangereuses, Ruth, Mathématiques Modernes… Tu viens de citer des formations de cold wave, d’EBM, de french synth wave… Ces différents courants forment une partie de tes influences musicales, exact ?

C’est un des socles de ma musique, en effet. L’autre grand moteur de mon inspiration vient du krautrock allemand et de l’école psychédélique française des années 70. Nuit


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