Le baromaitre n°3 l'economie collaborative

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TRIBUNE LIBRE être physique, j’aurais rêvé de la grâce, de l’élégance, j’aurais rêvé l’urbanité absolue, je sens en moi sur tous les plans physiques et tout ce qui fait l’écorce, une sorte de rusticité, j’admire les élégants, je hais mon cheveu sur la langue mais évidemment j’ai ce trac, j’espère celui de l’intelligence, qui s’efface au bout d’une minute lorsque la volupté, l’allégresse de la parole qui convainc intervient. Et, c’est pour ça que j’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de recette ou de technique, je ne veux pas décourager tous ceux qui, comme moi, ont peut-être un rapport malaisé avec leur propre corps et, en même temps, j’ai eu la grande chance de ne plus en tenir compte. Je ne parle pas de moi là, mais de la même manière que Balzac était un romancier génial car son génie littéraire a dominé son idéologie et sa philosophie, je souhaite à tous ceux qui veulent embrasser la parole d’avoir assez d’intensité et de talent, si j’ose ce terme, pour dominer les peurs qui peuvent être les leurs. Il y a un moment où l’allégresse de convaincre et de parler doit reléguer ou faire disparaitre tout ce qu’une conscience et une lucidité peut vous apporter de pire sur vous-même. Le Baromaître : Est-ce votre conseil pour nous, jeunes avocats ? P.B. : Etre vous-même.

Pardon de revenir sur « l’Institut de la parole » mais j’ai entendu tellement de questions stupides, de futurs avocats me disant « à quoi va nous servir la parole, je ne vais pas plaider, je serai avocat ». Je leur disais, mais la parole que je veux vous enseigner, elle est valable y compris sur le plan professionnel c’est un outil humain, fondamental qui va vous servir partout.

Très souvent, c'est ce qui pose problème dans cette parole scolastique, théorique, byzantine. Je pense à certains grands avocats qui, parfois, n’auraient pas été loin d’entrainer un fou rire chez ceux qui les entendaient tellement le chemin était parallèle entre le formalisme splendide de l’expression et la stratégie de conviction complètement appauvrie. La parole, comme le dit Thierry Lévy, c’est ce que l’on attend, c’est ce qui va venir, c’est ce que l’on espère. Il y a tant de gens dont on n’espère pas la parole. Pourquoi on l’attend ? Car ce n’est pas une parole uniquement qui respecte le formalisme de l’imparfait du subjonctif ; c’est une parole dont on est à peu près sûr qu’elle n’ennuiera pas, qu’elle sera écoutée. C’est dans ce sens-là, pour tomber dans un narcissisme nostalgique, j’ai toujours été invité dans les médias non pas parce que j’occupais des postes importants mais puisque l’on était assuré qu’avec moi il y aurait la liberté d’un être. Cela montre que c’est tout de même assez rare alors que j’ai trop bien et souvent cultivé l’art de déplaire.

Propos recueillis par Florent GASSIES, Elève avocat. Avec l'aide de Malcolm Mouldaia-Mauger, et Blanche Henry-Ecouellan, Elèves avocats.

Donc, le conseil, c’est évidemment d’être vous-même, de vous méfier des conseils, des techniques et des recettes. Vous aurez une terrible rançon au début : l’imperfection. Mais moi-même et d’autres avec moi en ont. L’imperfection ne sera pas guérie par l’imparfait du subjonctif qui n’est pas notre souci ; elle sera guérie pas une capacité à nous projeter avec intelligence, liberté, spontanéité dans l’espace public et dans l’espace professionnel avec, et c’est là où j’insiste, « être soi ». C’est un conseil très fort que je donne, mais avec tout ce que vous devez cultiver et améliorer, avec cette culture générale qui est fondamentale. On ne peut pas devenir un grand maître de la parole au barreau ou ailleurs si l'on n’a pas de quoi le remplir, même si on a une intelligence abstraite qui est là, il faut tout de même qu’elle ait de la substance.

AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 47


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