Le 13 du Mois

Page 10

13e ŒIL

Pheng le dit lui-même : « Nous, les Asiatiques, on adore les jeux d’argent. Là-bas, on parie sur tout, même sur une partie de billard... ». L’entourage de Pheng nous parle de ces nouvelles publiées par les journaux communautaires chinois qui font le récit de la descente aux enfers de joueurs incapables de faire face à leurs dettes de jeu. Jusqu’au suicide.

JEUX D’ARGENT ET LOGIQUE DU SURENDETTEMENT Pheng n’en est pas là. Il dit assumer ses torts et comprendre l’ostracisme de ses parents. Il a neuf frères et sœurs qui résident dans le Val-de-Marne. Ils ne lui parlent plus, à l’instar de sa femme. C’est à peine si, par hasard, il lui arrive de croiser dans le hall du centre commercial Masséna 2, l’une de ses deux filles adolescentes 32

Novembre 2010 — www.le13dumois.fr

venue aux emplettes : « J’essaye d’économiser de l’argent pour leur payer un restaurant, mais souvent, je n’y arrive pas » regrette-t-il. Il doit de l’argent à tout le monde : à ses amis, à sa famille, à son logeur... et au fisc. À l’origine de ce cauchemar, il y a l’addiction au jeu, qui perdure quoi qu’il en dise. Pressé de toute part, il arrive encore à Pheng de jouer des sommes déraisonnables dans l’espoir de se débarrasser de ses créanciers. Nous le retrouvons un autre jour, sur le point de prendre son poste d’agent de service de nuit à Roissy. Le lendemain, il est censé rembourser trois « amis » pour une somme de quelques centaines d’euros chacun. Le jour même, il a tenté 350 euros au jeu, argent qui aurait pu lui permettre de rembourser l’un d’entre eux.

À IVRY, SEUL, EN FOYER SONACOTRA Quand on se rend chez lui, à Ivry, on constate qu’il ne possède rien. Petit, raconte-t-il, il n’était pas pauvre. Sa famille, devenue française, possédait au Cambodge maison et situation sociale. Rescapé d’une guerre parmi les plus terribles que le 20e siècle ait connue, Pheng a fait en France tous les boulots de main-d’œuvre prédestinés aux immigrés du « Sud » : chauffeur-livreur, ouvrier de l’industrie automobile ou peintre en bâtiment. Un temps dans le milieu de la confection, il rencontre sa femme à Aubervilliers, laquelle travaille de nuit dans un petit atelier clandestin. « Mon problème, c’est que j’ai bon cœur », hasarde-t-il. Selon lui, la raison de ce mariage, qui n’est pas d’amour, aura été de permettre à son épouse


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.