Le sel de la démocratie, l'accès des minorités au pouvoir politique en France et aux Pays-Bas

Page 175

ou des Turcs, plus ou moins imprégné par la culture laïque96, de celui des Marocains ou Africains, plus traditionnel. → Il y a donc des formes multiples d’Islam en France, et des degrés de pratique très différents selon le groupe ethnique et générationnel.

II. LA PRESENCE POLITIQUE DES MUSULMANS Une grande partie des musulmans de France sont issus de l’immigration économique des années 1960 et ont commencé leur intégration économique en bas de l’échelle sociale. De ce fait, une élite maîtrisant les codes en vigueur parmi l’élite française et disposant des capitaux nécessaires pour s’imposer est encore en nombre restreint. Par ailleurs, les divisions idéologiques et culturelles des populations de culture musulmane n’aident ni à une visibilité cohérente de la minorité musulmane, ni à une présentation claire de ses doléances.

La représentation de l’Islam en France L’EXCEPTION ALGERIENNE (1905-1962)

Avant d’aborder la représentation musulmane en France, il convient de s’attarder un peu sur l’exception algérienne dans l’application de la loi de 1905 relative à la séparation de l’Église et de l’État. Le sociologue Franck Frigosi97 rappelle que l’Algérie constitue une exception de taille à l’application des principes laïques (les département français d’Algérie font pourtant partie intégrante du territoire français jusqu’en 1962) : Malgré l’extension des dispositions de la loi de 1905 aux trois départements algériens par le décret du 27 septembre 1907, l’État n’a jamais cessé d’exercer en fait un contrôle prononcé sur l’exercice du culte musulman, en accordant notamment des indemnités au personnel cultuel en contrepartie d’agréments et en réglementant le droit de prêche dans les mosquées domaniales (circulaire Michel du 16 février 1933). […] Bien que la loi du 20 septembre 1947 portant statut organique de l’Algérie ait réaffirmé l’indépendance du culte musulman à l’égard de l’État dans le cadre de la loi de 1905, ces pratiques ont perduré jusqu’à l’indépendance. L’attitude de la république était dictée par des considérations coloniales davantage que religieuses. Du fait du refus de la république de reconnaître la citoyenneté française aux musulmans, les instances religieuses ont eu, en Algérie, un rôle de gestion civile. Il importait dans ces conditions de maintenir le culte sous la dépendance de l’État pour mieux en contrôler l’exercice.98

Cette exception n’est pas sans conséquences, et est largement interprétée comme symptomatique : Cet épisode de non-application de la loi de 1905 est parfois représenté comme symptomatique de l’incapacité de la République française à considérer l’Islam sur un pied d’égalité avec les autres religions. Il a en tout état de cause eu pour effet de créer un lien entre le religieux et le civil dont on retrouve encore les traces aujourd’hui.99

La loi de 1905, acte fondateur de la laïcité française et du « pacte républicain », a certes permis le désengagement de l’État dans les affaires religieuses, reléguées dans la sphère privée, en particulier pour les trois religions établies, mais n’a pas su les traiter à égalité, en particulier l’Islam, instrumentalisé et mis sous tutelle pendant toute la période de l’Algérie française. 96 En Turquie à cause de l’Etat laïque, et en Algérie et en Tunisie, malgré une instrumentalisation de l’Islam par le pouvoir, on trouve des traces de pensée laïque, mais aussi et surtout parce que les structures religieuses traditionnelles sont moins fortes qu’au Maroc ou en Afrique Sub-saharienne. 97 2000* ; Haut Conseil à l’Intégration (2000 : 16-17) 98 2000 : 16-17 ; c’est moi qui souligne. 99 Idem.

174

Chapitre Six


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.