Livre - René Guénon - [1931] - Le Symbolisme de la croix -- CLAN9 livre electronique

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Chapitre X

Le swastika

Une des formes les plus remarquables de ce que nous avons appelé la croix horizontale, c’est-à-dire de la croix tracée dans le plan qui représente un certain état d’existence, est la figure du swastika, qui semble bien se rattacher directement à la Tradition primordiale, car on la rencontre dans les pays les plus divers et les plus éloignés les uns des autres, et cela dès les époques les plus reculées ; loin d’être un symbole exclusivement oriental comme on le croit parfois, il est un de ceux qui sont le plus généralement répandus, de l’Extrême-Orient à l’Extrême-Occident, car il existe jusque chez certains peuples indigènes de l’Amérique (1). Il est vrai que, à l’époque actuelle, il s’est conservé surtout dans l’Inde et dans l’Asie centrale et orientale, et qu’il n’y a peut-être que dans ces régions que l’on sache encore ce qu’il signifie ; mais pourtant, en Europe même, il n’a pas entièrement disparu (2). Dans 1

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— Nous avons même relevé assez récemment une information qui semblerait indiquer que les traditions de l’Amérique ancienne ne sont pas aussi complètement perdues qu’on le pense ; l’auteur de l’article où nous l’avons trouvée ne s’est d’ailleurs probablement pas douté de sa portée ; la voici textuellement reproduite : « En 1925, une grande partie des Indiens Cuna se soulevèrent, tuèrent les gendarmes de Panama qui habitaient sur leur territoire, et fondèrent la République indépendante de Tulé, dont le drapeau est un swastika sur fond orange à bordure rouge. Cette république existe encore, à l’heure actuelle » (Les Indiens de l’isthme de Panama, par G. Grandidier : Journal des Débats, 22 janvier 1929). On remarquera surtout l’association du swastika avec le nom de Tulé ou Tula qui est une des plus anciennes désignations du centre spirituel suprême, appliquée aussi par la suite à quelques-uns des centres subordonnés (voir Le Roi du Monde, ch. X). — En Lithuanie et en Courlande, les paysans tracent encore ce signe dans leurs maisons ; sans doute n’en connaissent-ils plus le sens et n’y voient-ils qu’une sorte de talisman protecteur ; mais ce qui est peut-être le plus curieux, c’est qu’ils lui donnent son nom sanscrit de swastika. Il semble d’ailleurs que le lithuanien soit, de toutes les langues européennes, celle qui a le plus de ressemblance avec le sanscrit. Nous laissons entièrement de côté, cela va sans dire, l’usage tout artificiel et même antitraditionnel du swastika par les « racistes » allemands qui, sous l’appellation fantaisiste et quelque peu ridicule de hakenkreuz ou « croix à crochets », en firent très arbitrairement un signe d’antisémitisme, sous prétexte que cet emblème aurait été propre à la soi-disant « race âryenne », alors que c’est au contraire, comme nous venons de le dire, un symbole réellement universel. — Signalons à ce propos que la dénomination de « croix gammée », qui est souvent donnée au swastika en Occident à cause de la ressemblance de la forme de ses branches avec celle de la lettre grecque gamma, est également erronée ; en réalité, les signes appelés anciennement gammadia étaient tout différents, bien que s’étant trouvés parfois, en fait, plus ou moins étroitement associés au swastika dans les premiers siècles du Christianisme. L’un de ces signes, appelé aussi

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