La gazette de la
lucarne
15 septembre 2014 2 €
n 73 o
La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris – tél. : 01 40 05 91 29 – http://lalucarnedesecrivains.wordpress.com
Éditorial
Le temps était aux vagues Bruno Godard
T
rop souvent, la Méditerranée passe pour une belle endor mie aux clapotis légers sans marées ni mouvements d’humeur. L’horizon paraît alors un trait infini entre deux azurs clairs où scintillent une multitude d’éclats d’argent. Mais il est des jours où cette belle endormie se réveille et s’agite dès l’aube. Est-ce le vent marin, sucré et poisseux, qui l’irrite ? Ou sim plement ce ciel subitement bas et gris qui plaque sur la mer et le sable des ombres intruses ? C’était un de ces matins-là, pré cieux et inhabituels. Poussés par les entrées maritimes, de lourds nuages cotonneux filaient vers le nord et filtraient les rayons du soleil. La colline de Sète avait dis paru dans la brume tandis que l’on discernait encore la masse noire et avachie des Pyrénées. Nous étions allés tôt sur la plage, heureux comme des gamins, impatients de jouer au milieu de ces rouleaux qui se poussaient les uns les autres et grandissaient au fil des minutes. Sachant la mer d angereuse
jenny downing / cc
Souvenirs, souvenirs… Que de souvenirs et d’attachements multiples cette gazette est remplie ! Des souvenirs d’enfance à ceux de vacances. Et puis, il y a la mer qui, de ses vagues enveloppantes, de ses mouvements multiples, changeants, vient nous rappeler les gestes et l’inclination innée de nos chères mères. Que d’attachement aussi avec des cadenas qui donnent une illusion d’éternité tout en menaçant de tout faire s’écrouler. Du détachement aussi, avec un amour qui n’est plus, et détachement plus total encore avec une jeune fille au frais… Il y en a pour tous les goûts. Tout en caracolant parmi ce que l’âme humaine révêle de ses mouvances, un fait bien réel se profile parmi ces pages. Pas le souvenir de nos peurs d’enfance ni celui de notre imagination, vous verrez. Et cerise sur le gâteau, des fruits à fleur de peau, de toutes les sortes, rouges, roses, violets… savoureux à souhait ! Emmanuelle Sellal
en des journées comme celle-là, par son ressac qui happe les jambes des baigneurs et risque de les noyer, nous étions restés à proximité de la grève, de l’eau jusqu’à la ceinture. Les vagues naissaient à quelques mètres de nous en lentes ondula tions qui s’enflaient comme des poumons avant de claquer sur nos torses et nos visages éclaboussés d’écume et de sel. Je serrais ta main dans la mienne de peur que tu ne tombes. À chaque vague qui déferlait, tu vacillais un peu mais je t’agrippais solidement. Ton équilibre reposait sur la force de mon bras. Tu me faisais confiance. Tu riais comme un enfant et je riais aussi. Entre deux vagues, je voyais l’eau ruis seler lentement sur tes cheveux blancs, ton regard plissé et ta barbe clairsemée.