La Gazette de la Lucarne n° 56 - 15 février 2013

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La gazette de la

lucarne

15 février 2013 2 €

n  56 o

La Lucarne des Écrivains, 115 rue de l’Ourcq, 75019 Paris – tél. : 01 40 05 91 29 – http://lucarnedesecrivains.free.fr

Pourquoi le thème « L’homme et l’animal » ? Parce que j’avais déjà dans mes tiroirs (électroniques) trois bons textes, et que trois bons textes pour un numéro, ce n’est déjà pas si mal. L’activité de celui qui coordonne un numéro s’apparente à celle d’un éditeur puisqu’il s’agit de dire oui ou non devant un texte avec le risque, en cas de refus, de susciter des mécontents, voire de se faire des ennemis. Par crainte de me tromper, j’ai pris avis auprès d’Emmanuelle, notre maquettiste en chef, à propos d’un texte qui ne me paraissait « pas convaincant ». Je lui demandais si elle partageait mon avis sur le texte et, par ailleurs, si ma réponse n’était pas un peu trop abrupte. J’aime assez sa réponse : « Salut, effectivement, le texte est ennuyeux. La réponse est un peu raide, mais il est toujours difficile de trouver les mots justes qui permettent à quelqu’un de le faire progresser, sans le blesser. Quoi qu’il en soit, un auteur quel qu’il soit se sentira toujours blessé par une réponse négative… » Il est bien difficile d’éviter toute fâcherie, mais l’important est que le numéro soit de bonne tenue et je crois qu’il l’est. Il a même un peu dépassé mes espoirs. Paul Desalmand

La parole

du rhinocéros

Hermann Schlegel / Wikimedia commons

Éditorial

al L'homme et l'anim

Ana Minski

L’

estomac s’agite depuis un petit moment et sa faim commence à irradier tout le corps. Il n’est plus temps de la paresse et de la ­rêverie. Bien que nostalgique de la photosynthèse, l’animal doit broyer une partie de l’extérieur. Les narines guettent l’odeur douceâtre qui plaît à la bouche et d’un pas lent et silencieux, il se rend jusqu’au lieu de l’apaisement. Il entend les termites s’agiter dans leurs galeries, les vers manger la terre, les bousiers les excréments. Il perçoit fugitivement l’odeur d’un cadavre que des vautours nettoient. Leurs ailes résonnent en froissements froids et leurs coups de becs rythment le crépuscule. Bientôt, l’odeur sucrée l’emporte sur tout le reste. Il s’arrête, lève la tête, tend la bouche, et d’un mouvement des mâchoires engloutit des rameaux d’acacias. Les bruits de sa mastication et de sa déglutition résonnent dans son corps, le goût du suc se répand et réchauffe son être. Le parfum chaud des herbes hautes et

le bruissement du vent n’existent plus quand le rhinocéros se sustente. Mais depuis plusieurs jours, une odeur désagréable l’empêche de savourer l’odeur des feuilles et des branches, de profiter pleinement du suc salvateur. Lui si discret, si timide, si solitaire n’aime pas sentir cette présence insistante. Il aimerait identifier l’animal qui l’observe mais sa faible vue ne lui permet pas de le voir. C’est un animal, c’est certain, puisqu’il sent la merde et l’urine, que ses lentes digestions et la circulation de ses liquides vrombissent à ses oreilles. Mais l’odeur sousjacente et le chant de ses déplacements lui sont inconnus. Il aimerait être seul à nouveau et errer en fantôme dans la ­savane. Il voudrait profiter de ses bains de boue et du bien-être que les

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