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féminisme

Michel Ier et la chasse aux chômeuses ✒ par Femke Urbain Depuis une dizaine d'années, la politique d'activation des chômeurs/euses fait des dégâts. Le gouvernement précédent de Di Rupo Ier avait déjà rajouté une couche, avec l'accentuation de la dégressivité des allocations jusqu'à un forfait, le renforcement du contrôle et la limitation dans le temps des allocations d'insertions à trois ans à travers l'article 63 bis. Le gouvernement Michel Ier maintient ces mesures et poursuit sur la lancée, notamment en instaurant des prestations obligatoires pour chômeurs/euses de longue durée et en traquant les "faux isolés", quitte à enfreindre le droit à la vie privée. Pour que les femmes ne soient pas les oubliées des interventions et des revendications de la résistance sociale et politique à construire, focus sur la chasse aux chômeuses/eurs ou comment le gouvernement précarise encore plus les femmes tout en détruisant la sécurité sociale et en offrant une réserve de main-d’œuvre corvéable à la merci aux patrons…

Des inégalités structurelles en trame de fond

La façon dont les femmes sont particulièrement touchées par la chasse aux chômeurs/euses reflète des inégalités structurelles, comme la répartition inégale des tâches au sein des familles, la segmentation du marché du travail qui cantonne les femmes dans les emplois les plus précaires et moins bien payés ou encore le manque de place dans les institutions de soins aux personnes dépendantes (enfants, personnes handicapées ou personnes âgées). Ainsi, de 70 à 80% des chômeurs/ euses cohabitant.e.s et 55% des allocataires d'insertion sont des femmes n'ayant pas pu accumuler suffisamment de jours de travail pour ouvrir leur droit aux allocations de chômage à cause d'un travail à temps partiel ou de pauses carrières. Elles sont aussi majoritaires (79%) parmi les bénéficiaires de l'Allocation de Garantie de Revenu (AGR), le complément de chômage octroyé aux travailleurs/euses

8 la gauche #71 février-mars 2015

à temps partiel involontaire à bas salaire. Or, toutes ces catégories, déjà moins bien loties, sont particulièrement touchées par les dernières réformes du chômage.

Davantage d'obstacles à l'emploi mais mêmes obligations de "recherche active"

Beaucoup de chômeurs/euses peinent à trouver un emploi malgré leurs efforts: considéré.e.s comme trop qualifié.e.s pour certains emplois mais pas assez spécialisé.e.s pour d’autres, pris/es dans le cercle vicieux de l'exigence d'expérience qu'on ne peut acquérir qu'en se faisant engager. Une majorité de femmes rencontrent un obstacle supplémentaire: le manque de place de garde pour les enfants ou personnes dépendantes. Sans garderie ou maison de repos accessibles, difficile de se rendre à un entretien d'embauche et encore plus d'assurer un emploi à temps plein. Un problème encore plus criant pour les mères de familles monoparentales (80% des chef.fe.s de famille monoparentale sont des femmes). Les autorités sont conscientes de cette difficulté. Les convocations obligatoires dans le cadre de l'accompagnement des chômeurs précisent d'ailleurs systématiquement "afin de vous servir dans les meilleurs conditions, la présence d'enfants n'est pas autorisée durant l'entretien". Pourtant, tandis que les exigences en termes de "recherche active d'emploi" sont les mêmes, avec les mêmes sanctions à la clé, rien n'est mis en place pour augmenter et rendre accessibles les places de garderies. Rappelons qu'en Fédération Wallonie-Bruxelles, seuls 22% des enfants de moins de 3 ans peuvent espérer trouver une place en milieu d’accueil. Les coupes budgétaires communales font déjà mal et le secteur va aussi subir la poursuite de l'austérité régionale. En Wallonie, 340 millions d’investissements prévus en 2015 pour construire notamment des crèches et maisons de repos seront bloqués. Sans compter les 2000 emplois menacés dans le secteur non-marchand subsidié, pour les garderies et l'accueil extra-scolaire notamment. En Flandre, la hausse des tarifs est annoncée, ce qui reviendra à près de 800

Plus nombreuses parmi les allocataires d'insertion

Mélissa a 29 ans. Cela fait trois ans et demi qu’elle est au chômage. Elle vit avec sa mère et son frère, également au chômage. A trois, ils se débrouillent avec 1000 euros par mois. Mélissa consacre tout son temps à la recherche d’emploi: elle envoie quatre à cinq lettres de motivation par jour, enchaîne les formations, et effectue actuellement un stage de deux semaines (non rémunéré). Malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à décrocher de job et essuie des refus tous les jours. Elle est une "bonne élève" qui démontre des efforts conséquents. Pourtant, parce qu'elle n'a pas pu cumuler suffisamment de jours de travail pour ouvrir le droit aux allocations sur base du travail, elle est allocataire d'insertion depuis plus de trois ans et fait partie de celles et ceux qui ont été exclu.e.s du chômage le 1er janvier 2015. Celles et ceux mais il s'agit surtout de celles, puisque les femmes constituent environ 65% des exclu.e.s en janvier 2015. Un quart des exclu.e.s sont des mères de famille monoparentale. Un hasard? Pas du tout. Cette exclusion vise les plus précaires: ceux et surtout celles qui enchaînent les petits contrats à durée déterminée, les temps partiels, les intérims, ou dont la recherche d’emploi reste infructueuse. euros annuels supplémentaires pour placer son enfant en crèche.

Plus nombreuses parmi les cohabitant.e.s Tandis que le taux de cotisations prélevées sur le salaire est le même, les chômeuses/eurs perçoivent des allocations différentes en fonction de leur situation familiale. Les personnes en statut cohabitant sont ainsi les plus lésées. Les dernières


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