Ben Ali le ripou

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Quadrillage, intimidation et répression Les médias inféodés au pouvoir évoquent souvent la soi-disant « faiblesse » des partis de l’opposition, légaux et légitimes, comme Ettajdid, le PDP et le FDTL, qui ne parviennent ni à participer et encore moins à faire bonne figure aux consultations électorales. Ils soulignent aussi leur division et leur incapacité de s’attirer les faveurs des électeurs, mais omettent sciemment d’évoquer, à leur décharge, l’impuissance objective dans laquelle les enferme le pouvoir en multipliant sur leur chemin les obstacles de toutes sortes. Les autorités recourent en effet à mille et un stratagèmes pour maintenir ces formations dans une situation de fragilité constitutive et de crise permanente. Elles les empêchent d’organiser des meetings populaires et même parfois des réunions internes, en dissuadant les hôteliers de leur louer des salles ou en barrant la route aux militants qui désirent rejoindre les lieux de réunion. Ceux parmi ces militants qui essaient de forcer l’imposant cordon de police mis sur leur chemin sont parfois tabassés et jetés par terre en pleine rue comme de vulgaires malfrats. Les plus convaincus, qui font preuve de courage et d’abnégation, résistant aux menaces et aux agressions, ne tardent pas à le payer chèrement. Certains perdent leur emploi. D’autres sont mutés inexplicablement dans un poste loin de la capitale. Tous deviennent la cible de tracasseries administratives ou judiciaires. Tous les moyens sont bons, même (et surtout) les plus exécrables, pour leur faire regretter leur adhésion à un parti d’opposition. Bientôt, leur vie et celles de leurs conjoints, enfants ou parents, deviennent un véritable enfer…, comme le note assez justement Béatrice Hibou: «L‟immixion dans la vie privée de ces opposants réticents à la normalisation politique va plus loin encore puisqu‟elle atteint leur entourage, qui le plus souvent n‟est pas politisé. Celui-ci peut-être touché par les mêmes mesures de type administratif et économique, mais le plus souvent le châtiment collectif consiste à toucher à l‟essence même des relations sociales et de la „„vie nue‟‟. Tout est fait pour que les proches s‟éloignent du paria. Et qu‟ils s‟en éloignent physiquement, socialement et affectivement. On retire la carte d‟identité de proches pour les empêcher de faire des visites en prison. Le contrôle administratif ou la fouille des maisons peuvent être étendus à des membres de la famille n‟ayant jamais été inculpés, ni arrêtés, ni jugés. Les épouses de détenus ou d‟anciens détenus peuvent être contraintes à enlever le foulard et même à divorcer» (‘‘La Force de l‟obéissance: économie politique de la répression en Tunisie’’, éd. La Découvrte, Paris 2006). Ces pratiques, banalisées par l’exercice quotidien de la répression policière et administrative, visent surtout, selon Hibou, «la mise à l‟écart, l‟ostracisme et l‟exclusion, la mise à l‟épreuve, l‟exacerbation du sentiment de vanité de l‟engagement politique, et aussi la culpabilisation.» Les autorités recourent aussi à la méthode connue des services de renseignement qui consiste à infiltrer les partis de l’opposition et les associations réfractaires par une multitude d’éléments chargés d’espionner leurs dirigeants et de susciter en leur sein des querelles internes. Parfois, des militants sincères, mais lassés de poursuivre un combat dont ils ne voient plus l’issue, sont captés par ces mêmes services qui parviennent, moyennant menaces ou promesses, par les détourner de leurs voie, les débaucher et les transformer en de vulgaires indicateurs de police. Parfois, les éléments retournés sont utilisés pour constituer des groupuscules de soi-disant dissidents, en rupture de ban avec la direction du moment, et provoquer ainsi des scissions au sein du parti en question qui perd son temps et son énergie dans des querelles secondaires. Autre moyen utilisé par le régime: les procès iniques intentés par des personnes ou des entités qui lui sont inféodées contre les opposants les plus récalcitrants de manière à les condamner au silence et à l’inaction. Ces procès, interminables car toujours renvoyés aux calendes grecques, deviennent une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tel ou tel opposant pour l’empêcher de se mobiliser au service de son parti.

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