Daudet-Ninette

Page 121

Par contraste, des souvenirs lui revenaient de rentrées avec sa femme, certains soirs où sa pièce n’avait pas réussi. Comme elle lui en voulait alors, de quel mauvais rire elle souffletait l’œuvre et l’auteur ! Et ses méprisants haussements d’épaules pour l’espoir qu’il gardait encore ! Ensuite, au matin, quand les journaux arrivaient, dans ce tas de feuilles informées, hargneuses et perfides, comme elle allait à la pire pour lui signaler la ligne incisive, le passage blessant. Ah ! le mauvais compagnon de vie. Elle pouvait bien s’enlever aujourd’hui, applaudir son petit Fagan ; il se réjouissait de rentrer tout seul, son Fagan, libre sous les étoiles, et de penser qu’elle rageait sans doute du succès qui se préparait, incontesté, fructueux, tel qu’il n’en avait jamais eu de son temps. Quelques semaines après la représentation du Vaudeville, quand le nom de l’auteur s’étalait encore sur les porte-affiches et son portrait aux vitrines, les journaux annoncèrent le mariage en grande pompe à la mairie de la rue Drouot de M. La Posterolle, maître des requêtes au Conseil d’État, avec Mme Ravaut. Deux ministres assistaient le mari ; la femme, deux académiciens, dont l’un lui avait déjà servi de témoin à son premier mariage, quelque dix-huit ans auparavant. Toilettes et jolies femmes. Après la cérémonie, les 121


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.