Daudet-Ninette

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Havre et, musicien forcené comme mon mari, faisait partie du même quatuor. Aussi, tout en prononçant la séparation à mon profit, – et comment aurait-il pu juger autrement ? – il réserva au père le droit de diriger l’instruction de l’enfant, depuis l’âge de dix ans jusqu’à la fin de ses études... Maurice est près de les avoir, ses dix ans ; et à l’idée que j’allais le perdre, qu’on l’enfermerait loin de moi dans quelque lycée, mon cœur se déchirait... Et lui, le pauvre chéri, il en rêve, il en rêve de peur, toutes les nuits !... J’avais fait demander mon mari, avec l’espoir qu’il aurait pitié de notre petit martyr et me le laisserait à soigner, au-delà du temps convenu. D’abord, j’ai cru réussir quand j’ai vu son émotion, ce matin, osant à peine embrasser l’enfant qui dormait à demi-mort, tout blanc de son chloroforme... Le soir, il est revenu, il désirait passer la nuit dans le salon, pour garder Maurice, disait-il, au cas où je serais trop lasse. Il parlait si tendrement, jurait de me laisser mon fils aussi longtemps que je voudrais... C’était si bien rien qu’une voix de père... On lui a fait un lit ici, vous voyez ; moi, près de mon petit, la porte entrouverte... Et tout à coup, voilà que le misérable voulait... et que sans mon refus, ma résistance furieuse... – Lâche ! » s’écria Fagan, les lèvres blêmes. Mais son indignation à elle le rassura. 109


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