Bazin-terre

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Le retour de Driot « Notre Driot va revenir ! » Pendant quinze jours, la Fromentière vécut de ces mots-là. Le travail avait repris, dès le lendemain du malheur. Un valet de ferme, que le père avait embauché à Saint-Jean-de-Monts, un grand tout sec, tout en jambes et les hanches aussi plates que les joues, remplaçait Jean Nesmy, et couchait dans la chambre au bout de l’étable. Marie-Rose faisait à elle seule l’ouvrage que les deux sœurs se partageaient autrefois : le ménage, la cuisine, le beurre, le pain. Elle se levait plus tôt, et s’endormait plus tard. Sous sa coiffe, elle avait toujours quelque idée qui l’empêchait de songer au passé, et elle montrait, en toute chose, l’activité silencieuse que le métayer avait aimée chez la vieille Luminette. Mathurin, lui-même, s’était offert à panser les « agrouts », c’est-à-dire la bande de dindons et de canards, à demi sauvages, qui relevaient de la Fromentière. Chaque matin, il se traînait, portant un sac en bandoulière, jusqu’au bord du premier fossé du Marais. Là, dans l’eau peu profonde, à l’endroit le plus large où étaient attachées les deux yoles de la métairie, il jetait sa charge de mauvais blé 122


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