Achard-soldat

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– Et soyez tranquille, ajouta-t-il, vous aurez votre part des expéditions de nuit. Un soir, en effet, le bataillon prit les armes tout à coup. Il pouvait être dix heures. Il faisait une nuit claire. C’était le temps où l’on avait abandonné un peu lestement le plateau d’Avron en y laissant des masses de munitions, ce même plateau dont la possession devait porter un coup funeste à l’armée prussienne, – après avoir rempli de joie le cœur des Parisiens, si prompt aux espérances. Tout en marchant, on cherchait à deviner quel motif nous avait fait mettre sac au dos ; mais un flair particulier anime le soldat dans ces sortes d’occasions et lui fait tout comprendre sans qu’on lui ait rien dit. Certains obus arrivaient depuis quelque temps qui nous gênaient et nous inquiétaient. D’où venaient-ils ? On eut bientôt dans la compagnie le sentiment qu’on nous envoyait à la découverte de la batterie mystérieuse qui les tirait ; on savait en outre que toute la brigade devait sortir. Malassise abandonné, on piqua droit vers le fort de Rosny, sur lequel pleuvaient les obus ; on en voyait passer par douzaines comme d’énormes étoiles filantes. C’était la plus jolie des illuminations : c’était parmi nous une affaire d’amour-propre de ne plus y prendre garde ; mais tous n’y réussissaient pas malgré une 183


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