JUNKPAGE#42 — FÉVRIER 2017

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© Gene Merritt

Le musée de la Création Franche accueille ce mois-ci deux expositions monographiques dédiées à l’Américain Gene Merritt et à l’Australien Andrew Rizgalla qui ont en commun la fabrique d’univers parallèles imprégnés d’intemporalité : celle des vedettes pour l’un, celle des temps mythiques pour le second.

RÉALITÉS ALTERNATIVES Près de quarante ans les séparent sans compter une bonne flopée de miles. Gene Merritt est né en 1936 à Columbia en Caroline du Sud. Ses premières années sont burinées de noirceur : des parents alcooliques et violents, d’irréversibles lésions cérébrales acquises à cinq ans à la suite d’une pneumonie. Après le suicide de sa mère, l’adolescent s’établit à Fort Mill avec son père, vaque de petit boulot en petit boulot et passe une bonne partie de ses soirées à boire en compagnie de son paternel. À la mort de celui-ci en 1972, Gene Merritt est placé sous la tutelle des services sociaux. Pendant un temps, sa maison se matérialise dans une petite caravane campée dans la cour d’une famille d’accueil qui ne se soucie guère de sa clochardisation malgré les rétributions financières dont elle tire profit. C’est durant cette période qu’il se met à dessiner au stylo-bille et objective ainsi ce lieu de plénitude comme en témoigne sa réponse donnée lors d’un entretien réalisé en 1997. « Êtes-vous heureux, Gene Merritt ? Je dois l’être. Je n’ai pas d’autre endroit où aller. » De la sorte, Gene Merritt abreuve des feuilles de visages de vedettes issues du monde de la télévision, du cinéma ou de la musique populaire dans un langage graphique tout à fait particulier. Exécutés de mémoire, ses portraits se composent de fragments, de parcelles servant l’« assemblage des pièces d’un puzzle » comme l’avance lui-même Merritt. Accompagnées systématiquement d’une légende révélant l’identité de la personne représentée, la date d’achèvement et son autographe (« Gene’s Art’s Inc’s »), les créations embrassent une myriade de personnalités. On croise l’acteur

James Dean, James Garner (La Grande Évasion), Billie the Kid, Errol Flynn grimé en Robin des Bois, George Gobel, James Cagney, Patrick Stewart, Jerry Seinfeld mais aussi le restaurateur, entrepreneur et philanthrope américain Colonel Sanders, Chuck Norris, Abraham Lincoln, John F. Kennedy, Boy George, Bill Clinton, John McEnroe ou encore Bruce Willis, Mister T, Godzilla et Christina Aguilera. Disparu en 2015, l’œuvre de cet outsider se partage de prestigieuses collections : du musée de l’Art Brut à Lausanne à l’American Folk Art Museum de New York, en passant par le High Museum of Art d’Atlanta en Georgie et bien sûr le musée de la Création Franche qui le célèbre ce mois-ci aux côtés d’Andrew Rizgalla. Ce natif de Melbourne passe une bonne part de son enfance dans la ferme de ses grands-parents au milieu des poules, des vaches et des chevaux, de plantes étranges (frangipaniers, hibiscus) et de fleurs. Un environnement qui influence grandement une pratique à la mine de plomb et au marqueur traversée par la nature, la densité, les cultes mystérieux et les motifs inspirés de l’Égypte ancienne. « Tout mon travail est basé sur une réalité alternative, (…) Un regard, un moment, un instantané d’une existence divine qui ne connaît pas de fin », signale l’Australien qui fêtera cette année ses quarante-deux printemps. Anna Maisonneuve « Le Juke-Box de Gene Merritt »,

du vendredi 3 février au dimanche 2 avril, musée de la Création Franche, Bègles.

www.musee-creationfranche.com


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