Journal JUNKPAGE N°08

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N’a qu’1 œil, l’association « qui cherche comment mettre en vie les livres » et qui fait depuis 1996 de l’édition d’ouvrages « pas tout à fait pareils et vraiment différents » ajoute à ses collections les Imageries : le projet d’un artiste en cartes postales.

ce A6

est une œuvre Conçu par Carole Lataste et son équipe, chaque numéro d’Imageries équivaut à l’espace précis (et détachable) d’exposition/expression d’un artiste invité. Ni catalogue raisonné ni fourretout : il s’agit d’une création spécifique, idée complète ou recherche que l’artiste/auteur décline en pages/cartes postales. Le lecteur manipulera l’objet comme il veut : en commissaire d’expo, il pourra organiser la sienne et accrocher ses cartes au mur, ou envoyer chaque image pour une correspondance artistique et, bien sûr, devenir collectionneur… La première série est inaugurée par trois artistes : Babeth Rambault, plasticienne, Olivier Specio, plasticienpeintre issu du street art, et Johanna Schipper, auteure de BD. Les prochaines Imageries sont déjà réservées à Régis Lejonc, Michel Herreria, les graphistes LoS MUCHoS, de la structure GUsto, avec leurs « villes & célébrités ». Avec chaque parution, un événement est organisé rue Bouquière, façon N’a qu’1 œil, c’està-dire vivant, ouvert, protéiforme, un peu dingue, et, selon les fois, ça se passe devant, derrière (ou carrément sur) la vitrine de leur bureau-boutique. Dans cette drôle de maison d’édition inventée en 1996, ils font des livres qui sont des actes artistiques, et vice versa. Quand Carole Lataste dit « le medium, on s’en fout », ça sonne d’abord comme un slogan bien amené. Pourtant, si on regarde tout ce qu’elle fait ou vend dans son espace librairie, on est d’accord : ici contenu/contenant/ action/création se frottent et s’emmêlent. Sophie Poirier Précisons qu’un recueil d’Imageries (entre 20 à 37 cartes postales) est édité à 500 exemplaires. Il est vendu sur place, également diffusé en France par R-Diffusion ; il n’y aura pas de réédition : La Barbe du Lotissement de Babeth Rambault, L’Élégance de ma Reine d’Olivier Specio, L’Œil livre de Johanna Schipper.. N’a qu’1 œil, 19, rue Bouquière, Bordeaux.

www.naqu1oeil.com

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JUNKPAGE 0 8 / décembre 2013 - janvier 2014

Même en amitié, la randonnée peut être mortelle. Les circonstances resteront obscures. Cayenne et ses légionnaires réservent bien des surprises. Parfois terrifiantes. Fred Léal secoue tout ça et en sort un livre forcément singulier.

CERTAINS L’APPELLENT

ASPARAGUS

Dans Selva !, son premier bouquin publié par P.O.L, récit éclaté d’un rite de table célèbre de la Légion étrangère, Fred Léal a « zappé une figure pourtant maîtresse de cette hum… Odyssée » : Jean-Charles Hérisson, dit Charlie, dit l’Asperge, donc Asparagus. Il nous ramène, pour corriger cet oubli, à cette période où il effectue son service militaire à Cayenne et tire le fil d’une amitié comme une pelote qui s’avère être un sac d’embrouilles où les coups partent dans tous les sens, les bons comme les mauvais, et les mauvais sont salement tragiques. Maurice Blanchot l’a fort justement souligné, l’amitié « passe par la reconnaissance de l’étrangeté commune qui ne nous permet pas de parler de nos amis, mais seulement de leur parler ». Fred Léal s’adresse ainsi à Charlie, ce « grand dadais gracieux, ouvert comme personne sur le monde » qui « ne cherchait pas la formule de la transmutation alchimique : le plomb devait rester du plomb ». Cette amitié se déploie dans le fond d’une marmite surchauffée par une tuerie entre légionnaires, les confessions sordides d’un psychopathe, les dommages collatéraux des codes inoxydables de baroudeurs bruts de décoffrage et la mort de l’aspirant Jean-Charles Hérisson des suites d’une forme de pneumonie particulièrement redoutable. Fred Léal emprunte à divers registres de la gravité et de la frivolité, et nous plonge dans une zone d’incertitude entre farce et drame, mesure et démesure. On navigue entre chien et loup. Le burlesque est source de confusion. Il provoque des béances dans la trame de la réalité. Mais cette déformation n’est pas basculement dans l’inconsistance. Au contraire, elle fonctionne comme un révélateur, au sens photographique du terme. L’enjeu, c’est de remplacer une forme rigide, contraignante, désormais inadaptée à la représentation du monde actuel, par une forme flexible, dynamique, plus conforme à la dislocation des repères et des cadres. La nécessité, c’est de démultiplier les modes de perception et d’élargir les potentialités du récit. Il s’agit de se mettre dans le sillage d’une narration en mutation, en mouvement, et Fred Léal apporte, avec ce livre vivifiant et entêtant, toute la virtuosité et l’efficacité nécessaires à un tel exercice. Didier Arnaudet Asparagus, Fred Léal, P.O.L.

© POA Plume

LIBER

Pour le troisième opus d’Auguste Derrière, ses découvreurs (les graphistes bordelais de la Maison PoaPlume qui sélectionnent ses bons mots et autres jeux d’humour pour en faire des livres) ont encore choisi un titre malicieux.

les mites

n’aiment pas les légendes Largement à la hauteur des deux précédents, Les fourmis n’aiment pas le flamenco et Les moustiques n’aiment pas les applaudissements, ce nouveau volume toujours bien fourni en dictons, proverbes, maximes, aphorismes et autres réclames oubliées s’est étoffé d’une enquête sur son auteur, le mystérieux et désormais célèbre sieur Auguste Derrière, « fleuron de l’absurde et du jeu de mot laid ». On notera, dans cette investigation foisonnante, la participation exceptionnelle des Suisses les plus surréalistes de Suisse : Plonk et Replonk ! L’esthétique rétro de la mise en page (le facétieux Derrière vient tout droit du début du xxe siècle, dit-on) donnerait-elle du sérieux à ce qui n’en a pas ? On trouve, en tout cas, au fil des pages, toutes les sortes d’humour, et sans doute que le succès vient de cette variété à la gloire du nonsens. Dans les locaux de PoaPlume, avec la sortie du livre, Nadia Geyre, Vincent Falgueyret et Philippe Poirier savourent la belle aventure (« imprévisible ! »), mais du coup bossent beaucoup, beaucoup, beaucoup plus. Avec légèreté, esprit Derrière oblige, ils passent du graphisme à la mise en colis des commandes (la boutique en ligne pour acheter posters rieurs et plaques métal). S’ils s’étonnent de ce qui arrive, ils assument (à la place de) la gloire retrouvée d’Auguste : depuis deux ans, ils fournissent une réclame à Causette tous les mois, maintenant une page au magazine Clés, et les voilà même en séance de dédicace ! Signalons aussi la présence d’un éditeur bordelais dans cette histoire un peu folle : Le Castor astral, avec 30 000 exemplaires vendus depuis la première parution voilà quatre ans. « Ce Derrière est tout simplement énorme ! » entend-on déjà dans les librairies… SP Les mites n’aiment pas les légendes, Auguste Derrière, coédition Le Castor astral et

Maison PoaPlume. Dédicace le 15 décembre chez Mollat, Bordeaux. D’autres dates sur le site www.augustederriere.com et sur Facebook.


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