MARTIN SCHULZ 1928 VAN 1999 TREECK
A r c h i t e c t u r e : Espace ou Objet ? J u l e s E
N
S
A
C o r n o t P
B
2
0
1
9
Martin Schulz van Treeck (1928-1999) Architecture : Espace ou Objet ?
Mémoire de Master sous la direction de Marie-Jeanne Dumont, Françoise Fromonot et Mark Deming.
Jules Cornot, séminaire Faire de l’Histoire ENSAPB 2019
Merci tout d’abord à Paul Chemetov et à sa collaboratrice, Sibylle le Vot, pour l’entretien qu’ils ont pris le temps de m’accorder avec patience et passion Merci bien sûr à mes professeurs, Madame Dumont, Madame Fromonot et Monsieur Deming pour leurs conseils, leurs suivis et leur patience Merci à l’Institut Français de l’Architecture Merci aux Archives Nationales Merci à Antje Kalcher des archives de l’Universität der Künste de Berlin Merci à Jean Charlier du Centre Pompidou Merci à Estelle Thibault pour la conservation et le prêt de nombreux documents très précieux Merci à Aurélie Timsit des archives de Paris La Villette Merci à Elise Renard pour ses entretiens très précieux de François Loyer et d’Inge-Lise Weeke et la mise à disposition d’une partie de son corpus de recherche Merci à Christian Roisin pour l’envoi de son article sur le maquettoscope Merci à Jean-Louis Violeau et à ses recherches sur Mai 68 Merci au Conservatoire des mémoires étudiantes Merci à Xavier Villebrun Chef du service patrimoine de la ville de Laval Merci à Valérie Fesland, interprète franco-allemande, pour ses traductions éclairées Merci aux responsables de la bibliothèque de l’ENSA Paris Belleville Enfin, merci à mes proches pour leur soutien constant et leur confiance inébranlable
SOMMAIRE Avant-Propos 9 Introduction 14 BIOGRAPHIE Jeunesse à Berlin 18 Les horreurs de la guerre et l’effervescence de la reconstruction Les Beaux-Arts de Berlin 26 La culture Bauhaus et l’enseignement de Scharoun Le relatoscope 40 Outil de conception et de communication Chez Jean Ginsberg 66 Porte d’entrée sur le marché français Van Treeck enseignant 72 De l’Atelier Collégial 2 à la formation d’UP6 Atelier M. S. van Treeck 86 Une pratique vécue de l’architecture
PROJETS La Pierre Collinet 102 Grands ensembles & préfabrication à Meaux (1958-1963) Ashdod 108 Concours d’urbanisme Lauréat (1965-1966) Évry Ville Nouvelle 114 Les villes nouvelles et le Concours Évry 1 (1965-1974) Les Orgues de Flandre 152 Rénovation de l’îlot Riquet (1962-1980) Houilles 200 Concours pour la rénovation du centre-ville (1974) La Sirène 204 Projet de rénovation à Montargis (1974) Le Vaudreuil 212 Concours pour l’aménagement de la Ville Nouvelle (1974) Le centre Murat 216 Aménagement d’un nouveau centre urbain à Laval (1978-1982) Conclusion 218
ANNEXE Chronologie 226 Liste des projets 230 Iconographie 235 Bibliographie 246 Entretien 250
AVANT-PROPOS
Premier contact
Le choix de l’architecte Martin Schulz van Treeck s’est fait à la suite d’une succession d’interrogation autour de thèmes qui me tenaient à cœur. Mon parcours personnel m’a amené au cours de mes études d’architecture à me passionner pour des problématiques tournant autour du logement. Lors de mon échange universitaire de 6 mois au Japon, je me suis beaucoup intéressé au mouvement métaboliste ayant pris pour direction, une recherche sur un habitat minimal, standardisé et préfabriqué dans les années 70. La présentation de la Nakagin capsule tower à l’exposition The Japanese House, architecture and Life after 1945 mise en place l’été 2017 au musée national d’art moderne de Tokyo par les ateliers Bow-Wow1 m’avait particulièrement marquée. On pouvait ainsi y admirer le travail remarquable entrepris par l’architecte Kisho Kurokawa en 1972 pour ce complexe de 140 appartements ‘capsules’ usinés et montés en atelier puis installés autour de deux plots de circulations verticales en béton dans un quartier commercial de Tokyo, Ginza. À mon retour du Japon, c’est en me baladant dans le XIXe arrondissement en décembre 2017 et en traversant les Orgues de Flandre que j’y vis quelque chose de la pensée métaboliste qui m’interpella. Mon premier contact avec Martin Schulz van Treeck s’était fait en 2015, à la découverte de la série de photos sur les Orgues de Flandre de Laurent Kronental Souvenir d’un Futur. Par la suite, je n’ai cessé de remarquer combien ce bâtiment singulier avait été pour certains le support d’un imaginaire. Relayé dans tous les formats, clips de musiques, photographies d’architecture, décor pour shooting de mode, campagne de publicité, décor de film, illustrations et dans tous types de médias et réseaux, le bâtiment m’apparaissait comme le symbole d’une époque et pourtant il semblait exister une grande zone d’ombre concernant son concepteur. Mes premières recherches firent apparaître de nouvelles interrogations, et le 1. Agence d’architecture japonaise située à Tokyo, et fondée par Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kajima en 1992. 9
« C’est marrant, quand je suis triste, je trouve que c’est moche. Quand je vais bien, je trouve ça super beau » Christine (Hélène de Fougerolles en contemplant d’un toit le quartier et les Orgues de Flandres.
smée n fanta
3:27
019 à 2
16/03/2
6 1
7
2
3
8 4 9
5
1 Film : Cédric Klapisch, Le Péril jeune, 1994 2 Photomontage : Campagne de pub de la marque Ixbarix, mai 2018 3 Shooting photo : Yaniv Edry pour Mixte Magazine, mars 2017 4 Photographie : Laurent Kronental, Souvenir d’un Futur, 2011-2015 5 Clip de musique : Vladimir Cauchemar, Aulos, Label ©Ed Banger Records, 2017 Artwork d’Alice Kunisue 6 Installation pour l’exposition Point d’Orgues: Marine Kulesza, Clichés urbain, 2017
11
10
12
nane, Ichon et Muddy Monk, Le Code, Label ©Animal 63, 2017 10 Roman : Maurice Cury, Les Orgues de Flandre, E.C Editions, 1997 11 Maquette en kit : Zupagrafika, PARIS BRUT, 2016 12 Photographie d’architecture :@_di_ma Digital Images of Modern/ist Architecture, @_ba_cu Bureau for Art & Urban Research, mai 2018.
Une sélection de documents vidéos est à re-
trouver sur youtube dans la playlist MSVT.org à l’aide du QR Code suivant :
7 Carte : Robin Wilson et Nigel Green, Editions Bluecrowmedia, Carte Paris Brutaliste, 2017 8 Photographie de Robert Doisneau, Les Orgues en construction, 1975 9 Clip de musique : Myth Syzer, Bonnie Ba-
12
Sinon veuillez copier le lien suivant: https://www.youtube. com/playlist?list=PLtfVAucYlUnvbfbLI29LjmZO3XVKbI9DB&disable_polymer=true
manque d’information sur son architecte2 me laissèrent rapidement supposer qu’il y aurait quelque chose à creuser de son côté. M’intéresser à l’architecte Martin Schulz van Treeck a vite été le prétexte pour m’intéresser à de nombreux thèmes qui gravitaient autour de cette personnalité plutôt méconnue du grand public et plus j’en appris sur lui, plus l’intérêt du sujet se révélait à moi. Entamant mes recherches en Janvier 2018, en parallèle d’un stage dans l’agence Ciguë3, j’eus l’un des derniers rendez-vous aux archives de l’IFA, fin avril 20184. Celles-ci qui ne détenaient que peu de documents (en tout et pour tout, un CV, un portfolio, quelques articles de revue découpées et quelques photos de projets), ne m’apprirent que peu de choses concernant l’architecte Martin Schulz Van Treeck. Je compris rapidement que ce travail à caractère monographique allait avant tout avoir pour vocation d’inventorier et de compiler une partie de l’œuvre de l’architecte afin que dans un second temps je puisse en faire l’analyse plus détaillée et la synthèse. À la manière d’un puzzle, d’Avril 2018 à avril 2019, le jeu de ce mémoire fut la reconstitution du portrait d’un architecte et de son environnement direct. Ce mémoire consista donc en partie à inventorier un maximum de documents afin de réaliser un fond d’archive Van Treeck aussi complet que possible.
2. Sur Wikipédia, l’architecte n’a alors aucune notice, d’autres sites plus spécialisés n’offrent qu’une description très partielle de l’architecte. Son nom lui-même est mal orthographié Schultz, Shulz, Trek ou Treek ce qui ne facilite pas la prospection. Une recherche plus approfondie semblait être à mener. 3. Ciguë est un studio d’architecture basé à Montreuil. Une trentaine de collaborateurs travaille sur des projets à travers le monde dans les domaines de la culture, du commerce et de l’habitat. 4. Le Centre d’archives d’architecture du XXe siècle crée par l’IFA, Institut français d’architecture, a lancé un grand chantier de rénovation le 1er mai 2018. La durée des travaux est estimée à un an. 13
INTRODUCTION
Démarche de recherche
S’intéresser à l’architecte Martin Schulz van Treeck permet de passer en revue les nombreux enjeux qui se sont succédés de son temps. Finalement, l’intérêt éprouvé pour Van Treeck, s’élargi vite à l’intérêt porté aux contextes complexes et variés qu’il a pu traverser depuis sa naissance en 1928 à Berlin, jusqu’à sa mort en 1999. Le choix du titre a évolué plusieurs fois avant d’arriver à sa forme actuelle. Dans un premier temps, ‘‘Martin Schulz van Treeck dans le processus de densification du logement en ville’’, me paraissait idéal pour illustrer ma démarche qui tentait en permanence de parler de cette ouverture constante du personnage vers des thèmes qui lui étaient liés. Le titre est ensuite devenu ‘‘Martin Schulz van Treeck, une architecture vécue’’. Ce titre permettait de mettre en avant la recherche d’une théorie, du moins d’une manière de penser mais me paraissait trop de l’ordre de l’interprétation. C’est pourquoi le titre final reprend le titre d’un article manifeste5 écrit en 1975, au pic de sa carrière: ‘‘Martin Schulz van Treeck (19281999) Architecture : espace ou objet ?’’ La précision de ses dates de naissance et de mort situent le personnage dans le temps. Le titre sous forme de question m’a paru particulièrement accrocheur, c’est pourquoi j’ai souhaité le conserver. Le travail monographique oblige ainsi une mise en perspective constante des acteurs, des enjeux de l’époque traitée et étend les recherches sur de nombreux thèmes ayant eu un lien avec l’architecte. En cela, faire la monographie de Van Treeck fut le bon prétexte pour s’intéresser aux enseignements du Bauhaus auxquelles il est initié aux beaux-arts de Berlin, à son relatoscope instrument non sans conséquence sur sa manière de concevoir l’architecture, à l’agence de Jean Ginsberg chez qui il travaille lorsqu’il arrive en France, à ses publications dans diverses revues, à la place qu’il tiendra dans la formation d’UP 6, actuelle école de Paris la Villette et aussi à travers ses projets, à sa collaboration avec RBTA (Ricardo 5. Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet ?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.49-56 14
Bofill, Taller de Arquitectura) et les AUA (Atelier d’Urbanisme et d’Architecture) pour le concours d’Évry ville nouvelle et le jeu d’expérimentation et d’aller-retour entre la naissance d’une théorie personnelle, et sa mise en pratique sur le chantier des Orgues de Flandre. C’est pourquoi, cette rigueur à appréhender le personnage par les contextes qui l’ont entouré, a engagé une certaine stratégie pour structurer le contenu de ces recherches. La monographie a été traitée de manière chronologique. Cependant, deux grandes parties hiérarchisent le travail : la première peut être vue comme une biographie, parlant de l’architecte, de ses influences et de sa manière de concevoir ; puis la seconde, traite plus en détail un certain nombre de projets importants, décrivant à l’aide des documents mis à disposition, une partie de l’œuvre de l’architecte. La documentation étant plus riches sur les projets d’Évry ville nouvelle et des Orgues de Flandre, ces parties seront particulièrement développées. Un soin important a été accordé à la mise en page de ce mémoire. Le sujet offrant une iconographie riche et peu connue, le travail de maquette sur ce mémoire fut un projet en soi. Certaines pages, sont volontairement voyantes et colorées afin de faciliter le repérage du lecteur. Les couleurs et compositions personnelles s’inspirent plus ou moins d’une esthétique liée à la culture Bauhaus et cherchent à évoquer les parties par des symboles: la frise pour la partie biographie, une accumulation d’éléments pour celle des projets et enfin une compilation d’informations pour la partie annexe. La richesse iconographique a naturellement poussé la mise en parallèle d’une page de texte et de ses illustrations de manière quasi systématique.
15
Biographi
JEUNESSE À BERLIN Les horreurs de la guerre et l’effervescence de la reconstruction Martin Schulz van Treeck naît le 16 novembre 1928 à Berlin6 où il passe son enfance et adolescence. Les écoles qu’il fréquente de 1935 à 1948 se trouve dans l’arrondissement de Tempelhof7 D’origines juives, ses parents Alfred et Erna (née Brauer) Schulz van Treeck, le poussent pour le protéger, à s’engager volontairement dans le parti nazi. Dès ses douze ans, il intègre les jeunesses hitlériennes et d’après le récit qu’il tient à son ami et collaborateur François Loyer8: ‘‘sa jeunesse est marquée par les horreurs de la guerre. Il vit dans un climat de violence perpétuelle et est confronté à la misère et aux bombardements. Ces images le marquent à vie’’. En 1945, à ses dix-sept ans, il participe à la Bataille de Berlin qui constitue la dernière bataille terrestre en Europe. Lancée par les Soviétiques qui souhaitent s’emparer de la ville avant les américains, elle s’achève par la reddition des derniers soldats allemands de la garnison de Berlin le 2 mai 1945. La défaite est pour lui une désillusion. Bien qu’imprégné de la culture prussienne, en assistant à la chute du troisième Reich, c’est sa confiance en l’Allemagne qui est ébranlée.
fig.1 Photographie, Deux B17 (avions américains) larguent des bombes sur Berlin, 1944 (alamy stock photo)
6. IFA Dossier 133 cote 244/3 CV Book 7. Archives Universität der Künste, Berlin, Document 16_Abschlussprüfungen So 1957, Curriculum vitae 8. Elise Renard, entretien avec François Loyer dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 19
À la suite de cette bataille, il est fait prisonnier aux côtés de 480 000 autres soldats allemands et est emmené dans un camp russe. À sa surprise, il reçoit de meilleures conditions d’emprisonnement que ce qui lui avait été décrit par la propagande nazie. Le plutôt bon traitement des soviétiques à son égard lui font se rendre compte de l’embrigadement qu’il a subi pendant ses années de jeunesse et c’est désabusé qu’il revient auprès des siens à sa libération.
fig.2 1945, Berlin, Vue aérienne de la Porte de Brandebourg après les combats. (ww2gallery, Flickr)
Au sortir de ces années sombres, il retourne habiter chez son père qui vit à Berlin Ouest. Ce dernier est médecin et enseigne de l’autre côté du mur, à Berlin Est. Il franchit ainsi le rideau de fer tous les jours afin de garantir à sa famille de meilleures conditions de vie. Au lendemain de la guerre, à Berlin les allemands emploient l’expression ‘Stunde null’ pour parler d’heure zéro pour la ville. Près de la moitié de la capitale est détruite et dans le centre c’est 70% des bâtiments qui sont à reconstruire. La ville manque de tout et ici, plus qu’ailleurs la question de la reconstruction est problématique. En effet, la ville, comme l’Allemagne est découpée en 4 secteurs d’occupation (français, britannique, américain et soviétique). Elle est enclavée dans la zone soviétique de l’Allemagne mais il est dans un premier temps question de diriger la ville conjointement.
fig.3 Les “Trümmerfrauen”, ces ‘femmes des ruines’ qui ont participé à la reconstruction (Capture écran du document audiovisuel Berlin en juillet 1945, Kronos Media)
Comme dans toute reconstruction, la problématique à laquelle tentent de répondre les architectes est de savoir s’il faut reconstruire à l’identique, c’est à dire revenir à un état antérieur de la ville, ou voir de la 21
reconstruction l’opportunité de repartir sur une base nouvelle, et voir la ville d’un regard neuf.
fig.4 Hans Scharoun, Kollektivplan, 1946 traduit: ‘Proposition du collectif de planification du service de la construction et du logement’, la plus grosse hachure correspond aux zones de travail et les hachures fines aux zones résidentielles. (Carte retouchée, extraite de: Sebastian Schmidt, Global history of global cities, MIT architecture, octobre 2016)
fig.5 Hans Scharoun, Kollektivplan, 1946 (Technische Universität Berlin, Vorlesung Baugeschichte, Wiederaufbau 6 juli 2010) 1 Zones de travail / 2 Zones résidentielles / 3 anciennes zones industrielles / 4 Zone des administrations / 5 Zone du musée et de la rue ‘‘Unter den Linden’’
L’architecte Hans Scharoun est choisi par les soviétiques en 1946 pour diriger le Berliner Kollektiv, qui est en quelque sorte un service d’urbanisme chargé de penser la reconstruction de la ville (tous secteurs confondus). Dans l’ensemble, ces architectes et urbanistes veulent plutôt reconstruire la ville selon les principes d’une ville moderne. Proche des théories du Bauhaus d’avant-guerre, Scharoun présente dès 1946 un plan de reconstruction commun à toute la ville, le kollektivplan. Celui-ci oriente la reconstruction selon les principes de la charte d’Athènes9 qui dans une recherche rationnel propose de répartir les espaces urbains selon quatre ‘‘fonctions’’ (la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures de transports), de dissocier le bâti de la voirie, privilégier les constructions verticales afin de laisser la place aux espaces verts, d’implanter les équipements à proximité des habitations et de limiter le temps de transports en séparant les zones industrielles par de la verdure sans trop les éloigner. Scharoun interprète cependant ces règles en préconisant un plan plus organique que ceux du Corbusier en adaptant les fonctions aux tracés de Berlin. Dans un contexte de reconstruction, Van Treeck développe un intérêt pour l’effervescence ambiante et décide d’entrer à l’École des Beaux-Arts10 de Berlin au tournant des années 1950. 9. Document rédigé lors du CIAM 4, congrès international d’architecture moderne, tenu à Athènes en 1933 sous la direction de Le Corbusier. La charte est publiée en 1941 sous le titre ‘‘la ville fonctionnelle’’. 10. IFA Dossier 133 cote 244/3 CV Book 23
Les Beaux-Arts de Berlin
La culture Bauhaus et l’enseignement de Scharoun À la suite de son examen de fin d’étude à la Marie Curie Schule le 19 juin 194811 Van Treeck est admis à l’École Supérieure des Beaux Arts de Berlin (Staatliche Hochschule für Bildende Künste12) où il est d’abord formé à l’ébénisterie jusqu’en février 1950 puis passe apprenti aux ateliers de Zehlendorf13. Il commence ses études au département d’architecture en octobre 1950 (semestre d’hiver 1950/1951) et quittera finalement l’école l’été 1957. Il obtient un premier diplôme de ‘Werkarchitekt’ en 1953 à la suite de l’‘Abschlussprüfung’ (examen final) qui lui aurait permis de travailler en tant qu’architecte de travaux. Il poursuit cependant ses études jusqu’en 1957 où il obtient le diplôme d’ ‘Architekt HBK’. La Staatlichen Hochschule für Bildende Künste est une institution qui remonte historiquement à 1696. Créée par Kurfürst Friedrich III, elle est issue du développement successif de l’académie de Kurfürstliche Academie der Mahler-Bildhauer- und Architectur-Kunst, Académie de peinture, d’image et d’architecture. Afin de répondre aux exigences croissantes, elle devient l’Académie Royale des Beaux-Arts en 1875 et suit les directives du peintre Anton von Wer-
fig.6 Photographie de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Berlin, au niveau de la Hardenbergstraße, vers 1928 (Gustav Hilbert, Scan des archives familliales de la famille Hilbert)
11. Archives Van Treeck de l’UdK Berlin, Universität der Künste Berlin, 16_II_3255, Fragebogen (questionnaire) 12. Entretien par mail avec Antje Kalcher des archives de l’UdK 13. Archives Van Treeck de l’UdK Berlin, 16_Abschlussprüfungen So 1957, Curriculum vitae. Le CV de Van Treeck manuscrit est difficile à déchiffrer, la lecture du mot ‘Zehlendorf ’ est faite d’après la traduction de Valérie Fesland, interprète franco-allemande 25
ner14. En 1924, l’académie fusionne avec la deuxième grande école d’art de Berlin, la Unterrichtsanstalt des Preußischen Kunstgewerbemuseum, une école pour les arts appliqués. En 1938 l’école prend le nom de Staatliche Hochschule für Bildende Künste,École Supérieure des Beaux Arts de Berlin. En 1975, notamment pour des raisons budgétaires, la Hochschule für bildende Künste (École supérieure des Beaux-Arts) et la Staatlichen Hochschule für Musik und darstellende Kunst (École Nationale de musique et de théâtre) fusionnent pour donner naissance à l’actuelle Universität der Künste Berlin (Université des arts de Berlin)15.
fig.7 Fiche de notation de l’examen final pour le diplôme d’architecte HBK, en haut à droite, une photo d’identité de Van Treeck jeune (Archives Van Treeck de l’UdK Berlin, Universität der Künste Berlin, 16_Abschlussprüfungen So 1957, Prüfungsprotokoll)
À l’École Supérieure des Beaux Arts de Berlin, Van Treeck passe d’abord deux ans en ébénisterie avant de s’orienter vers l’architecture. À cette époque, l’architecture est transmise par le biais d’un séminaire de conception et de construction (‘Entwurfs- und Bauseminar’) mené par une dizaine de professeurs. Van Treeck a d’abord pour professeur Ernst Leowald avant d’arriver dans le séminaire de Willi Claus. Bien que ces séminaires se veulent centraux, les étudiants sont aussi amenés à suivre divers cours magistraux ainsi qu’à répondre à différents exercices sur des sujets variés. La plaquette ‘Organisation der architektur-abteilung’,16 Organisation du département d’Architecture, de 1953, donne un bon aperçu de ce qu’était l’Architecture telle qu’elle était enseignée à cette période. On peut y lire qu’après avoir passé un semestre d’essai, les étudiants suivent deux cursus successifs qu’ils doivent 14. Anton von Werner (1843-1915), peintre prussien spécialisé dans les scènes historiques 15. Entretien par mail avec Antje Kalcher des archives de l’UdK 16. Archives Van Treeck de l’UdK Berlin, Organisation der architektur-abteilung, BrochureHfBK, 1953 27
fig.8 Les ‘‘tableaux tactiles’’ de Johannes ltten sont l’un des aspects les plus personnels de son enseignement, orienté vers l’expérience de la sensation. Ce relief a été réalisé par Willi Dieckmann dans son atelier en 1922: de telles compositions développaient la sensibilité des étudiants pour les textures et les qualités des différents matériaux, dont l’intensité se mesurait à la fois visuellement et tactilement. (M.S. Van Treeck et F. Loyer, Bauhaus, L’ŒIL 162-163, pp.18, Juin-Juillet 1968)
fig.9 ltten ne faisait pas faire seulement à ses élèves des exercices analytiques d’appréciation des qualités sensorielles des matériaux; il cherchait aussi à développer leur créativité par des exercices d’expression comme ce grand dessin au fusain: d’un mouvement ininterrompu, plus ou moins appuyé, se dégagent des temps forts et des temps faibles qui sont de ‘‘proportions subjectives’’, strictement individuelles.(M.S. Van Treeck et F. Loyer, Bauhaus, L’ŒIL 162-163, pp.19, Juin-Juillet 1968)
valider par examen final : dans un premier temps le ‘werkachitekten prüfung’ puis un second pour obtenir le diplôme d’ ‘Architekt HBK Berlin’. L’organisation des séminaires réunit, sous l’encadrement d’un professeurs, des étudiants de toutes années confondues. Ces derniers de différentes promotions se réunissent ainsi en petits groupes afin de réfléchir ensemble sur différentes problématiques. Outre l’indistinction hiérarchique permettant de favoriser des échanges verticaux au sein d’un même atelier, il existe une stratification horizontale où chaque promotion suit son propre programme d’un semestre à l’autre. L’enseignement tel qu’il est transmis dans les années 1950s aux Beaux Arts de Berlin s’inspire de la culture Bauhaus. Formé sur l’inversion des syllabes du mot ‘hausbau’ qui signifie la construction de la maison, le mot Bauhaus signifie littéralement une maison pour la construction. L’enseignement dont hérite Van Treeck, cherche à faire de l’étudiant ‘‘un homme complet, conscient de ses moyens non seulement intellectuels, mais créatifs; un homme qui n’ait pas été déformé par une méthode contraignante d’enseignement; un homme, en bref, dont toutes les qualités, dont tous les talents soient identiquement développés et accomplis.’’17 Les inspirateurs du Bauhaus cherchent à réconcilier les arts, l’artisanat traditionnel et les processus industriels. En 1968, Van Treeck revient sur le Bauhaus pour le numéro 162-163 de la revue L’Œil à l’occasion d’un article sur l’exposition de Stuttgart célébrant le cinquantième anniversaire ‘‘de la fameuse 17. M.S. Van Treeck et F. Loyer, Bauhaus, L’ŒIL 162-163, p.14-23, Juin-Juillet 1968 29
fig.10 Pour l’apprentissage des volumes, Josef Albers faisait faire des découpages en papier. L’étudiant avait pour seul droit le dépliage de sa forme à angle droit. Ici la série des cercles concentriques s’entrecroise sur deux plans perpendiculaires (le troisième plan est laissé libre, à l’appréciation de chacun).(M.S. Van Treeck et F. Loyer, Bauhaus, L’ŒIL 162-163, pp.19, Juin-Juillet 1968)
fig.11 Atelier de Lazslo Moholy-Nagy: Mobile en suspens. Bois et plexiglas. La démarche suivie par Laszlo Moholy-Nagy dans son enseignement était à l’inverse de celle de Albers, dont elle était complémentaire: à partir de matériaux divers, il fallait constituer un organisme cohérent où les possibilités de chacun de ces matériaux soient complètement exploitées. Mobiles et sculptures en suspens ne se trouvaient donc pas seulement en équilibre mais aussi en tension, jusqu’à la limite d’élasticité ou de rupture des matériaux. (M.S. Van Treeck et F. Loyer, Bauhaus, L’ŒIL 162-163, pp.19, Juin-Juillet 1968)
école d’art aux méthodes révolutionnaires’’18. Cet article est particulièrement intéressant car il y expose les théories qu’il a reçu étudiant et qui influenceront plus tard son travail d’architecte et sa manière d’enseigner. Il s’attarde particulièrement sur l’Atelier de Laszlo Moholy-Nagy qui peut surement être rapproché de la pédagogie transmise aux Beaux-Arts de Berlin. Moholy-Nagy décrit une volonté de : ‘‘rétablir chez les étudiants des facultés d’expression négligées par l’éducation: expression visuelle, par le dessin, expression tactile par l’étude des matières, sentiment de I’espace et des volumes, expression corporelle par la danse et le ballet’’. Un exercice auquel se prêtaient ses étudiants consistaient à faire l’analyse précise de formes abstraites issues de la nature telles que des géométries cristallines ou végétales. L’étude de matériaux, de couleurs, et de textures aboutissaient à l’élaboration d’un objet ‘‘parfait’’, composition de lignes, plans, surfaces et volumes, mais aussi résultat de l’étude de leurs associations. Plusieurs sources19 confirment que van Treeck passe la fin de ses études avec Hans Scharoun. (cf. pp.25) auprès duquel il sera diplômé en 1957. Hans Scharoun n’ayant, semble-t-il, pas enseigné aux Beaux-Arts20 mais à l’Université Technique, la ‘Technische Universität Berlin’ qui se trouve à proximité, il est probable que Van treeck y ait étudié et qu’il y ait passé son diplôme. 18. Ibidem 19. Elise Renard, entretien avec François Loyer dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 / Sass Wolf Berlin, Modell-bertrachtung und-fotographie mit dem Relatoskop nach Schulz van Treeck, 1957 20. Entretien par mail avec Antje Kalcher des archives de l’UdK 31
Hans Scharoun (1893-1972) est un architecte fonctionnaliste et organique. S’opposant à l’architecture dite ‘‘de façade’’, il prône un processus où le projet est pensé de l’intérieur vers l’extérieur et où la forme du bâtiment est la résultante d’une volonté à ce que le bâtiment remplisse sa fonction de la manière la plus efficace. La dimension organique de Scharoun se traduit par une vision cinétique/dynamique du projet. Ainsi l’homme est en relation avec l’espace qui l’entoure, ce dernier variant en fonction du temps et de l’individu qui le parcourt. La vision du spectateur n’est pas statique et ne peut être résumée par une simple perspective car elle est spatio-temporelle. Il est intéressant de reconnaître combien Van Treeck semble avoir adopté cette manière de projeter et semble se l’être faite sienne avec la création de son relatoscope (cf pp.37). Scharoun qui utilise le relatoscope dans sa maquette de la Philharmonie pour un article de 1957 montre sans doute que ce dernier a aidé à l’amélioration du dispositif et à son développement théorique.
fig.12 Photographie d’Hans Scharoun devant la maquette du projet de concours du Kulturforum de Berlin dont la construction était prévu pour 1957, la même année que le diplôme de Van Treeck (Hans Scharoun, Bildarchiv, 1957)
Du projet de diplôme de Van Treeck il ne reste que quelques photographies de maquette (fig.13). Rien en ce qui concerne le sujet, le programme le site ne semble avoir été conservé. Cependant, le plan fonctionnaliste permet théoriquement une lecture du projet par sa morphologie, celle-ci s’adaptant de manière optimale au programme mis à l’étude. Il est ainsi intéressant de remarquer la présence d’un plongeoir et de gradins autour de ce qui semble être un point d’eau, on peut imaginer que cette partie du projet est une piscine. La présence d’une piscine implique nécessairement des équipements sanitaires adaptés comme 33
A
B
C
A
B
fig.13 Martin S. Van Treeck, photographies de maquette du projet de diplôme. À gauche vues du dessus (points de vues du relatoscope placés par mes soins). À droite, 3 photographies A, B et C prises au relatoscope.(Archives van Treeck, diapositives, E. Thibault)
C 35
des vestiaires, des toilettes ou des douches... Ceux-ci sont peut être concentrés en sous-sol dans l’abaissement visible entre les deux plans d’eau, ou peut être sont-ils intégrés dans une partie du bâtiment visible frontalement sur la vue A. Le corps principal du bâtiment (vue C) qui forme six redents en peigne orientés sur la piscine semble concentrer la majorité du programme construit. Par extrapolation, plusieurs cas de figures semblent probants : complexe sportif ou hôtelier, campus universitaire ou combinaison d’équipements, limité par la seule analyse morphologique, nombreuses semblent être les possibilités de programmes. Néanmoins le travail au relatoscope permet de mettre en avant l’intention particulière appliquée aux circulations. Celles-ci aux lignes organiques, lient les deux bâtiments aux formes fragmentées par une passerelle continue d’un bout à l’autre du projet.
fig.14 Photographie de maquette, Projet de Hans Scharoun pour les Entretiens de Darmstadt, 1951. (EM2N) fig.15 Plan, Projet de Hans Scharoun pour les Entretiens de Darmstadt, 1951. 1.Classes des plus petits 2.Classes des moyens 3.Classes des plus âgés 4.Halle Commune 9.Salle d’assemblée 10. Bibliothèque 15.Gymnase 17.Observatoire 20, 21 Jardins (G. Hatje, Neue deutsche Architektur, Stuttgart, 1956, pp. 79)
Pour aller plus loin, en regardant certains projets de Scharoun il semble possible de faire une analogie entre le projet d’école primaire réalisé dans le cadre des entretiens de Darmstadt en 1951, et le projet de diplôme de Van Treeck de 1957. Le colloque ayant pour thème ‘‘l’Homme et l’espace’’ Scharoun imagine l’école comme un lieu de socialisation adoptant un système semblable à un organisme urbain. La fragmentation met en avant l’indépendance de chaque entité. Chaque typologie assumant un programme défini est liée grâce à une artère centrale, qui permet d’assurer la rencontre de ses usagers par un parcours linéaire continu analogue au projet de Van Treeck. 37
LE RELATOSCOPE
Outil de conception et de communication Le père de Van Treeck n’est autre qu’Alfred Schulz van Treeck21, un médecin allemand et l’un des pionniers de l’oto-endoscopie. Aux côtés de Carl Otto von Eicken, il améliore l’otoscope, un instrument médical permettant l’inspection du conduit auditif externe et du tympan. Le père de Martin travailla dans un premier temps à la clinique ORL de la Charité (‘Klinik der Charité’) de Berlin en tant que dessinateur et photographe du sujet. Apprécié de son professeur Carl Otto von Eicken, il obtient son doctorat en 1936 sur la photographie du tympan, puis en 1940, publie avec ce dernier ‘Atlas der Hals-, Nasen-, Ohrenkrankheiten-’, l’Atlas des maladies du col utérin, nasale et de l’oreille. Dans cet ouvrage de 199 pages et de 471 illustrations, il réalise une imagerie très précieuses sur le plan scientifique et didactique en retravaillant à l’aquarelle des photographies endoscopiques noir et blanc agrandies. L’Atlas est encore utilisé aujourd’hui pour la compréhension de base du développement de ces maladies.
fig.16 Photographies aquarellées d’Alfred S. Van Treeck, otoscopies de différentes oreilles infectées.(Dr Alfred Schulz van Treeck et Dr. Carl Otto von Eicken, Atlas der Hals, Nasen-, Ohrenkrankheiten-, 1942, pp.63 )
Observer le corps humain de son intérieur même a été l’objet d’une longue recherche de la technique médicale et nombreux sont les appareils qui le permettent aujourd’hui. Un problème similaire s’est longtemps posé aux architectes.
21. Alfred Schulz van Treeck naît le 20 octobre 1903 à Berlin, et meurt le 28 février 1958 39
En effet il est apparu nécessaire de combler certaines lacunes inhérentes à la nature bidimensionnelle des pièces graphiques conventionnelles de l’architecture. Le plan ou la coupe, du fait de leur représentation, présentent le danger d’influencer le processus même de création ou de schématiser leurs applications. De plus, la plupart des gens ne savent pas lire un plan d’architecture. Le caractère théorique de ces documents les rend particulièrement opaques pour le non-initié. L’œil parcourt le dessin, franchit les murs et les cloisons, et sans même s’en apercevoir, ignore des données fondamentales telles que la volumétrie des espaces, leurs luminosités ou leurs ensoleillements. Ainsi, la lecture du plan, de la coupe ou du profil d’un édifice s’effectue grâce à l’analyse, mais aussi à l’imagination, car le spectateur doit recomposer mentalement ces détails par rapport à l’ensemble du bâtiment22. Il en est d’ailleurs de même avec l’élévation qui, bien qu’apparaissant comme le seul document accessible aux inexpérimentés, a aussi tendance à aplatir le projet en estompant ses reliefs, creux et saillies ramenés dans le même plan.
fig.17 Méthodes de construction du plan et de l’élévation (en haut) et d’une perspective à un point de fuite (en bas) (Support de cours de Licence 1. ENSA Paris Belleville, Les modes de représentation de l’Architecture, ENSA Paris Belleville, 2012-2013 pp.5 et 34)
La tentative engagée dès la renaissance par la perspective à traduire dans le langage de l’image les abstractions du plan et, tout particulièrement, d’introduire l’image d’un bâtiment dans son contexte fut une prouesse extraordinaire. Cependant, leur utilisation actuelle, vouée à séduire le client, a tendance à édulcorer le projet et à ne le montrer que sous ses angles les plus enchanteurs. Une critique semblable peut être faite des photomontages ou des axonométries. 22. Catalogue de l’exposition ‘‘Dessin d’architecture’’, Paris, Musée du Louvre, Cabinet des Dessins, 1972 41
fig.18 Gerrit Rietveld, Première maquette de la maison Schröder construite à partir d’un bloc de bois massif. (1924) (Centraal Museum, Rietveld’s Universe, Utrecht, 2011)
fig.19 À gauche, une maquette d’atelier appelée “maquette stéréostatique ou polyfuniculaire” ayant permis à Gaudí de calculer la structure de l’église ‘Cripta de la Colonia Güell’. À l’échelle 1:10 (4,5 mètres de hauteur) elle était suspendue au plafond par des ficelles à laquelle étaient accrochés des sacs de plomb. Les arcs inversés ainsi obtenus étaient ensuite pris en photo puis transposés sur papier donnant forme aux contours de l’église. (Antoni Gaudí (entre 1898 et 1908)) fig.20 À droite, Eero Saarinen à l’intérieur d’une maquette du Virginia’s Dulles Airport, 1960 (Bernice Clark, LOT 13375, no. 22, Library of Congress)
La maîtrise du modelé des formes sur les maquettes de Victor Horta, le contrôle de la plastique des masses par les maquettes de Mies Van der Rohe ou de Gropius, les maquettes en fil de fer et chiffons d’Antoni Gaudi, celles en terre glaise ou en plâtre des architectes cubistes Mendelsohn et Saarinen, les assemblages de bois et de carton chers à Rietveld, tous ces exemples montrent bien combien la maquette chez certains architectes peut être un puissant outil de conception. Cependant celle-ci présente elle-aussi certaines limites. La transformation par homothétie fait apparaître la réalité qu’elle représente à une échelle parfois excessivement réduite et attachée aux volumes et non aux espaces. La maquette est alors outil de sculpteur : elle préfigure, à échelle restreinte, la géométrie des masses, permet d’en contrôler les approches et de définir une cohérence des volumes sous différents points de vue. Mais, quand il s’agit des espaces, tant intérieurs qu’extérieurs il est alors très difficiles d’en contrôler la distribution, les interférences et espaces d’entre-deux. Seul l’expérience ou la référence peuvent alors mieux expliciter ce qui est du domaine du sensible. Enfin, le point de vue plongeant est bien différent de celui de l’homme dans l’espace du projet. À vol d’oiseau, le rapport hauteur-profondeur est inversé (l’échelle des hauteurs apparaissant comme écrasée là où dans la réalité elle serait imposante, voire menaçante) et les longueurs amplifiées (toujours plus petites dans la réalité). Ainsi, Il y avait un grand intérêt à pénétrer à l’intérieur même de l’espace de la maquette, exactement comme à l’intérieur du corps humain, apprécier les sur43
faces, les volumes, les formes et non seulement dans leur construction et leur assemblage, mais aussi dans leur future utilisation. Le regard qui pénètre ainsi dans la maquette (vision directe, film ou photographie), c’est le regard de l’homme dans son espace réel, comme s’il explorait cet espace aux dimensions du projet d’architecte.
fig.21 Présentation du Maquettoscope dans une revue de modélisme (Fernand Lot, Le Maquettoscope, Modélisme Maquettes n°8, Mai-Juillet 1956, page de couverture)
fig.22 À gauche, Maquettoscope (arturbain.fr) fig.23 À droite, Utilisation du Maquettoscope pour un projet de grands ensembles de Robert Auzelle (Robert Auzelle, Le Maquettoscope: Un appareil destiné à l’examen des maquettes, Fonds Robert Auzelle, DAF, IFA, Paris, 1954)
En 1949, le Centre d’étude de l’Aménagement du Territoire au ministère de la reconstruction et de l’urbanisme dirigé par Robert Auzelle23 commande à l’Institut optique de Paris la mise au point d’un dispositif innovant, le maquettoscope. Abandonnant le périscope inversé, expérimenté par Gaston Bardet à l’Exposition internationale de 1937, Monsieur et Madame Vulmière24 font l’adaptation d’un instrument médical utilisé pour étudier la paroi interne de la vessie: le cystoscope.25 Cet appareil médical, plus fin et plus précis, est modifié pour s’approcher de la vision humaine. Robert Auzelle qui s’intéresse alors de prêt au processus dans son livre L’urbanisme et la dimension humaine dit qu’il espère ‘‘un perfectionnement de cet outil et le passage d’une observation statique à une observation cinétique.’’ Van Treeck offrira ces perfectionnements. Martin Schulz van Treeck entend surement parler du maquettoscope lors de son stage chez Jean Ginsberg à Paris d’octobre 1954 à novembre 1955 . À 23. Robert Auzelle (1913-1983) est un architecte et urbaniste français, connu notamment pour ses travaux sur les grands ensembles mais aussi pour avoir promu les cimetières paysagers en France 24. Fernand Lot, Le Maquettoscope, Modélisme Maquettes n°8, Mai-Juillet 1956, pp.267-268. 25. Robert-Max Antoni, Vocabulaire français de l’Art urbain, Certu, Lyon, 2010 45
son retour en Allemagne, il exporte le procédé et, sans doute aidé par son père, modifie un endoscope médical afin de photographier dans ses maquettes des vues perspectives. Il appelle le système ‘relatoskop’ (relatoscope en français). Ce dernier appareil, outre le perfectionnement technique qu’il apporte, offre un tout nouvel outil de conception pour servir la recherche des urbanistes. Le relatoscope semble faire sa première apparition pendant les études de van Treeck. Ce dernier qui propose comme sujet de mémoire ‘Reale Modellfotografie als neue Darstellungsmethode in der Architekturplanung’, La photographie sur maquette en tant que nouvelle méthode de représentation dans la planification architecturale, est diplomé en 1957. Cette même année, il décrit son dispositif dans un article pour la revue Bauen26 puis dans une brochure commerciale pour la firme allemande Sass Wolf Berlin27. Il y expose alors des clichés à l’intérieure de la maquette de la future philharmonie de Berlin inaugurée en 1963 par son professeur Hans Scharoun (fig.28). 1957 marque la première année de commercialisation du dispositif cependant ce dernier ne cessera d’évoluer tout au long de la vie de son créateur, et l’appareil définitivement au point sera présenté au public sur le stand Buchtal lors de l’exposition Batimat à Paris en 1973 (fig.32) puis à Constructa de Hanovre en 1974. Van Treeck collaborera sur l’utilisation du relatoscope avec sa comfig.24 Photo d’une version simplifiée du Relatoscope dans une notice d’utilisation de la firme Henke-Sass Wolf Berlin, non datée (ebay.com)
26. Martin Schulz van Treeck: Reale Modellphotographie als neue Darstellungsmethode in der Architekturplanung, Bauen + Wohnen, 1957, pp. 332-334. 27. Sass Wolf Berlin, Modell-bertrachtung und-fotographie mit dem Relatoskop nach Schulz van Treeck, 1957 47
48
fig.25 Philharmonie de Berlin, maquette du Professeur Hans Scharoun 1957, vue au relatoscope (Archives van Treeck, diapositive, E. Thibault)
fig.26 Philharmonie de Berlin, maquette du Professeur Hans Scharoun 1957, vue au relatoscope (ibidem)
fig.27 Philharmonie de Berlin, maquette du Professeur Hans Scharoun 1957, Plan et points de vue du relatoscope (Ibidem)
fig.28 Philharmonie de Berlin, maquette du Professeur Hans Scharoun 1957, vue au relatoscope (Sass Wolf Berlin, Modell-bertrachtung und-fotographie mit dem Relatoskop nach Schulz van Treeck) 49
pagne, la photographe Françoise Masson28 lors de son installation dans ses propres ateliers à partir de 1966. François Loyer, de son côté l’aidera à la publication de nombreux articles, et à la théorisation du procédé.
fig.29 Description du relatoscope dans une de ses formes la plus aboutie (arturbain.fr)
fig.30 Martin Schulz van Treeck manipule une maquette et vient modeler le projet avec un retour vidéo instantané (Archives van Treeck, diapositive, E. Thibault)
Les principales difficultés du dispositif furent de donner à une sonde aussi fine que possible une grande luminosité, de la profondeur de champ et d’annuler les phénomènes de distorsion. L’installation complète et la plus aboutie du relatoscope s’en trouve particulièrement encombrante. Elle comprend un pont roulant fixé sur deux rails extérieurs et permettant les déplacements longitudinaux ou latéraux. À ce pont est suspendu un cylindre rotatif qui autorise le pivotement de la caméra, ou son déplacement vertical dans les maquettes en relief, notamment accrochée à son extrémité. Sur l’optique de la caméra est branché le tube du relatoscope qui plonge dans la maquette. Le câble fixé à ce tube actionne le miroir pivotant grâce auquel sont possibles les prises de vue plafonnantes ou plongeantes. Un moniteur TV retranscrit l’image transmise par l’optique du relatoscope. D’un point de vue théorique, le relatoscope offre une conception vécue de la création. Pour la relatoscopie, la réalisation d’une maquette de site prime toute réflexion. Compilation d’un maximum d’informations, courbes de niveau, parcellaire, voirie, réseaux, volumétrie des constructions voisines, ainsi qu’en chaque point de la maquette, les données d’ordre visuel soient immédiatement disponibles au regard, dans cette maquette sont inscrites les hypothèses qui influeront 28. Photographe attitrée de l’artiste Gina Pane, l’une des représentantes majeures de l’art corporel. 51
52
fig.31 Relatoscope sur pont roulant (Archives van Treeck, diapositive, E. Thibault)
fig.32 Le Stand Buchtal lors de l’exposition Batimat à Paris en 1973 (Martin Schulz Van Treeck, La relatoscopie nouvelles techniques de représentation, 1975, pp.22-43)
fig.33 Couverture de la brochure commerciale vouée à vendre l’utilisation du relatoscope. La photo présente le relatoscope dans ses ateliers au dessus d’une maquette du projet de Montargis (Archives van Treeck, brochure, E. Thibault, page de couverture) 53
sur le processus de création du projet en devenir. Van Treeck va plus loin et exprime sa vision de la maquette préliminaire idéale: ‘‘Il serait bien sûr merveilleux de pouvoir simuler en maquette avec une exactitude parfaite un espace réel, mais on quitterait le domaine du faisable pour celui de l’utopie. Il ne s’agit pas de créer une copie de la réalité mais bien plutôt d’avoir en mains un outil de travail, dont la réalisation ne soit pas un luxe: Outil non scientifique, mais opérationnel.’’29 Partant d’une représentation valable du contexte, la démarche de création peut paraître assez peu différente de la conception traditionnelle sur maquette : les masses sont modelées dans un matériau meuble comme l’argile ou la plastiline, puis par itération, on juge de leurs effets et on ajoute ou on retranche. Pourtant, il y a une différence essentielle avec le processus traditionnel: l’architecte qui compose sa maquette jette sur elle un regard indirect et à travers l’image que lui en donne à chaque instant l’écran de télévision ; ce n’est pas la maquette qu’il voit, c’est la réalité au travers de la maquette. Par ailleurs, une approche plus raffinée des échelles successives, de la silhouette lointaine à une proximité immédiate de l’espace, permet ainsi une meilleure intégration de l’architecture à son contexte et aide à éviter l’écueil de l’architecture objet, indifférente à son site et à son environnement. En plus d’être un puissant outil de conception, le relatoscope peut aider l’architecte ou l’urbaniste à communiquer très efficacement sur son projet. Van 29. Martin Schulz van Treeck, La relatoscopie nouvelles techniques de représentation, 1975
Treeck recevra d’ailleurs dans ses ateliers quelques architectes célèbres tels que Dominique Perrault, Jacques Kalisz ou Manuel Núñez Yanowsky qui utiliseront le relatoscope pour certains de leurs projets30. En donnant une préfiguration tout à fait réaliste de l’aspect futur des constructions, le relatoscope peut contribuer à faciliter grandement le dialogue entre l’architecte et ses interlocuteurs ordinaires : client, financier, promoteur, ingénieur, entrepreneur... Dans son besoin de convaincre, même dans des domaines qui font appel à la sensation et non à la pure logique, le relatoscope autorise de montrer au lieu de décrire ou de démontrer. La force évocatrice de l’image dépasse alors tout long discours intellectuel, extrêmement faible pour figurer ce qui appartient au sensible. Grâce au relatoscope, l’architecte a en main un remarquable moyen d’information accessible au plus grand nombre par le biais des photos, photomontages et des films dont le dispositif facilite grandement la production.
fig.34 Les planches suivantes (pp.60-66) sont extraites de Les nouvelles techniques de la représentation, la relatoscopie, 1975 pp.23-43. Elles présentent différentes mises en application du relatoscope sur des projets réels.
30. Archives Van Treeck, notes d’Estelle Thibault 55
fig.35 En 2019 au Palais de Tokyo, l’exposition Gigamaku de l’artiste Antwan Horfee offrait une expérience particulièrement immersive. Basée sur le scan 3D (sans doute par photogrammétrie puis retravaillé sur ordinateur) d’une maquette en pâte polymère, le visiteur était projeté via un casque de réalité virtuelle dans l’espace de l’œuvre. Il était alors possible au visiteur de se déplacer où il voulait à l’intérieur de la maquette et de l’apprécier sous toutes ses coutures. En haut, photo de la maquette en pate polymère(photo personnelle). En bas, photomontage à partir d’une photo personnelle et d’un extrait tiré du fanzine publié à l’occasion de l’exposition (Antwan Horfee, Gigamaku, ed. Commune, avril 2019)
Aujourd’hui, à l’ère du numérique, le relatoscope peut paraître archaïque, pourtant il représente surement l’une des premières tentatives à simuler une vue de l’espace en trois dimensions de manière instantané. De ce dispositif semble avoir jailli des procédés de simulation de plus en plus élaborés. La projection en trois dimensions par ordinateur, la réalité augmentée, la réalité virtuelle ou la projection holographique, sont autant de techniques de représentation qui découlent directement de cette volonté à simuler le réel, à contrôler sa propre manière de concevoir, ou à communiquer des intentions aussi exhaustivement que possible. Elles n’ont pour autant pas changer grand chose à la manière de concevoir visant à s’appuyer sur la volonté de travailler avec le paysage et l’existant et à mettre un point d’honneur au travail des circulations, des usages et des vues crées par le projet à toutes les échelles. En ce sens la rigueur du procédé tend à exprimer objectivement ce qui pourrait être du domaine du sensible non par une théorie mais plutôt par une expérience immersive. Il semble alors que le relatoscope ne soit plus qu’un simple outil mais bien au delà, le moyen qui pourrait tendre à une réconciliation des approches pragmatiques et phénoménologiques de l’architecture.
63
CHEZ JEAN GINSBERG
Porte d’entrée sur le marché français Van Treeck qui obtient une carte de travail pour la France, est stagiaire chez Jean Ginsberg d’octobre 1954 à février 195531. Ce dernier, polyglotte, accueille de nombreux architectes germanophones. Diplômé en 1957, Van Treeck retourne travailler chez Jean Ginsberg à sa sortie des Beaux Arts de Berlin. À nouveau stagiaire, il passe rapidement assistant puis assistant principal dès 195832 et participe activement aux tâches de conception. Pendant huit ans, il se partage, avec André Ilinski, une part importante des travaux de l’agence. À la suite d’un différend avec Jean Ginsberg qui refuse de lui reconnaître la paternité du projet de concours pour la ville israélienne d’Ashod (cf pp. 100) et d’en partager le prix d’urbanisme, Van Treeck quitte l’agence et se met à son compte en 196633.
fig.36 Immeuble 25, rue Michel Salles à Saint Cloud. Construit par Jean Ginsberg et son équipe de 1963 à 1967, ce dernier décide d’y installer son agence comme son logement en 1967.Salle de dessin de l’agence Ginsberg, Debout au centre, Jean Ginsberg; à sa gauche André Ilinski (Philippe Dehan, Jean Ginsberg (19051983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987 pp.139)
Jean Ginsberg (1905-1983) est le fils d’un industriel d’origine juive qui a fait ses études à Zurich. Issu d’un environnement similaire à celui de Van Treeck, il baigne ainsi dans un milieu germanophone toute la première partie de sa vie. Il commence des études d’architecture à Varsovie puis arrive en France en 1924 pour suivre des études à l’École spéciale d’architecture, auprès de Robert Mallet-Stevens. Il est diplômé en 1929 puis travaille quelques mois dans l’atelier de 31. Entretien par mail avec Antje Kalcher des archives de l’UdK 32. Biographie de Jean Ginsberg établie par la Cité de l’Architecture, FRAPN02_GINJE_BIO 33. Elise Renard, entretien avec François Loyer dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 65
Le Corbusier et une année dans celui d’André Lurçat. Il collabore dans ses premières années avec l’architecte Berthold Lubetkin puis avec Franz Heep avec qui il s’associe jusqu’en 1939. Ginsberg utilise en façade la plastique des grandes villas d’avant-garde réalisées par ses maîtres pour quelques collectionneurs et mécènes, et tente à l’intérieur une transposition des idéaux modernistes à l’attention d’une clientèle parisienne aisée. En proposant ainsi un renouvellement des normes de confort et d’esthétique, les réalisations de l’agence séduisent rapidement. Publiés dans les revues françaises et étrangères, ces immeubles plaisent avant tout pour leurs façades intelligemment composées, qui se singularisent avantageusement dans leur contexte. La distribution intérieure de ces appartements de luxe, soumis à un rationalisme économique jusqu’alors inconnu à Paris pour ce type de construction, ne conserve plus rien des anciens usages mondains et adopte un fonctionnalisme avare dans la qualité des espaces mais où survit le goût du détail.34
fig.37 Le 25 avenue de Versailles en 1935, première réalisation de Jean Ginsberg avec Berthold Lubetkin, (FlickR de Laurent D Ruamps)
Lui-même entrepreneur et promoteur pour ses premières réalisations, ce qui lui permet d’apporter un soin extrême à ses chantiers, Ginsberg abandonne le contrôle de la maîtrise d’ouvrage au fur et à mesure qu’il cède à la production de série à partir des années 1950. Dans le contexte du boom économique de la fin des années 1960, Ginsberg multiplie les résidences immobilières et contribue à établir les canons de l’esthétique luxueuse qui se répand de Cannes à Monaco. 34. Jean-Paul Midant, Dictionnaire de l’architecture du XXe siècle, Hazan, Paris Ifa, 1996. 67
1. Entrée de service / 2. Cuisine / 3. Buanderie / 4. Salle à manger / 5. Entrée principale / 6. Hall d’entrée / 7. Escalier accédant à la terrasse / 8. Salon / 9. Dégagement / 10. Penderie de monsieur / 11 . Chambre / 12. Vestiaire, salle de bains / 13. Salle de bainsdouche / 14. Penderie de madame / 15. Hall-vestiaire du bureau / 16. Entrée de la section bureau / 17. Toilettes / 18. Secrétariat / 19. Bureau.
fig.38 En haut, photographie d’un appartement parisien de 1961, réalisé par Jean Ginsberg et André Ilinski en collaboration avec l’architecte d’intérieur André Monpoix. Cette vue d’ensemble prise de l’angle extrême du salon (mis en évidence dans le plan) montre l’organisation de l’appartement (dessiné sur le plan par mes soins). Au premier plan, la partie salon, que distingue un tapis de laine au point noué bleu et vert, créé et fait à la main par Geneviève Dupeux; on devine à droite la chaise-longue de Charles Eames en bois moulé et cuir noir (Mobilier International); table basse en métal chromé et glace de Alain Richard (Meubles T.V.), chauffeuses en cuir naturel et métal chromé de Poul Kjaerholm (Mobilier International). Au fond, le hall d’entrée avec les compositions ciné-tiques de Vasarely. Ces oeuvres (d’une surface de 12 m2) sont composées de deux dalles de glace Sécurit gravées fixées à 12 cm du mur peint par des portants en acier chromé. A droite de l’escalier montant vers la terrasse, contre un mur peint en brun soutenu, un meuble suspendu en teck huilé avec panneau mural de formica blanc mat. (Photographie de Pierre berdoy, L’Œil n° 87, mars 1962) En bas, plan de l’appartement au dixième étage (Jean Ginsberg, André Ilinski et André Monpois, L’Œil n° 87, mars 1962)
À cette période, l’agence se structure pour faire face à l’afflux du nombre et à l’augmentation de la dimension des opérations. Van Treeck et André Ilinski se partagent une part importante des travaux du cabinet. Né en Pologne, Ginsberg est particulièrement ouvert aux architectes originaires du centre de l’Europe, souvent polonais et introduit d’autres architectes comme Jean Muniac, Jean Chudzic ou Alicia Molgo qui participent à bien des projets dans les 1960-1970. D’autres collaborateurs, comme le maquettiste , la graphiste et la coloriste sont aussi d’origine polonaise. À l’exception de certains projet ‘‘oubliés’’, les principes de l’architecture de Ginsberg restent constants. L’agence continue de dessiner chaque détail et l’expérience acquise au cours des nombreux chantiers autorise Jean Ginsberg à développer ses exigences concernant la qualité de réalisation et le choix des matériaux. Il continue à refuser l’innovation gratuite, préférant la continuité des solutions qui permet l’utilisation de l’expérience acquise par-delà l’évolution des formes.35 Son passage dans l’agence de Ginsberg fournit à Martin de nombreux contacts et lui ouvre les portes d’un milieu artistique et culturel. Grâce à sa position, il rencontre notamment André Bloc, Vasarely et se rapproche de Monique Schneider Maunoury, la rédactrice de la revue d’art ‘‘L’Œil’’. Ses rencontres l’amèneront aussi à se rapprocher de bailleurs sociaux comme les 3F grâce auxquels, il rencontrera plus tard les AUA avec qui il collaborera pour le projet de concours Évry 136 et qui lui confieront le projet des Orgues. 35. Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987 pp.129 36. cf. Entretien de Paul Chemetov à la fin de l’Annexe 69
VAN TREECK ENSEIGNANT
De l’Atelier Collégial 2 à la formation d’UP6
fig.39 Entrée du 14 rue Bonaparte de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Paris (Carte postale signée ‘‘L.L.’’, non datée)
fig.40 Vue intérieure de l’atelier de Paul Bigot à l’école des beaux-arts de Paris en 1933, (photographie anonyme, Archives IFA, Fonds Bigot 268 AA, Objet BIG-A-6, Document PB-PHO-091-01-12,1933)
En France, depuis 1817, l’enseignement de l’architecture était transmise par le biais de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensb-a). Les Beaux-Arts ne sont pas seulement une école, ils produisent aussi un système qui commande l’organisation professionnelle et les procédures de reconnaissance officielle. Après la seconde guerre mondiale, l’école entre durablement en crise. Les réformes successives tentent avec difficulté de conformer l’enseignement aux pratiques d’une architecture en constante mutation. L’organisation en atelier réunissant étudiants de la première à la cinquième année sous l’enseignement d’un professeur est rarement remise en cause, et est même reconnue comme un facteur de liberté. Cependant, les modes de jugements sont très souvent critiqués, la faiblesse de l’enseignement scientifique et technique est dénoncée tout comme la désuétude de beaucoup des programmes de projet proposés aux élèves37. Dès 1949, une réforme de l’enseignement propose la possibilité d’ouverture de l’École à la création d’ateliers extérieurs. À l’initiative de groupes étudiants dissidents d’ateliers intérieurs, André Lurçat ouvre un atelier en 1945 (qu’il ferme dès 1947), Georges-Henri Pingusson et Marcel Lods fondent chacun un atelier en 1948, suivi d’Édouard Albert en 1963, Jean Bossu et Georges Candilis en 1964. 37. Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.188 71
fig.41 24 novembre 1966 : Premier diplôme présenté en équipe dans la salle Melpomène de l’École des BeauxArts associant, Philippe Molle (né en 1935, atelier Noël Lemaresquier, puis Candilis et Josic), Michel Macary (né en 1936, atelier Beaudoin, puis Candilis et Josic) et Thierry Gruber (né en 1935, atelier Beaudoin, puis Candilis et Josic).Thème du diplôme : ‘‘Une maison de l’architecture, germe de ville’’. Le diplôme reçoit le prix Guadet 1966 (Prix du meilleur diplôme).(grandemasse.org)
fig.42 Constitution du Groupe C, la liste des suppléants aux chefs d’atelier pour les jurys témoigne avec les deux vagues successives de nominations en juillet 1966 et 1967, d’un renouvellement profond engagé donc avant les événements de Mai 68 (Jean-Louis Violeau, Les architectes et Mai 68, ed. Recherches, 2005, pp.107)
Si cette alternative permet une liberté plus que bienvenue au sein de l’École, les Beaux-Arts n’en reste pas moins une institution au système bien verrouillé. En effet, cette liberté se trouve toujours limitée et contrainte par l’existence de jury nationaux ‘‘intérieurs’’, souverains dans l’attribution des prix. Ainsi, l’absence d’un chef d’atelier ‘‘extérieur’’ non admis à participer aux jugements peut signifier pour ses élèves de n’être pas défendus et donc d’encourir un échec presque certain. En outre, l’École des beaux-arts, les Prix de Rome et l’Académie forment un système institutionnel depuis des décennies. Par la remise en question de l’idéologie des Beaux-Arts, c’est tout le système qui semble compromis. En effet, sur 25 Grand Prix décernés entre 1942 et 1967, 20 le sont à des élèves de 2 ateliers intérieurs38. Le système des concours lui-même accorde, selon certains, une trop grande importance au ‘‘rendu’’, au détriment des éléments constructifs. Il est alors difficile d’imaginer comment le système mis en place pourrait échapper aux complicités et connivences, amertumes et animosités mais aussi aux dépendances et obligations de certains étudiants lors de leurs passages au monde professionnel. La nomination de Max Querrien de 1963 à 1968 comme directeur de l’Architecture au ministère des Affaires culturelles marque un changement d’orientation et une accélération des réformes. La rentrée 1965 voit s’opérer un éclatement de la section Architecture de l’École des beaux-arts. Afin de palier les problèmes résultants notamment de l’augmentation régulière du nombre des élèves et de faire « respirer » un système 38. 11 le sont à des élèves de l’atelier Lemaresquier (père puis fils) et 9 à l’atelier Pontremoli (succédé par André Leconte). 73
fig.43 Bâtiment Callot de Roger-Henri Expert (1882-1955) architecte et professeur d’architecture. En 1932,à la place du passage du Pont-Neuf détruit dans les années 20, il conçoit pour ses élèves un immeuble aux allures industrielles, ce qui peut paraître audacieux dans un quartier classique du cœur de la capitale. L’enjeu était d’offrir une façade largement ouverte afin de bénéficier d’un maximum de lumière naturelle. Le bâtiment Callot entre la rue Jacques Callot et la rue Mazarine est une annexe qui regroupe une partie des ateliers extérieurs de l’École des beaux-arts de Paris. Chaque étage est divisé en deux niveaux : une mezzanine-atelier surplombe des salles de classe en niveau bas. Le dernier étage bénéficie d’une vue panoramique sur Paris et son sous-sol abrite aussi des salles de classe. Cet immeuble devait initialement courir jusqu’à la rue de Seine. (Roger-Henri Expert, La Construction Moderne, revue d’architecture hebdomadaire, 48e Volume, Fascicule N°45, Ateliers exterieurs d’architecture de l’École des beaux-arts, 1932-1933, page de couverture)
jugé sclérosé, trois groupes d’ateliers sont créés. À chacun de ces groupes, appelés A, B et C, sont accordées une autonomie pédagogique et la possibilité d’organiser individuellement les jurys, bien que les programmes des projets restent définis à un niveau national et que le concours d’admission à l’École soit le même pour tous. Le groupe A est composé des anciens ateliers intérieurs puis les anciens ateliers extérieurs se partagent entre le groupe B, traditionaliste, et le groupe C, progressiste. Ce dernier quitte la rue Bonaparte et s’installe au Grand-Palais: dans l’été 1965, un séminaire tenu à Royaumont lui donne ses orientations pédagogiques, et l’agitation s’y fera bientôt la plus vive, en particulier sous l’impulsion des étudiants de l’atelier Candilis et ceux de l’atelier Albert39. À la rentrée 1966, à l’appel d’étudiants dissidents de l’atelier Madelain (Groupe B) inspirés par l’élan insufflé par la création de l’Atelier Collégial 1 de Bernard Huet, un groupe d’enseignants (Chemetov, Chenus, Preveral et Sarger pour les principaux) est recruté pour former ‘‘l’Atelier Collégial 2 rive gauche’’ rue Jacques Callot et rue de Seine40. Ces derniers qui intègrent à leurs tours certains de leurs confrères, permettent à la Collégiale 2 de rapidement se développer et c’est à cette période que Van Treeck est intégré à l’équipe. Au nombre de quinze, les professeurs se rassemblent pour prendre en charge un enseignement de tous les cycles. Le projet souhaite ‘‘un dialogue fécond et diver39. Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.191 40. Inge-Lise Weeke, Hommage à Martin van Treeck, D’Architecture n°98, décembre1999-janvier 2000,pp.7. Il est probable qu’on parle plutôt ici du bâtiment annexe attribué aux ateliers extérieurs de l’École des beaux-arts à l’angle de la rue Jacques Callot et de la rue Mazarine (fig.43). 75
sifié entre élèves et assistants’’ en intégrant la pluridisciplinarité, sachant que «l’atelier doit avoir à sa disposition non pas UN patron omniscient et enseignant ce qui est impensable,mais un COLLÈGE d’enseignants pluridisciplinaires’’.41Réunis à l’agence de Van Treeck pour préparer les cours, la Collégiale 2 travaille quinze mois de suite, à temps complet, sans contrat ni rémunération. Les étudiants s’occupent alors eux-même de trouver et de payer les locaux, le charbon pour le chauffage et se chargent de l’organisation matérielle.42 À la Collégiale 2, Van Treeck s’occupe principalement des premières et deuxièmes années s’appuyant sur un programme hybride, à la croisée des enseignements de l’École Danoise d’où provient sa collègue Inge-Lise Weeke et de la pédagogie de l’école du Bauhaus dont il a hérité pendant ses propres études. fig.44 Le Bulletin de la Grande Masse paraît pour la première fois en mai 1926, et pour la dernière en décembre 1966. La revue est éditée par l’association des étudiants des Beaux-Arts : la Grande Masse, dont le président, le Grand Massier, est élu parmi les représentants de chaque atelier (les massiers). Après s’être intitulée Bulletin de la Grande Masse, Melpo, puis L’Actualité de la Grande Masse, elle prend le titre de Melpomène à partir de 1959, qu’une équipe de rédaction remaniée abandonne à son tour au profit de Melp !, pour les deux derniers numéros de 1966 (Melp! n°2, revue étudiante des BeauxArts, couverture du numéro 23-24, octobre-décembre 1966)
Après plusieurs mois de travail, l’atelier collégial 2 organise une exposition au Grand Palais. D’après le témoignage d’Inge-Lise Weeke43, l’exposition connaît un certain succès et provoque de vives réactions de la part de ses visiteurs, tant les travaux exposés s’écartent du système institutionnel en place jusqu’alors. André Malraux lui-même, alors ministre d’État chargé des affaires culturelles, se montre intéressé par les travaux présentés et reconnaît les objectifs novateurs projetés par une telle pédagogie. Il propose alors le lancement d’une école pilote à Versailles44 sur le modèle de l’ate41. Atelier Collégial 2, Melp! (Melpomène) n°2, revue étudiante des Beaux-Arts, automne 1966 (fig.44). 42. Elise Renard, entretien avec Inge-Lise Weeke dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 43. Ibidem 44. Inge-Lise Weeke, Hommage à Martin van Treeck, D’Architecture no98, décembre1999-janvier 2000,pp.7 77
lier collégial 2, partie d’un projet plus large prévoyant la création de cinq unités d’architecture réunies sous une même méthode d’enseignement. L’exposé lors des négociations de régularisation de l’atelier est vu comme trop contraignant. Le groupe qui n’est pas prêt à faire de concessions sur la flexibilité de ses enseignements et le choix de ses locaux, refuse l’offre à deux reprises. Puis, finalement, arrive Mai 68. La Collégiale 2 éclate offrant l’opportunité au groupe de se réunir quelques mois plus tard pour créer, en réaction aux cinq unités de Malraux, l’unité pédagogique numéro 6, inaugurée le 4 février 1969. S’associant à Georges Candilis et à Inge-Lise Weeke, Van Treeck s’occupe des studios de projet des 3ème, 4ème et 5ème années. L’atelier propose ainsi à ses étudiants de travailler à partir d’un site réel prédéfini. Chaque début d’exercice commence donc par la définition d’un contexte (souvent parisien) et l’appréhension d’un programme (déterminé par des surfaces précises) qui regroupait des logements et un équipement. Ainsi, définit Inge-Lise Weeke (alors professeure de théorie de l’atelier) la méthode du studio: ‘‘le topos (contexte, paysage), doit être relié au logos (concept)’’.45
fig.45 ‘‘Ici ni rats ni Katangais’’, Entrée de l’Ecole des Beaux-Arts rue Bonaparte lors des évènements de mai 1968. (grandemasse.org)
Travaillant sur plusieurs échelles, les étudiants commencent à réfléchir en groupe sur un projet d’urbanisme. Déterminant les grands axes de circulation, se répartissant les programmes et partitionnant le site
45. Elise Renard, entretien avec Inge-Lise Weeke dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 79
afin d’en délimiter les emplacements, chaque étudiant peut ensuite travailler individuellement sur une partie prédéfinie par ce travail préliminaire. fig.46 En Haut, Martin S. van Treeck avec ses étudiants dans son atelier de relatoscopie rue de Flandre (Photographie de Françoise Masson pour l’article Hommage à Martin van Treeck, IngeLise Weeke, D’Architecture no98, décembre1999-janvier 2000,pp.7) fig.47 Au milieu, Les ateliers de Van Treeck au 67 rue de Flandre étaient situés dans les locaux installés sur le toit du bâtiment à gradin qui accueille le bureau de poste en RDC (photo personnelle) fig.48 À la suite (pp. 86) René Sarger, Roger Titus et Martin Schulz van Treeck (anciens du Groupe C des BeauxArts) présentent leur enseignement du projet dont le thème est l’Habitat dans un site urbain, (Fiche pédagogique, les concepts d’espace - application architecturale, Archives Van Treeck, E.Thibault,1974-1975)
fig.49 À la suite (pp. 87) Le Laboratoire de recherche AAMUR (Architecture et Aménagement Urbain) attaché à UP6, invite Van Treeck à présenter le principe de la relatoscopie via la projection d’un film 16mm et d’un montage vidéo.(Programme du Séminaire IMARA (Image Animée et Représentation Architecturale),Archives Nationales, 20120112-170, 1979)
Dans la continuité de son travail sur la relatoscopie, Van Treeck adapte sa manière de concevoir à sa pédagogie et accorde une grande importance aux maquettes qu’il utilise comme outil de conception et de partage au sein de son atelier. Le programme en mètres carrés est transformé en un volume malléable de plastiline qui représente en mètres cubes le programme à l’échelle de la maquette46. Les étudiants travaillent alors avec une masse de matière qu’ils peuvent facilement manipuler leur permettant de vérifier instantanément l’impact de leurs projections sur le contexte. Cette manière de concevoir est d’autant efficace que Van Treeck invite régulièrement ses étudiants dans ses ateliers afin qu’ils puissent éprouver leurs hypothèses projectuelles derrières les optiques du relatoscope et ainsi simuler leurs visions de projet. Pour prouver l’engagement dont fait preuve Van Treeck envers son enseignement, il est intéressant de constater que quasi simultanément que l’UP 6 déménage en 1977 du 14 rue Bonaparte, Paris (VI) au 144 rue de Flandre, Paris (XIX), Van Treeck déménage ses ateliers du 11 rue Saint-Dominique, Paris (VII)47 au 67, rue de Flandre, Paris (XIX). Ainsi rend-il toujours particulièrement accessible ses ateliers relatoscopiques à ses étudiants. 46. Ibidem 47. Archives IFA 133 244 / 3. Auparavant, ses ateliers étaient au 21 quai A. le Gallo à Boulogne (brochure Villagexpo de 1966). D’après une brochure commerciale, ses locaux pour son relatoscope était au 3 rue Séguier, Paris (VI) 81
82
Scanned with CamScanner 83
ATELIER M. S. VAN TREECK
Une pratique vécue de l’architecture En 1966, après l’éviction de Favette du projet des Orgues de Flandre, il semble que Van Treeck ait repris l’agence de ce dernier afin d’achever les bâtiments entamés et poursuivre le chantier des Orgues. Malheureusement, peu de détails ont subsisté de la manière dont Van Treeck, à son compte après avoir quitté l’agence de Jean Ginsberg, gérait ses affaires. Cependant plusieurs témoignages permettent de mieux situer qui était Martin Schulz van Treeck, et de mieux saisir sa personnalité et ses influences. Né en 1928, la même année que Van Treeck, Paul Chemetov se remémore leur collaboration sur le concours d’Évry: ‘‘il est né la même année que moi mais il avait un air plus vieux, il n’avait plus beaucoup de cheveux. Il était plutôt précieux et roulait dans une voiture allemande verte pale, un peu improbable avec un montant dans le verre central, je ne sais pas si c’était une Volkswagen de course... Il nous bluffait beaucoup car nous on avait pas ce genre de voiture.’’48
fig.50 Portrait de Martin Schulz van Treeck, à son bureau, manipulant ce qui semble être des blocs de plastiline. (Françoise Masson (photographe), Séverine Bourgault, Martin Van Treeck, un architecte utopiste, Mayenne, 27 août 2000)
Via Chemetov et l’ Atelier Collégial 2, Van Treeck fait la rencontre d’Inge-Lise Weeke, alors au service de Candilis. Il enseignera à ses côtés près de vingt ans. Celle-ci évoque la personnalité de l’architecte : ‘‘Martin était un homme très généreux, il donnait énormément de son temps aux étudiants. Il leur demandait en retour beaucoup de travail ! [...] Autoritaire, c’était pour lui 48. Cf. Entretien en fin de partie annexe 85
la seule manière de leur faire comprendre, de les toucher avec ce qu’il disait.[...] Il avait une force en lui. Il ne tenait pas compte des gens, de la mode et des théories du moment. Il avait ses convictions et s’y tenait. Il savait ce qu’il voulait et pouvait s’épuiser pour l’obtenir. Il n’était pas du tout mondain. Plutôt timide et solitaire, il n’aimait pas les grands rassemblements. [...]Par contre, les femmes ont eu un rôle important dans sa vie. Je l’ai toujours connu entouré de femmes. Il avait une femme à Berlin et la photographe Françoise Masson, qui a travaillé sur le passage du relatoscope à l’écran, était sa femme française.’’49 Van Treeck rencontre François Loyer lorsque celui-ci réalise un stage en tant qu’historien pour le bureau d’étude OTH. Il emmène alors ce dernier visiter différents chantiers. François Loyer décrit ainsi leur premier contact : ‘‘Van Treeck avait une réputation d’homme difficile, il parlait un français incompréhensible, si j’arrivais à l’apprivoiser, je pourrais le suivre sur ses chantiers’’.50 De cette rencontre va naître une relation de confiance et une collaboration éditoriale qui va durer de nombreuses années. En se rapprochant de personnalités influentes via Jean Ginsberg, telles que la rédactrice de la revue L’Œil, Monique Schneider Maunoury, et en enseignant aux côtés d’un bon nombre d’architectes qui l’aident certainement à développer une pensée théorique, Van Treeck va pouvoir travailler à la publication de quelques 49. Elise Renard, entretiens avec Inge-Lise Weeke et François Loyer dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 50. Ibidem 86
articles révélateurs de ses centres d’intérêts et de ses champs d’expérimentation. Dès 1957, Van Treeck prouvait déjà sa volonté de diffuser ses recherches par la publication de ses premiers articles sur la relatoscopie.51 Au travers d’articles historiques, théoriques et pratiques, il expose ainsi un regard critique sur ses expériences personnelles, établit l’analyse d’intérêts variés et explore diverses problématiques, techniques et expérimentales, sur des sujets qui lui sont contemporains ou dont il a déjà le recul . François Loyer, qui collabore longtemps avec Van Treeck notamment à l’écriture d’articles pour la revue d’art L’Œil et pour théoriser la relatoscopie, identifie nombre de ses influences : ‘‘En plus de sa culture prussienne, Van Treeck est très marqué par l’Europe du nord. Passionné de paysage, il est fasciné par Saarinen et Aalto dont il tire des projets les qualités spatiales: En plus des volumes intérieurs qu’il trouve particulièrement harmonieux, il est impressionné par le système acoustique et la relation très sensible qu’on trouve entre l’intérieur et le paysage environnant. À l’inverse, il est complètement désintéressé des projets de Wright qui, d’après lui, n’ont pas la ‘‘bonne attitude’’ vis à vis du paysage. Deux autres influences très fortes pour lui seront le maniérisme italien et l’architecture anglaise du XVIIIème siècle. Il fera d’ailleurs le relevé photographique de nombreux bâtiments comme le château Saint Ange52, et la ville écossaise d’Inveraray53’’. 51. Martin Schulz van Treeck: Reale Modellphotographie als neue Darstellungsmethode in der Architekturplanung, Bauen + Wohnen, 1957 52. M.S. Van Treeck et Marc Lavrillier, Le couloir pompéien du château Saint Ange, L’ŒIL 121, Janvier 1965 53. M.S. Van Treeck et Marc Lavrillier, Inveraray, L’ŒIL 158, Février 1968 87
Parmi ses différentes publications, un article semble particulièrement traiter d’un retour critique sur l’architecture, et établir sa propre théorie sur sa manière de concevoir. Architecture: espace ou objet ?54, article paru en 1975, présente la synthèse de ses recherches théoriques amorcées grâce à la relatoscopie et présente un processus s’attachant particulièrement à l’interface ‘‘conception perception’’. Martin qui signe l’article et utilise ses propres projets en référence tente de répondre à la question de la création et du devenir de la ville. Van Treeck met en évidence ‘‘les rapports d’interférence constants qui existent entre le lieu théâtral et le lieu architectural’’. Par analogie au lieu scénique, l’architecture semble exister par delà sa réalité construite. La force évocatrice d’un espace vécu peut à la limite n’être qu’illusion, pure scénographie, ‘‘elle garde encore, même si c’est d’une façon mensongère, toute la puissance de son organisation spatiale’’. Comme ‘‘pour les ruines, dont la force d’évocation tient au-delà de la destruction des édifices et de la disparition de la vie qui les habitait, à la puissance des espaces qu’ils avaient définis’’. Van Treeck montre cependant qu’à l’inverse du théâtre, l’architecture transforme le spectateur en acteur et incarne ‘‘le spectacle qu’il faut parcourir, mesurer, avec lequel il faut dialoguer, se mesurer’’. De la sorte, le ‘‘spectateur-acteur’’ dont l’action seule crée la dynamique architecturale se conforme tout de même au parcours qu’on lui a défini et ‘‘s’assimile à l’espace 54. Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet ?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.49-56 88
qui l’entoure dans un rapport essentiellement affectif, euphorique ou disphorique, mais profondément émotionnel’’. Ainsi, le projet dans sa vision totale instantanée et simultanée, couvrant tous les points de vue semble être une conception purement intellectuelle. ‘‘Chaque fois qu’il y a vision totale et simultanée des formes et des espaces, l’architecture entièrement investie se rend, succombe, devient objet entre les mains du spectateur’’. Au contraire, l’architecture oblige à un développement temporel exprimé sous forme d’une pratique et le point de vue total ne peut être atteint que par le biais d’une expérience spatiale préalable initiatique, ‘‘expression finale de toute approche architecturale’’ quand l’esprit ‘‘fait la synthèse du dedans et du dehors, de la silhouette et du volume, des points de vue et des orientations et qu’il a réduit la forme à sa logique interne, aux lois de sa structure, de son implantation, de son organisation’’. Cette analyse sensorielle ‘‘qui détermine des zones d’intensité plus ou moins fortes’’ privilégie donc certaines lignes de déplacement, certaines directions, n’attribuant pas à tout point de l’espace la même importance, ‘‘l’espace architectural n’a rien d’un espace géométrique’’. Autrement dit, pour Van Treeck ‘‘l’espace n’est pas une réalité concrète, solide ni même une réalité abstraite, objective et logique, mais plutôt une certaine façon d’organiser un contenant et de l’occuper’’. Pour aller plus loin, Van Treeck aborde le thème de la relativité de l’espace architectural. En effet, l’architecture telle que définie précédemment est ren89
seignée dans un rapport d’échelle fondamentalement subjectif. La notion d’échelle est relative à l’homme qui module son environnement par rapport à sa propre taille, à son activité ou à ses possibilités d’activités. Sa perception de l’espace étant aussi influencée par sa propre mémoire, ses souvenirs et la culture qu’il a reçu, il semble que l’espace cumule une véritable stratification de perceptions. Cette attention portée aux points de repère dans la ville semble tout droit tirées des réflexions formulées en 1960 par Kevin Lynch dans Limage de la cité55, ou en 1961 par Gordon Cullen dans The concise townscape56 ainsi qu’à la Gestalttheorie57 bien connues de van Treeck: ‘‘On peut dire ainsi de l’espace qu’il est une relation d’écho entre l’homme et le lieu, et l’architecture une conversation d’une forme avec d’autres formes. Écho sonore (les pas dans une pièce). écho tactile ou olfactif (l’odeur du béton, celle d’une voiture neuve...), mais surtout écho visuel qui est rapport de proportions entre l’homme et l’espace, entre l’espace et le volume, l’espace et un autre espace. Conversation d’une architecture avec son paysage, son voisinage, les autres architectures qui les environnent (chacune ayant son tempérament et son langage); conversation avec la vie et avec l’homme’’. 55. Kevin Lynch, L’image de la cité, Dunod, 1960 56. Gordon Cullen, The concise townscape, Architectural Press, 1961 57. La gestalttheorie ou théorie de la forme naît au début du XXe siècle et s’intéresse à la psychologie de la perception de la forme. Elle postule que notre cerveau essaie en permanence de donner un sens à des formes qui n’en ont pas initialement et formule 3 principes : La loi de proximité: les éléments les plus proches vont être perçus comme appartenant à un même groupe. La loi de similarité : les éléments ayant le plus de similarités graphiques vont induire un sens identique, des fonctions similaires ou une importance commune. La loi de continuité : plus la proximité des éléments visuels est importante, plus nous les voyons dans la continuité comme s’ils ne formaient plus qu’une partie unique. 90
C’est là que peut se poser tout le problème de la maîtrise de l’espace urbain. Van Treeck propose de raisonner à plusieurs échelles de perception. En divisant le problème et en l’adaptant au site, des approches de longues, moyennes et courtes distances, permettent une démarche expérimentale. Ici repose tout l’intérêt de la simulation en trois dimensions par la maquette et d’une organisation des espaces imaginée de l’extérieur vers l’intérieur. Le travail du relatoscope permet alors de confronter un concept de projet, nécessairement en contraste avec l’existant, par une approche plus raffinée des échelles de perception successives du projet en fonction de l’éloignement de son observateur. Le dispositif aide alors l’architecte à réaliser une meilleure intégration de l’architecture à un contexte en évitant l’écueil de ‘‘l’architecture-objet’’. François Loyer qui s’est intéressé de près au sujet prévient toutefois certaines limites non négligeables à une démarche s’appuyant de manière trop passive sur le dispositif. Il peut en effet être dangereux de faire du relatoscope ‘‘un outil de création tout puissant qui donne l’impression d’être le maître du jeu, de tout contrôler’’. ‘‘Il y a là, comme dans toute forme de transcription, un problème d’honnêteté : l’image du Relatoscope est simulation de la réalité, c’est-à-dire qu’elle n’est pas la réalité elle-même et qu’on peut la falsifier à deux niveaux: tout d’abord à celui de la maquette, et ensuite à celui du déroulement de l’espace de cette maquette. Flatter une maquette, en effet, est chose facile’’58. Néanmoins, il revient de manière positive sur cet avertissement: ‘‘Ces limites bien intégrées, 58. François Loyer, Pour bien lire une maquette d’architecture, le relatoscope, Communication et langages, n°23, 1974, pp. 56-75 91
l’architecte a en main un remarquable moyen d’information’’. Le relatoscope devient alors un puissant atout pour l’architecte qui peut parcourir à travers l’œil du relatoscope les principales directions de l’espace mis à l’étude. On perçoit ainsi directement les conséquences de l’émergence des masses construites dans cet espace : ‘‘on voit ce qu’elles cachent et ce qu’elles montrent, ce qu’elles ouvrent et ce qu’elles ferment, ce qu’elles écrasent ou ce qu’elles libèrent. Les bâtiments cessent d’être des formes autonomes régies par une loi interne dont le rayonnement extérieur est purement négatif. On travaille ainsi autant les vides et les pleins, les masses que les directions et le bâtiment non plus comme un ‘‘en soi’’, mais comme l’élément d’une structure beaucoup plus vaste’’. Durant sa carrière, Van Treeck aura ainsi collaboré à l’élaboration de près d’une centaine de projets, pour une partie construits. Sa rigueur et son sens des affaires le rapproche de promoteurs tels que les 3F ou de bureaux d’études tels qu’OTH avec qui il travaillera sur de nombreux projets. L’ambitieux chantier des Orgues de Flandre qui succède au grand concours d’Évry lui offrira une crédibilité pour les projets qui suivront, l’amenant à travailler dans toute la France, et même à l’étranger.
92
Dans la prochaine partie, nous chercherons justement à analyser toujours de manière chronologique certains projets dont la démarche semble tout à fait révélatrice de ce qu’il a lui-même appelé une approche ‘‘vécue’’ de l’architecture.
93
Projet
LA PIERRE COLLINET
Grands ensembles & préfabrication à Meaux (1958-1963)
fig.51 Yves Hodbert: «A la cité de la Pierre Collinet, les immeubles sur le canal de l’Ourcq».(Carte postale Iris)
fig.52 Plan du Site, le projet de la Pierre Collinet s’installe dans la zone d’habitation (en couleur) cerné par le canal de l’Ourcq au Sud Est.(Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.148)
Le projet du secteur industrialisé de la Pierre Collinet à Meaux, bien que longtemps critiqué59 et entièrement démoli en 201160, n’en reste sans doute pas moins l’un des premiers projets de Van Treeck en tant qu’assistant chez Jean Ginsberg, accompagné d’André Ilinski et de l’architecte Max Doignon-Tournier. Spécimen représentatif de ce que certain appelle le ‘‘hard french’’61, il marque à l’agence des réalisations d’une ampleur nouvelle et provoque de surcroît l’intérêt de Van Treeck pour la préfabrication qui développe ce sujet dans un article de la revue L’Œil en 196462. Meaux se situe à 42 kilomètres à l’est de Paris. La commune est installée dans une cuvette, creusée dans le plateau de la Brie par la Marne. La rivière qui traverse la ville forme une courte boucle qui entoure le quartier du Marché, et identifie le centre ville. Le canal de l’Ourcq (qui suit en partie l’ancien lit de la Marne, à Meaux : le Brasset) imprime également son tracé sur la ville depuis le XIXe siècle.
59. Jules Cornot, Entretien de Paul Chemetov (pp.200) 60. Bien que l’ensemble avait été rénové dans les années 70 et 80, le destin du quartier a définitivement basculé lorsque Jean-François Copé a été élu maire de Meaux : les barres et les tours ont été démolies par explosion ; toute trace de ce Grand Ensemble - jusqu’à la trame urbaine au sol a disparue. 61. Bruno Vayssière, Reconstruction, déconstruction : le hard french ou l’architecture française des trente glorieuses, Villes et sociétés, Paris, 1988 62. M.S. van Treeck & S. Alexandrian, La préfabrication, L’ŒIL 110 Février 1964 97
1
3
1
1
4 2
Équipements collectifs : 1. Groupes scolaires 2. Centre commercial 3. Église en projet 4. Club des jeunes (en projet) 5. Jardin d’aventure 5
Réparti sur 15 hectares, et d’une capacité d’accueil de 6700 habitants, ce programme de 1850 logements fut entièrement réalisé à l’aide de procédés industriels, fondés sur la préfabrication d’éléments lourds, conçus en association avec le bureau d’études techniques OTH63. Ce mode de production, appelé procédé Camus et qui consiste à fabriquer à l’avance voiles et planchers plutôt que de les couler sur place, impose d’importantes contraintes qui induisent de nombreuses décisions. Ainsi, tous les éléments constructifs, murs ou planchers, devaient présenter une masse homogène de manière que leurs moments de levage soient semblables, pour simplifier la mise en œuvre. La linéarité des bâtiments, imposée par le chemin de grue, reste la plus célèbre de ces contraintes .
fig.53 Plan Masse, Grand Ensemble de la Pierre Collinet (Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.154)
Six esquisses précèdent le projet définitif et testent les capacités du site en fonction des dispositions possibles et de leur coût prévisible64. Certaines solutions, comme l’implantation de nombreux bâtiments bas, sont rejetées parce qu’elles font apparaître une plus-value65. D’autres sont abandonnées parce qu’elles entraînent ‘‘une trop grande disproportion dans la surface et le poids des pièces préfabriquées’’. Mais la plupart sont écartées en fonction de critères architecturaux. Les concepteurs sont en effet extrêmement attentifs à l’utilisation rationnelle des surfaces qui sont limitées et à la double orientation de tous les logements de plus de· trois pièces. De plus, ils re63. L’Omnium technique (OTH), bureau d’études appartenant au groupe financier Paribas. 64.Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961 pp.150-153 65. Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987 99
fig.53 Photo de maquette, probable utilisation du relatoscope. (Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.158)
fig.54 Photo de maquette, 1963 (Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987, pp.124)
fig.55 Évolution des esquisses (Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.155)
fusent toute solution qui serait retenue au détriment des qualités techniques du confort comme l’isolation thermique, ou qui créeraient des éléments difficilement maîtrisables lors du chantier. Ils cherchent aussi à développer les appartements les plus grands sur deux niveaux. La solution retenue combine six barres de 15 étages, et trois tours de 23 niveaux (ces dernières exclusivement composées d’appartements quatre pièces). Les immeubles longitudinaux de 100m de long réunissent tous les autres types d’appartements. Les duplex des cinq et six pièces sont situés dans les étages inférieurs afin d’accueillir des familles avec de nombreux enfants. Les plus petits logements occupent les étages supérieurs. Ces bâtiments reprennent le système de distribution élaboré par Le Corbusier pour ses unités d’habitation : une grande galerie intérieure au centre du bâtiment dessert 3 étages. Très économique ce système permet de limiter à cinq les dessertes pour les quinze niveaux. Les deux étages des duplex ne se superposent pas. Leur décalage conduit à une imbrication complexe des logements . Pour agrandir l’espace du séjour et son ouverture, les architectes vont disposer une cloison biaise qui crée un pincement de la cuisine sur la façade. Cette disposition très simple, qu’ils avaient déjà expérimentée dans des immeubles de luxe, leur permet d‘enrichir l’espace d’une manière très économique. Dans le séjour, l’emmarchement de l’escalier d’accès aux chambres de l’étage délimite une zone destinée à accueillir le coin des repas. 101
fig.56 Perspective arraché schématisant le système de distribution des duplex et leurs partitionnement (Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.164)
fig.57 Schémas du système de distribution des appartements par la coursive intérieure et de leurs assemblages.(Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.156)
fig.58 Plans des duplex, 1963 (Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987, pp.125)
L’orientation est-ouest des bâtiments et leur stricte linéarité rendent le plan masse particulièrement rigide. Il utilise pourtant les rares atouts du site. Les façades principales recouvertes de panneaux de carreaux en grès cérame font l’objet d’un traitement systématique dont la composition générale des couleurs suit une logique fonctionnelle: les plus sombres signalent les cuisines et les séjours, le dessin de la façade résultant ainsi de la partition des appartements. Dans un souci du détail qui lui a fait sa renommé, il est intéressant de noter que Jean Ginsberg insiste à ce que les aérations hautes et basses des cuisines soient incluses dans la composition très précise du panneau de façade. Pour des raisons d’économie, les logements ne disposent pas de balcon, ce qui affirme d’autant plus le volume cubique des immeubles. Le toit des séchoirs collectifs aménagés au sommet des bâtiments définit une ombre qui souligne aussi cette forme primaire. Le seul élément décoratif des façades est l’escalier qui crée sur chaque face une rupture verticale et introduit des diagonales. Les parkings sont disposés sur les pourtours des bâtiments, tandis qu’un parc est planté au centre du groupement ce qui ménage un large espace libre, protégé de la circulation automobile. Le dossier d’exécution fait l’objet d’un long travail de mise au point auquel l’agence participe activement malgré l’aide importante du bureau d’études. De nombreuses maquettes de bois sont réalisées et pour étudier chaque détail, on construit un prototype grandeur nature, comprenant 9 cellules types entièrement aménagées, avant la mise en route de la préfabrication. 103
fig.59 À gauche, hall d’entrée, on remarque au fond le schéma de situation des logements (Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961, pp.161)
fig.60 À droite, Stockage au pied du bâtiment, les panneaux très encombrants et ne nécessitant pas de soins particuliers sont fabriqués au pied du bâtiment (Ibidem, pp.164)
fig.61 Pose d’un refend, deux hommes suffisent à la pose (Ibidem, pp.164)
fig.62 Perspective arrachée et détails d’assemblage de la structure (Ibidem, pp.159)
fig.63 Scellement par coulage d’une liaison verticale (Ibidem, pp.162)
fig.64 Maquette de montage (1/10e)(Ibidem, pp.160) 105
fig.65 Au centre le bâtiment prototype. Après avoir servi de bureau de travail aux techniciens du chantier, ce bâtiment bas sera plus tard utilisé comme maison des jeunes. Il est le seul bâtiment à avoir survécu aux démolitions de 2011 (Carte postale Yvon)
fig.66 À gauche, la Pierre Collinet, Le dessin fonctionnel des façade (expo58.blogspot. com) fig.67 À droite, ‘‘L’enfant découvre les plaisirs adaptés à son age, sa joie de vivre dans l’abondance et la variété des jeux, se repose sous l’ombre des arbres et des bancs abrités. La ‘‘Pierre Collinet’’ se transforme pour lui en un merveilleux jardin d’aventure’’ (Publicité de 1966)
L’article66 de Van Treeck sur la préfabrication revient de manière critique sur le procédé de préfabrication. Ainsi, pour lui, bien qu’il soit admis que ‘‘la normalisation, conséquence de l’industrialisation, conduit à l’appauvrissement des possibilités d’expression individuelles, à la monotonie et au vide émotionnel’’, le problème provient plutôt de l’usage qu’en font urbanistes et architectes. D’après lui le malaise, ne vient ainsi pas du procédé de mise en œuvre, mais plutôt du manque de rapport qu’entretiennent certains projets relativement dense avec leur contexte et le manque d’activité attribué à l’espace libre qu’ils dégagent. Indirectement, il semble alors revenir sur le projet de Meaux: ‘‘On peut regretter que les impératifs techniques soient pris trop à la lettre et que la construction de nombreuses cités récentes soit dominée par le souci de l’organisation du chantier, de la mise en place des grues et de leur rayon d’action’’. Pour introduire de la complexité au procédé, Van Treeck propose une solution hybride visant à mettre à la disposition des architectes certains éléments standards préfabriqués qu’ils pourraient injecter ponctuellement dans leurs projets. À la manière d’un catalogue, l’idée vise à réduire les coûts de chantier tout en permettant un jeu de combinaison d’éléments simples quasi illimité. Malheureusement, la crise pétrolière, une presse accablante et l’arrêt de certains chantier par le gouvernement contraignent Van Treeck à arrêter ses recherches sur le sujet, arrivées trop tardivement dans son travail d’expérimentation. 66. M.S. van Treeck & S. Alexandrian, La préfabrication, L’ŒIL 110 Février 1964 107
ASHDOD
Concours d’urbanisme lauréat (1965-1966)
fig.68 Résidence de Courcelles RN 306, Gif-sur-Yvette, 1962, Photo de maquette (Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987, pp.140-143)
fig.69 ‘‘L’immeuble villa’’ se compose à chaque niveau de cinq appartements qui forment un plan symétrique cruciforme dont les ailes sont légèrement repliées. Distribués par un escalier central, deux des appartements s’ouvrent sur les paliers intermédiaires, créant un décalage dans les hauteurs des volumes et des percements, et accentue l’éclatement des formes.(Ibidem)
Van Treeck participe à de nombreux concours de logements chez Ginsberg, mais celui d’Ashdod, à l’origine d’une querelle au sein de l’agence qui mènera Van Treeck à démissionner, est particulièrement marquant pour la vie professionnelle de ce dernier et fait partie d’une série de projets révélateurs d’un certain renouveau au sein de l’agence Ginsberg. L’ensemble de 350 logements économiques du hameau de Courcelles à Gif-sur-Yvette, où intervient Van Treeck de 1961 à 1966, ouvre la voie d’une série d’opérations, conçues dans la continuité des projets élaborés au cours des années cinquante mais qui se distingue par l’usage d’un vocabulaire formel renouvelé. Aux bâtiments rigides succèdent des immeubles dont les volumes, très articulés, ne se laissent plus enfermer dans des formes géométriques primaires. À Gif-sur-Yvette, chaque bâtiment est conçu comme une petite unité autonome qui se répète. Les bâtiments sont accolés en légères courbes et tirent au mieux des caractéristiques du site, en aval d’une forêt , sur le versant le mieux exposé de la vallée de Chevreuse. Les nouvelles voies ouvertes à Gif-sur-Yvette ont des conséquences sur toutes les échelles de projet. À partir des années soixante, l’agence de Ginsberg a plusieurs fois l’occasion de participer à des opérations d’urbanisme et s’éloigne peu à peu des formes qui avaient été développées pendant la reconstruc109
fig.70 Carte de l’Israël, Ashdod est une ville portuaire au sud de Tel-Aviv, ‘‘c’est une société française qui conduit et assure les travaux portuaires’’, ‘‘Ashdod est prévue pour assurer un trafic de 4 millions de tonnes de marchandises par an’’ (Économie et techniques françaises, Israël, terre des miracles, Archives INA, 1962)
fig.71 Plans des duplex, 1963 (Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987, pp.125)
tion pour appliquer les nouvelles directions déjà expérimentées sur de petits ensembles de logement. En 1965, Jean Ginsberg, Pierre Vago et Martin Schulz Van Treeck sont lauréats du concours pour le plan d’urbanisme du centre de la ville d’Ashdod en Israël. Située à l’ouest de Jérusalem et au sud de Tel-Aviv, cette ville côtière permet à Jean Ginsberg de participer à l’édification de ce pays pour lequel il manifestait toute sa sympathie67. Au contraire des autres concurrents, Van der Broek et Bakema (2e prix), Carmy & partners (3e prix), Friedstein & Fitch (3e prix ex-æquo), l’équipe ne s’appuie pas sur une composition aux axes fortement marqués et aux structures très définies mais propose un plan qui ne préjuge pas de l’architecture des édifices et dont l’ossature relève de ses nouvelles préoccupations. Les formes générales du plan se dissolvent dans un foisonnement de volumes. Le centre urbain, composé d’immeubles variant en hauteur et en direction dessine un Y qui s’ouvre sur un parc qui borde la mer. Tout le trafic de véhicules est réparti sur deux soussols, avec la gare routière qui se loge sous la dalle de la place centrale où sont implantés les édifices les plus importants de l’agglomération. La surface du sol est ainsi entièrement pour le piéton. Un tel système permet de tripler la surface de la partie la plus dense de la ville. Des quartiers résidentiels répartis le long de voies courbes, sont créés symétriquement autour du Y qui abrite le centre urbain. Le long de la côte, un vaste parc est aménagé et de nombreux équipements de loisirs sont implantés. 67. Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987, pp.126 111
fig.72 Photo de Maquette, la skyline proposée met en valeur un certain refus de formalisme et une grande souplesse d’insertion (Concours international pour le centre d’Ashdod, Techniques et Architecture n°1, octobre, 1965)
Les équipements sportifs se prolongent par une jetée et un port de plaisance . Une circulation aérienne, par téléphérique, liant le centre-ville à la plage , est prévue, de manière à limiter les déplacements des véhicules. Ce plan se distingue des projets des autres concurrents par son refus du formalisme. La parfaite distinction entre la phase d’urbanisme et la réalisation architecturale du plan offre la souplesse indispensable à une telle échelle de projet. Ce réalisme se retrouve dans la manière dont les principes généraux, appliqués jusque-là à de petits ensembles, sont introduits dans l’organisation du quartier central d’une ville de 350.000 habitants. Le cœur de la cité est consacré aux piétons et les espaces en superstructure ne relèvent pas d’une géométrie stricte. Au contraire, l’infrastructure, destinée à la circulation, emploie des schémas très simples et rationnels. Le dessin des voies explicite la hiérarchie urbaine : les courbes ne sont utilisées que dans les quartiers résidentiels ou le parc. Cette imbrication des fonctions de la cité, leur superposition, et l’adaptation des formes à leur nature peuvent rappeler l’intégration organique de l’architecture et des réseaux fonctionnels, que Jean Ginsberg avait déjà opéré dans ses immeubles urbains, puis dans l’usine de Bonneuil. Ashdod est pour l’agence l’occasion d’appliquer ces principes fondamentaux à l’échelle urbaine.
fig.73 Photo de maquette, au cœur du projet une place piétonne (ibidem) 113
EVRY VILLE NOUVELLE
Les villes nouvelles et le concours Évry 1 (1965-1974) Afin d’éviter la concentration urbaine dans les grandes métropoles et notamment à Paris et de réaliser un développement urbain multipolaire la France met en place dès le milieu des années 1960 la politique des villes nouvelles. C’est ainsi qu’en 1965, soit vingt ans après les New Towns britanniques et à la suite de la création de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France, le SDAURP68 est adopté.
fig.74 Les deux axes préférentiels pour Paris guident l’emplacement des villes nouvelles sur un graphique fondé sur le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris de 1965. À terme, cinq villes nouvelles naîtront de ce premier plan : Cergy-Pontoise, Évry, Trappes, Marne-la-Vallée (d’abord appelée Noisy-le-Grand/Brysur-Marne) et Melun-Sénart (initialement appelée Tigery-Lieusaint) (Pierre Merlin, Les villes nouvelles, Paris, Presses universitaires de France, 1969, pp.262)
Au lieu de décongestionner le centre-ville et de densifier la périphérie, les urbanistes cherchent à favoriser le développement économique et à induire une croissance urbaine exponentielle allant bien au-delà des limites de la ville existante. La forte croissance économique et démographique qui, depuis 1945, a totalement remodelé la région parisienne est extrapolée à un lointain avenir : les urbanistes prévoient qu’à échéance 2000, Paris ne comptera pas moins de quatorze millions d’habitants et son périmètre aura doublé de taille69. Le plan vise ainsi à renforcer le desserrement de la région et à mettre en valeur des pôles de développement éloignés du centre de l’agglomération pour qu’ils puissent acquérir une véritable autonomie et s’oppose au précédent plan PADOG (Plan d’aménagement et d’organisation générale) qui prévoyait au contraire de limiter le développement de la région pari68. Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne. 69. Kenny Cupers, La banlieue, un projet social Ambitions d’une politique urbaine, 1945-1975, Parenthèses, 2018 pp.239 115
sienne et de développer d’autres villes françaises. Révélateur de l’optimisme des années soixante, le schéma directeur porte indéniablement la marque de Paul Delouvrier, un ‘‘homme d’action’’ charismatique chargé par De Gaulle de moderniser la nation et de lui rendre la grandeur qu’elle mérite. Celui-ci lance les projets de villes nouvelles, de RER (réseau express régional) et d’autoroute de banlieue afin de canaliser la croissance rapide de l’agglomération parisienne . Les villes nouvelles parisiennes doivent être créées en dehors de villes existantes et se trouver de 15 à 50 kilomètres de Paris. À l’origine, le SDAURP prévoit la création de huit villes nouvelles, sans préciser d’implantation précise. Leur nombre est ensuite ramené à cinq. En 1970, le GCVN70 est créé pour coordonner la création de villes nouvelles autour de Rouen, Lyon, Lille et Marseille. En plus des cinq villes nouvelles prévues en région parisienne, on en prévoit quatre autres dans le reste de la France.
fig.75 Répartition géographiques des villes nouvelles françaises. 9 villes nouvelles sont prévues au total dont 5 en région parisienne (Jean Eudes Roullier, 25 ans de villes nouvelles en France, Paris, Economica, 1989,pp.4)
Les villes nouvelles se veulent différentes des banlieues dortoirs et surtout des grands ensembles du début des années 1960 du fait qu’elles cherchent à fixer la population sur place et à permettre une déconcentration urbaine. Au contraire des années 1960, l’objectif cette fois est d’en faire des lieux relativement autonomes, avec une capacité d’accueil qui assure l’équilibre entre habitat et emploi. Pour élaborer le programme de la ville nouvelle d’Évry, une première mission d’étude et d’aménage70. Groupe central des villes nouvelles. Ce groupe est présidé par Roger Goetze et Jean-Eudes Roullier en est le secrétaire général. 117
ment est installée dans la ville dès 1967 et l’établissement public d’aménagement, EPEVRY, est créé le 12 avril 1969. Le discours de l’EPEVRY s’est ainsi élaboré progressivement, de 1967 à 1975. La période de gestation initiale, de 1967 à 1971, est sans doute la plus importante et la plus féconde car c’est à ce moment que sont définis le schéma des voiries, l’armature des équipements de la vie collective et les principes d’un urbanisme linéaire, avec retour à la rue et contact avec de grands parcs publics.
fig.76 Derrière ce ‘‘temps de vivre’’, il faut entendre le slogan ‘‘métro-boulot-dodo’’, si largement diffusé après mai 68. Et le souci de rapprocher habitat et emploi fut commun à toutes les villes nouvelles. Il faut entendre aussi les perspectives d’une civilisation des loisirs et de l’éducation permanente, qui semblaient évidentes aux sages de la décennie 65-75.(Mémoire de la ville nouvelle, Document mémoire n°10, Les idées de départ des urbanistes d’Évry ville nouvelle, janvier 2009, pp.5) fig.77 À la suite, Composition des 8 groupements concurrents, Concours Évry 1 premier degré, novembre 1971 (Archives IFA, Rapport ATM 162 IFA 1130)
De 1971 à 1973, un surcroit de libéralisme met un frein aux méthodes des jeunes ‘‘technocrates’’ de l’EPEVRY, accusés de faire du dirigisme. C’est dans ce contexte que le ministère de l’équipement leur impose de recourir à un concours international pour concevoir le quartier d’Évry 171. Le 18 mai 1971 , M. Maurice Doublet, préfet de région, présente publiquement le concours d’Évry 1, compétition internationale à deux degrés, l’une des plus importantes qui aient été lancés en France (et probablement en Europe) sur un seul site. Le 6 décembre 1971 , le jury du concours, à l’issue du premier degré, invitait, parmi les huit équipes concurrentes regroupant des promoteurs, des architectes et des bureaux d’études techniques (fig.77), quatre d’entre elles (Projets 6, 8, 2 et 3; ou groupements UCY, EUREVRY, ICP et GREC dans l’ordre du classement72) à poursuivre leurs études. Enfin, le 12 juillet 1972, le jury confie la réalisation du quartier d’ÉVRY 1 au groupement UCY d’Andrault et Parat. Si le temps alloué aux 71. Mémoire de la ville nouvelle, Document mémoire n°10, Les idées de départ des urbanistes d’Évry ville nouvelle, janvier 2009, pp.3 72. GCE, Groupe de coordination d’entreprise, Concours d’urbanisme Evry 1, Premier degré, Résultats de la Méthodologie, Archives IFA, Rapport ATM 162 IFA 1130, novembre 1971 119
121
Scanned by CamScanner
Scanned by CamScanner
fig.78 Premiers compte rendus d’analyse pour la ville d’Évry. À gauche, Évry situé dans une carte de l’Essonne. À droite carte d’Évry et analyse préliminaire établie par Guy Lagneau pour le futur centre administratif régional. Ministère des affaires culturelles, préfecture d’Essonne, janvier 1966, (Archives IFA, Rapport ATM 162 IFA 1130)
fig.79 Établissement public d’aménagement, Concours Évry 1, Zone centrale, juin 1970 (Evry concours, Archives du CDU (Centre de documentation de l’urbanisme))
concurrents pour élaborer leurs propositions du 1er et du 2e degré parait court (mai 1971 - juillet 1972), celui consacré à la définition de la forme du concours, à la préparation du programme et à sa rédaction, à son acceptation par toutes les instances concernées a été relativement long. Dix-huit mois environ se sont écoulés entre la décision de mettre Évry 1 au concours et la diffusion du programme. Évry 1 se voulait être un concours de ‘‘conception et de réalisation’’; il fut alors impératif de définir d’une manière précise les prestations à la charge du groupement qui réaliserait ÉVRY 1. C’est pourquoi, le programme fut défini aussi rigoureusement que possible allant jusqu’à devenir parfois contraignant pour les concurrents. Sur le plan formel cependant, une grande liberté fut laissé aux participants comme en témoigne la diversité des projets présentés au 1er degré (fig. 80 à 84). Évry 1, comme l’ensemble de la zone centrale de la Ville Nouvelle, est situé sur un plateau rural (anciens champs de betteraves) et de peu de relief. Aucun élément géographique marquant n’est alors à prendre en compte dans l’organisation de l’espace si ce n’est que les bâtiments hauts peuvent bénéficier de vues sur la vallée de la Seine et la forêt de Sénart. Le modelé du site résulte ainsi entièrement d’une volonté architecturale. Évry 1 s’organise autour d’un axe piéton et de transport en commun en forme de ‘‘V’’ dont l’un des rôles essentiels est de relier entre elles les différentes 123
Scanned by CamScanner
fig.80 Plan Masse du Projet n°1 (Groupe SOPEREV) en blanc ‘‘Secteur HLM’’, en hachuré ‘‘Secteur aidé’’ et en noir ‘‘Secteur non aidé’’ (Concours Évry 1 (1er degré), Rapport de la commission Habitat, Archives IFA, Rapport ATM 162 IFA 1130) Pour une description plus précise des différentes propositions du second degrè voir le reportage : Michel Pericard, Jean Cohen et Louis Beriot, La France défigurée, Evry ville nouvelle, avril 1973, Archives INA fig.81 Plan Masse du Projet n°6 Lauréat (Groupe UCY) en blanc ‘‘Secteur HLM’’, en hachuré ‘‘Secteur aidé’’ et en noir ‘‘Secteur non aidé’’ (Ibidem)
Scanned by CamScanner
fig.82 Plan Masse du Projet n°2 (Groupe ICP) en blanc ‘‘Secteur HLM’’, en hachuré ‘‘Secteur aidé’’ et en noir ‘‘Secteur non aidé’’ (Ibidem)
fig.83 Plan Masse du Projet n°3 (Groupe GREC) en blanc ‘‘Secteur HLM’’, en hachuré ‘‘Secteur aidé’’ et en noir ‘‘Secteur non aidé’’ (Ibidem)
fig.84 Plan Masse du Projet n°2 (Groupe EUREVRY) dans sa phase de premier degré. Celle-ci admet une forme en L abandonnée au profit d’un projet linéaire et continu dans sa phase finale. en blanc ‘‘Secteur HLM’’, en hachuré ‘‘Secteur aidé’’ et en noir ‘‘Secteur non aidé’’ (Ibidem)
Scanned by CamScanner
125
fig.85 Interview de M. Lalande, Directeur de la Ville Nouvelle d’Évry. La naissance de la 5e ville nouvelle de la région parisienne Evry, est retracée à travers les interviews d’architecte, d’urbanistes, de promoteurs, d’élus, qui ont participé à sa création, et d’images des maquettes des projets, des premiers chantiers et des premières constructions. (Michel Pericard, Jean Cohen et Louis Beriot, La France défigurée, Evry ville nouvelle, Office national de radiodiffusion télévision française, avril 1973, Archives INA)
fig.86 De Gauche à droite, Jean Tribel, Henri Ciriani, Michel Corajoud, Paul Chmetov et bien qu’invisible à l’écran mais présent sur le plateau, Borja Huidobro. Reportage sur deux projets de l’AUA: celui qu’ils ont réalisé dans le quartier de l’Arlequin de la ville neuve de Grenoble-Échirolles, et celui qui a obtenu le deuxième prix au concours d’aménagement urbain de la ville nouvelle d’Évry I. Ces projets sont décrits grâce à des photographies, séquences filmées et maquettes. (JeanPaul Pigeat et Éric Rohmer, Les villes nouvelles 3, La Forme de la Ville, L’institut national de l’audiovisuel, Archives INA)
opérations du site telles que le cœur de ville, les Galants Courts, Evry 2, Ris-Orangis, le parc des Loges et un ensemble sportif. La surface totale du quartier d’Évry 1 est d’environ 120 hectares mais l’ensemble des logements et des équipements à réaliser dans le cadre du concours est situé à l’intérieur d’un périmètre plus restreint de 82 hectares (fig. 79). Le concours se veut optimiste. Dans la fièvre des commencements, la ville nouvelle d’Évry ne vise pas moins qu’à créer un ensemble de 7.000 logements avec commerces et équipements. Au moment du concours, Van Treeck a quitté l’agence de Jean Ginsberg pour se mettre à son compte. Le groupement EUREVRY auquel il va appartenir forme une équipe pluridisciplinaire particulièrement complète. L’AUA (Atelier d’Urbanisme et d’Architecture) est invité à participer au concours. Paul Chemetov, architecte responsable au côté d’Henri Ciriani est chargé par le directeur général de l’EPEVRY, André Lalande, de rassembler un groupe international73. Celui-ci invite alors le Taller de Arquitectura représenté par Manuel Nunez et Ricardo Bofill avec qui il a récemment collaboré pour une étude de 1971 du ministère de la culture appelée Chemetov, pour une architecture de composants industriels. Il est fort possible que Van Treeck et Ginsberg aient été invités par le promoteur de l’opération (le FFF) avec qui ils avaient collaboré à plusieurs reprises auparavant et qui pouvait avoir besoin de la caution d’un architecte de confiance. Ainsi Le groupement EUREVRY sous la supervision de Paul Chemetov et d’Henri Ciriani, architectes responsables 73. Cf. Entretien de Paul Chemetov en fin de partie annexe 127
fig.87 Georges Loiseau, Jean Tribel, Henri Ciriani et Borja Huidobro, architectes, Michel Corajoud paysagiste, Jean-François Parent urbaniste, Plan d’ensemble du quartier de l’Arlequin, Grenoble (Isère), 1966-1968. (Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.175)
fig.88 Pour définir les séquences principales de la ‘‘rue’’, Henri Ciriani et Borja Huidobro s’inspirent explicitement des méthodes de town design proposés par Kevin Lynch dans son livre The Image of the City. Ils ont recours à des signes graphiques de grandes dimensions, directement inspirés du ‘‘langage’’ signalétique et publicitaire, pour animer un lieu, support d’informations. La méthode de communication est non sans rappeler les vues relatoscopiques de Van Treeck (Ibidem)
et de Ricardo Bofill, architecte conseil, fait intervenir en tant qu’architecte de nombreuses personnalités telles que Van Treeck, l’équipe du Taller de Arquitectura de Barcelone, les membres de l’AUA: Jean Perrottet, Jean Deroche, Jean Tribel, Valentin Fabre, Georges Loiseau, Michel Corajoud et Borja Huidobro (groupe paysage urbain CCH, Ciriani, Corajoud et Huidobro); ainsi que le bureau d’étude OTH. Comme l’analyse Jacques Lucan, la proposition d’EUREVRY au concours d’Évry 1 s’inscrit dans la filiation des projets monumentaux de mégastructures linéaires s’opposant aux projets de nappes proliférantes74. Sans doute inspirés par leur récent projet du quartier de l’Arlequin à Grenoble-Échirolles, à Évry les AUA semblent poursuivre leur réflexion sur l’espace de la ‘‘rue’’. À Grenoble, la disposition des bâtiments hauts de logements est linéaire et se plie à une géométrie commandée par des angles à 120°. Au pied de ces bâtiments, l’espace public majeur, la ‘‘rue’’ qui est en réalité plus une galerie, se déroule sur une longueur de 1,5 km, de largeur variable, mais d’une hauteur constante de six mètres. Elle irrigue les équipements, les parkings et les circulations verticales qui distribuent les appartements, en bordure d’un parc de 20 hectares. Le but recherché est de mettre en scène une opposition entre la structure lourde des logements et celle, légère et modifiable, des équipements; ceux-ci peuvent même adopter des principes d’organisation et de développement proliférants, en étant greffés sur la rue et en dévalant vers le parc. 74. Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.171-186 129
fig.89 Pendant quatre années, Le Corbusier n’a cessé de proposer à la Municipalité d’Alger des solutions de plus en plus précises, dont l’effet serait de permettre à cette ville actuellement dans une impasse dramatique de trouver les moyens nécessaires à son extension imminente. Le Corbusier et Pierre Jeanneret ont établi d’abord un projet général, dénommé ‘‘projet obus’’, destiné à briser une fois pour toutes les routines administratives et à instaurer en urbanisme les nouvelles échelles de dimensions requises par les réalités contemporaines. Le projet est en trois parties: Une Cité d’Affaires, Une Cité de résidence et une liaison des deux banlieues extrêmes d’Alger par une route autostrade dans laquelle seraient aménagés des logis pour 180.000 personnes. Le projet fournit ainsi les deux solutions indispensables à toute ville: aménagement des circulations rapides et création des volumes d’habitations nécessaires. (Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Œuvre complète, volume 2, 1929-1934)
fig.90 Photomontage, Jean Bossu, Projet pour une artère résidentielle, 1964-1966 (Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.179)
Le projet de l’Arlequin semble lui-même prendre ses fondements sur le projet du Mirail à Toulouse de l’équipe Candilis, Josic et Woods ainsi que celui plus utopique que Jean Bossu conçoit pour une ‘‘artère résidentielle’’ entre 1964 et 1966. Ce dernier qui affirme ‘‘Il faut construire des murailles de Chine, des aqueducs à habiter75’’ rappelle le Plan Obus de 1932 pour Alger du Corbusier chez qui il a travaillé dans les années 1930. L’‘‘artère résidentielle’’ est constituée de deux bâtiments rectilignes et parallèles de plus de 400 mètres de long et de 18 étages, distants l’un de l’autre de 42 mètres et posés sur un socle. Entre eux se concentrent l’animation urbaine et la vie publique : dans une ‘‘nef’’ à ciel ouvert de 54 mètres de hauteur, Jean Bossu veut collectionner de nombreux thèmes urbains pour lesquels il évoque aussi bien de grands ensembles monumentaux comme la place des Vosges, le Palais-Royal et la rue de Rivoli, que des ensembles plus pittoresques comme la rue Mouffetard et la rue de Buci. Les 1800 logements du vaisseau de l’‘‘artère résidentielle’’ s’ouvrent donc à la fois sur la ‘‘nef’’ et sur un parc environnant. La réalisation des façades des logements étant laissée à l’initiative et à la liberté des occupants les faces des deux bâtiments hauts deviennent ainsi d’immenses mosaïques de matières, de couleurs et de diversités. Ces mosaïques s’insèrent dans une structure qui, elle, doit être rigoureuse et répétitive : ‘‘La structure générale de cet ensemble est traitée en ‘‘génie civil’’. 75. Jean Bossu, ‘‘l’architecture est le résultat d’une patiente et longue addition’’, Livre d’or de l’architecture et de l’urbanisme, édité par la GrandeMasse de l’ENSBA et élaboré par Pierre Lefèvre, Paris, juillet 1966. 131
fig.91 Plan Masse du groupement Eurevry. (Eurevry, Ville Nouvelle d’Évry, Projet de Concours du Groupe Eurevry, Architecture d’Aujourd’hui n°164, oct/nov 1972, pp.5257 )
Le gros œuvre doit être apparent et subsister; ce sont les futures ruines76’’; citation qui peut rappeler le propos souvent répété par Auguste Perret : ‘‘L’architecture, c’est ce qui fait les belles ruines’’. Cet intérêt pour le génie civil va s’exprimer aussi dans le projet de l’Eurevry: ‘‘Nous revendiquons des influences infiniment plus simple qui sont les moyens de réalisation de nôtre temps’’77. Le projet de l’équipe AUA - Taller de Arquitectura dessine une mégatrame, tracé géométrique orthogonal qui permet la disposition de trois parties : ‘‘la place’’, ‘‘le signal’’ et ‘‘la rue’’. Le signal est un ensemble carré de 540 logements, un objet singulier spécifiquement conçu par le Taller de Arquitectura, tandis que la rue de 400 mètres de long et de 1.660 logements est conçue par les architectes de l’AUA que Van Treeck va assister.
À la suite: fig.92 En haut, Façades d’ensemble(Ibidem) fig. 93 En bas à gauche, Différentes coupes transversale sur la rue permettent de mieux comprendre les dispositifs mis en place par les architectes pour animer la déambulation du visiteur (Ibidem) fig.94 En bas à droite, perspective coupé dans le bâtiment présentant la stratification verticale du bâtiment et les circulations souterraines (Ibidem)
La rue est proposée comme un nouveau modèle urbain fait de portiques monumentaux entre lesquels s’insèrent des logements en gradins, et aux pieds desquels se trouvent des parkings et des équipements qui dévalent et prolifèrent vers le parc environnant. Celle-ci est donc enserrée entre deux alignements de bâtiments en encorbellement, comme une ‘‘nef’’ dont les logements forment l’ossature résistante. Ce travail poursuit les recherches des AUA sur ce qu’appelle Chemetov ‘‘le double corps’’. Défini comme ‘‘des individuels et un collectif, accolés avec une desserte centrale’’78, le double corps de Chemetov se sin76. Jean Bossu, Une artère résidentielle, T&A, n°6,mars 1967 77. Jean-Paul Pigeat et Éric Rohmer, Les villes nouvelles 3, La Forme de la Ville, L’institut national de l’audiovisuel, Archives INA 78. Cf. Entretien de Paul Chemetov en fin de partie annexe 133
135
gularise néanmoins de l’artère résidentielle de Jean Bossu par la différence de hauteurs entre le bâtiment au Sud toujours plus bas que le bâtiment au Nord pour des contraintes d’ensoleillement79. Selon les termes du programme, Évry 1, premier quartier de la ville nouvelle préfecture de l’Essonne, devait s’organiser autour d’un axe piéton et de transports en commun non polluants en forme de ‘‘V’’. La solution adoptée par l’équipe de l’AUA est celle de la concentration des habitations et des équipements le long d’un axe linéaire commandé par deux pôles: d’un côté le centre culturel d’Évry, de l’autre un centre consacré à l’automobile avec un grand centre commercial. Le projet du groupe Eurevry ménage pour seulement 19ha bâtis 63ha d’espaces libres. Il va même au-delà des propositions de densification du programme alors que les solutions proposées par les autres concurrents restent en deçà des nécessités du programme. Dans le projet lauréat par exemple, les étendues non bâties restent beaucoup plus restreintes et fragmentées. Sur le projet de l’AUA au contraire, il apparaît que de part et d’autre de la rue axiale dont le volume est à peu près égale à celui des Champs-Élysées, le terrain est entièrement libéré.
fig. 95 Photos de la maquette en bois (balsa) du projet du groupe Eurevry. (Eurevry, Évry 1, 1971-1972, Archives du Centre Pompidou, AM 19941-6 )
Il s’agit ici d’une rue véritable et non plus comme à Grenoble, d’une galerie couverte. Cette rue n’a cependant guère à voir avec la rue traditionnelle. Elle se présente comme un espace à la fois intérieur et extérieur, sorte de nef mi-fermée, mi-ouverte, par de 79. Ibidem 137
vastes fenêtres urbaines de 30x30m, volumes charnière entre tous les éléments de la ville et réceptacle de tous les déplacements.
fig. 96 Dessins de ‘La Città Nuova’, (ville nouvelle), œuvre architecturale d’Antonio Sant’Elia, créée en 1914 et qui s’inscrit dans le mouvement artistique futuriste. (Sant’Elia, La Città Nuova, 1914)
fig.97 Perspectives de Ciriani, on sent tout de suite l’influence qu’à pu avoir Sant’Elia sur l’imagination de telles structures (Eurevry, Ville Nouvelle d’Évry, Projet de Concours du Groupe Eurevry, Architecture d’Aujourd’hui n°164, oct/nov 1972, pp.52-57 )
Les influences plastiques du projets sont sans conteste celle du futuriste italien Antonio Sant’Elia80, qui, frappé par les installation d’infrastructures lourdes telles que les barrages ou les usines hydroélectriques a essayé, de transcrire dans un langage de ville l’émotion qu’il ressentait devant ces nouvelles masses. Ici la ville, cernée par les arrêtes des bâtiments, dont la trame urbaine a été densifiée autant que possible afin d’induire le maximum d’animation possible, est traitée comme un lieu d’échange et d’activité, dans laquelle le mouvement et la relation qu’entretiennent les gens avec leur quartier compte avant tout. Sur cette longue trame linéaire et continu, la nécessité était également de faire sentir différentes échelles de lecture afin de permettre au visiteur de bien se repérer dans l’espace. Ainsi en terme d’usage, à l’échelle du piéton par exemple, 300 à 350m séparent deux stations de transport, (équivalent à 5 minutes à pied) sur lesquels est développée une grande variation d’animations. L’automobile est tout à fait séparée et circule à un niveau inférieur entièrement souterrain, différent de celui du piéton. Deux types de logements dans l’opération peuvent être dissociés: D’une part, les logements verticaux qui forment des portiques monumentaux ont 80. Paul Chemetov s’exprime au nom du groupe (Jean-Paul Pigeat et Éric Rohmer, Les villes nouvelles 3, La Forme de la Ville, L’institut national de l’audiovisuel, Archives INA) 139
une représentation d’empilement conventionnelle. Ils permettent de repérer le visiteur et de marquer une trame appropriable entre secteur. D’autre part, les logements traversants en gradins, permettent d’un côté, des terrasses largement ouvertes sur la vue des espaces extérieurs très dégagés appelé par les AUA le ‘‘prospect kilométrique’’; de l’autre, en surplomb de définir l’espace de la rue. En ce qui concerne le partitionnement des logement en gradin, dans ces logements traversants, les cuisines sont du côté des terrasses et les salles de bain sont au milieu de l’appartement. Du côté de la rue, en surplomb, se trouvent les chambres afin que de l’autre côté, le séjour, salle principale puisse bénéficier de la terrasse. Du côté des équipements, ceux-ci sont situés autour du même axe de la rue. Le but étant de limiter au maximum les déplacements du visiteur, le gymnase ou l’école maternelle par exemple sont intégrés à la structure de l’édifice permettant des interactions entre le passant et l’usager des différents équipements. Deux pôles situés au niveau des gares rassemblent les activités commerciales et de loisir mais l’ensemble de la rue permet, par des espaces de réserve l’installation d’activités plus localisées tout le long de la rue.
fig.98 Photos de maquette (Jean-Louis Cohen, Vanessa Grossman, Une architecture de l’engagement, 1960-1985: AUA, Paris, La découverte, 2015)
Malgré l’évocation de Chemetov insinuant que Van Treeck n’ait participé au concours qu’en tant que ‘‘sleeping partner’’81, celui-ci a tout de même très certainement facilité le travail des AUA dans la définition de ‘‘la rue’’ grâce à son relatoscope dont les clichés semblent avoir été utilisés comme support de re81. Cf. Entretien de Paul Chemetov en fin de partie annexe 141
cherche et de communication dans les fameuses séquences perspectives d’Henri Ciriani. Dans l’interview faite aux AUA devant les maquettes du projet, à la suite du concours Évry 182, ces derniers soulèvent une réflexion qui rejoint très étroitement le parti de Van Treeck pour une architecture d’espace et non une architecture objet: En parlant du malaise à l’observation depuis l’extérieur de la maquette comme objet fini : ‘‘Je crois aussi qu’il y a une déformation qui vient du fait qu’on est en train d’observer une maquette,[...] nous proposions un espace à vivre et non à regarder. Il est bien évident que regardant cette maquette à cette distance on ne pénètre pas du tout à l’intérieur de l’espace, on ne fait que le survoler.’’ En parlant d’une architecture objet, qui ne s’intéresse pas à la gestion des parcours, des vues, de ses espaces extérieur et de l’importance de l’introduction des différentes échelles de perception: ‘‘Je crois qu’on pourrait parler à ce niveau là comme dans beaucoup de projets, entre-autre, celui de nos concurrents, d’une sorte d’engloutissement visuel, et pas seulement visuel, un engloutissement tout court à l’intérieur des projets de ce type parce que justement ils ne sont que des empilages de morceaux de sucre, et ces morceaux de sucre représentant l’entité logement. Il n’y a pas de proposition, il n’y a pas de hiérarchie d’échelle qui permette aux gens à différentes distances par rapport au projet d’identifier d‘abord une 82. Jean-Paul Pigeat et Éric Rohmer, Les villes nouvelles 3, La Forme de la Ville, L’institut national de l’audiovisuel, Archives INA 142
À la suite, Comparaison d’un cliché relatoscopique avec la construction d’une séquence de la rue en perspective par Ciriani. Il semble que la construction globale ait été tout simplement calquée de la photographie de Van Treeck. Ce procédé est plus tard utilisé par Van Treeck pour les projets de Houilles et du Vaudreuil. De haut en bas, de gauche à droite: fig.99 Cliché relatoscopique (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault), fig.100 Dessin préparatoire, encre de Chine sur calque (Henri Ciriani, Espace intérieur, 1971-1972, Archives du Centre Pompidou, AM 19972-75) fig.101 Dessin préparatoire, feutres sur papier (ibidem, AM 1997-2-73) fig.102 Perspective finale, Feutres sur papier, (Isabelle Regnier, Henri Ciriani, grand architecte de l’habitat, le Monde, 10 mai 2019)
grande structure claire, qui se redécompose ensuite en différentes autres types de structures, dont le logement est l’achèvement.[...] Il faut que la ville soit didactique, qu’elle explique son système de fonctionnement à n’importe quel rapport de distance et d’échelle par rapport à elle-même. Sinon on se trouve dans une situation d’architecture intérieure, où les espaces nous sont proposés en chaîne les uns par rapport aux autres et on finit par s’engloutir parce qu’à un moment donnée on ne peut avoir le recul suffisant par rapport à cette ville elle-même pour en comprendre la hiérarchie.’’ ; ‘‘La ville ne devrait pas être un objet fini mais quelque chose qui propose des services latents aux usagers.’’ ; ‘‘L’ambition du projet est de donner aux habitants, avec très peu de moyens d’argent, le luxe de l’espace et la jouissance de la vue’’ Dans un article de 197283, le groupe Eurevry qui assume l’innovation du concours et l’incompréhension des politiques à une telle architecture s’exprime ainsi: ‘‘Quand les gens de goût pétitionnaient dans les dernières années du 19e siècle contre la construction de la Tour Eiffel, ils s’élevaient contre la première architecture d’espace construite à ,Paris. L’architecture de la Renaissance, celle des volumes en perspectives et en bonne proportion posés comme des encriers sur des dessus de cheminée, prenait fin. Une nouvelle architecture, qui concevait l’espace comme la matière première de ,l’architecture, naissait.’’
83. Eurevry, Ville Nouvelle d’Évry, Projet de Concours du Groupe Eurevry, Architecture d’Aujourd’hui n°164, oct/nov 1972, pp.52-57 143
145
fig.103 Projet du groupe Eurevry, Photo de maquette (Paul Chemetov, L’arrivée de Bofill en France : la version de Paul Chemetov, témoin direct, AMC n° 248, février 2016, pp. 1819)
fig.104 Taller de Arquitectura-Ricardo Bofill, architectes, Ville nouvelle de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), Projet de ‘‘La Petite Cathédrale’’(1971-1972) (Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.182)
À l’issue d’au moins ‘‘5 à 6 heures de délibérations houleuses84’’, Le projet de l’équipe Eurevry n’est finalement pas lauréat du concours d’Évry et n’obtient que le second prix. Le premier prix revient au projet d’une équipe conduite par Michel Andrault et Pierre Parat, qui présente une alternative opposée à la précédente: une nappe homogène et proliférante de logements en pyramides où « la notion d’immeuble disparaît au profit d’un tissu urbain continu ». L’opposition entre ces deux projets est révélatrice de la teneur des débats architecturaux et urbains du début des années 1970: l’un propose une mégastructure horizontale qui se veut antimonumentale, l’autre une mégastructure verticale qui ne refuse pas le monumentalisme. Malgré l’échec d’Eurevry, on peut observer l’influence importante que va avoir le concours sur les projets futurs de certains participants du groupe. En effet, il parait que de prêt ou de loin, chacun cherche alors à s’approprier les enseignements d’Évry qui semblent être le concept de ‘‘rue’’ ou la monumentalité induise par le principe des gradins. Ricardo Bofill conçoit ainsi un projet de 500 à 600 logements pour la ville nouvelle de Cergy-Pontoise (1971-1972). S’inspirant de la structure d’une cathédrale gothique, il nomme précisément cet ensemble ‘‘La Petite Cathédrale’’. Littéralement un monument fait de logements et d’équipements, dont la nef est encore une rue protégée, couverte, exprimant les rapports du système spatial gothique. La monumenta84. Interview de M. Lalande, directeur générale de l’EPEVRY, Michel Pericard, Jean Cohen et Louis Beriot, La France défigurée, Evry ville nouvelle, avril 1973, Archives INA 147
fig.105 Henri Cirlanl, architecte (AUA), Les bâtiments linéaires avec, de haut en bas Concours d’aménagement urbain, ville nouvelle d’Évry (Essonne), 1971-1972; Concours d’aménagement urbain, ville nouvelle de L’lsle-d’Abeau (Isère), 1975; Ensemble de logements La Noiseraie (Noisy 2), ville nouvelle de Marne-laVallée, Noisye-Grand, 19751980; Ensemble de logements Noisy 3, ville nouvelle de Marna-Vallée, Noisy-leGrand, 1979-1981; Ensemble de logements La Cour d’angle, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), 1978-1982. (Henri Ciriani, Dessin ‘‘Les bâtiments linéaires’’ : vue de dessins didactiques reprenant les élévations des projets de logements de 1971 à 1979, Archives IFA, Dossier 133 Ifa 17/6. Doc. AR06-03-15-17)
fig.106 Henri Ciriani, Perspective aérienne (Henri Ciriani, Ensemble de logements, La Noiseraie, 1975-1980, Archives du Centre Pompidou, AM 1997-2-106)
lisation du logement mène ici à une indépendance et une autonomie de l’ensemble mégastructurel, qui se replie sur une logique individuelle. De son côté, Henri Ciriani, qui tente de poursuivre une réflexion personnelle sur les mégastructures, dira quelque années après le concours : ‘‘C’est sans doute le projet d’Évry qui représente le mieux ma manière85’’. Ce dernier après diverses expérimentations sur ce qu’il appellera ‘‘le fil conducteur’’ (Étude pour la ZAC des Sept Planètes à Dunkerque), recentre son propos sur l’édifice comme pièce monumentale: ‘‘le monumental comme armature capable de requalifier la ville’’, son choix se portant sur la conception de ‘‘bâtiments linéaires’’ (fig.105). Dans la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, à Noisy-le-Grand, il construit, toujours dans le cadre de l’AUA mais cette fois individuellement, son premier ensemble, La Noiseraie (1975-1980). Ensemble de 300 logements répartis en trois bâtiments: l’un institue un alignement de 180 mètres tandis que les deux autres, perpendiculaires au premier, se regardent et s’étagent en gradins en laissant passer entre eux une voie publique piétonne. Pour qualifier le bâtiment linéaire, Henri Ciriani emploie le terme de ‘‘front d’urbanisation’’ comme limite verticale, monumentale, rythmée comme l’est une colonnade, mais ici par la superposition régulière des loggias des logements.
85. Henri Ciriani, Témoignage d’une pratique, Architecture en France, Modernité/post-modernité, catalogue de l’exposition du même nom réalisée par le CCI (Centre de création industrielle) du Centre Georges-Pompidou en collaboration avec l’IFA, Paris, 1981, pp.106 149
fig.107 Paul Chemetov, Christian Devilliers, Borja Huidobro (AUA), avec Émile Duhart-Harostéguy architectes, Paris, Ministère des Finances, Dessin d’ensemble pour le concours, 1982 ((Jacques Lucan, Architecture en France 1940-2000, Le Moniteur, 2001, pp.186)
fig.108 Photo aérienne du Ministère des Finances, dans le contexte de Bercy (FlickR Louis Fernandes)
En regardant l’ensemble de la Noiseraie la mégastructure semble s’être effacée au profit d’une typologie moins monumentale de bâtiment. Les déceptions consécutives aux échecs successifs dans des concours ou des projets de villes nouvelles amènent à adopter des attitudes plus réalistes. Les projets de mégastructure se font plus timides, et l’histoire veut que ce soit Paul Chemetov, Christian Devilliers et Borja Huidobro, avec Émile Duhart-Harostéguy, qui apportent une conclusion tardive en étant lauréats, en 1982, du concours pour le nouveau bâtiment du ministère des Finances à Paris. Leur projet prend véritablement la forme d’un pont, d’un aqueduc qui s’étire en enjambant les voies de circulation puis plonge la dernière de ses piles dans la Seine. La mise au point du projet, après plusieurs remaniements du programme initial, accentue un caractère colossal et statique, qui devient quasiment néoclassique par le recours à une modénature fortement dessinée. La problématique mégastructurelle trouve ici une ultime issue dans la quête d’une dimension monumentale jugée capable de requalifier la ville. En ce qui concerne Van Treeck, ce dernier qui poursuit sa réflexion sur le projet d’Évry dans l’optique d’en supprimer les défauts, est l’un des premiers à avoir la chance de pouvoir mettre en application de manière critique certains de ses enseignements. Grâce au concours , OTH, bureau d’étude pour lequel il devient architecte conseil, lui demande de proposer un projet de logements pour l’îlot Riquet qui marquera sa carrière à jamais. 151
LES ORGUES DE FLANDRE
Rénovation de l’îlot Riquet (1962-1980) La rénovation de l’îlot Riquet, où s’élèvent les Orgues de Flandre, délimitée par les rues de Flandre, Riquet, Curial et Mathis, a été décidée par le ConseiI de Paris le 19 décembre 1963, dans le but de ‘‘poursuivre l’assainissement de ce secteur’’. Il ne s’agit nullement d’une opération de prestige, mais d’une véritable opération concertée de rénovation urbaine. L’étude approfondie de la morphologie du quartier à l’aide du parcellaire montre la grande faiblesse de la trame urbaine. Son évolution à travers les siècles peut nous permettre d’en comprendre les raisons.
fig. 109 Plans du XIXe arrondissement de Paris et de son évolution au XVIIIe et XIXe siècle (M. S. van Treeck, Les Orgues de Flandre, le Mur Vivant 43, 1er trimestre 1977)
Au XVIIIe siècle au nord-est d’un Paris enceint derrière le mur des fermiers généraux, trois villages, La Chapelle, la Villette et Belleville se développent. Ces villages, fixés chacun sur une radiale qui converge vers le centre de la capitale sont reliés entre eux par les rues Riquet, de l’Ourcq et Compans Pour le village de la Villette qui concerne l’îlot étudié, l’urbanisation s’est faite progressivement à partir du cœur historique (monastère des religieuses de Sainte-Périne et église Saint-Jacques Saint- Christophe de la Villette), vers la rue de Flandre, puis linéairement au long de cette rue en direction de Paris. Au XIXe siècle, plusieurs grands projets viennent enserrer le village: De 1802 à 1826, c’est la réalisation du canal de l’Ourcq et du bassin de la Villette qui se déploient vers le sud; En 1842, c’est la voie de chemin de fer de l’est qui creuse 153
une large faille au nord-ouest, entravant l’unification des villages de la Villette et de la Chapelle. Après l’annexion par la Ville de Paris, en 1860, et la plantation des Buttes-Chaumont en 1864, l’ouverture de la liaison Belleville, Buttes-Chaumont, Villette, avec prolongement vers Montmorency, crée un nouvel axe d’urbanisation vers le nord (actuelle rue de Crimée). Morcelé par les grands ouvrages , tiraillé par des liaisons dont l’influence ne cesse de varier, l’ancien village de la Villette se construit sans trame et sans ordre86. Au milieu du XXe, l’ancien village et plus précisément le quartier Riquet se présente sous la forme d’un enchevêtrement indescriptible où s’entassent de façon chaotique artisans et habitants,dans un bâti, souvent provisoire, vétuste et insalubre. À Paris, le problème d’insalubrité qu’on retrouve à la Villette n’est pas un cas isolé. Pour mieux contrôler le développement urbain et démographique et mettre en place un programme d’action, Bernard Lafay, secondé par Raymond Lopez, est désigné pour présider un conseil regroupant architectes et urbanistes. Ensemble, le commissariat à la construction et à l’urbanisme détermine précisément des zones d’intervention qui nécessitent un profond réaménagement. ‘‘L’effrayant document technique’’87 qu’est le PUD (plan d’urbanisme directeur) de la ville de Paris de 1959, préconise ainsi une densification des constructions afin de palier la croissance démographique du 86. M.S. Van Treeck, Les orgues de Flandre, Le Mur Vivant 43, 1977, pp.66-71 87. Jean-Louis Cohen, Menace sur Paris, Le Débat n° 80, 1994, pp. 51-58 154
‘baby boom’, le développement d’axes de circulation pour désenclaver les quartiers cernés par de trop lourdes infrastructures, le repli des industries vers les périphéries, la rénovation des îlots dont la vétusté le permet ou la programmation de nouvelles opération sur ceux jugés irrécupérables. La complexité du secteur de la rue de Flandre impose une analyse détaillée. Raymond Lopez, chargé du secteur souhaite développer l’axe de la rue de Flandre pour en faire le ‘‘Champs-Élysées du nord’’ de la capitale et de cette manière, relier le boulevard périphérique à une rocade intérieure. En 1959, il soumet une proposition d’aménagement qui préconise l’élargissement de la rue à 50m impliquant la destruction des immeubles les plus intéressants en bordure de rue au profit d’un projet de réaménagement des opérations la bordant. Celles-ci doivent lui conférer un caractère monumental, à la fois par leurs densités et leurs hauteurs. L’îlot Riquet fait partie de ce plan de rénovation et de densification, d’une part parce qu’il est situé sur la rue de Flandre, et d’autre part en raison de sa vétusté, de son caractère peu hygiénique et sous urbanisé. À l’échelle de l’îlot le plan d’aménagement prévoit également le prolongement de la rue Archereau et son débouché à l’angle des rues Curial et Riquet. La cité Michaud à l’est, rue de Flandre, la cité Bonnard à l’Ouest, rue Curial, et les trois impasses de la rue Riquet ( L. Finot, M. Herman et C. Sanzel) formaient des ensembles d’habitat à la périphérie de l’îlot, autour de l’ensemble plus vaste de la cité des Flamands, 155
fig.110En haut, rue de Flandre (Étude du FFF, l’îlot Mathis Archereau Paris, Archives de Paris, cote 1069 W 778) fig.111Au milieu, la cour d’une cité de l’îlot Riquet (Ibidem) fig.112 En bas à gauche, Entrée des Flamands, Les artisans flamands, constructeurs de la cité, auraient acheté cette porte provenant de l’ancien mur des fermiers généraux comme symbole de leur installation dans la capitale. L’octroi de la Villette était la première ‘‘barrière’’ qu’ils auraient franchi en arrivant dans la ville. Celle-ci est conservée lors de la rénovation (Léon Claude Vénézia et Roger-Viollet, mai 1969) fig.113 En bas à droite, la porte des Flamands déplacée dans le nouveau projet (carte postale Guy) fig.114 Au centre, le Paris «cristallisé» (non remodelable) du rapport Lafay bordée d’une voie rapide. Autour, les quartiers périphériques et leurs «cellules encore remodelables». Tangent au cœur historique, l’axe Nord-Sud empruntant le canal St Martin au Nord. (Bernard Lafay, conseil municipal de Paris, ‘‘Schéma organique de Paris’’, Plan extrait de Problèmes de Paris. Contribution aux travaux du conseil municipal: esquisse d’un plan directeur et d’un programme d’action, 11 décembre 1 954). fig.115 Plan de Situation de l’îlot Riquet (Rénovation urbaine de l’îlot Riquet, Paris XIXe, ITBTP n°311, visites de chantier n°81, novembre 1973 pp.180).
157
Rue Mathis
Rue Riq
uet
Rue Curial
Rue
de F
Rue
Arc
hre
au
land
re
EAU
GAZ
EDF
WC INDIVIDUEL
CHAUFFAGE CENTRAL
CABINET TOILETTE
BAIGNOIRE DOUCHE
76,25 %
79,50 %
90,13 %
19,73 %
4,93 %
5,55 %
2,77 %
qui, rue de Flandre, regroupait toute une série d’activités artisanales. Bien que de construction relativement récente (deuxième moitié du XIXe siècle), toutes ces bâtisses, édifiées en un matériau médiocre (moellon brut, plâtre et pan de bois), étaient dans un état d’extrême vétusté, appelant une rénovation totale de l’îlot. Seule la cité des Flamands, édifiée en briques et charpente métallique, et quelques immeubles à façade en pierre de taille sur la rue de Flandre, n’étaient pas dans un état de conservation trop déplorable. Néanmoins, leur position centrale, au cœur de l’îlot, imposait à plus ou moins brève échéance leur démolition pour permettre l’achèvement de la rénovation88. Ainsi, l’îlot Riquet, d’une superficie d’environ 7 hectares abritait jusqu’alors environ 3000 personnes réparties en 1 350 foyers dont 23,75 % n’ont pas l’eau, 80,27 % n’ont pas de WC individuels et seulement 2,77 % ont baignoire ou douche. Sur 111 commerces, 25 cafés-hôtels font à eux seuls 40% du chiffre d’affaires total de l’îlot (environ 660000 F en 1964)89.
fig.116 Fiche Diagnostique de l’îlot Riquet à l’état existant, refaite au propre par mes soins. En haut le plan de l’îlot à l’état existant, en bas des graphiques, témoins des conditions de vie au sein de l’îlot Riquet (document original: Archives des 3F)
Le Foyer du Fonctionnaire et de la Famille (le FFF ou aujourd’hui groupe 3F) est choisi comme rénovateur et constructeur par le Conseil de Paris en 1964. Celui-ci collabore dans un premier temps avec l’un de ses architectes conseils, Maurice-André Favette, avec qui il formule l’ambition suivante: ‘‘Un îlot qui abritait précairement 3 000 personnes, où vivront prochainement environ 5 000 personnes dans un vaste jardin desservi par deux stations de métro à treize minutes 88. Rénovation urbaine de l’îlot Riquet, Paris XIXe, ITBTP n°311, visites de chantier n°81, novembre 1973 pp.180 89. Ibidem pp.179 159
R
l
uria
C ue
Rue Archereau
t ique R Rue
is
ath
eM
Ru Rue de Flandre 1 Des centres commerciaux 2 Un marché Couvert 3 Une cité artisanale 4 Des terrains de sports,de jeux, un gymnase 5 Des locaux sociaux 6 Des locaux culturels, Maison de jeunes 7 Un centre de Protection Maternelle et infantile avec crèche 8 Un jardin d’enfants et des garderies. Des espaces de verdure plantés d’arbres, Des parkings en sous-sol et au sol
fig.117 Plan Masse de Favette présentant le programme prévu. ‘‘Votre nouveau quartier comprendra Des logements confortables, 23 HLM locatifs, 16 HLM Accession à la propriété 112 ILN locatif 112 logements privés; Des studios pour personnes seules, jeunes célibataures, personnes âgées; Des ateliers d’artistes, Des boutiques, des locaux professionnels (rez-de-chaussée)’’ (remis au propre par mes soins). La rue Archereau est prolongée et scinde maintenant l’îlot. L’îlot est de plus réduit en profondeur afin de permettre l’élargissement de la rue de Flandre (Brochure éditée par le FFF présentant la rénovation du quartier (Archives de Paris))
fig.118 Photo de maquette du projet de Favette (Archives des 3F)
de l’Opéra’’.90 Après synthèse du plan directeur et de l’étude menée sur l’îlot, deux caractéristiques majeures sont retenues: La première, programmatique, recommande à ce que le projet conserve les mêmes équipements que précédemment et dispose d’une surface de commerces importante afin de maintenir les habitudes des usagers du quartier. La seconde, plus formelle, commande une augmentation de la densité à 1550 logements et propose d’enterrer les parking afin de dégager un jardin central pouvant accueillir un terrain de sport et des aires de jeu. Cet espace extérieur semi-privé est protégé de la rue de Flandre par une bande de bâtiments bas comportant magasins en rez-de-chaussée, logements liés aux commerces et bureaux aux étages. Sur la rive sud-est de la rue de Flandre, au contraire, des bâtiments élevés seraient favorisés. Dans un souci de simplicité, le FFF prévoit que les bâtiments s’organisent sur une trame orthogonale alignée sur la rue de Flandre, les bâtiments les plus élevés étant regroupés du côte de la rue Archereau. Le 6 août 1962, Favette propose un premier plan masse. Approuvé par le FFF, ce plan fait automatiquement l’objet d’une demande de permis de construire. S’ensuit une période confuse durant laquelle le programme de l’opération et le PUD ne cessent d’évoluer. D’une part, la pénurie croissante de logements, oblige à réévaluer le programme à la hausse. D’autre part, le PUD fait l’objet de délibérations et d’affinements successifs et ne sera définitivement approuvé, par le Conseil Municipal, que le 7 juin 1966. Ces révisions ont une répercussion sur le plan masse qui se densifie et 90. Ibidem pp.180 161
l
uria
C Rue
Rue Archereau
is
Rue
ath
eM
Riqu
et
Ru
Rue de Flandre
multiplient les demandes pour un permis de construire qui ne sera finalement obtenu qu’en août 1967.
fig.119 En trait épais, le plan Masse de Favette en palimpseste sur le plan masse de l’état existant. Certains bâtiment de la partie sud-ouest seront réalisés (bâtiments grisés par mes soins) (Archives des 3F)
fig.120 Photos des bâtiments conçus par Favette. De gauche à droite, rue Riquet, puis angle Riquet et Archereau puis angle Archereau et Mathis et enfin angle Mathis et rue de Flandre (Photos personnelles, 2019)
Ainsi les bâtiments rue de Flandre passent de 2 à 3 étages et les bâtiments transversaux de 9 à 10 étages. Le groupe de 5 tours de 16 niveaux va être remplacé par 4 tours de 14, 24 et 33 niveaux permettant de passer des 1550 logements initialement prévus à 1832 appartements (dont 8% de HLM, 132 privés et 638 accessions) complétés d’un projet tiroir de 187 unités. Tandis que le programme est modifié, le chantier suit son cours; 416 logements sont déjà construits selon les plans de Favette. La contrainte de densification est ainsi solutionnée en augmentant en hauteur les bâtiments et non en modifiant le plan masse. Une étude du CDU91 qui refuse que la densification soit le motif principal de l’élévation des tours montre que leur surélévation permet malgré tout de mieux dégager le sol et de donner un point de repère dans le quartier. Bien que répondant de manière très pragmatique aux contraintes du site et aux enjeux du programme, OTH, bureau d’étude de l’opération, s’alarme face au manque d’originalité du projet. S’inscrivant dans une logique d’urbanisme vertical et ‘‘aéré’’, composé de bâtiments parallélépipédiques, poursuivant la logique de l’opération Flandre Tanger amorcée en 1962 sur l’îlot voisin par les architectes Guillemot, Astorg et Salles; Favette, en fin de carrière, semble recycler de 91. Créé le 22 novembre 1956, le Centre de Documentation et d’Urbanisme, CDU, a une triple mission : proposer les grandes lignes qui doivent aboutir à la mise au point du Plan d’aménagement de Paris, soumettre un programme d’opérations d’urbanisme à entreprendre dans le cadre d’un plan pluriannuel et formuler un avis sur toutes les questions d’aménagement que les services municipaux seraient amenés à se poser. 163
vieilles opérations, et son manque d’investissement trahit une motivation d’avantage portée par le profit que par une volonté de requalifier durablement le quartier. Dès 196592, OTH charge Martin Schulz van Treeck, alors architecte conseil du bureau d’étude, de dessiner un projet alternatif pour stimuler les recherches de Favette et l’inciter à améliorer son projet. Malgré cela, Favette déclare lors d’une réunion qu’il refuse de retravailler le projet et propose de l’abandonner à van Treeck93. Van Treeck, qui reprend alors l’agence de Favette, achève les bâtiments entamés par ce dernier et se voit offrir l’opportunité de faire de nouvelles propositions. Pour conserver des espace extérieurs suffisamment généreux et répondre aux contraintes de densité qu’impose un nombre de logement en augmentation, Van Treeck conserve le principe de quatre tours en cœur d’îlot, bordées en périphérie par des bâtiments bas et linéaires. Obligé de se conformer aux indications du FFF qui ont fait l’objet d’une convention antérieure à son arrivée Van Treeck intègre le programme définitivement arrêté en 1968 au projet de Favette qu’il remanie progressivement en y incorporant ses recherches personnelles. Tout le problème pour Van Treeck semble être posé par la mise en place d’un habitat dense et de ses équipements dans un ‘‘tissu ouvert’’ pouvant satisfaire à la fois les approches longue distance et celles du piéton évoluant en périphérie ouà l’intérieur de l’îlot94.
92. CDU, Urbanisme vertical, analyse de situations réelles, octobre 1975 93. Elise Renard, entretien avec François Loyer dans son mémoire Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 94. Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet ?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.52
Le travail colossal des Orgues de Flandre est aussi lié à la démarche de son concepteur. En effet, plutôt que les espaces extérieurs ne soient formés de l’espace résiduel non construit et que les masses bâties ne soient la répétition et la variation d’une même typologie comme le faisait Favette, Van Treeck va appliquer une démarche par le vide. Il va ainsi diviser le programme en bâtiments qu’il va concevoir un a un et dont l’emprise volumétrique sera déterminé par les espaces extérieurs. Se met alors en place une méthode itérative, faisant l’aller retour entre le dessin des bâtiments et l’espace dans lequel ils vont s’insérer. L’essentiel des recherches qu’il va entreprendre sur l’habiter vont ainsi se concentrer sur les typologies de la Tour et du gradin. Van Treeck commence naturellement ses recherches par les quatre tours, qui sont les parties de l’opération qui regroupe le plus de logements et qui préoccupe particulièrement le groupe FFF. Dans l’article Paris Gratte-ciel95 Van Treeck exprime le certain malaise qu’il ressent vis à vis du quartier nouveau de la Défense. En effet à ses yeux, une tour doit être urbaine, elle doit s’insérer au milieu de la ville et non pas au milieu d’autres tours. Pour imaginer les tours des Orgues, Van Treeck va partir de l’analyse de deux bâtiments : les immeubles Roméo et Juliette de Scharoun, pour leur rapport à la nature et les tours de la Marina City de Chicago de Bertrand Goldberg pour leur système constructif. 95. Martin Schulz Van Treeck, François Loyer et Marc Lavrillier, Paris Gratte-ciel, L’Œil 146, 1967, pp.40-45 165
fig.121 À gauche, photo de chantier illustrant le système de coffrage glissant mis en place sur l’opération (archiveofaffinities.tumblr.com) fig.122 À droite, photo de Marina City (R. Goldberg, Marina City, Chicago, Etats-Unis, Architecture d’Aujourd’hui 117, 1965)
Le projet Marina City conçu entre 1959 et 1964 par l’architecte Bertrand Goldberg (1913-1997) occupe tout un ‘block’, (équivalent d’ un îlot) de la ville de Chicago. Le projet se stratifie verticalement en deux épaisseurs programmatiques. Sur un socle qui regroupe commerces et équipement, s’installent deux tours de logements et parkings, dont les structures retiennent particulièrement l’attention de Van Treeck. Celles-ci en épi de maïs, proposent une organisation concentrique des logements: Dans les niveaux dédiés au logement, le noyau central, de 10 mètres de diamètre, est doublé d’un anneau de circulation puis d’un anneau de service, regroupant cuisines et salles de bain, et enfin d’un anneau de pièces à vivre (séjours et chambres) en périphérie. La disposition rayonnante des appartements, permet de diviser le plancher circulaire en seize secteurs de cercle portant chacun sur le noyau central et sur deux poteaux périphériques. Le système constructif qui permet la flexibilité du plan, des façades non porteuses légères et une exécution par coffrage glissant à cheminement vertical d’éléments banchés coulés en place intéresse particulièrement Van Treeck qui tente d’hybrider le dispositif en faisant intervenir des éléments préfabriqués. Cependant, il émet de grosses réserves concernant la mono-orientation qui dessert les logements orientés nord et la forme évasée induite par le dispositif qui provoque des sensations trop invasives dans l’espace du logement.
fig.123 À Gauche, plan type d’un niveau de parking. À droite, plan type d’un niveau d’appartement (Ibidem)
Van Treeck va en complément se tourner vers le projet de logement Roméo et Juliette (‘Romeo und Ju167
lia’) conçu par Hans Scharoun et Wilhelm Frank entre 1953 et 1959 dans le quartier de Rot à Stuttgart. Scharoun se voit confier son premier projet d’après-guerre par le promoteur immobilier Universum Treubau-Wohnungs-GmbH. Le projet qui s’insère dans un quartier résidentiel type maison à deux pans est l’un des premiers immeubles à être construit à Stuttgart après 1945.
fig.124 Photo de la façade sud du bâtiment ouest en arc de cercle (Hans Scharoun, Bauten, Entwürfe, Texte, (Bâtiment, projet, texte) ed. par Peter Pfankuch; Gebr. Mann Verlag; Berlin, 1974)
fig.125 Plan des étages courant (ibidem)
L’opération qui compte au total 126 appartements répartis en deux bâtiments, s’insère au point le plus haut du district de Rot. Le bâtiment Juliette en arc de cercle se développe sur des hauteurs variant de 3 à 12 étages et son voisin l’immeuble Roméo s’élève à 19 étages. Scharoun cherche à créer un bâtiment signal et s’intéresse particulièrement à l’idée d’apporter un point d’intensité autour duquel pourrait se développer la ville. Répertorié comme un exemple d’architecture organique, la forme du bâtiment Juliette s’adapte à des contraintes d’orientation et tourne ses balcons en taillés en ‘‘V’’ vers le Soleil. Un éclairage naturel est alors apporté dans toutes les pièce du logement par une coursive extérieur qui distribue tous les logements. Du côté de l’immeuble Roméo les six appartements par étage sont desservis par une coursive en ‘‘L’’ éclairée à chacune de ses extrémités. Partant de ces projets, Van Treeck établis trois intentions. La concentration des circulations verticales dans un noyau central permettant une mise en œuvre par coffrage glissant et supportant les planchers. L’utilisation d’éléments préfabriqués. Assurer la double orientation des logements. 169
Une première proposition en forme de trèfle et très inspiré de Marina City est formulée. Un noyau hexagonal dessert trois planchers en demi-cercles eux mêmes divisés en deux appartements. Cependant, l’impossibilité de moduler les appartements autrement qu’en réduisant par homothétie les surfaces de planchers à mesure que l’on s’élève implique une forme fuselé pour la Tour qui ne satisfait pas Van Treeck.
fig.126 Première proposition en trèfle: À gauche, de bas en haut, T4,T3 puis T2. À droite, plan masse (Archives des 3F)
fig.127 Deuxième proposition tubulaire: À gauche, de bas en haut, T4,T3 puis T2. À droite, plan masse (Archives des 3F)
Une seconde solution, propose de complexifier la construction en s’appuyant sur l’assemblage d’éléments préfabriqués tridimensionnels propres à chaque pièce du logement. Van Treeck abandonne alors l’idée d’empilement de plancher et de voiles au profit d’une superposition de structures tubulaires rattachées au noyau porteur: chaque pièce isolée se répétant d’un étage à l’autre crée par superposition, l’impression de faisceaux verticaux. De cette manière, le logement est comparable à un système urbain faisant du séjour la place publique sur laquelle donne les habitations isolées que sont les chambres. Il suffit alors de supprimer une chambre à mesure que l’on s’élève pour définir de nouvelles typologies. Cette solution fait consensus auprès du FFF et du bureau d’étude OTH qui sont convaincus de la nécessité des éléments préfabriqués. Dès lors le projet des tours ne cesse de s’enrichir et les techniques de construction adoptées seront finalement la préfabrication par panneaux et le coffrage grimpant plutôt que glissant, préconisé par l’entreprise Fourgerolle en charge de la maîtrise d’œuvre. 171
fig.128 Dans les premières esquisses, pour la configuration des tours en tuyaux d’orgues, les enveloppes tubulaires des chambres constituaient, avec le noyau de distribution vertical, les éléments de structure de l’édifice, entre lesquels les planchers des séjours venaient se poser. La solution constructive retenue sera un système de refends plus traditionnel. (Archives des 3F)
fig.129 Coffrage grimpant. 1 Relevage de la banche à l’étage du dessus 2 Réglage de la banche à l’aplomb de l’étage inférieur et ferraillage. 3 Mise en place de la banche intérieure et coulage. 4 Pose de la dalle et coulage du chaînage. 5 Brochage de la banche extérieure au mur béton. Graca à un système de poulie, élévation de l’échafaudage d’un étage. 6 Débrochage de la banche extérieure. (Rénovation urbaine de l’îlot Riquet, Paris XIXe, ITBTP n°311, visites de chantier n°81, novembre 1973 pp.200-201) 173
1
2
3
fig.130 1 Pris depuis le parc des Buttes-Chaumont, ce photomontage fait apparaître sur le XIXe arrondissement actuel les quatre tours de l’îlot Riquet. Les rapports d’angles entre les tours et la variation de leurs hauteurs créent une silhouette animée, globale, dont la perception varie à chaque point de vue. Sur la droite se situe la tour Potin et, au fond, vers le nord, les immeubles de la Villette. 2 Depuis le canal Saint-Martin, c’est-à-dire plus à l’ouest que le document précédent, les tours s’étirent au long de la rue de Flandre, dont elles soulignent la direction, structurant cette plaine un peu morne. 3 Du nord, cette fois, depuis les voies du chemin de fer de la Porte de la Chapelle,le groupe de tours offre de nouveau au regard une physionomie très diverse. (François Loyer, Les Orgues de Flandre, L’OEil 206-207, mars 1972, pp.30-31)
fig.131 Les plans et coupes des deux premières tours dans leur état définitif montrent le rez-de-chaussée (avec le bâtiment de liaison formant hall), puis un des niveaux intermédiaires et enfin le niveau supérieur - obtenus chaque fois par réduction du plan des appartements. La même structure, en coupe transversale et en coupe longitudinale, détermine l’épannelage du bâtiment (Ibidem, pp.37)
Le nombre de quatre tours fixé par le FFF, impose à Martin de ruser en isolant l’une d’entre-elle et en en liant deux par leurs niveaux bas afin d’atténuer le caractère vertigineux qu’elle dégage. En effet à cette période, ces tours de logement sont les plus hautes de Paris. Leurs structure en tube qui évoque les tuyaux d’orgue leur confère leur nom d’Orgues de Flandre. Celles-ci se différencient les unes des autres en hauteurs, permettant des variations dans leur perception longue distance. Des noms tirés du répertoire musical leurs sont attribués comme suit: La tour 1 ou Tour Prélude, 38 étages, 123 m de haut; La tour 2 ou Tour Fugue, 35 étages, 108 m de haut.; La tour 3 ou Tour Cantate, 30 étages, 101 m de haut; La tour 4 ou Tour Sonate , 25 étages, 90 m de haut. Les tours remplissant leurs rôles de signal à l’échelle du territoire. Pour la périphérie, Van Treeck va développer en parallèle un discours à l’échelle du piéton, plus attaché à bien définir les vides pour dessiner le reste d’un programme qui consiste en 375 logements HLM, 187 logements ILN, 5000m2 de commerces et 1680 places de parking. Inspiré par le projet d’Évry, Van Treeck va se servir des investigations menées sur le concours et les adapter au plan masse en peigne de Favette. Oubliant l’idée de la double barre en encorbellement qui pouvait former une rue intérieure sombre et imputant aux logements en surplomb leur ensoleillement direct, Van Treeck inverse le dispositif. Avec une seule barre, l’encorbellement sur l’avenue de Flandre a deux avantages: d’une part, les logements disposent d’une lumière directe, d’autre part, le surplomb des gradins inversés protège les zones commerciales en rez-de-chaussée et favorise la chalandise. 175
1
5 1 Tours d’habitation 2 Habitations en terrasses 3 Équipements commerciaux et de loisirs au rez-de-chaussée et entresol 4 Immeubles de bureaux
5 Crèche de 60 lits 6 Maternelle de 7 classes 7 Piscine, gymnase, maison de jeunes 8 Équipements divers 9 Équipements artisanaux
10 Marché couvert 11 Entrées du garage souterrain 12 Terrains de sport E Entrée principale
fig.132 1968, Sans doute l’une des première proposition de Van Treeck, elle ne représente pas certains bâtiments de Favette (remis au propre par mes soins, Archives 3F)
fig.133 1968, L’emplacement des tours est fixé mais la morphologie des gradins n’est pas encore bien définie. Semble se poser la question des infrastructures sportives (en gris foncé) (Ibidem)
fig.134 1970 Cette proposition intègre un bâtiment de logement symétrique au projet de Favette sur la rue de Flandre. Van Treeck rompt la continuité en proposant une faille entre la rue et l’intérieur de l’îlot (Ibidem)
fig.135 1970, Cette proposition abandonne l’idée d’un bâtiment symétrique en cherchant une typologie d’empilement de blocs logements, l’idée de gradin est amenée peu à peu. Le cœur d’îlot propose un vaste jardin paysager (Ibidem)
fig.136 1972, Insertion du projet, les différents éléments de programme ont trouvé leurs formes et emplacements définitifs, cependant le travail des espaces extérieurs n’est pas encore présenté dans son état final (François Loyer, Les Orgues de Flandre, L’OEil 206207, mars 1972, pp.38)
2
3 4
fig.137 Des études élémentaires montrent qu’il est possible de réaliser des bâtiments inclinés jusqu’à un certain stade, sans incidence sensible sur les équarrissages de structure, simplement en utilisant les éléments de grande raideur que constituent les refends (schéma 1). De la même façon il est possible de charger sur une telle structure, et même de lui superposer une structure analogue, éventuellement inclinée et orientée perpendiculairement à la précédente. Toutefois, les limites de hauteur sont plus rapidement atteintes que dans le premier cas (schéma 2). Un des moyens d’améliorer ces limites consiste à reporter une partie du déséquilibre sur un élément présentant une réserve de stabilité et de raideur, compatible avec le premier déséquilibre. A cet effet, il a été prévu d’associer une tour verticale à un tel bâtiment (schéma 3). Cette fois l’étude a montré que pour être efficace il était nécessaire de disposer d’une tour de très grande rigidité de torsion, pratiquement incompatible avec toute utilisation fonctionnelle, à moins d’adopter une disposition symétrique permettant d’annuler tout effet de torsion (schéma 4).(Archives des 3F) fig.138 À la suite, Géométraux des gradins. Sur la coupe on comprend le décalage d’étages identiques superposés. En sous-sol, des garages. En plan, deux appartements mono-orientés se font dos, et sont desservis par un couloir intérieur. (ibidem)
À l’aide du bureau d’étude OTH, Van Treeck va préciser le principe constructif des gradins, décris comme ‘‘des plateaux se superposant avec un décalage horizontal à chaque niveau créant ainsi sur une façade (positive) des terrasses et sur l’autre (négative) des surplombs’’. OTH qui se charge des calculs visant à permettre les portes à faux des gradins en encorbellement aide Van Treeck à formaliser cette partie du programme. La forme découle alors en partie des contraintes structurelles : Deux ensembles de gradins inversés sont superposés l’un sur l’autre, le second étant la simple rotation à 90 degrés du premier. Afin de garantir une bonne stabilité, cette superposition et son symétrique sont adossés à un noyau structurel bien ancré au sol formant un angle. Cette solution qui annulent les effets de torsion provoqué par la superposition des gradins satisfait Van Treeck qui décide de l’étendre à l’ensemble de ces bâtiments. À propos de la matérialité (d’origine96), Van Treeck va être inspiré par une photo du revêtement particulier appliqué à l’Opéra de Sydney de Jorn Utzon que lui montre son ami François Loyer. Celui-ci alternant des carreaux mats et brillants en forme de plume d’oiseau donne une impression de mouvement qui plaît à Van Treeck. L’opération n’étant pas dotée du même budget, les façades présenteront finalement une alternance de parties menuisées en aluminium laqué au four et de céramiques blanches Buchtal auto-lavables.
96. Depuis 2016, les Ateliers Lion Associés et les 3F mènent une campagne d’isolation thermique par l’extérieur des Orgues et posent en façade des cassettes métallique doublées de laine de roche modifiant quelque peu l’aspect extérieur du bâtiment. 179
181
fig.139 Façades ‘‘négatives’’ en surplomb sur rue. Entrée principale de l’îlot par la ‘‘Porte de la Cité des Flamands’’ (Max Alfred, Babel et Babylone, le logement comme bâtiment, L’Architecture d’aujourd’hui n°187, octobre/novembre 1976)
fig.140 Photos d’archives (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault)
fig.141 Bâtiment rue de Flandre, plan au niveau +5.40m, premier étage d’habitations, dessertes verticales et cheminement piétons (Max Alfred, Babel et Babylone, le logement comme bâtiment, L’Architecture d’aujourd’hui n°187, octobre/novembre 1976)
fig.142 Bâtiment rue de Flandre, plan de rez-dechaussée : grande surface boutiques, cinémas, poste, logements sur parc.(ibidem) 183
Scanned by CamScanne
fig.142 Crèche, 1973 (Archives Van Treeck, Portfolio, IFA)
Bien peu d’informations subsistent au sujet des équipements de l’îlot Riquet en comparaison de ce qui concerne l’élaboration des gradins et des tours. Cependant ce qui doit d’être retenu c’est que ces bâtiments jouent un rôle particulièrement important dans la qualification des espaces extérieurs et dans la médiation des grandes hauteurs imposées par la densité des tours. Ces éléments sont alors utilisés pour cadrer certains points de vues que Van Treeck souhaitait privilégier sur les tours. Au programme initial qui comprenait une piscine et une crèche (seuls éléments finalement retenus) s’ajoutent un gymnase et une école primaire réclamés par le Service de la jeunesse et des sports de la ville de Paris et par l’Éducation Nationale. Le gymnase et la piscine sont regroupés dans un même bâtiment dont la circulation en cascade accentue la monumentalité. L’accès est ainsi donné par le niveau 1. Au volume des deux bassins qui forment la cage thoracique du projet se superpose la triple hauteur du gymnase complété de trois niveaux de services (Vestiaires hommes, vestiaires femmes et étage détente comprenant un bar). L’école maternelle permet de diviser le vide central entre un jardin de promenade et un espace de jeux comportant un terrain de sport. D’une structure simple, en avant plan au milieu des tours, le bâtiment assure la transition des échelles et met en valeur le vide grâce au travail de la cour modelée par un paysagiste recruté pour l’occasion.
fig.143 Photo de maquette, Piscine, gymnase, club de jeunes, 1976 (Ibidem) 185
fig.144 Géométraux du complexe sportif réunissant piscine et gymnase. De haut en bas de gauche à droite : Coupe AA, Coupe BB, Plan de 1er étage et Plan de RDC. (Archives des 3F)
fig.145 Diapositives de la piscine, diapositives, en haut vue de l’extérieur depuis le jardin, en bas, vue du bassin de nage (Archives Van Treeck, E.Thibault) 187
fig.146 À lire de bas en haut: Parcours jusqu’à la cour de l’école, visible en arrière plan. Un sculpteur avait spécialement été recruté afin d’en dessiner les reliefs.(Archives Van Treeck, E.Thibault)
fig.147 Géométraux de la crèche. (Archives des 3F) 189
Enfin la crèche, dont la structure éclatée vient faire s’intersecter des volumes primaires ‘‘en boîte’’ sur trois niveaux, intègre au premier étage les salles de repos et un logement de fonction pour le directeur de l’établissement à son étage le plus haut. Les nombreux redents permettent d’assurer un éclairage naturel à chacun des trois niveaux. Bien que toutes les parties du projet des Orgues n’aient pas été simultanément pensées et construites, Van Treeck semble avoir pourtant cherché de manière continu à créer un lien entre l’architecture du projet et la relation de perception qu’il établissait pour son observateur. Dans sa recherche de sculpter le projet par le vide, Van Treeck s’attache particulièrement à la vision du visiteur. Introduisant un regard en mouvement du ‘‘spectateur/acteur’’ à toutes les échelles, la conception du projet semble pouvoir s’apparenter à une gigantesque scénographie. Les différents éléments constitutifs du projet sont alors utilisés comme des objets scéniques cadrant des séquences sur un parcours dont le décor peut aussi bien être apprécié dans une approche à courte distance que d’un point de vue éloigné. Les façades ponctuées par la verticale des cages d’escaliers ou les marques d’appropriation dont témoignent les jardinières entretenues sont autant d’événements qui viennent animer la déambulation du piéton.
Dans un article de 197697, ainsi s’exprime Van Treeck au sujet des Orgues :
Le Pourquoi et le Comment des ‘‘Orgues de Flandre’’.
Promeneur attentif ou critique avisé, tu ne pourras les découvrir en scrutant une à une les formes du bâti. Car la forme en tant que telle n’est pas notre propos. Mais, si tu consens à entendre le ‘‘récit de l’espace’’, alors tu pourras percevoir , comprendre et expliquer toi-même. L’espace ne se déduit pas des objets que l’on crée, mais bien au contraire, les pleins procèdent des vides qui sont donnée fondamentale. L’homme le perçoit bien chez lui, où rien ne l’indiffère que le plein - en tant que tel - de ses murs. Mais, dès la porte franchie , son monde s’élargit et il ne sait expliquer ce qui lui plaît ou ce qui le hante que par - ô ironie du sort - les seuls objets qui lui sont proposés. C’est que l’architecte, le précédant, a fait les choix pour lui, la plupart du temps privilégiant l’objet. Mais ici, rue de Flandre, la démarche est tout autre: la maquette, jusqu’alors prosaïque moyen de séduction, est devenue instrument de travail. L’œil a pu pénétrer pour façonner les espaces et les parfaire, en faisant appel à tout ce qui pouvait les modifier: lumière, couleur , mobilité de l’observateur. Démarche expérimentale - vécue - longtemps refusée au nom des ‘‘Écoles’’ et des ‘‘Chartes’’ qui a pu être appliquée à cet ensemble de I’îlot Riquet, où l’observateur, pour peu qu’il vienne vivre lui-même les espaces, n’aura aucun mal à en découvrir les intentions. Martin S. Van Treeck
97. Max Alfred, Babel et Babylone, le logement comme bâtiment, L’Architecture d’aujourd’hui n°187, octobre-novembre 1976 191
Plan coupé à +1.65m: hauteur d’œil
Plan coupé à +6.00m: à ce niveau les arbres participent pleinement à l’organisation de l’espace
Plan coupé à +35.00m: vision à moyenne distance
Plan coupé à +60.00m: vision à longue distance
fig.148 Sur ces six documents (que l’on doit lire de haut en bas, à gauche; puis de bas en haut, à droite), l’analyse du projet faite par l’intermédiaire du Relatoscope. La lecture des espaces extérieurs créés par la relation entre les tours se complète de celle des équipements qui forment la liaison des tours avec le sol: l’implantation des équipements collectifs au pied même des tours évite en effet la rupture brutale entre le plan vertical, hors d’échelle, et le sol. Les constructions basses forment un ensemble de volumes qui captent le spectateur, guident sa démarche, le sécurisent dans son approche et lui donnent la liberté de s’affronter (ou de ne pas s’affronter) avec la masse vertigineuse des tours.(François Loyer, Les Orgues de Flandre, L’Œil 206207, mars 1972, pp.36-37)
fig.149 Plan Masse dans sa version finale (M. S. van Treeck, Les Orgues de Flandre, le Mur Vivant 43, 1er trimestre 1977)
fig.150 Quatre coupes horizontales (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.52 53)
fig.151 Coupe verticale, expression du desserrement progressif des espaces à mesure que le regard s’élève (ibidem)
193
fig.152 Une grande maquette, au 1/100e, a été exécutée pour permettre la vérification de l’étude, s’assurer de la cohérence des relations entre les tours et rechercher leur intégration au sol. On voit d’autre part les éléments de liaison qui les unissent, notamment un bâtiment pont entre les deux tours. La photo semble prise au relatoscope (François Loyer, Les Orgues de Flandre, L’Œil 206-207, mars 1972, pp.33) fig.153 Photo de Maquette, Échelle 1/500e (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault)
fig.154 Photo de Maquette, Échelle 1/500e (Ibidem)
fig.155 Photo de Maquette, Échelle 1/500e (Ibidem)
195
fig.156 Photo de chantier, construction des gradins (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault) fig.157 La fouille pour les fondations des deux premières tours (photographiée d’un immeuble voisin) montrent leur implantation dans l’îlot. Sur la photo du chantier, les contraintes parcellaires sont illustrées par la présence,à la limite même de l’excavation d’un bâtiment d’atelier installé dans la Cité des Flamands dont la destruction ne pourra être entreprise que pendant la construction des tours (François Loyer, Les Orgues de Flandre, L’Œil 206-207, mars 1972, pp.37)
fig.158 Installation de la porte des Flamands et pose des céramiques Buchtal sur l’avenue de Flandre (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault)
fig.159 Construction de la piscine, Mai 1978 (De nombreuses photos du chantier entre 1975 et 1979 ont été mises en ligne sur le FlickR très bien renseigné d’un certain Michel Silland)
197
fig.160 Photographie dans les espaces extérieurs des Orgues (M.S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book)
fig.161 Photographie dans les espaces intermédiaires entre les deux lignes de gradins (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault)
fig.163 Vue des gradins depuis le jardin (M.S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book)
fig.162 Les jardinières réalisées par EPI Art Béton en ciment super blanc Lafarge et agrégats du Rhin sablés après démoulages Bouygues Entreprise (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault)
Scanned by CamScanner
fig.164 Photographie des grades espaces extérieurs, intérieurs à l’îlot (Diapositive, Archives Van Treeck, E. Thibault) 199
Scanned by CamScanner
Scanned by CamScanner
HOUILLES
Concours pour la rénovation du centre ville (1974)
fig.165 Photos de Maquette (M.S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book)
fig.166 Plan Masse (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.55)
Le projet de Houilles répond à une demande de la ville en vue de la rénovation du quartier du centreville. Située dans les Yvelines, à 7 km au nord-ouest de Paris, cette dernière est composé aux deux tiers de sa superficie de constructions pavillonnaires avec jardin siècle en partie de type maison en meulière du début du XXe. Entre 1955 et 1980, la ville lance des projets de rénovation de l’habitat et d’aménagement avec l’introduction dans le tissu urbain d’immeubles de quatre à huit étages. Au moment du concours, la ‘‘zone d’aménagement concerté’’ qui constitue le futur centre de la ville s’étend sur environ un kilomètre; le tissu urbain assez lâche dans la périphérie (grandes mailles) se resserre progressivement au fur et à mesure que l’on se rapproche du centre. À l’image du projet d’Évry, Van Treeck préfère créer deux espaces majeurs contigus plutôt que de construire sur l’ensemble des terrains. Le premier espace est pensé comme un espace vert assez vaste, équivalent au tiers du parc Monceau mieux valorisé de son point de vue que des simples espaces résiduels dégagé entre les masses bâties. Le second espace est pensé comme un espace urbain très structuré et assez dense le long d’une voie centrale. Cet espace urbain est lui-même constitué par un enchaînement d’espaces dont les largeurs varient, de 10 à 50 m, pour 201
créer des intensités différentes selon ‘‘un thème spatial’’, succession de séquences de rues et de places dans le parcours du visiteur. Au point choisi, pour centre, le bâti s’élève pour constituer un ‘‘signal’’ en même temps que la voie se resserre pour faire ressentir l’impression de densité en ce lieu de rencontre privilégié. Sur cet espace urbain central se greffent des ‘‘hameaux’’ correspondant au tissu ancien et dont la taille pourra croître au fur et à mesure que la rénovation s’éloignera du centre, pour se confondre avec le tissu existant. Dans une recherche d’intégration, le projet veut ainsi faire la liaison entre le tissu pavillonnaire existant et un bâti de plus grande hauteur en permettant une certaine évolutivité du projet dans le temps.
fig.167 Vue relatoscopique et calques pour le travail de détail des séquences (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.55)
Le processus d’étude passe par une phase de simulation au relatoscope présentée ici sous forme de prises de vues relevées sur moniteur lors de l’exploration de la maquette. Les clichés révèlent l’aspect rudimentaire de cette maquette juste suffisante pour l’élaboration des espaces. Afin de rendre cette démarche compréhensible au lecteur Van Treeck confronte, pour une approche à différentes distances, les prises de vue au relatoscope avec les dessins perspectifs plus détaillés où sont mises en place toutes les informations nécessaires à une meilleure interprétation de l’image brute.
203
LA SIRÈNE
Projet de Rénovation à Montargis (1974)
fig.168 de haut en bas, site à l’état existant, photomontage d’insertion à l’aide d’une photo de maquette au relatoscope, photo réelle du site en chantier (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.54 )
fig.169 Esquisse de plan masse exprimant les circulations appelé ‘‘récit d’espace’’(Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.54) fig.170 À la suite le travail au relatoscope tire des séquences équivalente à un story board (Martin Schulz van Treeck, François Loyer et Françoise Masson, figuration, préfiguration, la relatoscopie, pp.15-16)
Le projet de Montargis entre la rue de la Sirène et le Canal de Briare date de 1974. Au niveau de la lecture de la silhouette de la ville, deux éléments paraissent prédominants: l’église et le château. L’ambition du projet est ainsi de proposer un troisième élément signifiant afin de rompre l’équilibre d’origine et créer un nouvel espace. Dans l’approche vers le château, à moyenne distance, le nouvel élément imaginé par Van Treeck et le château deviennent les deux pôles de l’espace; ils se mesurent, s’affrontent et s’équilibrent mutuellement. Reste alors au concepteur de choisir la forme, la dimension, la direction du plan qui borne ce nouvel espace. L’organisation de l’espace ne se réalise pas à partir d’un plan masse mais d’un ‘‘récit spatial’’, conclusion de nombreuses esquisses où ont été précisées toutes les qualités que l’on souhaite donner aux espaces. Ainsi se forge progressivement ‘‘l’idée ordonnatrice’’ du schéma de base qui, pour être complet, nécessite le recours à la troisième dimension. La maquette rudimentaire qui en découle constitue une première réponse aux données essentielles analysées. Quatre séquences déterminées au relatoscope sont alors présentées. Celles-ci tendent à montrer la multiplicité des espaces et des points de vue avec la grande diversité des ‘‘événements’’ prévus pour animer le projet. 205
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
207
Scanned by CamScanner
Les informations se renouvellent et sont dosées en fonction de la distance de perception: le principal, et le secondaire ne cessent d’échanger leur ‘‘propos’’ et se répondent dans un jeu d’aller retour. L’espace est ponctué pour devenir saisissable, compréhensible, ‘‘ainsi qu’une composition musicale’’. Selon Van Treeck, en matière d’urbanisme, plusieurs démarches sont possibles : les unes consistant à gérer l’espace urbain sous un angle uniquement fonctionnel en négligeant sa qualification plastique dont on estime qu’elle se constituera spontanément, plus tard, par le biais de la vie urbaine et de l’ordonnance architecturale; Les autres attachant au traitement de ‘‘l’espace urbain’’ autant de soin et d’importance qu’on en attache traditionnellement à l’architecture. C’est cette même préoccupation de ‘‘composition urbaine’’ qui a guidé la conception du projet à toutes les échelles de réflexion, étant admis qu’il n’y a pas entre l’architecture, l’urbanisme ou l’aménagement ‘‘discontinuité de principe’’ mais ‘‘discontinuité d’échelle’’.
fig.171 Mise en parallèle de vue relatoscopique dans les maquettes et photo du projet. Le rapprochement est fait par mes soins (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.54) et (M.S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book)
Dès l’origine du projet, la nature des principaux espaces du projet est déterminé par Van Treeck qui peut alors juger de leur puissance, de leur effet, de leurs enchaînements et établir ainsi à l’avance une ambiance urbaine. Celle-ci ne sera alors pas celle des volumes (la silhouette du quartier perçu en vision lointaine ou l’intelligente géométrie des formes) mais bien des futurs lieux urbains: la rue, la place, la cour, etc. Le traitement architectural, quel qu’il soit, est ensuite intégré bien plus aisément à la forme des espaces. Les équipements s’insèrent dans une succession spa209
tiale cohérente, ponctuée de quelques points forts qui structurent l’espace et forment des repères à une plus grande échelle, créant des ‘‘couples en tension’’ entre différentes parties. Chacune des liaisons s’épanouit en bordure du nouveau quartier en un point fort qui appelle en quelque sorte une réponse dans les quartiers voisins, de l’autre côté de la voie primaire. Chacune présente une configuration bâtie particulière qui constitue un repère pour l’automobiliste. Il n’y a donc pas succession accidentelle de fonctions et d’espaces, mais une sorte de ‘‘récit’’ urbain qui enchaîne ces événements et ces fonctions dans un ordre global.
fig.172 Photos de chantier (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.54) 211
Scanned by CamScanner
LE VAUDREUIL Concours pour l’aménagement de la ville nouvelle (1974)
fig.173 Photos de Maquette (M.S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book)
Le programme proposé par l’Établissement public d’aménagement de la ville du Vaudreuil concernait la mise en plan sur deux mailles du PAZ (Plan d’aménagement de zone) d’un habitat, 500 logements, et de différents équipements, CES (Collège d’enseignement secondaire), gymnase, stade, place du marché, etc. Ce nouveau secteur devait être établi en rapport avec les éléments déjà programmés du ‘‘germe de la ville’’. Par exemple, les tracés des liaisons routières destinées aux transferts hors de la ville et aux services du secteur étaient à considérer comme des données intangibles; par contre, une grande liberté était laissée pour les tracés des cheminements piétons, en respectant toutefois les cinq liaisons prévues en périphérie du schéma organique. Pour parler plus précisément du projet, Van Treeck utilise à nouveau son relatoscope et des perspectives calquées sur ses vues qui détaillent certaines séquences du parcours. Choisissant de faire la visite dans les yeux d’un habitant du quartier ‘‘des Sports’’, plus précisément ‘‘résident’’ de la ‘‘place du marche, de la ‘‘place des sports’’, de la ‘‘place carrée’’, du ‘‘triangle’’, de la ‘‘ligne ouverte’’, de la ‘‘ligne fermée’’, de la ‘‘rue haute’’, de la ‘‘rue couverte’’, de la ‘‘rue en épi’’; Avec lui, Van Treeck nous fait découvrir la place.
fig.174 Photos de Maquette (Ibidem)
Celle-ci se présente de l’extérieur comme un écran avec des façades relativement fermées et une 213
configuration très typée de toitures. Par la voie qui y pénètre, on devine à peine l’espace intérieur. Au point de passage, les deux bâtiments qui forment une porte sont traités fermement. La matière est lisible et constitue un repère dans le cheminement du visiteur et l’approche à courte distance permet d’aborder l’espace de manière quasi tactile. La place se trouve ainsi mieux perçue. Ainsi s’ouvre la place, avec ses façades très vitrées. En son axe un bâtiment plus élancé qui ne cherche pas à se référer à la place, mais permet plutôt de signaler et de bien identifier le quartier.
fig.175 Récit d’espace et plan masse du projet (Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.56)
fig.176 Photo de maquette au relatoscope et leur utilisation comme support pour définir des perspectives plus détaillées de séquences urbaines(Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.56)
Van Treeck énonce alors la volonté forte de permettre à l’habitant de se situer, et à s’approprier son quartier: ‘‘L’habitant du nouveau quartier découvrira ainsi sa propre identité vis-à-vis des habitants d’autres quartiers; conscient de résider au sein des lieux qui contiennent la place du marché, le CES (Collège d’enseignement secondaire), le stade, la zone d’activités, il apprendra à connaître les cheminements les plus courts pour parvenir en toute sécurité à ces différents pôles d’attraction; ainsi pour les détours s’il veut y flâner. Il saura se diriger aisément vers les quartiers voisins qui constitueront pour lui d’autres centres d’intérêt; il disposera depuis la place du marché de deux trajets différents pour atteindre le grand centre commercial et plus loin le centre culturel et administratif. L’allée plantée centrale le conduira au parc. La voie secondaire latérale, également plantée, lui permettra de se diriger vers la zone d’activités du village du Vaudreuil. Le stade lui sera accessible en de très nombreux points à partir des rues piétonnes qui l’entourent.’’1 . 1. Martin Schulz van Treeck, architecture: espace ou objet?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.56 215
LE MURAT
Aménagement d’un nouveau centre urbain (1978-1982)
fig.177 Photo de maquette de l’ensemble du Murat à Laval (Archive Laval)
fig.178 L’empreinte de l’architecte post-moderne a principalement marqué l’ensemble Murat, quartier Saint-Nicolas. Crédit photo: Nicolas Emeriau (Urbanisme: L’architecte Van Treeck a laissé son empreinte à Laval, Ouest France, 2014)
Approchant de la fin de sa carrière, Van Treeck est amené à travailler sur plusieurs opérations pour la ville de Laval. Au sud de la commune et aux abords immédiats de la cité administrative, sur un espace demeuré vierge d’habitations le projet ambitieux du centre Murat s’annonce à la limite entre utopie urbaine et programme social. Ce dernier consiste pour Van Treeck à créer un village, ‘‘sinon dans son aspect, du moins dans son esprit’’2 et ‘‘d’humaniser l’habitat’’ en posant en ses fondements une réflexion sur des problèmes sociétaux tels que l’évolution du temps de travail, le regroupement entre services et associations sur le lieu de vie, le choix entre ville et campagne ou encore l’aspiration à la liberté individuelle. Ces réflexions amènent alors à dépasser la simple programmation d’un ensemble de logement pour élaborer au final un programme complexe mêlant logements (Maître d’ouvrage: SAHLM), commerces et services (Maître d’Ouvrage: SOCOMI). La structure de l’édifice s’hybride entre système préfabriqué de Tracoba et structures bétons porteuses garnies de parpaings donnant un aspect plutôt massif et une architecture plus fine d’ardoises, de pignons et d’arcades installés sur un axe de symétrie fort partant de l’entrée ouest. L’achèvement du chantier marque un moment important pour la ville qui reforme ainsi son parc social tout en expérimentant pour tous de nouvelles formes d’habitats. 2. Xavier Villebrun, Chantiers Horizons et Murat, Archives de Laval
217
Conclusion
Retour critique et possibles ouvertures
Van Treeck semble avoir finalement su s’affirmer comme cet ‘‘être complet’’ que cherchait à former l’école du Bauhaus dont les enseignements ne semble jamais l’avoir quitté. À la fois architecte d’une centaine de projets et professeur d’architecture pour ‘‘plus de 1500 étudiants’’ pendant 26 ans3, c’est avec passion qu’il semble avoir dévoué sa vie à sa pratique et à sa transmission de l’architecture. À sa mort en 1999 Van Treeck qui a 71 ans disparaît ‘‘sur le terrain4’’, ‘‘ruiné, endetté... et ne fut reconnu par aucune de ses sœurs, qui le croyaient milliardaire’’5. Cette dernière information explique peut être en partie son quasi anonymat. La longue recherche pour ce mémoire m’a permis de mieux saisir qui se cachait derrière la rénovation de l’îlot Riquet et de m’intéresser, plus qu’au personnage lui-même, à toute une période de l’histoire et à certains fondements du monde tel qu’on peut l’observer aujourd’hui. Van Treeck s’est en effet porté comme le prétexte idéal pour survoler de nombreux thèmes qui me tenaient à cœur. Bien que Martin Schulz van Treeck ne jouisse aujourd’hui pas d’une très grande renommée, son héritage lui, semble bénéficier d’un regain d’intérêt. Le projet des Orgues de Flandre si longtemps critiqué et son esthétique si longtemps répudiée, s’affiche aujourd’hui comme le symbole d’une génération qui s’en est approprié sans mal la monumentalité, en revendique la situation et en exige la conservation. Dans cette volonté de protection et de préservation, les Orgues de Flandre ont été classés patrimoine XXe siècle6 en 2008. Malgré ce Label, une grande opération de ravalement des façades et d’isolation thermique par l’extérieur a été récemment lancé par le promoteur des 3. Inge-Lise Weeke, Hommage à Martin Van Treeck, , D’A n°98 4. Ibidem 5. Séverine Bourgault, Martin Van Treeck, un architecte utopiste, Mayenne, 27 août 2000 6. Le Label Patrimoine du XXe siècle, créé par le Ministère de la culture et de la Communication pour répondre à la recommandation du Conseil de l’Europe du 9 septembre 1991 incitant à l’identification et l’étude de l’architecture du 20e siècle afin d’éviter des pertes irréparables de cet instant de la mémoire européenne aide à reconnaître la place dans le champ du patrimoine et à sensibiliser le grand public à cette architecture méconnue et souvent décriée. 218
3F et les ateliers Lion et associés. Emmanuelle Sautereau, qui représente la maîtrise d’ouvrage, explique : «L’objectif de la réhabilitation thermique est d’atteindre la cible fixée par le Plan Climat Paris de 80 kWhep/m2.an tout en améliorant la qualité du bâti». L’enveloppe était très peu isolée et les consommations atteignaient presque le double de la valeur souhaitée. «La rénovation consiste à appliquer une isolation par l’extérieur (laine de roche) avec doublage en cassettes métal, tout en remplaçant les menuiseries, les radiateurs et en isolant les planchers bas, les terrasses et toitures7». Un vaste chantier en perspective, de 21,7 M€, à mener en site occupé. «La réhabilitation revient à 46.800 € par logement environ mais les économies de charges sont importantes, presque divisées par deux, à 5 €/m2», analyse Emmanuelle Sautereau. Cette pratique d’isolation qui d’un point de vue économique et écologique semble tout à fait justifiable, pose néanmoins la question du patrimoine et de sa préservation. En effet, pour le projet des Orgues, deux problèmes principaux m’ont quelque peu interloqués. Dans un premier temps, la préservation du patrimoine induit dans une certaine mesure, la volonté de respecter les choix fait par l’architecte et de chercher à conserver le bâtiment tel qu’il puisse être visité comme son concepteur l’avait imaginé. Pour les Orgues, la matérialité partait de l’inspiration du revêtement appliqué à l’Opéra de Sydney de Jorn Utzon alternant des carreaux mats et brillants en forme de plume d’oiseau qui donne une impression de mouvement. Par économie, Van Treeck adapte l’idée en présentant en façade une alternance de parties menuisées en aluminium laqué au four et de céramiques blanches Buchtal auto-lavables. Dans ce souci de préserver les choix de l’architecte, n’aurait-il pas fallu plutôt tenter de conserver ce même revêtement ou de chercher un matériau plus efficient qui pouvait s’approcher de la matérialité d’origine (au risque de frôler le pastiche) plutôt qu’en proposer une version ‘‘modernisée’’ en cassettes métal ? 7. Comment pose-t-on une ITE sur une tour de 100 mètres de haut ?, Batiactu.com
219
Ensuite, mon deuxième questionnement concerne la gestion du projet et la préservation de son unité d’ensemble. Divisées, sur les quatre tours constituant ce qu’on appelle les Orgues de Flandre, deux tours sont à la gestion du bailleur sociale des 3F et deux tours sont en copropriété. Cette particularité implique des phases de chantier largement différées sur des projets de cette ampleur. Les deux tours en copropriété n’ayant accès aux mêmes fonds pour investir dans le ravalement de leurs façades, les travaux des deux tours gérées par les 3F ont été ravalées en priorité alors que les deux autres sont restées dans leur état de délabrement. L’effet sur le projet m’a semblé plus que discutable car brouillant un des fondements de la conception de Van Treeck, la vision à longue distance des tours de logement les plus hautes de Paris. Perdant de son unicité, le projet semble fracturé, la propreté immaculée des cassettes métalliques ne faisant qu’accentuer l’état de vétusté des tours qui leurs sont voisines. Cet état semble néanmoins transitoire, et d’ici à 2021, toutes les tours devraient être revêtu de cassette métallisée. L’isolation par l’extérieur semble de plus, sujet à controverse puisque dans certaines mauvaises configurations, elle aurait aggravé le sinistre d’incendies en facilitant leurs propagations vers les étages supérieurs tout en dégageant des fumées nocives dans l’enceinte de leurs bâtiments (incendie de la Tour Mermoz en 2012 et de la tour Grenfell en 2017). Loin d’être particulièrement réactionnaire, le sujet de l’isolation thermique par l’extérieur et la préservation du patrimoine semble un sujet très intéressant qui mériterait sans doute un développement plus poussé. Le projet des Orgues est d’ailleurs loin d’être un cas isolé et de nombreux projets appartenant à notre patrimoine semblent concernés par les nouveaux enjeux de transition écologique, de développement durable, etc.
220
De même, l’évolution du monstre que forme l’îlot Riquet ne semble pas prête de s’arrêter et mérite qu’o’n s’y intéresse. D’après la récente réunion publique du 17 avril 2019 en présence de François Dagnaud, maire du 19e arrondissement ayant pour thème exclusif le ‘‘projet urbain des Orgues de Flandre’’, l’ensemble de l’îlot Riquet est encore voué à de grands projets de rénovation. Après la mise en place d’un long diagnostique sur site et des simulations 3D menées par l’apur, ont été voté par exemple, la rénovation pour 4,6 millions d’euros du centre sportif, pour 490.000 euros de l’école maternelle, pour 8,5 millions d’euros la requalification du jardin central en ‘‘un espace vert central de 4550m2, (+3800m2 par rapport au square existant de 750m2), les espaces publics autour de l’îlot pour 9,2 millions d’euros auxquels viennent s’ajouter la réhabilitation des tours déjà réalisées ou engagé: pour près de 44millions d’euros pour les logements des 3F; et pour 10 millions d’euros votés pour la rénovation thermique de la Tour Cantate fin 2019, début 2020, et pour 11 millions d’euros la rénovation thermique en cours pour la tour Fugue. Enfin, même si le dispositif peut paraître archaïque, le relatoscope semble toujours au cœur d’un certain engouement pour certains architectes. Appelée ‘architectural endoscopy’, le travail expérimental en maquette semble continuer à faire des émules et a même droit à une association. La EAEA (european architectural endoscopy association) se réunit tous les deux ans depuis 1993 dans des universités du nord de l’Europe afin d’échanger par exemple sur les avantages du procédé face à la quasi standardisation des rendus par logiciel informatique.
221
Photomontage tiré directement du site des Ateliers Lion Associé (http://atelierslion.com/en/projets/lesorguesdeflandre/)
Un ou t il in n ovan t p ou r con st ru ire le p rojet la m aq u et t e 3 D p er m et t an t d e visu aliser le q u ar t ier
18
Simulation 3D de l’APUR, diapo. 18 (https://www.api-site.paris.fr/paris/public/2019%2F7%2FOrgues%20Flandre%20CR%20RP%20 17%20avril%202019.pdf)
Travau x : 20 18 -20 21 Rén ovat ion t h erm iq u e et sécu rit é in cen d ie Cop rop riét é Fu g u e
Paris-cu lt eu rs Rén ovat ion Cen t re sp ort if
École m at ern elle M od ificat ion en t rée Cou vert u re cou r Nord Carré M at h is Ville I3 F
Rén ovat ion t h erm iq u e et sécu rit é in cen d ie Cop rop riét é can t at e
Aven u e d e Flan d re Am én ag em en t Cyclab le Voies cyclab les
Rén ovat ion t h erm iq u e 32 34 riq u et
| Avril 20 19 | 26
Travaux prévus entre 2018 et 2021, diapo. 26 (https://www.api-site.paris.fr/paris/public/2019%2F7%2FOrgues%20Flandre%20CR%20RP%20 17%20avril%202019.pdf) Travau x à p art ir d e 20 22 Réh ab ilit at ion 5/7 ru e m at h is
Résid en t ialisat ion s
Req u alificat ion et vég ét alisat ion d es ru es
Rén ovat ion Port e d es Flam an d s
D ém olit ion Am én ag em en t Ilot cen t ral
Req u alificat ion en t rée Riq u et
| Avril 20 19 | 28
Travaux prévus à partir de 2022, diapo. 28 (https://www.api-site.paris.fr/paris/public/2019%2F7%2FOrgues%20Flandre%20CR%20RP%20 17%20avril%202019.pdf) 223
Annex
CHRONOLOGIE
Repères temporels
1928
Naissance le 16 novembre à Berlin. D’origine juive, ses parents sont Alfred Schulz van Treeck, médecin réputé et sa mère est Erna Schulz van Treeck, née Brauen.
1935
Entrée à l’école primaire dans le district de Tempelhof
1938
Passage à l’école secondaire pour garçons dans le district de Tempelhof
1940 Intègre les jeunesses hitlériennes pour se protéger du régime nazi 1945 Participe à la bataille de Berlin où il est fait prisonnier par l’armée rouge 1948 Inscription aux Beaux arts de Berlin où il est d’abord formé à l’ébénisterie 1950 Février : Fin de la formation d’ébéniste et obtention de l’examen d’ouvrier qualifié puis apprenti/compagnon dans les ateliers de Zehlendorf* Octobre : Début de ses études au département Architecture de l’école supérieure des beaux arts de Berlin 1953
Obtention du diplome d’architecte de travaux ‘Werkarchitekt’
1954 De février à octobre : Travaux pratiques chez l’architecte Gahlke* à Berlin D’octobre à Novembre 1955 : Stage chez l’architecte Jean Ginsberg à Paris 1955
Novembre : Retour à l’École Supérieure des Beaux Arts de Berlin
1957
Diplôme d’architecte HBK
1957
Intègre à nouveau l’agence de Jean Ginsberg en tant que stagiaire
1958 Devient assistant puis assistant principal chez Jean Ginsberg 1966 Quitte l’agence de Jean Ginsberg qui lui refuse la paternité du projet de concours pour Ashdod. Il devient architecte consultant pour OTH (BTE) et reprend à son compte l’agence de Favette, évincé du projet des Orgues. 1967
Création de la Collégiale 2, groupe dissident de l’École des Beaux Arts de Paris. Aux côtés d’Inge Lise Weeke et de Candilis, il enseigne le projet aux premières années en s’inspirant de son expérience de la pédagogie du Bauhaus
1968 Participe à la formation d’UP 6 où il sera professeur pendant 26 ans 1999
226
Mort de l’architecte le 18 octobre à Paris, à l’âge de 71 ans.
Les listes de projet qui suivent sont le croisement de différentes sources et se veulent aussi exhaustives que possibles. Cependant, certaines lacunes concernant entre autres les dates ou les adresses exactes des projets n’ont parfois pu être comblées. Ainsi les informations suivantes sont vérifiées mais parfois incomplètes. Les sources qui ont permis ces listes sont : -Philippe Dehan, Jean Ginsberg, une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987 -M. S. van Treeck, Portfolio, Ateliers M. S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book -M. S. van Treeck, Références, Archives Van Treeck, E. Thibault 227
LISTE DES PROJETS
Chez Jean Ginsberg (1957-1966)
• La Pierre Collinet, MEAUX, 2000 logements type grand ensemble, Jean Ginsberg, Max Doignon- Tournier, André Ilinski et Martin S. Van Treeck, 1958-1963
• Domaine de Montval à MARLY-LE-ROI, 1600 logements. La moitié réalisés par l’agence pour la société Maréna, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck, J. Muniak, André Ilinski, 1965-1969
• Le Hameau de Courcelles, GIF-SUR-YVETTE, 350 logements économiques (programme LOGECO primé ‘‘Beauté Île-de-France’’ par le ministère de l’équipement) pour Deromédi, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck assistant, 1961-1966
• ASHDOD, ISRAËL, Concours remporté pour le plan d’urbanisme du centre de la ville d’Ashdod face à Van der Broek et Bakema, Carmu et Friedstein, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck, Pierre Vago, 1965-1966
• 34 avenue Raphaël, PARIS XVIe, 17 grands appartements de luxe pour Tiffen. Deux logements de quatre à six pièces occupent chaque étage, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck assistant,1963-1965 • Angle 37, rue Michel-Ange et 38, rue Molitor, PARIS XVIe, 8 petits appartements studios ou deux pièces dans les étages hauts, Trésorerie principale du XVIe arrondissement et garage automobile réalisé pour la Société foncière Paris Aquitaine par Deromédi, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck assistant, 1963-1967 • 25, rue Michel-Salles à SAINT CLOUD, 30 logements pour la Compagnie Immobilière Parisienne (CIP). (Future agence, et futur logement de Ginsberg et de sa famille puis d’Ilinski, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck et André Ilinski collaborateurs, 1963-1967 • 35, avenue Sainte-Foy, NEUILLY, 70 appartements pour Houbigant. En ‘‘L’’ sur l’avenue Sainte-Foy et une étroite voie privée. Accueille des bureaux en rez-de-chaussée, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck assistant, 1963-1967 • 34, rue Beaujon, PARIS VIIIe, 20 appartements de deux pièces et Bureaux au premier étage. Réalisé par la COGEDIM, Jean Ginsberg, Martin S. Van Treeck assistant, 1964-1968
229
LISTE DES PROJETS
Ateliers M. S. van Treeck
PARIS
RIVP, 1975
• Rue Léon Frot, PARIS XIe, 60 logements collectifs + garages + commerces, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1971
• Îlot IV - PARIS XIIIe, Centre maternel avec une crèche de 40 berceaux, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1975
• Rue de Tanger, PARIS XIXe, 280 logements collectifs + garages et commerces, Maître d’Ouvrage: FFF, 1971
• Secteur Kabylie Flandre, PARIS XIXe, étude pour 200 logements collectifs + équipements + hôtel de 200 chambres + garages souterrains + commerces, Maître d’Ouvrage: OPHLM de la VILLE DE PARIS
• Îlot Riquet, PARIS XIXe: 1971-1976 436 logements collectifs + garages + locaux sociaux 280 logements collectifs + garages souterrains 600 logements IGH (Les Orgues de Flandre), 1971 150 logements collectifs IGH, 60 logements en terrasse - Crèche de 60 berceaux, 1973 562 logements collectifs + 1.500 garages souterrains + 5.000 m2 de commerces,1974 Maître d’Ouvrage : FFF 10.000 m2 de bureaux, 1973 Maître d’Ouvrage : SOFRACIM Maternelle de 8 classes Complexe sportif : piscine, gymnase + club de jeunes, 1976 Maître d’Ouvrage : VILLE DE PARIS • 15 Avenue Claude Vellefaux, PARIS Xe, 18 logements collectifs, Maître d’Ouvrage: S.C.I. VELLEFAUX, 1973 • Rue de la Roquette, PARIS XIe, Concours d’idées pour l’aménagement du terrain de la prison de la petite Roquette, 1974 • Rue Saint Maur PARIS XIe, 140 logements collectifs + garages souterrains + crèche de 60 berceaux intégrée, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1975 • Rue Mercœur PARIS XIe, 60 logements collectifs + 60 garages souterrains, Maître d’Ouvrage: 230
• 142 rue de Flandre, PARIS XIXe, 35 logements et ateliers d’artistes, Maître d’Ouvrage: RIVP • Quai de L’Oise, PARIS XIXe, Étude pour la réalisation d’un hôtel de 300 chambres + Bureaux de 2500m2 utiles + 50 logements • Îlot Flandre Rouen, PARIS XIXe, Étude pour l’aménagement de ce secteur • Armand Carrel Jean Jaurès, PARIS XIXe, Étude pour un Music-Hall de 800 places - hôtel 200 chambres + 150 logements + commerces + bureaux, Maître d’Ouvrage: OPHLM de la VILLE DE PARIS • Rue de la Folie-Regnault, PARIS XIe, 90 logements collectifs + garages souterrains, Maître d’Ouvrage: RIVP 1976 • Angle du 247, rue Lafayette au 3, Place Stalingrad, PARIS Xe, 53 logements + garages souterrains + commerces, Maître d’Ouvrage: RIVP • Rue Vercingétorix, PARIS XIVe, 78 logements + garages souterrains, Maître d’Ouvrage: FFF • Îlot des Patriarches, PARIS Ve, Concours pour la rénovation de l’îlot des Patriarches, Maître d’Ouvrage: RIVP
• Quartier des Halles, PARIS Ie, Consultation pour l’aménagement de la zone Est, Maître d’Ouvrage: DAU PARIS • 2-6 Quai de la Marne, PARIS XIXe, 33 logements collectifs + garages souterrains, Maître d’Ouvrage: RIVP • Zac Saint Blaise, PARIS XXe, Concours pour la réalisation de 125 logements environ, Maître d’Ouvrage: OPHLM de la VILLE DE PARIS • Kellermann, Programme ‘‘ITALIE II’’, 2e phase, Consultation ‘‘Conception-Construction’’ avec le Cabinet Jean Ginsberg, Architecte, Maître d’Ouvrage: OPHLM de la VILLE DE PARIS • Extension du CES Jomard, PARIS XIXe,Lauréat du concours, Maître d’Ouvrage : VILLE DE PARIS ÎLE-DE-FRANCE • EVRY, ESSONNE, Concours Évry 1 Étude de 7.000 logements avec équipements intégrés en équipe avec l’A.U.A., R. BOFILL et J. GINSBERG Architectes ( 2ème prix ), EUREVRY, 1965-1972 • SAINT-MICHEL-SUR-ORGE, ESSONNE, Villagexpo, Maisons individuelles (Modèle), Maître d’Ouvrage: COOPÉRATIVE DE L’ÎLE-DE-FRANCE, 1966 • DRAVEIL, ESSONNE, Étude pour un programme d’habitations et un grand ensemble de loisirs au bord de la Seine, logements intermédiaires, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1967 • GOUSSAINVILLE, VAL D’OISE, Étude de 240 logements individuels et intermédiaires, FFF, 1967 • MERY-SUR-OISE, VAL D’OISE, Étude pour un programme d’urbanisme et d’équipements, 1.500 logements en zone de transition , indivi-
duels et intermédiaires, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1967 • RUNGIS, VAL DE MARNE, ‘‘Les Antes’’, 250 logements individuels et intermédiaires, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1967 • RUNGIS, VAL DE MARNE, ‘‘La Couture’’, Étude de 450 logements collectifs, Maître d’Ouvrage: RIVP, 1968 • ÉTAMPES, ESSONNE, 472 logements collectifs avec Jean Ginsberg, architecte, Maître d’Ouvrage: FFF, 1969 • MARNE-LA-VALLÉE, SEINE-ET-MARNE, Concours ‘‘Les Coteaux de Maubué’’, Aménagement de 3.000 logements avec les équipements sportifs scolaires, commerciaux et socio-culturels (3ème prix), 1973 • ZAC de PLAISIR, YVELINES, Les Clayes-sousBois, 370 logements collectifs (modèles Aster) + garages souterrains, Maître d’Ouvrage: FFF, 1974 • HOUILLES, YVELINES, Étude pour l’aménagement du centre ville, Maître d’Ouvrage: FFF, 1974 • Concours pour les centres d’éducation générale, Unités pédagogiques pour 120, 240 et 360 élèves dans régions peu peuplées, Maître d’Ouvrage: MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, 1975 • SAINT GRATIEN, VAL D’OISE, Étude de rénovation urbaine centre-ville • AUBERGENVILLE, YVELINES, Concours lancé par la Municipalité d’Aubergenville pour la construction de foyers expositions, 1 grande salle des fêtes, 3 salles de réunions, 1 petite salle de spectacles d’environ 230m2 avec sa propre scène
231
• PANTIN, SEINE-SAINT-DENIS, Étude pour l’aménagement de logements et de bureaux, Maître d’Ouvrage: SEPIMO
• CHÂTELLERAULT, VIENNE, Institut médico-pédagogique, Maître d’Ouvrage: HÔPITAL DE CHÂTELLERAULT, 1969
• LONGJUMEAU, ESSONNE, Concours pour la réhabilitation de la Cité Bel Air, Maître d’Ouvrage: VILLE DE LONGJUMEAU
• POITIERS, ZUP des Couronneries, 420 logements, garages, Maître d’Ouvrage: SIVP, 1969
• PUTEAUX, HAUTS-DE-SEINE, ‘‘Tête Défense’’, Consultation pour l’aménagement de la ‘‘Tête Défense’’, Maître d’Ouvrage: EPAD • GOUSSAINVILLE, VAL D’OISE, Étude pour 240 logements individuels et intermédiaires, Maître d’Ouvrage: FFF • EVRY, ESSONNE, Evry 3 Ville Nouvelle Secteur H1, 53 logements + garages souterrains Maitre d’Ouvrage: FFF • EVRY, ESSONNE ,Evry 3 Ville Nouvelle Secteur E4, 116 logement s + garages souterrains Maître d’Ouvrage: FFF • SAINT-MAURICE, VAL DE MARNE, Plan directeur pour le secteur de rénovation, Maitre d’Ouvra ge: RIVP • CERGY PONTOISE, VAL D’OISE, ZAC du Moulin à Vent, Étude pour 720 logements en accession Maître d’Ouvrage: FFF • SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, YVELINES, ZAC des Saules, 60 logements collectifs en accession + garages souterrains, Maître d’Ouvrage: COPRA • CERGY PONTOISE, ZAC du Moulin à Vent, îlot 127, 79 maisons individuelles + garages, Maître d’Ouvrage: FFF RESTE DE LA FRANCE • ROUBAIX, NORD, Étude pour une école multi-professionnelle, 1967 • LAVAL, MAYENNE, ZUP de Saint Nicolas, 520 logements, Maître d’Ouvrage: SACOLA, 1969 232
• REIMS, MARNE, Tinqueux, 148 logements individuels, Maître d’Ouvrage: EFFORT REMOIS, 1971 • POITIERS, VIENNE, ZAC de BEAULIEU, Concours, Étude sur 2.500 logements avec les équipements intégrés, Maître d’Ouvrage: OPHLM DE LA VILLE DE POITIERS, 1972 • REIMS, MARNE, Betheny, 293 logements individuels + 40 logements intermédiaires + centre commercial, Maître d’Ouvrage: EFFORT REMOIS, 1972 • REIMS, MARNE, Taissy, 260 logements individuels, Maître d’Ouvrage: EFFORT REMOIS, 1972 • LAVAL, MAYENNE, ZUP de Saint Nicolas, Crèches de 60 berceaux, Lauréat pour des logements collectifs avec l’entreprise BILLIARD et OTH (BET), Maître d’Ouvrage: Ville de LAVAL, 1972 • POITIERS, ZUP des Couronneries, ‘‘Les Héliotropes’’, 200 logements collectifs + 3000 m2 de bureaux, Maître d’Ouvrage: SIVP, 1973 • REIMS, MARNE, Route de Witry, 160 logements individuels + 100 logements intermédiaires, Maître d’Ouvrage: EFFORT REMOIS, 1973 • BORDEAUX, GIRONDE, Genicart, 140 logements individuels et intermédiaires, Maître d’Ouvrage: CILG, 1973 • MONTARGIS, LOIRET, ‘‘La Sirène’’, Secteur de rénovation pour 264 logements collectifs et intermédiaires + Commerces et équipements divers + 280 garages souterrains, Maître d’Ouvrage: FFF, 1974 • VAUDREUIL VILLE NOUVELLE, EURE, Secteur D, Concours, Étude pour 400 logements +
équipements scolaires , sportifs et commerciaux (2ème prix), Maître d’Ouvrage: FFF, 1974 • BORDEAUX, GIRONDE, Floirac, ‘‘Les Hameaux de Bourbon’’, 212 logements individuels et intermédiaires (1ère phase de 450 logements), Maître d’Ouvrage: CILG, 1975 • MIGNE-AUXANCES, VIENNE, ‘‘Les Rochereaux’’, 125 logements individuels et intermédiaires (1ère phase de 450 logements), Maître d’Ouvrage: SIVP, 1975 • BORDEAUX, GIRONDE, Floirac, ‘‘Les Hameaux de Bourbon’’, 100 logements intermédiaires + équipements (2e phase de 450 logements), Maître d’Ouvrage: CILG, 1976 • POITIERS, VIENNE, ZUP des Couronneries, Avenue Kennedy, 128 logements collectifs et intermédiaires + garages souterrains, Maître d’Ouvrage: SIVP, 1976 • POITIERS, VIENNE, ‘‘Jean Mace’’ Étude pour la rénovation d’un quartier de la vieille ville: 80 logements collectifs, 4.000m2 de bureaux + 300 garages souterrains, Maître d’Ouvrage: SIVP, 1976 • LAVAL,MAYENNE, ZUP Saint Nicolas, 180 logements, 12.000 m2 de commerces, 2 cinémas, hôtel de 60 chambres, équipement socio-culturel, 900 garages souterrains, 3.000m2 de bureaux, Maître d’Ouvrage: SACOLA, 1976 • POITIERS, VIENNE, Saint-Cyprien, Étude pour 150 logements collectifs et intermédiaires, 1976 • BAZOUGES, MAYENNE, Centre-ville,67 logements collectifs en accession + garages souterrains + 1.300 m2 de commerces Maître d’Ouvrage: OPDHLM DE LA MAYENNE, 1986 • BAZOUGES, MAYENNE, Centre-ville, Équipements publics dont la Mairie de Bazouges, Maître d’Ouvrage: MUNICIPALITÉ DE BAZOUGES, 1986 • LAVAL, MAYENNE, Etablissement du plan d’oc cupation des sols (POS) de détaiI pour le centreville, Maître d’Ouvrage: VILLE DE LAVAL
• LAVAL, MAYENNE, ZUP Saint Nicolas, Centre Urbain Murat, 160 logements collectifs . 1.850m2 de commerces,293 garages souterrains, Maître d’Ouvrage: SAHLM de la VILLE DE LAVAL 5.800 m2 de bureaux , 3.400 m2 de grande surface, 1.000 m2 de boutiques, 357 garages souterrains, Maître d’Ouvrage: SOCOMI • LAVAL, MAYENNE, ZAC du Bourny, 42 maisons individuelles, Maître d’Ouvrage: CRÉDIT IMMOBILIER DE LA MAYENNE • LAVAL , MAYENNE, ZAC Du Bourny, 25 logements + garages + bureaux, Maître d’Ouvrage: SAHLM de la VILLE DE LAVAL • LAVAL, MAYENNE, Rue de Nantes et Rue des Étaux, 1ère Tranche: 30 logements en accession, 2ème Tranche: 18 logements en accession Maître d’Ouvrage: SAHLM DE LA VILLE DE LAVAL • DÉPARTEMENT DE LA MAYENNE, Concours pour les maisons individuelles en Mayenne (Lauréat), Maître d’Ouvrage: OPDHLM de la MAYENNE, LAVAL • BORDEAUX, GIRONDE, Floirac, ‘‘Les Hameaux de Bourbon’’, 116 logements individuels et intermédiaires (3e phase de 450 logements) Maître d’Ouvrage: CILG • BORDEAUX, GIRONDE, Quai de Brienne, Étude pour l’aménagement du secteur Brienne, logements + centre d’activités sur environ 100.000m2 Maître d’Ouvrage: SBRU • SAINT-OMER, PAS- DE- CALAIS, Étude pour 81 logements individuels • TROUVILLE, CALVADOS, Étude pour des log ements de vacances individuels, Maître d’Ouvrage: COPRA • LACANAU, GIRONDE, Étude pour un hôtel résidence et des logements de vacances (1.400 lits) Maître d’Ouvrage: FÉDÉRATION DU BÂTIMENT
233
• LACANAU, GIRONDE, ‘‘Les terrasses de L’Atlantique’’, 84 logements de vacances, accession Maître d’Ouvrage : STIMO • PESSAC, GIRONDE, 70 logements individuels, Maître d’Ouvrage OPHLM de la CUB. • MOUGINS, ALPES-MARITIMES, Étude para-hôteIière pou r 780 lits, Maître d’Ouvrage: SEFRI-CIME • TOULOUSE, HAUTE-GARONNE, Compans Caffarelli, Concours pour l’aménagement des casernes Compans , CaffarelIi, Lauréat première phase, Maître d’Ouvrage: SETOMIP • LAVAL, MAYENNE, Impasse Saint Nicolas, 26 logements collectifs + garages, Maître d’Ouvrage: SAHLM de la VILLE DE LAVAL • AZÉ, MAYENNE, ‘‘La Claverie’’, 31 maisons individuelles + garages, Maître d’Ouvrage: SAHLM de la VILLE DE LAVAL PROJETS INTERNATIONAUX • PLANAS DEL REY, ESPAGNE, Étude pour un village de vacances 1.000 logements et leurs équipements, Étude pour l’industrialisation des centres hippiques • BRAUNSCHWEIG, ALLEMAGNE, Concours pour l’aménagement du quartier de Braunschweig-West-Stadt, logements, équipements scolaires, sportifs, commerciaux et sociaux-culturels • RIYAD, ABU DHABI Étude pour un collège de jeunes filles avec hôpital, centres sportifs, crèche, maternelle, école primaire, école secondaire, mosquée
234
• BAGDAD, IRAK, ‘‘Bab AI-Sheikh’’, 850 logements collectifs, 15.000 m2 de bureaux, 15.000 m2 de commerces, 3 écoles + 1 école maternelle,1 crèche, 1 club de jeunes, 1.000 parkings et 4 abris antiatomiques, avec OTH INTERNATIONAL, Maître d’Ouvrage: Municipalité de Bagdad, 1980 • TIKRIT, IRAK: Concours pour un champs de parades et de cérémonies, avec OTH INTERNATIONAL
L’iconographie qui suit tient ses source des archives suivantes : -pp.236-237: E.Pisani, R. Nungesser et P. Maffre, Villagexpo Saint-Michel-sur-Orge, Construction et aménagement, N°spécial 25, septembre 1966 -pp.238-243: M. S. van Treeck, Portfolio, Ateliers M. S. van Treeck, Archives IFA Dossier 133 cote 244/3, CV Book -pp. 244-245: Archives de Laval 235
SAINT-MICHEL-SUR-ORGE, ESSONNE, VILLAGEXPO, MAISONS INDIVIDUELLES (MODÈLE), MAÎTRE D’OUVRAGE: COOPÉRATIVE DE L’ÎLE-DE-FRANCE, 1966
237
REIMS, BÉTHENY, CENTRE COMMERCIAL, 1972
Scanned by CamScann BORDEAUX, LORMONT, GENICART, 1973
POITIERS, ZAC DE BEAULIEU, CONCOURS (MENTION), 1972
PARIS 11ème, AMÉNAGEMENT DES TERRAINS DE LA ROQUETTE, CONCOURS (MENTION), 1974 239
Scanned by CamScanne POITIERS, ZUP DES COURONNERIES, ‘‘LES HÉLIOTROPES’’, 1973
Scanned by CamScanner
POITIERS, ÎLOT DE RÉNOVATION ‘‘JEAN MACE’’, 1975 241
Scanned by CamScanner POITIERS, MIGNE AUXANCES, 1975
Scanned by CamScanner
LAVAL, ZUP SAINT NICOLAS, CONCOURS (MENTION), 1978 243
BAGDAD, IRAK, ‘‘Bab AI-Sheikh’’, 1980 245
BIBLIOGRAPHIE Articles Articles de Van Treeck: - Martin Schulz van Treeck, Reale Modellphotographie als neue Darstellungsmethode in der Architekturplanung, Bauen + Wohnen, 1957, pp. 332-334. - Martin Schulz van Treeck, Modell-bertrachtung und-fotographie mit dem Relatoskop nach Schulz van Treeck, Sass Wolf Berlin, 1957 - Martin Schulz van Treeck et Sarane Alexandrian, La préfabrication, L’OEIL 110 Février 1964 - Martin Schulz van Treeck et Marc Lavrillier, Le couloir pompéien du château Saint Ange, L’ŒIL 121, Janvier 1965
-Martin Schulz van Treeck, Les Orgues de Flandre, le Mur Vivant n°43, 1er trimestre 1977 - Martin Schulz van Treeck, La relatoscopie, qu’est-ce que la relatoscopie? Que peut-elle faire pour vous? (brochure commerciale), non daté Autres articles: - Roger-Henri Expert, Ateliers extérieurs d’architecture de l’École des beaux-arts, La Construction Moderne, 48e Volume, Fascicule N°45, 19321933 - Fernand Lot, Le Maquettoscope, Modélisme Maquettes n°8, Mai-Juillet 1956
- Martin Schulz van Treeck, Richelieu, L’ŒIL 127128, Juillet-Août 1965
- Max Blumenthal et Marie-Edith Lob-Loeffler, Un bureau d’études, l’OTH, Techniques et architecture, n°spécial, février 1961
- Martin Schulz van Treeck et Marc Lavrillier, Inveraray, L’ŒIL 158, Février 1968
- Concours international pour le centre d’Ashdod, Techniques et Architecture n°1, octobre, 1965
- Martin Schulz van Treeck et François Loyer, Bauhaus, L’ŒIL 162-163, Juin-Juillet 1968, pp.14-23
- Bertrand Goldberg, Marina City, Chicago, EtatsUnis, Architecture d’Aujourd’hui 117, 1965
- Martin Schulz van Treeck, Berlin en couleurs fortes, L’ŒIL 170, février 1969 - Martin Schulz van Treeck, La relatoscopie, Les nouvelles techniques de représentation en architecture, Institut de l’environnement CERA, 1974 pp.23-43. - Martin Schulz van Treeck, Möglichkeiten der Darstellung und Abklärung architektonischer Projekte, DETAIL, Verlag Architektur + Baudetail GmbH, München, 1974, Nr. 4 Juli – August, pp. 636, 642. - Martin Schulz van Treeck, Architecture: espace ou objet ?, Techniques et Architecture 307, 1975, pp.49-56 246
- Atelier Collégial 2, Melp! (Melpomène) n°2, revue étudiante des Beaux-Arts, automne 1966 - E.Pisani, R. Nungesser et P. Maffre, Villagexpo Saint-Michel-sur-Orge, Construction et aménagement, N°spécial 25, septembre 1966 - Jean Bossu, Une artère résidentielle, Techniques et architecture n°6,mars 1967 - Eurevry, Ville Nouvelle d’Évry, Projet de Concours du Groupe Eurevry, Architecture d’Aujourd’hui n°164, oct/nov 1972, pp.52-57 - François Loyer, Les Orgues de Flandre, L’ŒIL 206-207,mars 1972 -Rénovation urbaine de l’îlot Riquet, Paris XIXe,
ITBTP n°311, visites de chantier n°81, novembre 1973 - Jean-Louis Guidoni, Les grandes Orgues de l’architecture, Bâtir n°29, mars 1974, pp. 60-67. - François Loyer, Pour bien lire une maquette d’architecture, le relatoscope, Communication et langages, n°23, 1974, pp. 56-75 - Des orgues en Béton, La Construction Moderne n°2, 1975, pp.7-11 - Max Alfred (Bernard Huet), Babel et Babylone, le logement comme bâtiment, L’Architecture d’aujourd’hui n°187, octobre/novembre, 1976 - La cité des Flamands, la Construction Moderne, n°10, 1977, pp. 29-33. - Ionel Schein, Îlot Riquet : regard critique, Techniques et architecture, décembre 1977, n° 317, pp. 106-107. - Christian Moley, La dégradation du gradin, Techniques et Architecture N°341, avril/mai 1982 pp. 80-89 -Jean-Louis Cohen, Menace sur Paris, Le Débat n° 80, 1994, pp. 51-58 - Inge-Lise Weeke, Hommage à Martin van Treeck, D’Architecture n°98, décembre 1999-janvier 2000, pp.7 - Séverine Bourgault, Martin Van Treeck, un architecte utopiste, Mayenne, 27 août 2000 - Estelle Thibault, Martin Schulz Van Treeck, les Orgues de Flandre 1967-1976, Paris 19e, AMC n°116, mars 2001, pp. 82-89. -Isabelle Regnier, Henri Ciriani, grand architecte de l’habitat, le Monde, 10 mai 2019
Internet & Audiovisuel
Institut National de l’Audiovisuel (INA): - Paul Claudon, Un Français à Berlin, Capac production, 1955 - Claude Massot, Une raisonnable utopie ou l’expérience de Grenoble, Office national de radiodiffusion télévision française, 1973 - Économie et techniques françaises, Israël, terre des miracles, 1962 -Michel Pericard, Jean Cohen et Louis Beriot, La France défigurée, Evry ville nouvelle, Office national de radiodiffusion télévision française, avril 1973 -Jean-Paul Pigeat et Éric Rohmer, Les villes nouvelles 3, La Forme de la Ville, L’institut national de l’audiovisuel, 1975 Youtube: - Playlist MSVT.org FlickR: -ww2Gallery -Laurent D Ruamps -Michel Silland Blogs patrimoine XXe siècle: - http://astudejaoublie.blogspot.com/ - https://archipostcard.blogspot.com/ - http://archipostalecarte.blogspot.com/ - https://expo58.blogspot.com/ - http://paris-projet-vandalisme.blogspot.com/ - https://twitter.com/renaud_epstein Tumblr: - https://archimaps.tumblr.com/ - https://acatalepsie.tumblr.com/ - https://vuenville.tumblr.com/archive - https://retrogeographie.tumblr.com/ - https://baisersde.tumblr.com/ - https://elarafritzenwalden.tumblr.com/ Autres sites: - https://www.grandemasse.org/ - http://www.lecarrebleu.it/# - https://rndrd.com/ 247
Archives Institut Français de l’Architecture (IFA): - Objet DAU-0-SCHMA. Schulz van Treeck, Martin, Dossier 133 Ifa 244/3. CV. Book: - CV. Book - Fiches d’analyse du ministère : - Article n°59 : Les Orgues de Flandre - Documents Évry : Rapport ATM 162 IFA 1130 -Biographie de Jean Ginsberg établie par la Cité de l’Architecture,FRAPN02_GINJE_BIO -Henri Ciriani, Dessin ‘‘Les bâtiments linéaires’’ Archives IFA,Dossier 133 Ifa 17/6. Doc. AR-0603-15-17 Archives des 3F: - Plans de masses du projet de F. Favette - Plans de masses du projet de M. S. van Treeck - Notices explicatives du projet - Plans des différentes propositions de tours - Plans de recherche sur l’implantation des bâtiments gradins - Plans, coupes et élévations des tours et des bâtiments gradins - Plans des équipements Photographie de la cour de l’école primaire Archives de Paris: - Analyse du FFF concernant l’îlot Riquet, 1069 W 778. - Compte rendu de séance, Ville de Paris, direction de l’aménagement urbain, section des opérations d’aménagement (1993), 1565 W 0039. Archives de l’Universität der Künste Berlin: - 16_Abschlussprüfungen So 1957, Curriculum vitae - 16_Abschlussprüfungen So 1957, Prüfungsprotokoll - 16_II_3255, Fragebogen (questionnaire) - BrochureHfBK1953 Archives d’Éstelle Thibault: - CV ‘‘Références’’ - Diapositives: Photos de projets, diplôme de Van Treeck, Photos au relatoscope 248
- Brochure ‘‘La relatoscopie’’ - Corpus important d’articles de revue - Fiches pédagogiques et manuscrits Archives du Centre Pompidou : - Ensemble : AUA, le Taller de Arquitectura, Martin S. Van Treeck et Jean Ginsberg, Évry 1, Évry, Île-de-France - Photos de maquette: - AM 1994-1-6 - AM 1997-2-72 - Perspectives d’Henri Ciriani: - AM 1997-2-73 - AM 1997-2-74 - AM 1997-2-75 - AM 1997-2-76 Archives Nationales: - Séminaire Imara Article 20120112-170 -Programme de recherche (1982) Article 20120112-171 - Signalement des compte rendus de recherche Article 20120112-170 - Polycopié Article 20110268/9, POLY 379. - Polycopié Article 20110268/11, POLY 516. Archives de Laval : -Photo de maquette du Murat de Laval -Photo de maquette du projet Bab AI-Sheikh de Bagdad -Photo de maquette au relatoscope -Article de Xavier Villebrun dans l’Oribus
Livres - Camillo Sitte, l’Art de Bâtir les villes, 1889
Ambitions d’une politique urbaine, 1945-1975, Parenthèses, 2018
- Le Corbusier, La Charte d’Athènes, 1933 - Dr Alfred Schulz van Treeck et Dr. Carl Otto von Eicken, Atlas der Hals-, Nasen-, Ohrenkrankheiten-,1942
-Antwan Horfee, Gigamaku, fanzine, ed. Commune, 2019 - Philippe Dehan, Jean Ginsberg : la naissance du logement moderne, Ed. du Patrimoine, 2019
- Kevin Lynch, L’image de la cité, Dunod, 1960 - Gordon Cullen, The concise townscape, Architectural Press, 1961 - Pierre Merlin, Les villes nouvelles, Paris, Presses universitaires de France, 1969 - Martin Schulz van Treeck, François Loyer et Françoise Masson, Figuration, préfiguration, la relatoscopie, Paris, 1973 - Philippe Dehan, Jean Ginsberg (1905-1983) une modernité naturelle, ed. Connivences, 1987
Documents universitaires: - Elise Renard, mémoire, Martin Van Treeck et les orgues de Flandre, de la pratique à la théorie, ENSAPB, 2011 - Sebastian Schmidt, Global history of global cities, MIT architecture, octobre 2016 - Technische Universität Berlin, Vorlesung Baugeschichte, Wiederaufbau, 6 juli 2010 - Mémoire de la ville nouvelle, Les idées de départ des urbanistes d’Évry ville nouvelle, Document mémoire n°10, janvier 2009
- Bruno Vayssière, Reconstruction, déconstruction: le hard french ou l’architecture française des trente glorieuses, Villes et sociétés, Paris, 1988 - Jean-Eudes Roullier, 25 ans de villes nouvelles en France, Paris, Economica, 1989 - Peter Blundell Jones, Hans Scharoun, Londres, Phaidon, 1995 - Jean-Louis Violeau, Les architectes et Mai 68, ed. Recherches, 2005 - Jacques Lucan, Architecture en France 19402000, Le Moniteur, 2001 - Jean-Louis Cohen, Vanessa Grossman, Une architecture de l’engagement, 1960-1985: AUA, Paris, La découverte, 2015 - Kenny Cupers, La banlieue, un projet social 249
250
ENTRETIEN
Paul Chemetov et Sybille le Vot le 14.05. 2019
Entretien avec Paul Chemetov, né en 1928 comme Van Treeck avec qui il a collaboré lors du concours pour Evry. Jules Cornot : Au sujet de Martin Schulz van Treeck et du concours d’Évry Ville Nouvelle Paul Chemetov : Je ne suis pas le seule. Si vous pouviez joindre aussi Ciriani je pourrai vous donner son contact, je crois qu’il est à Paris en ce moment. Vous avez vu l’article du Monde sur Ciriani je pense, vous le retrouverez, justement il y a un dessin pleine-page d’Évry dedans. Le projet d’Évry est symptomatique de plusieurs choses: C’est l’apport de Ciriani et de CCH Corajoud, Ciriani, Huidobro. La caution de Van Treeck qui était, nous étions nous en 1972, des jeunes gens certainement pleins d’allant, mais sans relations avec le monde des affaires, et Van Treeck lui, apportait la caution des promoteurs. Ils l’avaient choisi parce qu’il était sérieux et que nous n’avions pas en 1972 ; si j’avais quelques bâtiments à mon actif déjà, Vigneux, Pantin, Sussy-en bris, d’autres encore... ; mais les plus grands projets, que cela soit le tramway, le sous-sol des Halles, le ministère des finances, le muséum d’histoire naturelle, c’est la décennie d’après. Et, Evry commence une série de concours, Evry, Marnes-la-Vallée, l’Iles d’abeau. En quatre ans, il y a trois grands concours de villes nouvelles. Il faut se rendre compte qu’Évry valait pour 7500 logements. C’est démentiel par rapport aux normes actuelles. L’ancien patron de la ville nouvelle me dit un jour, il faut absolument un architecte international là-dedans et moi, j’étais engagé dans cet étude qui m’avait été confié par le ministère de la culture sur création, architecture et préfabrication industrielle en 1968 et j’avais repéré en Espagne un jeune architecte plein de talent qui s’appelle Bofill. A cette époque c’était un architecte plus «moderniste» entre guillemets et lui a fait quand vous voyez le plan masse du concours qu’on s’était partagé cette partie [en pointant la partie du «signal»] et nous, on a fait ça [en pointant la « rue » sur le plan masse. Et la coupe qui est connue c’est celle-ci [en pointant la coupe transversale, mettant en évidence l’encorbellement de la double barre] avec les grands portiques et les transports en commun qui passe dedans. C’est une très belle coupe. Jules Cornot : Comment s’est faite votre rencontre avec Van Treeck ? Paul Chemetov : Je pense par le bureau d’étude OTH ou par les promoteurs, peut-être les 3F… Jules Cornot : C’est possible, il a beaucoup travaillé avec eux. Paul Chemetov : Alors c’est les 3F qui nous l’ont présenté en disant, lui on le connait, vous, vous êtes jeunes, vous êtes fous… [On nous amène l’étude de 1971, Chemetov pour une architecture de composants industriels.] Paul Chemetov : C’est là-dedans que j’ai fait à peu près un tour d’Europe, et même d’Amérique de ce qui était de plus intéressant dans les opérations qui alliaient ce qu’on appelait «pont du ministère de la culture», «fondation pour le mouvement culturel» qui était une sous-main du ministère de la culture. Mais moi, j’ai beaucoup appris à cette occasion et je conclue : «pour une architecture de composants industriels» parce que ça me parait assez évident. Enfin, tout ceci est connexe mais Bofill arrive par ça. Bofill, en France, constate l’amour du béton, de la préfabrication, des grandes entreprises, le poids de l’administration, et il lance sa ligne de prêt-à-porter : «Versailles pour le peuple». Quand vous regardez ce qu’il faisait à Reus à l’époque ou même d’autres maisons, son père devait être un peu promoteur, ils étaient des espèces d’architectes «cubistiques» un peu dans la veine de l’architecte Moshe Safdie (Habitat 67) un israélien qui avait fait ce pavillon pour l’exposition de Montréal en 1967 avec des blocs de béton un peu comme un nid d’abeille. C’est ce qui a inspiré Bofill dans ces années là et le projet de Reus à 70km au Sud de Barcelone rencontre ce qu’on espérait. Bofill s’est révélé être un autre homme, plus habile que nous dans les relations. Il invitait tout le monde à Cadaqués, les 251
hauts fonctionnaires français… enfin, ils sortaient leurs langues… Ils leurs fournissaient tout, le vivre, le manger, le couvert, des jeunes femmes, enfin tout était parfait. Donc on a rencontré Van Treeck, j’appréciais le travail de Ginsberg qui était quand même, en dehors de ses grandes conneries de Meaux, mais quand même son travail sur l’habitat de luxe bourgeois dès avant-guerre est quand même de très belle qualité. Du reste le livre récent qui est paru sur lui-même, Jean Ginsberg, la naissance du logement moderne, dit à peu près tout. Il oublie un batiment qu’il a fait pendant la guerre, rue de Lübeck un peu néo-classique dans cette série. Mais je ne sais pas à quel moment Van Treeck est arrivé chez Ginsberg ? Jules Cornot : Après-guerre, vers 1955 Paul Chemetov : Ah oui, quand il était déjà embarqué dans ses grandes opérations. En dehors de Meaux qui est vraiment trop dur. Certainement fait avec intelligence et mieux que d’autres, mais quand même on ne peut pas faire des choses pareilles ! Enfin, on le voit, ça pose problème aujourd’hui. Donc on voit arriver Van Treeck qui est, je crois, un peu plus vieux que nous à l’époque. Il est né en quelle année ? Jules Cornot : En 1928 Paul Chemetov : Ah non, donc la même année que moi. Mais il avait un air plus vieux, il n’avait plus beaucoup de cheveux. Il roulait dans une voiture allemande verte pale, un peu improbable avec un montant dans le verre central, je ne sais pas si c’était une Volkswagen de course, il nous bluffait beaucoup, nous on avait pas ce genre de voiture. Il était à la fois précieux et il avait inventé un truc qui était pas mal, une caméra qui était basée sur les caméra d’exploration pour l’estomac et sa force c’est qu’il promenait les gens dans les maquettes. Et à vrai dire, ce qu’il a appris de nous, il l’a refait aux Orgues de Flandre. Il a vu l’intérêt de ces gradins inclinés et dans les Orgues de Flandre on en a la traduction, évidemment à une toute autre échelle, c’est plus l’échelle d’Évry, mais ça découle directement de ça. Sauf que lui, il l’a fait tout seul les Orgues de Flandre, et dans les Orgues de Flandre il y a aussi ces grands bâtiments, les tours, qui sont plutôt du sous-produit d’Aalto que de nous. Il avait un léger accent allemand, mais s’exprimait parfaitement en français et d’ailleurs Bofill avait un fort accent espagnol, Ciriani et Huidobro aussi, donc c’était un melting pot. Si on prend la liste des gens, Manolo Nuñez était le premier couteau de Bofill. C’est lui qui dessinait pour Bofill. Bofill ne dessinait pas. Bofill s’occupait de la ligne générale et des relations publiques. Nuñez il a fait le commissariat de police du XXe arrondissement avec cette rue gigantesque et il a fait surtout les camemberts à Marne-la-Vallée, qui sont un peu une bêtise. Jules Cornot : Par rapport au projet lui-même, avez-vous été influencés par le mouvement métaboliste japonais ? On peut voir dans un reportage, que le projet d’Evry semble prendre ses sources dans le projet de l’Arlequin à Grenoble, y a-t-il une filiation de ces deux projets ? Paul Chemetov: Forcément, nous regardions cela aussi, et aussi bien Archigram, Peter Cook, nous regardions cela attentivement. En ce qui concerne l’Arlequin, ça n’était pas un concours. À l’époque, Dubedout maire de Grenoble vient chercher l’AUA sur sa réputation. Les gens qui vont travailler là-dessus sont CCH, Loiseau, Tribel, Jean-François Parent et Michel Steinebach comme urbaniste. Moi-même je contribue très peu au projet, je suis appelé dans la deuxième tranche de la ville nouvelle pour le Zénith qui se situe de l’autre côté du parc de Corajoud et c’est assez différent. Le travail de Grenoble est très inspiré du Mirail de Candilis. Mon travail, il poursuit à Grenoble ce que nous avions tenté plusieurs fois qui est le double corps, c’est-à-dire, des individuels et un collectif, accolés avec une desserte centrale. C’est un peu Évry à très petite échelle. Le double-corps est inspiré très lointainement du projet de Jean Bossu sauf que je ne fais jamais deux bâtiments de même hauteur. Le bâtiment qui est au Sud est toujours plus bas que le bâtiment qui est au Nord. Très franchement pour le concours d’Evry, Van Treeck a été le ‘sleeping partner’ du concours. Il a été la caution, et si nous devions gagner il rassurait les 3F et tout le monde en disant, moi je vais m’occuper sérieusement de la construction avec cette bande d’allumés. Il participait à toutes les réunions, il 252
apportait son point de vue. Il a apporté son relatoscope qui n’était pas mal. Il a apporté aussi ce qu’il avait appris chez Ginsberg qui n’était pas nul. Il se peut qu’il ait travaillé sur les plans d’appartement… Excusez-moi mais ceci est ancien et c’est vrai qu’on a vécu ce concours de manière survolté. En plus, Nuñez et Bofill sont arrivés avec la marijuana, produit qui était inconnu en France à l’époque et ils fumaient. Le concours d’Evry s’est fait en grande partie, moi je n’y ai pas participé parce que ça n’est pas à mon goût, dans la fumette ! Ça explique certaines choses ! Une collaboratrice de Paul Chemetov, Sybille le Vot, Doctorante sur le sujet de l’Arlequin prend sa suite pour l’entretien. Jules Cornot : Je voyais dans le documentaire d’Éric Rohmer qu’il s’intéresse d’abord au projet de l’Arlequin. Est-ce que vous pensez qu’il y a une sorte d’incidence de l’Arlequin sur le concours d’Evry ? Sybille le Vot : Je pense oui, le point commun si on peut dire c’est la question de la rue, des espaces publics. D’avoir une structure d’ensemble qui génère finalement l’architecture. À mon sens effectivement il y a une filiation, on retrouve des questions similaires. Après, effectivement on se retrouve dans une mise en œuvre différente. D’un côté on a une structure qui est celle de l’Arlequin presque souple, par rapport à la structure complétement linéaire d’Évry. Dans la rue de l’Arlequin réalisée entre 1968 et 1973, on retrouve l’idée de rue piétonne couverte, la galerie. Il y a donc une analogie mais ce sont quand même deux formes relativement différentes parce que d’un côté vous avez l’Arlequin où vous avez une structure unique alors que pour Évry, on a ce que l’on appelle le principe de la double-barre, qui est même antérieur au projet de l’Arlequin et notamment le projet d’un architecte que vous connaissez peut-être, qui s’appelle Jean Bossu. Il existe plusieurs étapes dans ce projet de l’artère résidentielle, et je vous recommande le travail sur ce sujet de l’architecte Xavier Dousson qui a fait sa thèse sur cet architecte. On retrouve le principe de la double barre dans d’autres projets ultérieurs comme la cité internationale de Lyon de Renzo Piano, on retrouve un principe similaire avec deux corps de bâtiment qui se font face autour d’un espace central qui sert d’espace commun, et de circulation. Pour Evry, le principe est presque plus complexe. On a l’impression que cela fait une pyramide finalement. Il y a des projets anglo-saxons des années 1960-1970 où on peut retrouver un principe similaire avec un étagement. Pour revenir sur Grenoble, effectivement les architectes sont appelés en 1967, Ciriani a travaillé sur l’Arlequin aux côtés de Borja Huidobro et de Michel Corajoud. Eux se sont centrés sur les espaces publics donc c’est eux qui ont traité la rue justement, la galerie piétonne, les espaces publics quels qu’ils soient. Jules Cornot : En terme de politique, je sais que Monsieur Chemetov était plutôt communiste à l’époque. Est-ce que vous pensez que cela a pu influencer l’échec du concours d’Évry ? Sybille le Vot : Je serais pas trop vous dire, je ne connais pas tellement les décisionnaires du concours, et il faudrait entreprendre une recherche plus approfondie sur les intervenants du concours. En ce qui concerne Évry, je ne suis pas certaine que ça ait forcément joué, après je peux me tromper. À Grenoble la question politique est importante mais la question du communisme est plus ambivalente que ce que l’on pourrait le croire puisque la municipalité de Grenoble n’était pas communiste. Elle était de gauche en majorité mais pas communiste. Ceux qui ont eu la charge de réaliser la ville neuve sur les quatre, les deux urbanistes ont été communiste à un moment donné mais les deux architectes ne l’étaient pas. Ça a donc sans doute un peu joué mais ça n’a pas du tout été déterminant.
253