Drunken Horses
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Drunken Horses Jocelyn Cottencin et Emmanuelle Huynh
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Elle : une Asiatique du Val-de-Loire Lui : un banlieusard parisien peut-être du Bassin méditerranéen
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Marquer le temps. Marquer le temps. Elle pense au Japon en regardant cet arbre. Le vent, un rythme, une durée, Voir le vent. Lui pense à la scène de Nostalghia1, où cet homme marche au fond d’une piscine vide, remplie de feuilles mortes, en essayant de garder une bougie allumée. Ça le calme de regarder le vent. 1 — Ici, Lui fait référence à Nostalghia, film de Andreï Tarkovski. Lui se rappelle que ce film, Lui l’a vu pour la première fois dans le petit cinéma d’art et essai d’Antony. Lui y allait à cette époque-là trois fois par semaine, une sorte de boulimie d’images en mouvement. Ce jour-là, Lui était avec son ami Gilles, ils avaient 15 ans. Antony est une ville de la banlieue sud de Paris, un peu un entre-deux à l’époque, ni bourgeoise, ni réellement pauvre, mais très à droite.
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Comme si Lui était touché par Comme si La terre est noire Lourde Humide Barnett Newman, Barnett Newman cette peinture Pier Paolo Il faut tirer ce filin, ne pas s’enfoncer trop Transférer son poids
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Ligne infinie2 Il faut être dix. C’est mieux, mais c’est possible de le faire à quatre. Une ronde, une sorte de ronde, sans fin, les bras sont au niveau des épaules, C’est une ronde qui s’aplatit comme une ligne. C’est une sorte de mouvement infini. Une vis sans fin faite à hauteur de bras. Apollinienne Plus que dionysiaque If I thought I knew the reason Why I’ve gone and fallen 2 — La ligne infinie est un cercle qui se rapproche en son centre en formant deux lignes parallèles. Elle a trouvé cette figure en 2008 pendant la phase de recherche de Cribles, Légende chorégraphique pour 1 000 danseurs. L’effet cinétique de deux plans qui coulissent en sens inverse donne à croire que les 11 danseurs sont en fait 1 000.
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Fallen In love with you You’re the one thing I believe in And I know quite well What I’ve got to do First you say it’s okay Then you say there’s no way Then I’m making love to you! You’re the one thing I believe in And know it’s time cause I’ve Got to tell you My love Is Like a flower 10
Daisies Are Always free. Pulling out […]3 et 4 3 — The Brian Jonestown Massacre, Wisdom. Lui pensait plutôt à utiliser une musique du Velvet Underground mais impossible finalement à exploiter. Mettez du Velvet sur des images et tout devient Factory. Par association d’idées, le groupe d’Anton Newcombe paraissait finalement le digne héritier tant dans l’esprit que l’attitude, sans que leur musique soit totalement identifiable. 4 — Si je pensais connaître la raison Pour laquelle je suis parti et tombé Amoureux de toi Tu es la seule chose à laquelle je crois Et je sais parfaitement Ce que je dois faire D’abord tu dis que tu es d’accord Ensuite tu dis qu’il n’en est pas question Puis on se retrouve à faire l’amour Tu es la seule chose à laquelle je crois Et maintenant il est temps parce que je dois te dire Mon amour est comme une fleur Les marguerites sont toujours libres En enlevant […] Paroles extraites de Wisdom, The Brian Jonestown Massacre, chanson parue en 1995, éditée par le label BOMP!
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In speaking about how cities change and how we change, this week has been extraordinary. And filming places that were important in my youth that were important when I was a student that were important to me in my early career and later in my career that were important to me as recently as last week. We went to Brooklyn we went to parts of Manhattan 5
5 — Rick Bell est architecte, un architecte qui à cette époque ne construisait pas. Il dirigeait l’institut américain d’architecture de New York. Elle avait rencontré Rick par l’intermédiaire de Sophie et de Thomas qui travaillaient à l’ambassade française. Ils pensaient que Rick pouvait être une personne intéressante pour le projet. Elle avait, durant différents voyages de repérage, eu de grandes conversations avec Rick sur la ville, l’histoire, l’architecture. Quelques mois plus tard, Lui démarra le tournage seul avec Rick. Durant trois jours, Lui chercha les moyens de mettre Rick sur un autre terrain que celui de la conférence. Rick se mettait tout le temps à parler dans les prises. Lui demanda alors de s’appuyer sur l’architecture. Elle arriva le quatrième jour.
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we went to Queens we looked at the ocean, we looked at the river. I’ve learned things about my city by looking at it fresh through the eye of a camera that I wasn’t holding through the eyes of opposed positions that let me take a fresh vantage point on my life and the things that I do, the things I’m proud of, the things I’m ashamed of. Today is my last day as the director of the center for architecture. I will no longer be working there. I’m moving on to new things in my life and some on them are going to be wonderful… and some will be mysteries. But this week has open my eyes to fact that after 14 years of trying to accomplish great things, it’s time to move on. It’s been a long time. 13
I worked with great people. We’ve worked on great projects. We’ve helped to make things happen in a way that, I think, changes communities. Now, the next phase of my life starts and this film has been, for me, a wonderful changing point of ways of looking at my city, as to what was in the past and what is in the present. And perhaps, gazing into the distance what will come in my future and my city’s future.6 et 7 6 — Parler de comment les villes changent et comment nous changeons a rendu cette semaine extraordinaire. Filmer des endroits qui ont été importants dans ma jeunesse qui ont été importants quand j’étais étudiant qui ont été importants au début et plus tard dans ma carrière qui ont été importants pas plus tard que la semaine dernière. Nous sommes allés à Brooklyn nous sommes allés à plusieurs endroits de Manhattan nous sommes allés dans le Queens nous avons regardé l’océan, nous avons regardé la rivière. J’ai appris des choses sur ma ville en la regardant à travers l’œil neuf d’une caméra que je ne portais pas
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Phil s’est rappelé de son premier souvenir physique. Son premier jour d’école. C’est la tempête. 6 — (Suite) À travers d’autres yeux qui me laissaient un point de vue nouveau sur ma vie et les choses que je fais, les choses dont je suis fier, les choses dont j’ai honte. Aujourd’hui, c’est mon dernier jour à la tête du centre d’architecture. Je n’y travaillerai plus. Je vais faire d’autres choses dans la vie. Certaines d’entre elles seront merveilleuses. D’autres seront mystérieuses. Mais cette semaine m’a ouvert les yeux sur le fait qu’après quatorze ans à essayer d’accomplir de grandes choses, il est temps d’avancer. Ça fait longtemps. J’ai travaillé avec des gens formidables. Nous avons travaillé sur de formidables projets. Nous avons aidé à faire en sorte que les choses changent les communautés. La prochaine étape de ma vie commence et ce film aura été, pour moi, un fantastique changement dans la façon de regarder ma ville dans son passé ou son présent. Et peut-être, une autre manière d’entrevoir ce qui adviendra dans mon futur et dans celui de ma ville. 7 — C’est le dernier jour de tournage avec Rick. C’est un vendredi du mois de mars à NYC. Il fait froid. Un goût d’hiver. La journée s’est déroulée normalement. À ceci près que Rick paraissait, non pas stressé, mais préoccupé. Son téléphone ne semblait plus fonctionner.
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Quand Phil le décrit c’est un ouragan. Peut-être seulement un jour de pluie par les yeux d’un enfant de 4 ans. Ne pas rater le début. Il faut se protéger du vent, de la pluie. Utiliser ce qui est possible pour se protéger du vent, de la pluie. Marcher en arrière, offrir le moins de prise possible. MOMA Primery school 7 — (Suite) Elle et Lui voulaient terminer l’après-midi par des enregistrements de textes dits par Rick. Drunken Horse. Un bar sur la 10e Avenue. Il n’y a pas beaucoup de monde. Après avoir enregistré les textes prévus, Rick demande à faire une dernière prise. Un texte supplémentaire. Il commence à parler de cette semaine, de ce qu’il a vécu, de ce que cela a transformé chez lui. Il dit qu’il a démissionné de son poste de directeur ce matin. Il continue de parler. Elle et Lui se regardent. Se demandent s’ils ont bien compris.
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Oh there’ll be time, to get by, to get dry, after the swimming pool Oh there’ll be time, to just cry, I wonder why, it didn’t work out Oh there’ll be time to fish fry, for letters by, yours truly Yours truly8 S’appuyer sur l’architecture, s’appuyer sur le pilier, basculer son poids vers le bâtiment. 8 — Ô viendra un temps, pour être là, pour être sec après la piscine, Ô viendra un temps, pour juste crier, je me demande pourquoi, cela n’avait pas fonctionné Ô viendra un temps pour frire les poissons, pour écrire, à toi sincèrement, à toi sincèrement. Paroles extraites de Banshee Beat, Animal Collective, morceau paru en 2005, édité par le label FatCat Records.
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En faire le tour sans perdre le contact. Il y avait des chantiers partout. Des trous de terre noire, des ossatures de métal. Des activités comme des rituels. Envisager l’espace des structures. Évaluer le vide. Le traverser. Traverser l’architecture. S’appuyer sur les sacs de sable9. 9 — Phil Moore est un drôle de type, taxi driver de son état, il a aussi travaillé avec un metteur en scène américain, Richard Maxwell, qui a la particularité de faire cohabiter dans ses pièces acteurs et non-acteurs. Quand Elle a démarré le projet, Raissa lui a reparlé de cet homme qu’elles avaient rencontré quand Maxwell était venu présenter sa pièce à Angers, où Elle dirigeait le Centre national de danse contemporaine à l’époque. Elle dans ses voyages de repérage contacta Phil. La première fois qu’ils se rencontrèrent, Phil la récupéra à l’aéroport et lui fit visiter son NYC en voiture. Cinq heures de JFK à Manhattan.
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Passer du sol à une position verticale, revenir au sol. S’arrêter en même temps. Dialoguer à distance. 41 12 Tenth Street. This is where I grew up. As a child, my mum and dad raised 4 children here. Every day I come out to play, go to this park. And, as I said, we knew so many people in this area but this is the building that I lived in tip I was about 26 years old. 10
I went to college, came back home, came right here 10 — 41 12 10e Rue. Quand j’étais enfant, ma mère et mon père ont élevé quatre enfants ici. Tous les jours, je sortais pour jouer. J’allais dans ce parc. Et, comme je le disais, on connaissait beaucoup de monde dans le quartier.
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Queens Bridge housing project, that’s the name of the project that we are now. This is the building that I grew up in. This was the playground for the kids that lived on the 41st block of 10th Street. 10 — (Suite) Mais c’est l’immeuble dans lequel j’ai vécu jusqu’à l’âge de 26 ans à peu près. Je suis allé à l’université, je suis revenu à la maison, ici même. « Queens Bridge housing project », c’est le nom de la cité où nous sommes. C’est l’immeuble dans lequel j’ai grandi. C’était l’aire de jeu pour les enfants qui vivaient dans le 41e block de la 10e Rue. Pendant mon enfance, il y avait ce que l’on appelle des échelles horizontales. Mais pas comme celles-ci. Elles étaient ici, mais des échelles horizontales… Il y avait un tunnel dans lequel on pouvait entrer ou sur lequel on pouvait monter, juste ici. Cette partie-là était libre. Quand je dis libre, je pense, qu’en fait, il y avait une petite échelle horizontale ici. Mais, nous, les enfants, nous en fichions. On jouait toujours au base-ball ici. On jouait au base-ball, on jouait à un jeu appelé « punch-ball » dans lequel on prend la balle et on la frappe de la main. Comme au base-ball mais on lance en l’air et on frappe à la main.
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When I grew up, they had these what we call Monkey bars. But not this type. There were here, but the Monkey bar… There was a baril that you can get in and high, right about here. This particular part was opened up. When I say opened up, I think we actually had one little monkey bar right here but we, as kids, didn’t care. We still played baseball here. We played baseball, we played a game called punchball where you take the ball and punched it with your hand. 10 — (Suite) Le terrain de jeu était juste là. C’est ici que l’on commençait. C’était le terrain de jeu. OK, c’était comme un vrai terrain, deuxième base en face, troisième base par ici, première base là-bas. Quel que soit le sport que l’on jouait, que ce soit du punch-ball… Du base-ball avec quelqu’un qui frappait vers vous… Ou du stick-ball qui était un jeu très populaire quand j’étais enfant. Stick-ball. On prend le balais de sa maman, on le coupe et on a de gros problèmes.
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Just like baseball but you throw up and punch it with your hand. The whole play was right here. This is where we started, this was whole play. Ok, it’s like a real field, 2nd base straight ahead, 3rd base over here, 1st base over there. So, whenever sport you’re playing, whether be punchball… baseball with somebody punching into you... or stickball which was a very very famous game back when I grew up. 10 — (Suite) On lance la balle et on la frappe. Quand on a frappé, c’est parti. Je cours vers la première base, et je quitte la première base pour aller vers la deuxième base, et si la balle n’est toujours pas attrapé, je cours vers la troisième base. Je cours vers la troisième base et je regarde en arrière si je peux y arriver. Je cours jusqu’au bout, toutes les bases et but. Et voilà un run. Un run marqué pour l’équipe. Et c’était le block qui servait d’aire de jeu aux enfants qui vivaient sur la 41e partie de la 10e Rue.
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Stickball. When you got your mother’s broom and you cut it and get a lot of trouble. it come down with a ball and you hit it. Once you hit it, here we go, I got to run the 1st, run the 1st, and run out the 1st, go to 2nd base, and if the ball was still being chased I go to the 3rd base. I go to the 3rd base and I look back and I see if I could make it. I run all the way, the all bases and goal. There goes a run. 1 run score for the team. And this was the block that we used as, should I say, a playground for the kids that lived on the 41st side of 10th street. This is 41st side of 10th street.
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Un train passe dans un soleil de fin de journée. Une montagne, un tas de pneus, Allan Kaprow, Allan Kaprow, De la lumière, la structure du pont vibre. Un ballet d’ouvriers et une trompe qui crache du béton. Il y a deux rythmiques, un riff de guitare en boucle. Et une mélodie synthétique, Le tout avec une boîte à rythmes d’un autre âge Courir courir courir, se croiser, courir. 30
Un bloc de mouvement Un bloc de temps Un bloc de mouvement Un bloc de temps Un paysage vert, un mouvement vert, un coup de vent,
un temps
Elle entre sur la passerelle depuis la promenade de Coney Island comme poussée par le vent, son coude gauche vers le sol, sa main gauche à hauteur du visage, sa main droite pinçant une robe / voile imaginaire au bas de ses fesses. Elle fait 10 pas dont les 2 derniers se font comme empressés. 31
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Son regard est tourné vers la plage. Elle fait un pas, son bras gauche se déplie par le coude, les deux bras forment un encadrement oblong, autour de sa silhouette. Les doigts des mains dirigées vers l’intérieur semblent vouloir retenir quelque chose. Immobilité. Son visage entier tourne à 180 degrés pour regarder la fête foraine en hibernation. De façon soudaine et directe, Elle pince et détache ce voile imaginaire de son épaule droite et le présente devant Elle, doigts vers le haut, paumes vers l’avant, coudes vers le bas et parallèles entre eux. Ses coudes glissent vers la droite, les mains par les poignets qui se cassent, laissent échapper le voile, le visage 34
regarde vers la coulisse la fête foraine, son corps suit et s’ouvre pour se placer dans la position symétrique. Rick est descendu lentement vers Elle. Un peu raide et droit. Il fait face puis se tourne vers l’océan. Comme une vigie ou un stylite.
Le stylite et la nymphe.
C’était l’ancienne salle d’activité de l’école. Phil s’assied. Allonge les jambes, les replie, remue les pieds, comme ces enfants qui ne savent pas quoi faire. Cette fille danse à côté de lui. 35
Il y a James Bond, refaire son lacet, peur des films d’horreur, peur des films d’horreur, Hercule, le faune, tu les aimes mes fesses, James Bond, refaire son lacet11… Plusieurs fois de suite. Un bloc de mouvement Un bloc de temps Un bloc de mouvement Un bloc de temps Filmer le temps Le vent dans les herbes hautes, un contrepoint. 11 — Phil ne s’était jamais rendu au MOMA PS1 depuis la transformation de son école en musée d’art contemporain. Après le tournage de plusieurs plans, Elle et Lui ont proposé à Phil d’y aller. Il pourrait peut-être essayer de replacer des souvenirs dans les espaces modifiés du musée. Dans la salle d’activité, devenue salle d’exposition, il y avait des danseurs, la « rétrospective » d’un chorégraphe français, Xavier Le Roy. Elle contacta Xavier, pour avoir son autorisation de tourner dans son installation-performance. Depuis le début du voyage, il y avait une sorte d’organicité dans les situations, les présences, les imprévus. Elle et Lui naviguaient en fonction du mouvement général avec un certain plaisir.
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Une rythmique à 160 bpm, la basse est lourde, la guitare électrique, il faut courir, courir autour, se croiser, courir encore.
Steve Reich Pop
De vertical, il faut devenir horizontal, étale. Il faut modifier la matérialité du corps. Il faut enlever la teneur architecturale du corps. Il faut perdre la face. Il faut retirer tout désir de tenue à chaque atome du corps. Il faut expirer le corps entier en passant par chaque cellule. 37
Il faut gommer les os12. Il faut fondre. Il faut craqueler. Il faut résister à la descente rapide. Il faut retenir les cuisses de rejoindre le sol. Il faut devenir minéral. Il faut devenir la mousse sur la pierre. Il faut déposer la banquise. Il faut devenir flaque. 12 — Elle venait de présenter Mua au Théâtre contemporain de la danse (1995) lorsque Xavier Le Roy, ex-chercheur en biologie, arrive à la Ménagerie de verre avec un solo où il semble vouloir se démembrer sous les yeux des spectateurs. En 1997, ils ont partagé l’aventure menée par le Quatuor Knust de remonter en 1997 le Continuous Project Altered Daily d’Yvonne Rainer. Xavier a puisé dans cette aventure une ressource précieuse. Sa recherche sur les conditions d’émergence, le contexte des productions chorégraphiques et ce en quoi ils produisent et informent le contenu même sont d’une acuité sans compromis. En vingt ans, Elle a peut-être plus vu son travail que Xavier lui-même mais les moments de discussions sur leurs travaux respectifs dont Elle a ménagé l’existence ont compté.
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Il faut devenir caniveau. Il faut plier la bête. Il faut masser la hache. Tout bouge autour. L’espace est blanc, un peu crème. C’est une sorte de ronde. Phil marche tout seul, dans cette salle pleine de monde. Il attrape une corde invisible. Mapple Danse, la danse de l’érable, La danse qu’il faisait avec sa classe de l’école primaire. La fête foraine est toujours à l’arrêt. Retour à la terre noire, gorgée d’eau. Il avance doucement. Lourdement plutôt. La terre colle à ses énormes bottes. 39
Il manipule un filin. Le tire avec difficulté. Le positionne sur une plate-forme en bois. Le pose et part. Il revient. Reprend le filin et le jette. Il part. Les deux corps sont l’un sur l’autre. Un bloc. Lui sent les battements de cœur de Elle. Les battements sont rapides, mais rien ne bouge. Un temps. Lui se déplace au ralenti. Elle laisse glisser son corps. New York13, concrete jungle where dreams are made of 40
There’s nothin’ you can’t do Now you’re in New York These streets will make you feel brand new The lights will inspire you 13 — New York, Jungle de béton où les rêves se construisent. Il n’y a rien que tu ne puisses faire. Maintenant que tu es à New York. Ces rues te feront sentir comme neuf. Ces grandes lumières t’inspireront. Faites du bruit pour New York, New York, New York ! Les lumières sont aveuglantes. Les filles ont besoin de « blinders ». Comme ça elles peuvent sortir des limites d’accès rapidement. Les lignes de touche sont pleines de ce genre de victimes. Celui qui profite de la vie sans se prendre la tête devient progressivement pire. Ne mords pas la pomme, Ève. Attrapée par la foule Maintenant t’es dans le style. Et quand l’hiver devient froid, à la mode, tu restes avec ta peau dénudée. La ville du péché devient regrettable sur un coup de tête. Les filles biens deviennent mauvaises, la ville est remplie de ce genre de filles. La petite a fait un voyage en bus et maintenant la voilà toute poitrine dehors. Tout le monde se la tape, comme une ligne d’autobus. Je vous salue Marie à la ville, tu es une Vierge.
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Let’s hear it for New York, New York, New York Lights is blinding, girls need blinders Or they could step out of bounds quick, the sidelines is Lined with casualties, who sip to life casually Then gradually become worse, don’t bite the apple, Eve Caught up in the in-crowd, 13 — (Suite) Et Jésus ne peut pas te sauver, la vie commence là où l’Église s’arrête. Je suis venu ici pour étudier, diplômé de la grande vie. Des joueurs de base-ball, des stars du rap, tous accros aux feux des projecteurs. La MDMA te donne l’impression d’être un champion. Cette ville ne dort jamais, je ferais mieux de te passer un Ambien. Paroles extraites de Empire State of Mind, Jay-Z avec Alicia Keys, chanson parue en 2009, édité par le label Def Jam.
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Now you’re in style Anna Wintour gets cold, in Vogue with your skin out City of sin, it’s a pity on a whim Good girls gone bad, the city’s filled with them Mommy took a bus trip, now she got her bust out Everybody ride her, just like a bus route Hail Mary to the city, you’re a virgin And Jesus can’t save you, life starts when the church end Came here for school, graduated to the high life Ball players, rap stars, 49
addicted to the limelight MDMA got you feelin’ like a champion The city never sleeps, better slip you an Ambien Évaluer la dimension de la plaque. Trouver le centre. Se positionner. Avancer sans basculer. Trouver le point d’équilibre sur le dos. Avancer. Doucement. La regarder en passant. Avancer jusqu’à la lune. Saluer la lune. Repartir. Attendre. Les Beastie Boys démarrent. Il y a beaucoup de monde, il fait beau. C’est l’été. La High Line est bondée. Shelley14. Trisha Brown. 50
High Line 23e Rue. Shelley a été une danseuse emblématique de Trisha Brown15. Dos à la rambarde de la High Line 14 — En septembre 1994, Elle suit dix jours de stage avec Shelley Senter, danseuse de la compagnie Trisha Brown qu’elle vient de quitter. Le stage est un choc. Il la met en contact avec une pédagogue hors pair et aussi pour la première fois avec la technique Alexander qui permet d’entrer dans le mouvement par le regard d’abord et travaille le fond tonique postural sur lequel s’inscrit le mouvement. Elle décide alors d’interroger et d’enregistrer Shelley sur sa rencontre avec les pratiques somatiques et son travail de « déprise » des techniques traditionnelles. 15 — En 1987, Elle voit pour la première fois le travail de la chorégraphe américaine au Théâtre de la Ville dont Elle avait entendu parler par Laurence Louppe. Depuis son siège, Elle vit un choc esthétique et kinesthésique sans retour. Au programme, Newark avec les rideaux rouge, jaune, bleu, de Donald Judd, et Set and Reset avec les costumes et l’espace de Robert Rauschenberg. Elle n’a jamais vu de tels mouvements, elle ne comprend pas d’où ils partent dans le corps, les danseurs s’envolent sans effort entre des pyramides d’images projetées de New York, entrent en collision dans les airs sans drame, marchent à l’horizontal sur le mur du fond, les pendrillons, la perception de la chorégraphie est perturbée par le tombé des rideaux qui obturent sa vision mais on entend qu’elle continue derrière !… Qui y a-t-il derrière cette façon d’envisager le plateau et ce qui s’y passe ?!!
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et à la 23e Rue, Shelley Senter est accoudée à la rampe avec son avant-bras droit, corps tourné vers le flux des marcheurs. Son pied gauche entre dans l’espace en avant bas, parallèle au pied d’appui droit, chaussé d’une bottine ouverte sur le devant du pied et au talon, comme un ergot. 15 — (Suite) Elle rencontre Trisha Brown en 1992 à la Ferme du Buisson, alors qu’Elle est en résidence avec le chorégraphe Hervé Robbe. Au culot, Elle commence de l’interviewer alors qu’elle répète dans le théâtre. Elles sont assises dans les sièges d’où Trisha Brown dirige sa répétition. C’est le début d’entretiens qui aboutissent vingt ans après à un livre : Histoire(s) et lectures, Trisha Brown, Emmanuelle Huynh (Presses du réel, 2012). En 2004, Elle est nommée à la direction du Centre national de danse contemporaine à Angers, Brown devient marraine de l’école. Un cycle de transmission de ses pièces, de conférences qu’elle donne avec Laurence Louppe se met en place, son travail est montré. Elles se voient une dernière fois en 2011 au Théâtre national de Chaillot. Trisha Brown la reconnaît à peine, Elle la guide dans les méandres du théâtre pour rejoindre sa loge. Brown est DÉS-ORIENTÉE. Cruelle maladie qui retire peu à peu mémoire immédiate et sens de l’espace à celle qui a fait de la scène, le lieu d’une aventure spatiale et kinesthésique extraordinaire, jusque-là inconnue.
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Coupé à la cheville sur la jambe tendue, le regard panote des passants, au sol, au pied gauche. Les passants la cachent, le pied entraîne le bas de jambe qui entraîne le genou dans de petites promenades douces. Les articulations flottent comme pour scanner l’espace, le regard glisse continuellement, comme pour le masser. Les différentes parties de son corps appartiennent au paysage. Le métro file au-dessus des rues. Coney Island s’éloigne. Un bloc de mouvement un bloc de temps Un bloc de mouvement Un bloc de temps 53
The United Nations was one of the building that I’ve seen most in my life as a child growing up in Long Island City because when I looked out my bedroom window this was a building that I would see when I say my prayers at night. 16
16 — Les Nations unies étaient un des bâtiments que j’ai le plus vu dans ma vie d’enfant À Long Island City car quand je regardais par la fenêtre de ma chambre c’était un bâtiment que je voyais en faisant ma prière du soir. Très haut, c’était un des bâtiments les plus grands dans les années 1960. Évidemment, aujourd’hui, les bâtiments sont bien plus hauts. Les Nations unies représentent beaucoup de bonnes choses… …Et en grandissant, on se demande parfois : font-elles les choses qu’elles représentent ? Je pense, comme je le disais, qu’elles font beaucoup beaucoup de bonnes choses dans le champ humanitaire… …Mais mon truc avec les Nations unies, c’est que j’aime regarder les drapeaux. Les drapeaux représentent vraiment quelque chose pour moi. Plus de 182 drapeaux qui représentent les pays du monde. Une chose à propos de ces drapeaux : ils sont tous de couleurs différentes. Regardez, le vent souffle vers l’est. Dans quelle direction vont les drapeaux ? Vers l’est.
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Very tall, this was one of the taller building back in the sixties. Of course now the buildings are much taller. The United Nations stands for many good things and as you get older, sometimes you wondered: do they do the things they stand for? I guess that they, as I said, do many many good things for humanity purposes but my thing about United Nations is I like to look at the flags. The flags really mean something to me. 16 — (Suite) Le vent s’arrête. Ils s’arrêtent. Le vent souffle vers l’ouest, ils vont vers l’ouest. Ils s’en fichent. Ils restent tous ensemble. Pourquoi, nous, les hommes, ne pouvons-nous pas faire de même ? Nous sommes tous de couleurs différentes. Nous pouvons apprendre beaucoup des drapeaux. Mais, comme je le disais, les Nations unies veulent bien faire. Espérons qu’elles fassent le bien. Un des bâtiments les plus importants pour moi quand j’étais enfant parce que, comme je vous le disais, je le voyais tous les jours pendant mon enfance.
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Over 182 flags that represent the countries of the world. One thing about the flags: they are all different colors. You see, the wind is blowing to the East. Which way the flags go? To the East. The wind stops, they stop. The wind blows to the West, they go to the West. They don’t care. They all stay together. Why can’t we as people do the same thing. We are all different colors. We can learn a lot from the flags. But the United Nations, as I said, means well. Let’s hope that it does well. 56
One of the important building for me as a kid because, as I said, I looked at this building every day as I grew up. C’est une masse, impossible que la lumière puisse arriver au centre de cet ensemble. Graphique et sculptural. Le bâtiment est un empilement de blocs en brique, massif. London building. De Chirico feeling. Le ciment forme un tas, un volcan miniature. L’eau est au centre. L’ouvrier fait méthodiquement le tour en mettant à chaque demi-pas une pelletée de ciment 57
dans l’eau qui se trouve au centre du tas. Le bruit de la pelle. Une rythmique. Un rituel Calzolari, l’odeur du café. De vertical, il faut devenir horizontal, étale. Il faut modifier la matérialité du corps. Il faut enlever la teneur architecturale du corps. Il faut perdre la face. Il faut retirer tout désir de tenue à chaque atome du corps. Il faut expirer le corps entier en passant par chaque cellule. Il faut gommer les os. Il faut fondre. 58
Il faut craqueler. Il faut résister à la descente rapide. Il faut retenir les cuisses de rejoindre le sol. Il faut devenir minéral. Il faut devenir la mousse sur la pierre. Il faut déposer la banquise. Il faut devenir flaque. Il faut devenir caniveau. Il faut plier la bête. Il faut masser la hache. Tout bouge autour. Rick se positionne. S’arrête. Et commence à marcher, comme s’il avançait sur une ligne invisible. Ne pas perdre l’équilibre. 59
Constater ce qui manque. Évaluer ce qui manque. Laisser le vide. Préserver le vide. 130 pieds. 40 mètres. Les tours disparues... Ils sont deux. Une plate-forme d’un immeuble en construction. Ils soulèvent une plaque de contreplaqué, la mettent à la verticale. Trouver l’équilibre. Attendre. Regarder le sol. La laisser tomber. People How You Doing There’s A New Day Dawning For The Earth Mother It’s 17
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A Brand New Morning For Such A Long While There’s Been Such A Longing But Now The Sun Is Shining Let’s Roll Back The Awning Ballet mécanique. Elle saisit le carton par les côtés, se met en croix, dos au public. Beastie Boys Elle glisse dans la diagonale cour avant vers jardin fond. Le mouvement est continu, lent. 17 — Qu’est-ce que vous faites là ? Un jour tout nouveau. Pour la terre mère, c’est un nouveau matin. Pour tel moment, il y a de la nostalgie Mais maintenant, le soleil brille nous n’avons plus besoin de nous protéger
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Main gauche sur la partie haute du carton, main droite sur le côté droit, les ongles des doigts sont visibles. L’accessoiriste japonais qui vole la vedette à l’action principale. Robert Morris qui s’est égaré dans une pièce de nô. Malévitch sur patins. Pause en plein milieu du plateau, plaquée contre le carton en surveillant qu’Elle demeure bien cachée pour le public assis en bout de diagonale. Elle reprend sa glissade en le voyant courbé à l’envers contre son maxi contreplaqué. Elle arrive et inverse l’angle du carton pour le transformer en coulisse. 68
This Is A Type Of Kinda Like A Formal Dedication Giving Out A Shout For Much Inspiration All I Ever Really Want To Do Is Get Nice Get Loose And Goof My Little Slice Of Life Sendin’ Out Love To All Corners Of The Land I Jump Up On The Stage And Take The Mic In My Hand Not Playin’ The Roll Just Being Who I Am And If You Try To Dis Me I Couldn’t Give A Damn ‘Cause I’m Rockin’
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Marche de tempête. Il faut se protéger du vent, De la pluie. Utiliser ce qui est possible. Marcher en arrière. Offrir le moins de prise. Elle et Lui dans la tempête. Se protéger seul, Se protéger à deux, Se retrouver sans se chercher. S’appuyer, donner son poids. Enlacer son ventre. Sortir. Bass From The Back Of My Car Feels Soothing Eight Bazookas Is What 70
I’m Using I’m Mike D And It’s Been Proven I Love It When I See The Party People Get Movin’ Strapped On The Ear Goggles And What Did I See But The Music Brought The People Into Harmony 17 — (Suite) Il s’agit d’une sorte de dédicace officielle Un cri pour une source d’inspiration Tout ce que je veux c’est devenir fréquentable Se perdre et faire attention à cette petite tranche de vie Envoyer de l’amour aux quatre coins de la terre Je saute sur la scène et je prends le micro dans ma main Pas pour jouer un rôle mais être ce que je suis Et tu essaies de m’embrouiller, je ne te donne pas une chance Parce que j’assure. Les basses à l’arrière de ma voiture m’apaisent. Huit bazookas, c’est ce que je suis Je suis Mike D et tout le monde le sait J’adore quand je vois les gens danser J’aime voir les gens reliés par la musique La musique met les gens en harmonie. Paroles extraites de Jimmy James, Beastie Boys, édité par le label Capitol Records, 1992.
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Néogothique. Au-dessus des nuages. Un des plus vieux immeubles. Elle s’appuie sur le bâtiment. Rick la suit. Le flux des passants est incessant. Woolworth Building. Rick y a travaillé au début de sa carrière. Personne ne regarde. S’appuyer sur l’architecture, sur les murs, basculer son poids vers le bâtiment, il touche l’architecture et est touché par elle, comme jamais. En faire le tour sans perdre le contact. Deux diagonales le long du bâtiment. Un temps de suspension, ils reprennent leur marche désaxée. Glisser l’architecture, la quitter. 72
Walter18. Il pleut beaucoup. Une pluie d’été. Une pluie d’Asie. Birth School Work Death, Birth School 18 — Lui a donné rendez-vous en urgence au Drunken Horse, il pleut trop pour se voir à l’endroit prévu. Il fait chaud et humide. Il est 15 heures. Lui s’installe en vitrine. Une bière. Walter arrive. Il semble avoir une petite cinquantaine d’années. Une cinquantaine d’années très en forme. Son visage est dessiné. À la fois sec et soul, Walter dit qu’il est jardinier. Un jardinier qui danse. Un jardinier des terrasses et des balcons. Manhattan gardner. Lui parle de A Taxi Driver qui s’appelle encore Collection à l’époque. Walter propose de danser quelques phrases de Danza Permanente de DD Dorvillier. Lui a repéré, sous la pluie, un autre espace pour filmer. Sous la High Line, un espace qui donne sur une sorte d’entrée de véhicules de secours. Un peu comme un fond de scène. Un décor.
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Death19,
Work
birth school work death birth school work death Birthschoolworkdeath. Un bloc de temps, un bloc de mouvement. Être à l’affut. Entendre ce que l’on ne voit pas. Sentir les flux. Devenir animiste. Tes yeux sont derrière la tête. 19 — Elle a rencontré DD Dorvillier en 2008, par l’intermédiaire de Jennifer Lacey. Pour Elle, DD est une sorte de fausse sœur jumelle, proche et totalement singulière. Elles ont ensuite été interprètes ensemble de Parades and Changes, Replays d’Anna Halprin (remonté par Anne Collod) de 2009 à 2011. DD a une façon puissante de mettre en scène sa propre histoire de mouvements, sa relation à la lumière, au son, au langage. La pièce Danza Permanente citée par Walter est une transposition pour quatre danseurs du quatuor à cordes Opus 132 de Beethoven.
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Voir avec le dos. Il y a un échafaudage. Une bâche de protection. Une peau. Une respiration créée par le vent. Harlem. Un homme passe au loin dans la trame métallique. Il fait gris. Il était là. Le trottoir est un terrain de bataille. L’objet est au sol. Il le prend. Ça tient du duo, d’un ballet. Il disparaît dans le parasol, en ressort, disparaît, en ressort. Buster K. L’Apollo. Des vendeurs de soul à la sauvette. Le dancefloor est sur le trottoir. Soul train. Soul train. Phil danse. 75
Elle danse. Une femme passe avec son ami. Elle l’embarque dans un pas de deux. Elle rigole. Il ne reste que son rire dans l’air. Regroupement et résistance sur Zuccotti Park. Les gens campent, organisent une vie collective, une bibliothèque, une cantine, un centre médical au pied de la finance. Occupy Wallstreet. Le fils de Rick y a campé des semaines. Rick venait le voir tous les jours depuis le Centre d’architecture, LaGuardia. Rick prenait part aux manifestations avec son fils. 76
Masse20. Faire une masse Se tenir debout, à plusieurs, en cercle, les yeux fermés, avancer doucement, les yeux fermés, vers un centre, se retrouver au centre, ne pas ouvrir les yeux, faire masse, prendre le temps de faire masse, se sentir respirer, se confondre, fondre vers le sol, ne pas ouvrir les yeux, être au sol, déposés, ne pas ouvrir les yeux, prendre le temps pour ouvrir les yeux. 20 — Latifa Laâbissi, Loïc Touzé et Lui avaient fait dans les années 2000, Masse, un projet d’action chorégraphique, un projet de rencontres de corps constitués, de groupe à groupe. Au travers d’une action simple, marcher les yeux fermés, se retrouver en un centre possible et faire masse. C’était une action, non spectaculaire, non rémunérée, seules restaient des traces de ces rencontres. Ils l’ont faite dans différentes villes, avec différents groupes, des pompiers, des rugbymens, des lutteurs, etc. Cela paraissait évident de l’engager sur le site de Zuccotti Park, même si les campements avaient disparu.
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Ouvrir les yeux. Love Hummmhh Yeah Love Hummmhh Thank you Hummmhh my friend I love I believe I believe I believe Hummmh Hummmh I’m down on my knees I’m down down Good lord I love I love you I do I’m donw on my knees I believe I believe I believe I believe I believe I believe Thank you Love It’s allright yeah I believe believe believe believe yeah you 78
I do yeah I do I do I’m down on my knees I’m down on my knees on my knees on my knees Thank you thank you My friend it’s alright it’s alright yeah it’s alright. 21 21 — j'aime Hummmhh oui j'aime Hummmhh merci Hummmhh mon ami j'aime je crois je crois je crois Hummmhh Hummmhh Je suis à genoux Je suis à terre mon dieu j'aime je t'aime je suis à genoux Je crois je crois je crois je crois je crois je crois merci j'aime Tout va bien oui je crois je crois je crois je crois oui toi Je suis à genoux Je suis à genoux, à genoux merci merci Mon ami, tout va bien oui tout va bien Paroles extraites de I Believe d’Alan Vega, chanson parue en 1980, éditée par le label Celluloid.
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Ce sont des sortes de fougères, la lumière est artificielle, il fait nuit. Le vert est très printanier. Pantone 375. C’est un panorama. Des perspectives, des lignes, des points de fuite. These words and actions were perhaps only imagined, as the two, silent and motionless, watched the smoke rise slowly from their pipes. The cloud dissolved at times in a wisp of wind, or else remained suspended in mid-air and the answer was in that cloud. As the puff carried the smoke away, Marco thought of the mists that cloud the expanse 80
of the sea and the mountain ranges and, when dispelled, leave the air dry and diaphonous, revealing distant cities. 22 Ne pas rater le début. Il faut se protéger du vent, De la pluie. Utiliser ce qui est possible pour se protéger du vent, de la pluie. Marcher en arrière, offrir le moins de prise possible. 22 — Des phrases et des actes seulement pensés, sans doute, tandis que tous deux, silencieux, immobiles, regardaient s’élever lentement la fumée de leurs pipes. Le nuage tantôt se défaisait dans un souffle de vent, tantôt demeurait en suspens entre eux ; et la réponse tenait dans ce nuage. Quand le souffle emportait la fumée, Marco pensait aux vapeurs qui couvrent l’étendue marine ou les chaînes de montagnes et qui, lorsqu’elles s’éclaircissent, laissent un air sec, diaphane, révélant des villes lointaines.
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Le skatepark en béton ressemble à une sculpture convexe et concave. Il n’y a qu’un des deux ados qui skate, l’autre filme. Le bruit du skate. Le bruit des roues dures sur le béton. Le bruit révèle les figures. Penser la ville comme un potentiel de courbes, de circulation, de glisse. S’arracher à l’attraction terrestre Ou jouer avec. L’ensemble des volumes abstraits est autant de possibles de courbes, de sauts, de trajectoires. Irène23 est au bout de la High Line, les immeubles au loin. Une marche lente, des changements d’axe entre les bras et les jambes. 86
Tout est très fluide. Trisha Brown tai chi. À faire avec une chemise violette ample. Elle prend deux couvertures qui stationnaient en rouleau contre le mur. Les amène sous la corde. D’un coup sec, en déroule une, la plie en un rectangle de trois mains de large et de haut. 23 — Irène Hultman danse avec Trisha Brown de 1983 à 1988. Elle est sur scène lorsque Elle découvre le travail au Théâtre de la Ville en 1987, abasourdie. Les pièces du programme appartiennent aux cycles Vaillant et Structures moléculaires instables de la chorégraphe. Irène est l’incarnation vivante de ces deux cycles : bien qu’il suive la chorégraphie repérable chez les autres, son mouvement semble être sur un feu qui le fait frire ! Elle détonne sur scène, est impétueuse et semble rire en dansant. Quelques années plus tard au Théâtre de la Bastille, Elle va voir une de ses pièces personnelles, sorte de flamenco postmoderne. En 2015, Elle l’invite à danser dans Cribles Wild/Governors Island, version avec casting américain transgénérationnel de la pièce Cribles, performée en extérieur avec Manhattan en toile de fond !
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Idem avec la seconde. Lui s’allonge sur sa couverture beuysienne. Elle place ses deux couvertures dans le creux de la corde et vient y appliquer ses deux hanches, abandonne son poids, bras et jambes allongés, relâchés dans chaque articulation. Elle fait tourner la corde plusieurs fois. Suspension. Elle décolle un peu pieds et mains du sol. Elle tourne. La corde finit sa rotation. Un nuage de fumée recouvre l’espace. 88
Elle marche à quatre pattes vers l’avant, relâche en route, glisse vers l’arrière. Lui, enroulé dans ses couvertures, se sert d’un bâton pour trouver son chemin. I like America and America likes me. Les deux finissent par se rencontrer. Elle attrape le bâton, tire, Lui s’échappe, Elle le met à terre. Bataille. Un bloc. Lui se défait, reprend la marche plus loin, Elle relâche, glisse, Buster Keaton Feeling de la glissade infinie 89
L’immeuble n’a aucune fenêtre, c’est un monolithe constructiviste. Brun ou or selon. Les archives des télécom y dorment. Les serveurs numériques chauffent à l’abri de la lumière naturelle. Le ciel est bleu, intense. C’est l’été. Phil regarde vers la 23e Rue Le faune est au milieu de la High Line, dans le flux des passants. Le bassin est dans la même direction que celle des passants, le buste spiralé à 180 degrés, parallèle à la High Line. C’est le moment où il essaie d’attraper la grande nymphe 90
Demi-tour 8 pas en arrière, le bras en gouvernail arrière 8 pas en avant 7 pas dont les 3 derniers se figent car il s’apprête à bondir La tête se retourne soudainement vers les passants à contre-courant, le corps suit et se glisse dans une ruse pour capturer la nymphe invisible. Puis vient le saut mythique de Nijinsky après avoir nerveusement gratté le sol avec l’avant du pied droit. Les enfants jouent sur le carré de verdure de cet endroit de la High Line 91
Impassibles. Les passants passent. Il accélère pour attraper la nymphe qui s’enfuit vers le Withney Museum Refaire l’asphalte. Doucement à plusieurs. Au ralenti. Le sol fume. Slow down, Back up, Slow down Le sol fume. Sur l’autre rive de l’Hudson River, une ligne irrégulière se dresse vers le ciel. Une brume de chaleur Le quartier est en pleine mutation, des galeries, des magasins de vêtements de luxe. 92
Elle, Lui et Rick entrent dans une galerie d’art, au hasard. Une exposition de Tony Smith. Un ensemble de formes noires abstraites font écho à l’environnement de Manhattan. Rick, vêtu d’un grand manteau sombre, s’allonge au milieu des sculptures. La galeriste devient hystérique. Hold up. Back up. Slow down. Step down. Il fait chaud c’est l’été, mais c’est aussi la fin de l’hiver. Elle scande une sorte de poème ou un texte du livre qu'elle tient serré contre sa poitrine. 93
On entend une sorte de chant d’opéra en fond sonore. Elle parle fort, personne ne fait attention à elle. La prêtresse porte un chapeau violet, ses paroles se perdent. Encore un énorme trou dans le sol Toujours les mêmes vêtements de travail. Il remonte une pente de terre et de ciment, cale nonchalamment un container de métal. La nymphe, la nymphe les pieds dans l’eau. Les enfants crient Ses épaules sont dénudées. Elle est en arrêt. L’eau coule. Le soleil devient insistant. 94
Elle se cambre. La main gauche sur son épaule, l’autre sur sa hanche. Elle est maintenant au sol, ses mains frôlent l’eau, Elle se relève et ouvre ses mains d’un coup sec. Quelques gouttes s’échappent. My view was always of this bridge from my bedroom window. I said my prayer at night, looked out the window and looked right into Manhattan. You see the Chrysler Building in the background and the building? That was United Nations and the Empire State Building. Everything from my bedroom window. 95
We could look at and see right into Manhattan. The beautiful skyline, the night lights… We got the best views in New York City. There were right there in the projects. Overlooking all Manhattan. People spend a lot of money to have that view and we had it. And we didn’t spend a lot of money for it24. C’est la salle du City Hall, la salle des affaires, mesurer la salle. Rick prend l’allée centrale, regarde ses pieds. L’équilibre est toujours fragile. Hello Monday, goodbye bread 96
Bedtime Sunday, wash my head Cos who plays the game we all play? Won’t you play me today? And who sings the song when we’re gone? Won’t you sing along?25 24 — J’avais toujours une vue sur ce pont depuis la fenêtre de ma chambre. Je faisais ma prière du soir, regardais par la fenêtre, directement vers Manhattan. Vous voyez le Chrysler Building au fond et l’autre immeuble à l’angle ? C’étaient les Nations unies et l’Empire State Building. Tout ça depuis la fenêtre de ma chambre. On pouvait regarder et voir directement Manhattan. L’horizon magnifique, les lumières la nuit… On avait les plus belles vues de New York City. On les avait ici depuis la cité. Un point de vue sur tout Manhattan. Des gens dépensent beaucoup d’argent pour avoir cette vue… Et on l’avait. Et l’on ne dépensait pas beaucoup d’argent pour ça.
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Ça ressemble à une vue d’avion, Manhattan se découvre. Une île. Phil retrace les différents chemins, quartiers dans lesquels il a vécu. Un panorama. Le Queens, East River, Long Island City, Brooklyn Bridge, Williamsburg, Harlem, Broadway. Vert avec des parties plus foncées, le buisson est dense, il n’y a rien d’autres que les feuilles qui sont secouées par le vent. Les tiges s’écrasent et repartent dans le sens inverse. 25 — Bonjour lundi, au revoir le fric. Dimanche au lit a nettoyé mon cerveau. Qui veut jouer à ce que tout le monde joue ? Et qui continuera à chanter quand nous ne serons plus ? Est-ce que tu chanteras alors ?
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Elle et Rick marchent sur l’Hudson River. Rick décalque chacun de ses mouvements. Elle s’arrête, l’architecte s’arrête, Elle s’allonge, il s’allonge. Ils vont vers Coney Island. Ligne infinie Il faut être dix. C’est mieux, mais c’est possible de le faire à quatre. Une ronde, une sorte de ronde, sans fin, les bras sont au niveau des épaules, C’est une ronde qui s’aplatit comme une ligne. C’est une sorte de mouvement infini. 99
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Une vis sans fin faite à hauteur de bras. Apollinienne Plus que dionysiaque Lui danse déjà Elle quitte sa corde et le rejoint. Birth School Work Death, Birth School Work 19 Death , Lui et Elle le font ensemble. Lui va s’allonger Et la regarde danser. 26 — C’était une évidence, Moondog devait être de la partie. Lui pense à New York City, et ce sont les vieux fantômes qui reviennent, Vega, Suicide, mais Louis Thomas Hardin aussi, surtout. LTH a vu une cérémonie de danse indienne du soleil quand il était enfant.
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C’est un drôle d’homme26, vêtu d’un casque de Viking, il est aveugle, il joue ses morceaux à l’angle de la 53e Rue et de la 6e Avenue. Il y a chaque jour de plus en plus de monde pour écouter sa musique ou juste pour le voir. C’est un beau bordel tous ces gens qui écoutent Bird’s Lament. Elle glisse vers la face, fait deux fois Birth School. Elle marche rapidement comme un soldat de bois, En diagonale vers la face jardin, tombé pas de bourré, arrivée gauche 26 — (Suite) Il dira que c’est un événement majeur dans sa relation à la musique. Peu de temps après, il perd la vue dans un accident. Il commence alors une formation musicale. Louis Thomas Hardin est devenu Moondog en jouant sur le trottoir à NYC. La musique de Moondog ne ressemble à rien de connu. C’est un mélange de composition fondé sur le contrepoint, le jazz, la musique « inative indians », le rock, la musique sérielle.
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devant, bras droit en demi-couronne au-dessus de la tête. Elle fait un demi-tour vers l’arrière en faisant un petit cercle rapide pour aller se placer à la face en première. Sauté balloté croisé, sauté balloté seconde, sauté balloté devant, avec tête, assemblé. Elle va s’allonger sous la première structure. Elle ne le voit pas. Le rythme « native indians » de Moondog continue. La danse du soleil.
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Unisphere27, Peace through understanding. Vestige de la Foire internationale de New York de 1964. John Glenn, Youri Gagarine, Telstar 1, trois orbites. Trois symboliques Restent deux skateurs exploitant les surfaces polies d’une fontaine sans eau. Money jungle se superpose à ce dialogue père-fils.
27 — Unisphere est une sculpture réalisée à l’occasion de la Foire internationale de 1964. Elle est devenue le symbole de l’universalité de l’activité humaine, de la paix par la compréhension. Elle se situe au pied du Queens Museum.
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Up and down. OK. Another time. Keep going. Up and down. Smoking Phil. Deux taffes à fréquence régulière. Un rythme quotidien. Le balcon surplombe Time Square, Broadway Avenue. La ville ressemble à une constellation. Le bruit est au sol. Des citrouilles. Décombres d’Halloween. Les vies d’en face sont à portée de main. 110
Black night. Empire State Elle se regarde dans la rambarde en acier. Elle se maquille. Golden face.28 28 — Depuis quelques jours Lui souhaitait tourner une séquence où Elle se maquille le visage en argent. Une conversation interrompue et reprise entre eux tournait sur la nécessité de cette action. « Finir le film en se préparant », c’était un des seuls arguments que Lui avait donné. Au bout d’un moment, Elle associa à cette idée Ko Murobushi. Elle a rencontré Ko par Isabelle Launay et Patrick De Vos en 2005. Il a été invité à enseigner, à créer et à montrer ses pièces régulièrement à Angers à partir de cette date. Ils ont souvent eu de longues conversations sur ce qui les poussait à danser. Il lui a parlé des moines Yamabushi qui vivent dans les montagnes et mangent si peu qu’ils touchent la mort tout en étant vivant. Les états intermédiaires étaient un des moteurs de Ko : la momie en est une manifestation. Il a dansé deux fois son célèbre solo Quicksilver à Angers et Elle pense souvent à son corps arc-bouté, tendu, entièrement recouvert de peinture argent dans cette pièce. Il éclatait souvent de rire d’un air espiègle et n’abandonnait jamais ses nécessités tout en étant toujours curieux de celles des autres. En 2013, ils sont allés ensemble au onsen à Tokyo et il lui a parlé du projet sur le faune de Nijinsky qu’il était en train de travailler. Il est mort en juin 2015 à l’aéroport de Mexico.
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C’est bientôt la fin, mais c’est un début. Une préparation. Un passage. Cheree, Cheree Oh, baby Oh, baby I love you Cheree, Cheree My comic book fantasy Oh, I love you Oh, baby 28 — (Suite) Elle était alors à New York, Elle s’est rendue chez ses amis à Brooklyn pour une veillée où une plaque de métal argenté était suspendue dans le studio. Ils ont bu et fumé comme il aimait à le faire. Le lendemain, sur la High Line, Elle accepta de se maquiller. Elle acheta de la poudre dorée. Elle continue à ne pas croire à sa mort.
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Tout est gris. Assez doux. Jennifer29 porte une drôle de marinière. Les rambardes font des signes dans les flaques d’eau. Au fond Ellis Island et Newport. Une danse. Un va-et-vient fluide. Des éclats. Peut-être Petrushka, Barong Randa, Kybyar, Singing in the Rain, 29 — Lui connaît Jennifer depuis l’année 2001. Elle depuis 1999. Elles se sont vues pour la première fois à Wiener Festwochen à Vienne. Elle venait de présenter à la Ménagerie de verre un solo mémorable. Elles ont été réunies par le Quatuor Knust pour la distribution de leur projet D’un Faune… (éclats) créé en 2000. Elle se souvient du petit faune en slip kangourou et gilet de peau que Jennifer dansait dans la pénombre, plus animal qu’un animal même. Lui et Jennifer s’étaient donné rendez-vous à l’embarcadère pour Governor Island. Cela faisait six ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Jennifer dit qu’elle comprend le projet mais qu’elle ne partage pas de fascination pour NYC. Il lui dit que le projet n’est pas à cet endroit-là. Plus une mémoire active que fascination pour la Grande Pomme. Ils descendent du ferry en quête d’un espace. Le brouillard est partout.
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kata, Randy Warshaw, fragments de danse. It’s Morning. Yes. And what a lovely morning. Good morning. Good morning. Good morning. Les pieds deviennent une rythmique de gravier. Claquettes de Fred Astair. Toutes ces danses Là Dans ce seul corps Unique 114
Cheree, Cheree Shut the door, baby Oh, I love you Oh, come play with me Oh, baby Oh, baby I love you I love you, baby Oh, I love you Cheree, Cheree Cheree, Cheree My black leather lady I love you Oh, I love you30 30 — Paroles extraites de Cheree, Suicide, édité par Bronze Records en 1978.
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Les guindes sont de part et d’autre de la lumière de chantier, qui ressemble à une pleine lune. Lui se relève, va vers les cordes. Elle quitte l’écran au-dessous duquel Elle reposait sur le flanc. Lui est déjà en train de s’installer. Lui fait face à la corde qui pend du plafond et qui fait une sorte de boucle. Met un pied sur la corde, se soulève et reste en équilibre. Trouver le point d’équilibre. Mettre l’énergie dans le haut du corps. 31 — Ils citent, dans cette action, une pièce de 1961 de Simone Forti, issue de la série des Dance Structures. Elle a rencontré, en 1998, Simone Forti lors d’un grand stage sur l’improvisation organisé par Mark Tompkins.
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Elle se positionne en face de la seconde corde, pose délicatement un pied afin que la corde ne balance pas trop, puis le deuxième31. Elle repousse la corde afin de neutraliser le ballant de la corde et reste ainsi immobile. En suspension. Tous les deux. Laisser flotter La lune est toujours allumée. 31 — (Suite) « On the Edge » a réuni 40 danseurs chorégraphes européens autour de Simone Forti, Lisa Nelson et Steve Paxton. Simone Forti y partage sa façon d’envisager la liaison corps-voix, mouvement et langage. En 1999, la Fondation Serralves ouvre ses portes par sa première grande exposition : « Circa 68 ». Cristina Grande, du département performatif, en lien avec João Fernandes, directeur adjoint du musée, invitent Simone Forti, Charlemagne Palestine et Elle dans une idée de filiation qui s’origine dans le mouvement minimal, l'art conceptuel américain. Simone Forti a été l’épouse de l’artiste Robert Morris.Une correspondance publique entre Simone et Elle est publiée dans le journal de Serralves.
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Le bruit de New York s’arrête. Restent les bruits de pas de Jennifer. Oh, I love you Cheree, Cheree Cheree, Cheree My black leather lady I love you Oh, I love you32 Le bruit du moteur du ferry. Le ciel est gris. On entend la voix d’une petite fille. Le paysage défile doucement d’est en ouest. On voit les rives de Brooklyn, Brooklyn Bridge, plus à gauche Manhattan, Wall Street, Empire State. 122
I can’t explain all the things that i’m feeling and when i look i don’t know what i’m seeing she say’s relax if i want you we’ll go slow I close my eyes and it all goes away though 33
what she wants is she wants me to no-no it happens fast but the feeling is slow-mo
32 — Paroles extraites de Cheree, Suicide, op. cit. 33 — Paroles extraites de That Girl Suicide, de The Bryan Jonestown Massacre, édité en 1995 par le label BOMP!
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i know what she wants but she’s never going to get it make up your mind or you better forget it.
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Drunken Horses D'après une conception originale de Jocelyn Cottencin Texte Jocelyn Cottencin et Emmanuelle Huynh Conception graphique Jocelyn Cottencin avec la collaboration de Sixtine Gervais, assisté de Elie Quintard. Les images intérieures sont extraites du film et de l'installation A Taxi Driver, An Architect and the High Line. Apparaissent Phil Moore, Breckyn Drescher, Jumatatu Poe, Uta Takemura, Rick Bell, Emmanuelle Huynh, Walter Dundervill, Jennifer Lacey. L'image de la couverture intérieure est tirée de la performance d'Emmanuelle Huynh et Jocelyn Cottencin, réalisée au Frac Bretagne, en janvier 2017. Typographie : Miedinger versus Licko © Jocelyn Cottencin, 2008 et Baskerville © John Baskerville, 1725. Relecture Pascale Braud Imprimé par Impressions Martin N° ISBN 978-2-9536948-3-3 Achevé d'imprimé Mars 2017 édité par le Bel Ordinaire, espace d'art contemporain de la Communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées à l'occasion de l'exposition Drunken Horses, présentée au Bel Ordinaire et de l'installation / performance A Taxi Driver, an Architect and The High Line de Emmanuelle Huynh et Jocelyn Cottencin présentée à l'Espaces Pluriels, Pau. A Taxi Driver, an Architect and The High Line a été produit Plateforme Mùa avec le soutien de Jocelyn Cottencin Studio, coproduit par Les Services Culturels de l’Ambassade de France à New York ; Le Quartz, Scène nationale de Brest ; Passerelle Centre d’art contemporain, Brest.
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