Pline le jeune_lettres 1 -- -- ebook Clan9 -- livre électronique

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notre siècle 12… » – « Je comprends, maintenant, répondis-je, qu’il y avait une intention blessante dans ces paroles, puisque vous l’avouez vous-même ; sinon on pouvait les prendre pour un compliment. Je me pique, en effet, ajoutai-je, d’imiter Cicéron, et je ne me contente pas de l’éloquence de notre siècle ; car je crois stupide, quand on prend des modèles, de ne pas se proposer les meilleurs ; mais, puisque vous vous souvenez de ce procès, comment en avez-vous oublié un autre, dans lequel vous m’avez demandé ce que je pensais de l’attachement de Mettius Modestus pour le prince ? » Il pâlit visiblement, malgré sa pâleur ordinaire, et d’une voix hésitante, il dit : « Ce n’est pas à vous que je voulais nuire par cette question, mais à Modestus. » Voyez la cruauté d’un homme qui ne cache pas qu’il a voulu nuire à un exilé. Il ajouta une merveilleuse justification : « Modestus a écrit dans une lettre qui a été lue en présence de Domitien : Regulus, le plus méchant des bipèdes. » Et il est très vrai que Modestus avait écrit la lettre. Là se borna à peu près notre entretien. Je ne voulus pas aller plus loin pour conserver une entière liberté d’action, jusqu’au retour de Mauricus. Il ne m’échappe pas qu’il est difficile de perdre Regulus. Il a de la fortune, du crédit ; bien des gens le courtisent, beaucoup plus encore le craignent, sentiment plus fort généralement que l’amour. Mais il n’est pas impossible que quelques secousses violentes ne ruinent cet édifice. Car la faveur dont jouissent les méchants est aussi peu sûre qu’euxmêmes. Du reste, je le répète, j’attends Mauricus. C’est un homme pondéré, avisé, instruit par une longue expérience qui lui permet de prévoir l’avenir d’après le passé. Pour moi toute décision d’agir ou de rester tranquille sera réglée sur ses instigations. J’ai cru devoir ce récit à notre amitié mutuelle ; elle 12

Pline tient pour les anciens dans la rivalité, qui était vive alors entre les partisans des modernes, et ceux des anciens. Les anciens étaient César, Cicéron, Calvus, etc. ; les modernes avaient pour chef Cassius Severus, à qui l’on reprochait d’avoir corrompu l’éloquence.

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