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société

Le législateur va devoir prendre, dans les semaines à venir, une loi de correction (qui sera peut- être aussi sujette à recours !) pour instaurer des « mesures transitoires ». Il va sans doute devoir tenir compte de la formation des « anciens » qui ne rentrent pas dans le moule de Maggy De Block, proposer un délai pour s’ajuster à un minimum de formation et respecter une forme d’ancienneté dans la pratique. En attendant ces mesures transitoires, les professionnels qui exerçaient au 31 août 2016 peuvent continuer. Actuellement, l'article 122 de la loi du 10 mai 2015 ne prévoit pas de sanction concernant un exercice illégal de la psychothérapie.

Exit les centres de formations non institutionnels ! Une seconde rationalisation qui ne manque pas de surprendre est que, désormais, seules les universités et les hautes écoles sont les passages obligés pour la formation donnant accès à la psychothérapie.

Evidence based biais !* Enfin, une troisième tentative de rationalisation est dans la définition de la psychothérapie : « elle utilise un ensemble cohérent de moyens psychologiques (interventions), qui sont ancrés dans un cadre de référence psychologique et scientifique ». Ici, la logique médicale de classification des troubles va pouvoir avancer comme un rouleau compresseur et « pathologiser » toute une série de difficultés, y compris des difficultés normales de la vie (IVG, deuil, etc.). La future psychothérapie prend la route de la « psychiatrisation » des soins, à mille lieues de l’humanisation tant nécessaire. Alors que les spécialistes des sciences humaines voient le burn-out autant comme une difficulté d’une personne que d’un dysfonctionnement de société, l’approche « evidence-basedpractice » soutenu par la Ministre va

« médicaliser » le trouble et bientôt imposer « le » meilleur protocole de soins validé par la littérature. Sur papier, c’est beau. Dans la réalité, il y a d’immenses biais. Primo la littérature n’étudie qu’une mince partie des thérapies et un nombre important de pratiques non étudiées, ne sont pas validées, et pourtant elles sont efficaces. Deuxio, les études n’envisagent que trop peu l’impact de la relation thérapeutique, primordiale dans la santé mentale plus que dans tout autre pratique de santé. Tertio, en se focalisant sur la pathologie, les études scientifiques manquent de recul sur les dysfonctionnements sociétaux. Et n’oublions pas que la recherche en psychologie et psychothérapie est sous-financée car elle ne bénéficie pas aux lobbys pharmaceutiques !

Vers des alternatives Des acteurs alternatifs comme Alter-Psy, qui regroupent des opposants à cette vision, réfléchissent déjà à des alternatives. Dans les pays voisins, d’autres titres ont vu le jour, permettant à ces métiers de s’exercer (psychopraticiens, councelors , coach, etc.). Alter-Psy dénonce : « La politique générale de santé promue par le gouvernement touche l’ensemble du secteur médical et paramédical. Exclusivement motivée par l’objectif de réduire les coûts en normalisant les soins sur des bases statistiques et des procédures objectivantes, cette politique fragilise profondément la relation de soins et la prise en considération des individus dans leur subjectivité et leur singularité. » Dans le cadre actuel, il existe des moyens de poursuivre les activités thérapeutiques, mais sans doute faudra-t-il renoncer à la reconnaissance officielle des pouvoirs publics, et partant des mutuelles et des circuits classiques de financement qui vont s’organiser dans les années à venir. Il s’agira pour ces professionnels de développer indépendance, efficience et que leur plus belle reconnaissance soit la qualité de leur travail.

AGENDA PLUS - AVRIL 2018 | 33


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