ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN PIERRET
Ancien ministre
La politique ĂŠnergĂŠtique : REE : M. le Ministre, vous avez accu-
Le mix ĂŠnergĂŠtique doit en permanence
certitudes que l’on peut avoir à un moment
mulÊ au cours de votre carrière une
s’adapter à l’Êvolution des techniques : j’ai
donnĂŠ. La politique ĂŠnergĂŠtique est un
expÊrience très vaste dans diffÊrents
mentionnĂŠ les hydroliennes et la biomasse,
dÊpassement incessant, elle vous amène
secteurs de la vie politique et ĂŠco-
mais il faudra à l’avenir compter sur l’hydro-
Ă avoir une autre vision, faite de prudence
nomique. Nous avons relevĂŠ trois
gène et sur les nouvelles formes de valori-
pour assurer la sĂťretĂŠ pour les habitants,
domaines que vous avez approfon-
sation de l’Ênergie nuclÊaire.
mais aussi de conďŹ ance dans le progrès.
dis : l’Ênergie, l’innovation et le rôle REE : Il me semble que nous sommes
des collectivitÊs territoriales. C’est sur ces trois axes que nous aimerions
La transition ÊnergÊtique à la française s’inscrit dans la continuitÊ et non dans la rupture
vous interroger. Commençons par l’Ênergie. La loi sur la transition ÊnergÊtique
ici assez loin du discours Êcologique classique C. P. : En effet, ma vision est très diffÊrente de celle de beaucoup d'Êcologistes qui condamnent la croissance. Ce que
a maintenant plus d’un an. Pensezvous qu’elle ait jetÊ les bases solides
REE : Nous avons notĂŠ cependant
nous recherchons, c’est une prise de
d’un approvisionnement ÊnergÊtique
que pour vous les ĂŠnergies renouve-
conscience et l’organisation d’une crois-
stable, compĂŠtitif et respectueux de
lables restaient un complĂŠment.
sance forte et raisonnÊe. Ce n’est pas un
l’environnement ?
C. P. : Aujourd’hui les Ênergies renouve-
pÊchÊ de consommer l’Ênergie si cela se
Christian Pierret : La loi sur la transition
lables viennent en appoint et l’association
fait de façon rationnelle au service d’un
ĂŠnergĂŠtique est plus une continuation et un
nuclĂŠaire-ĂŠnergies renouvelables est un
objectif de mieux vivre, en particulier pour
aboutissement qu’une rupture. Depuis 20
mariage de raison qu’il n’y a aucune raison de
les dĂŠfavorisĂŠs.
ans, c’est-à -dire depuis la loi Bataille, l'État
ne pas encourager. Toutes deux concourent
a ÊlaborÊ une doctrine qui a suivi l’Êvolution
à ce qui doit être l’objectif principal de toute
des techniques et qui aujourd’hui parvient Ă
politique ÊnergÊtique, c’est-à -dire  moins
un mix ĂŠnergĂŠtique dĂŠpassant la dichotomie
de carbone . C’est pourquoi les Ênergies
dogmatique ÂŤ pour ou contre le nuclĂŠaire Âť.
renouvelables revĂŞtent cette importance ;
Le mix retenu par ce texte traduit un bon
d’autant plus que des amÊliorations vont
ĂŠquilibre entre les diffĂŠrentes ressources
voir le jour. Les progrès considÊrables du
auxquelles on peut faire appel :
photovoltaïque sont l’illustration de cette
Prenons l’exemple des chauffe-eau Êlec-
s LE NUCLĂ?AIRE POUR LES USAGES EN BASE mutation technologique permanente, mĂŞme
triques que l’on prÊtend interdire au nom
et semi-base ;
s’il demeure qu’il vaut mieux promouvoir le
s UNE COMPOSANTE FOSSILE POUR LA POINTE QUI photovoltaĂŻque lĂ oĂš le soleil est abondant...
La politique ÊnergÊtique nous amène à avoir une vision faite d’humilitÊ mais aussi de confiance dans le progrès
d’une certaine idÊologie d’Êconomies d’Ênergie primaire. Or ces chauffe-eau sont utiles
Je crois beaucoup au progrès technique
car ils permettent de stocker Ă peu de frais
et la politique ÊnergÊtique doit s’appuyer
l’Ênergie Êlectrique et donc de mieux organi-
s UN COMPLĂ?MENT IMPORTANT APPORTĂ? PAR LES sur cette ĂŠvolution, et pas seulement dans
ser dans le temps la satisfaction des besoins.
ĂŠliminera le charbon pour se tourner vers le gaz ; ĂŠnergies renouvelables, avec des apports
le domaine des ĂŠnergies renouvelables. La
Prenons aussi l’exemple plus gÊnÊral
variables selon les donnĂŠes locales : ĂŠo-
fusion thermonuclĂŠaire sera sans doute, Ă
de la construction. Il y lĂ ĂŠgalement une
lien, photovoltaĂŻque (surtout au sud de
la suite du projet ITER, l’une des ressources
contradiction. On encourage Ă juste titre
la Loire), petites chutes, sans oublier les
fondamentales de la deuxième partie du
les constructions très sobres en Ênergie
hydroliennes qui se proďŹ lent et les tech-
XXI siècle. Quand on considère les mu-
voire Ă bilan ĂŠnergĂŠtique excĂŠdentaire :
niques nouvelles de conversion de la bio-
tations qu’elle peut entraÎner, cela nous
c’est ce qu’on appelle le BEPOS ou bâti-
masse, Ă base de bactĂŠries notamment.
conduit à beaucoup d’humilitÊ quant aux
ment Ă ĂŠnergie positive. Mais ce faisant,
e
REE N°5/2016 155