Influence et informations stratégiques

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Patriotisme économique D’une image centrée sur la sécurité (les «jamesbonderies») ou sur les logiciels de veille, la perception de l’intelligence économique a vite évolué dans notre pays. Pour beaucoup, elle est devenue un synonyme de « patriotisme économique», de défense étatique contre les délocalisations et les OPA hostiles, voire de protectionnisme. Certains ultra-libéraux aiment caricaturer. L’intelligence économique fut longtemps vue comme une activité pour anciens des services en préretraite (ou pour jeunes ayant des problèmes de testostérones et aspirant à le devenir). On décréta ensuite qu’elle était l’alibi de souverainistes grincheux, incapables de comprendre la mondialisation et probablement racistes (seul un raciste anti-indien peut douter des bonnes intentions de Monsieur Mittal, n’est-ce pas ?). Dans tous les cas l’intelligence économique était une activité défensive pour gens habités par la peur du monde extérieur. Il y a donc beaucoup à faire pour rétablir un minimum de raison dans cette affaire. Le second rapport du député Carayon, rendu en peut et doit y contribuer. Comme le précise la lettre de mission de Dominique de Villepin, il s’agit maintenant d’aider nos entreprises à emporter des marchés ou à résister à la concurrence, en structurant aussi l’information très « en amont »,et, en particulier, celle qui porte sur les normes internationales. Ce n’est pas nous qui le contredirons, sur ce site où plusieurs articles insistent sur l’influence et le « formatage » du marché par les normes. Du reste, en commençant son rapport intitulé « À armes égales », Carayon annonce qu’il n’emploiera plus deux locutions que leur usage a déformés et auxquelles il a fini par coller des connotations négatives : « patriotisme économique » et « politique industrielle ». C’est une sage décision pour éviter polémiques et mésinterprétations, mais c’est le symptôme d’une singulière évolution sémantique : en particulier pour patriotisme économique, une expression que Bernard Carayon a pourtant lancée lui-même et qui donne son titre à son livre publié cet été. Pour la petite histoire, D. de Villepin lui-même avait fait une déclaration sur le patriotisme économique d’où il ressortait : - qu’il importait de renforcer l’indépendance de nos entreprises et à les protéger contre des actions hostiles - - qu’il s’agissait d’abord de mieux contrôler les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques - qu’il fallait appliquer le principe de réciprocité et éventuellement opposer à des OPA hostiles des défenses aussi fortes que dans le pays d’où elles émanent - qu’il était nécessaire de freiner la dispersion de l’actionnariat français en encourageant l’actionnariat des salariés et en faisant éventuellement intervenir des institutions financières. Quand on songe aux très puissants moyens de protection dont se dotent les USA, pourtant réputés Mecque du libéralisme, pour les secteurs et exportations stratégiques et en matière d’investissement étranger, il n’y avait là rien de très scandaleux. La discussion sur le patriotisme économique s’est donc centrée sur la question de la nationalité du capital dans notre pays dont les citoyens sont les plus grands épargnants du monde, mais qui est aussi le premier pays d’accueil pour les Investissements Directs à l’Étranger. On sait que 40% du Cac 40 appartient à des investisseurs étrangers et qu’un salarié sur sept travaillait en 2003 pour une filiale d’un groupe étranger Bref le débat sur l’investissement et sur son éventuel risque pour l’emploi et notre capacité de gouverner notre propre industrie a vite pris le pas sur fond de rumeurs d’OPA hostiles touchant les fleurons de notre industrie. Arguments employés par les libéraux : le patriotisme économique est contraire à la compétitivité qui est stimulée par la mondialisation et qui profite à long terme à notre économie. Notre image et notre propre capacité d’investir à l’étranger en pâtiraient par rétorsion. Or, notre pays qui a 5% 55


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