Les Mille & Une Nuits Alf layla wa-layla
Exposition du 27 novembre 2012 au 28 avril 2013.
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Scène de nuit au harem Début xıxe siècle
Londres, The British Museum
Une lettre d’amour lui avait été apportée par un oiseau magnifique
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Sindbad et autres contes des Mille et Une Nuits Illustrations d'Edmond Dulac – 1919
Paris, Institut du monde arabe, collection de la bibliothèque
Introduction
Les Mille et Une Nuits évoquent des personnages, des histoires, des images… que tout le monde connaît. Mais il faut voir ce qui se cache derrière cette œuvre. Le recueil reçut sa forme définitive entre le xiie et le xive siècles avant d’être découvert en Europe, au xviiie siècle, grâce à la traduction française d’Antoine Galland. Ce sont des histoires merveilleuses, venues d’Inde, de Perse, avec des ajouts arabes, transmises par la parole, de conteur en conteur, embellies et adaptées. L’œuvre s’ouvre sur un récit-cadre : pendant mille et une nuits, Shahrâzâd raconte à un sultan cruel, une histoire dont la suite est reportée au lendemain. Grâce à cette ruse, elle sauve la vie de toutes les femmes... Ce texte qui appartient à la littérature populaire, en Orient, est aujourd’hui considéré comme un chef d’œuvre de la littérature universelle.
Le Paradis musulman : le lecteur
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Illustration de François-Louis Schmied – 1930
Collection particulière
Deux jeunes : l’un lisant, l’autre somnolant
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Début du xvııe siècle
Washington, Arthur M. Sackler Gallery, Smithsonian Institution
Aiguière
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Milieu ou fin du xvııe siècle
Londres, Furusiyya Art Foundation
“Et l’aube chassant la nuit, Shahrâzâd dut interrompre son récit. Sa sœur lui dit : - Que ta manière de raconter est agréable, gracieuse, savoureuse et douce. Shahrâzâd lui répondit : - Qu’est-ce que tout cela comparé à ce que je vous raconterai la nuit prochaine, si le roi me laisse en vie. - Par Dieu, dit le roi, je ne te tuerai point avant d’avoir écouté la fin de cette étonnante histoire.” [1ère nuit : Le Marchand et le Démon]
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D’où viennent les Mille et Une Nuits ?
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Il est impossible de cerner avec précision les origines exactes de ce recueil de contes. On ne sait pas qui en est l’auteur et l’on suppose que le texte est une transcription de légendes anciennes qui ont circulé oralement. Les premiers contes auraient été imaginés en Inde, et ont voyagé jusqu’en Perse où ils ont été pour la première fois réunis et mis par écrit. Les récits arabes s’élaborent entre les ixe et xiie siècle et l’essentiel des manuscrits connus appartient à une période qui va des xive aux xixe siècles. C’est en 1701 qu’un professeur et écrivain français, Antoine Galland, reçoit de Syrie un manuscrit du xive siècle, et commence à le traduire. À sa suite, de nombreux auteurs auront à cœur d’établir le recueil idéal des Nuits.
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Alf layla wa layla
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Manuscrit arabe des Mille et Une Nuits ayant appartenu à Galland, tome II – xve siècle Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits orientaux
Alf layla wa-layla
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Manuscrit arabe des Mille et Une Nuits – milieu du xvıe siècle Manchester, The University of Manchester, John Rylands Library Arabic
Pourquoi a-t-on choisi le nombre de « Mille et Une » nuits ? Cette expression, qui signifie « beaucoup » en arabe, exprime un grand nombre. La division en nuits serait empruntée à l’Orient ancien qui comptait le temps en nuits et non en jours. Constellation du Verseau – Aquarius.
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Grenade – Fin du xvıııe siècle
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Collection particulière
Mi’at layla wa-layla
“Les chroniques des Sassaniens, anciens rois de Perse, qui avaient étendu leur empire dans les Indes, dans les Grandes et Petites Iles qui en dépendent, et bien loin de là, du Gange jusqu’à la Chine, rapportent qu’il y avait autrefois un roi de cette puissante maison qui était le plus excellent prince de son temps”.
Toronto, Aga Khan Museum
[Shahrâzâd et Shâhrayâr]
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Manuscrit du Livre de géographie d’Al-Zuhri et des Cent et Une Nuits – 1235
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La longue épopée des Mille et Une Nuits
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Les Mille et Une Nuits contes choisis. Aladdin, Ali Baba, Ali Cogia, revus pour les enfants – 1850 Paris, Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art
Alf layla wa layla [Les Mille et Une Nuits]
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Édition de Bûlaq, Égypte 1835
©IMA/Nabil Boutros
Alf layla [Mille Nuits]
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début du ıııe-ıxe siècle
Chicago, The Oriental Institute, University of Chicago
879 environ. Fragment le plus ancien d’un manuscrit des Mille et Une Nuits conservé à l’Université de Chicago. e x siècle. Premières mentions des Mille et Une Nuits chez l’historien al-Mas’ûdî (893-956) dans Les Prairies d’or et le libraire Ibn al-Nadim dans son Fihrist. 1701. Antoine Galland achète un manuscrit arabe qu’il va traduire entre 1704 et 1717. 1775. Le premier manuscrit en arabe est reconstitué en Égypte. 1814. La première édition du texte original arabe paraît à Calcutta, en Inde. 1825 – 38. Le premier manuscrit arabe reconstitué par un Européen est celui de l’Allemand Habitch qui paraît à Breslau. 1835. Édition de Bûlaq, du nom d’un district du Caire.
Plusieurs bibliothèques disent posséder le manuscrit le plus authentique et le plus complet des Mille et Une Nuits. Il en est ainsi des bibliothèques de France, du Vatican, d’Istanbul, de Madrid... Constellation du Poisson – Pisces.
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Lampe cylindrique mamelouke – xıxe siècle
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Lisbonne, Museu Calouste Gulbenkian
“Les Mille et Une Nuits que j’adore occupent plus d’un quart de ma tête”. [Stendhal]
Traduction des Mille et Une Nuits
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Portrait d’Antoine Galland
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Les Mille et Une Nuits, contes arabes, édition de E. Bourdin – 1840
Paris, Institut du monde arabe, fonds de la documentation
Journal d’Antoine Galland – 1710-1711
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Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits occidentaux
Le Français Antoine Galland est le premier à traduire les Mille et Une Nuits, à partir de 1704. Il travaille d’après un manuscrit datant du xive siècle, venu d’Alep et contenant le récit-cadre. Galland le fait suivre de cinq ensembles de contes. L’accueil est excellent. Il décide alors d’y inclure les Voyages de Sindbad qu’il avait déjà traduit. En 1709, il rencontre le conteur syrien Hannâ Dyâb, de passage à Paris. Décelant chez lui un grand talent de conteur, il lui demande de raconter des histoires. Galland prend des notes et en tire des contes qui forment la dernière partie des Nuits. Puis, il introduit l’Histoire d’Ali Baba et l’Histoire d’Aladdin. Le succès est considérable. Il lui sera pourtant reproché d’avoir supprimé des détails et d’avoir renoncé aux poèmes qui émaillaient le manuscrit.
De 1899 à 1904, Joseph-Charles Mardrus publie une nouvelle traduction française. Le texte est également traduit dans de nombreuses langues. André Miquel et Jamel-Eddine Bencheikh proposent une nouvelle traduction en 1991. Constellation du Bélier – Aries.
Des contes des Mille et Une Nuits. Histoire d’Aladdin et la lampe magique
“La cent et unième et la cent deuxième Nuit sont employées dans l’original à la description des sept robes et des sept parures différentes dont la fille du vizir Shams-Eddin Mohamed changea au son des instruments. Comme cette description ne m’a point paru agréable et que d’ailleurs elle est accompagnée de vers qui ont, à la vérité, leur beauté en arabe, mais que les Français ne pourraient goûter, je n’ai pas jugé à propos de traduire ces Nuits.
Paris, Bibliothèque nationale de France, réserve des livres rares
[Antoine Galland]
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Traduction du Dr J. Ch. Mardrus – 1914
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L’histoire dans l’histoire dans l’histoire
On trouve plusieurs genres littéraires dans les Nuits : des contes merveilleux, des épopées, des histoires d’amour, des fables... Constellation du Taureau – Taurus.
Les Mille et Une Nuits est une histoire construite selon la technique de l’enchâssement. Ce sont des histoires à tiroirs. Un premier conte est l’occasion d’en introduire un deuxième qui s’ouvre à son tour sur un troisième et ainsi de suite. L’histoire du roi Shâhrayâr et de Shahrâzâd, qu’on appelle le conte-cadre, sert à introduire et à lier ces contes. Les cinq premiers racontés par Shahrâzâd sont imbriqués les uns dans les autres et amorcés par une « phrase appât » qui donne au lecteur l’envie d’en savoir plus. Mais celui-ci, à l’instar de Shâhrayâr, devra attendre… Poire à poudre
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xvııe siècle
Lyon, musée des Beaux-Arts
Hezâr-o y ek shab [Alf layla wa-layla]
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Moïse bat le roi Og
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Seconde moitié du xvıe siècle Rotterdam, Wereldmuseum
Calligraphie par Mohammad Ja‘far al-Golpâyegâni, illustrations de Mirzâ Hasan ibn Âqâ Seyyed Mirzâ 1275/1858 Collection particulière
“Puis il attaque le palais du roi Jamak, l’affronte, et, le frappant de la massue, le renverse à terre, évanoui. Sa’dân charge ensuite tous ceux qui sont dans le palais et les réduit en miettes. Alors les autres demandèrent merci. Mais l’aube venait reprendre Shahrâzâd, parler n’était plus permis : elle se tut. Lorsque ce fut la six cent trenteseptième nuit, elle dit : On raconte encore, ô Sire, ô roi bienheureux, que lorsque Sâ’dân l’Ogre attaqua le palais du roi Jamak et pulvérisa tous ceux qui s’y trouvaient, les autres demandèrent merci...”. [Ajîb et Gharîb]
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À la manière de...
Après la traduction de Galland, les copies et plagiats des Mille et Une Nuits abondent. On trouve toutes sortes de récits aux formes les plus variées, parodies, satires, romans mais aussi des contes merveilleux. On peut citer l’ouvrage de François Pétis de La Croix joliment intitulé Les Mille et Un Jours.
Les Mille et Une Nuits, Contes arabes, traduits en français par Galland.
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Nouvelle édition par M. Eugène Destains – 1822-1825 Paris, Institut du monde arabe, collection de la bibliothèque
Depuis, l’œuvre n’a cessé d’influencer la littérature. En 1842 et 1843 est publié un roman intitulé Les Mystères de Paris. Le héros se déguise en homme du peuple et sillonne les rues mal famées de Paris pour venir en aide aux miséreux. Ce texte est publié en roman-feuilleton et, comme les Nuits, il joue de la technique du récit interrompu (la suite à demain), laissant chaque jour le lecteur dévoré par la curiosité. Les Mille et unes nuits, contes arabes
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Vve Magnin et Fils éditeurs, vers 1900-1910 Crédit Collection Kharbine Tapabor
Portrait d’Haroun Al -Rachid
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Histoire charmante de l'adolescente Sucre d'Amour traduction du Dr J. Ch. Mardrus, illustrations de François-Louis Schmied – 1927 Paris, collection particulière
Le Paradis musulman
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Illustration de François-Louis Schmied – 1930 Collection particulière
Le 24 juin 1911, le couturier Paul Poiret organise une réception grandiose, la «Mille et deuxième nuit». Trois cent invités habillés à l’orientale se retrouvent dans un décor d’Orient fantasmé. Constellation du Gémeau – Gemini.
Grenade – Fin du xvıııe siècle
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Collection particulière
“Pleine de vapeurs et d’ennuis, elle se crut, avec son aventure, au beau milieu de Mille Nuits ; car c’était alors sa lecture. Elle se crut soumise aux cruautés d’un époux bizarre et sauvage, qui par un détestable usage, épousait chaque jour de nouvelles beautés, pour les immoler à sa rage [...]”. [Le Cabinet des Fées, Antoine de Hamilton]
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Les villes des Nuits
Bagdad, Le Caire et Damas sont les villes qui apparaissent le plus souvent dans les Mille et Une Nuits. C’est dans ces villes que s’est développée la civilisation arabo-musulmane. La ville arabe (al-madina) est un lieu de pouvoir politique et religieux ainsi qu’un carrefour d’échanges. Elle est organisée autour de la grande mosquée, lieu de prière. Tout près, on trouve le hammam, des écoles, des hôpitaux et, surtout, le souk. C’est un lieu d’échanges et de production où l’on peut acheter des produits du monde entier : ambre, encens, bois d’ébène, épices…
À Bagdad, Damas et Le Caire, s’ajoutent de grandes villes bien réelles comme Jérusalem, La Mecque, Iram, Istanbul, Shiraz... Et des villes imaginaires, villes pour les amoureux, villes où l’on se perd. On évoque, plusieurs siècles avant Jules Verne, des cités sousmarines. Ou encore la mystérieuse Ville-des-Enchantements. Constellation du Cancer – Cancer.
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Boîte
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Vers 750-850
Londres, The Victoria and Albert Museum
Bahrâm Gûr dans le Pavillon vert
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1570-1580
Oxford, The Ashmolean Museum of Art and Archaeology
Mosquée d’Al – Azhar au Caire
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Adrien Dauzats – 1831
Paris, musée du Louvre en dépôt à l’Assemblée nationale
Sindbâd le marin
“Cherchez-moi sur terre la meilleure plaine, la plus vaste, et bâtissez-y pour moi une ville d’or et d’argent [...] Plantez, au pied des châteaux, des rues et des avenues, toutes sortes d’arbres aux fruits variés, prêts à mûrir...”.
Bordeaux, musée des Beaux Arts
[Abd Allah b. Abî Qilâba]
Miroir
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xvııe-xvıııe siècle
Londres, Furusiyya Art Foundation 66
Adrien Dauzats – 1868
Le monde des Mille et Une Nuits
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“Elle s’arrêta devant la boutique d’un fruitier et acheta des pommes de Syrie, des coings osmani, des pêches d’Oman, des jasmins d’Alep, des nénuphars de Damas, des concombres du Nil, des limons d’Égypte, des cédrats sultani, des baies de myrte, des fleurs de henné…” [Le portefaix et les trois dames]
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Grenade – Fin du xvıııe siècle
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Collection particulière
Vie et mort dans les Mille et Une Nuits
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Dans le conte-cadre, il est question de vie (symbolisée par Shahrâzâd) et de mort (c’est Shâhrayâr). Les pages regorgent de scènes de cruauté, parlent de vengeance, de conquêtes et de lutte pour le pouvoir. La mort est aussi présente dans de vastes épopées. Mais, à côté de ces pages où la violence domine, certains textes ont une autre tonalité. Ils parlent d’amour, au cœur de toutes les intrigues. Shahrâzâd, par exemple, veut « éduquer » son époux de façon à le faire passer de la violence brute au sentiment amoureux. Et elle réussit. Les contes ont souvent pour héros un garçon simple qui, à force de bonté, de fidélité, de courage et de ruse, devient riche et puissant. Ou des jeunes hommes et jeunes femmes qui s’aiment. L’amour, toujours !
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Poignard, Khanjarli
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xvıe-xvıııe siècle
Londres, Furusiyya Art Foundation
Talhand dans la bataille contre son frère Gav
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Bouteille avec scène de chasse
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Milieu du xvıe siècle
Vienne, Kunsthistorisches Museum
Shâh-Nâme ou Livre des rois de Abu’l-Qasim Manur Firdawsî – vers 1444 Londres, Royal Asiatic Society, dépôt de The British Library
Aboul-Hassan rêve de monter sur le trône du grand Harûn Al-Rachîd pour 24 heures. Il va donner naissance à l’expression « Calife à la place du calife ». Constellation du Lion – Leo.
“Quand le bourreau se fut saisi d’Aladdin, il lui ôta la chaîne qu’il avait autour du cou et autour du corps ; et après avoir étendu sur la terre un cuir teint du sang d’une infinité de criminels qu’il avait exécutés, il l’y fit mettre à genoux et lui banda les yeux. Alors il tira son sabre ; il prit sa mesure pour donner le coup, en s’asseyant et en faisant flamboyer le sabre en l’air par trois fois, et il attendait que le sultan donnât le signal pour trancher la tête d’Aladdin” . [Histoire d’Aladdin]
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Amour et cruauté
Le baiser du prince et de la princesse
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Iran, période safavide, vers 1550
Washington, Arthur M.Sackler Gallery, Smithsonian Institution, Washington, D.C.
Iskandar et Rushânak couchés ensemble dans un lit
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Manuscrit du Khamseh de Nizâmî, style turkmène fin du xve siècle Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève, Cabinet d’arts graphiques, Photo André Longchamp
Les Abbassides sont la dynastie qui dirigea l’empire musulman de 750 à 1258 depuis Bagdad. Constellation de la Vierge – Virgo.
Harûn al-Rashîd est le plus célèbre des califes abbassides. Son règne (766-809) fut un grand moment de la civilisation musulmane. Harûn al-Rashîd est aussi une figure légendaire des Mille et Une Nuits. Il est suggéré que c’est un roi bon qui se préoccupe du pauvre et des esclaves. Insouciant du temps de sa jeunesse, il est devenu un souverain responsable. Shahrâzâd narre l’histoire du grand calife au cruel Shâhrayâr. Et, en particulier, ses promenades nocturnes en quête de rencontres. Harûn alRashîd apparaît alors comme un souverain exemplaire se souciant de la vie de ses sujets. Ce que Shâhrayâr pourrait, un jour, devenir… Lui qui symbolise la cruauté, l’excès de pouvoir et, finalement, la mort, pourrait se métamorphoser. Mais cela risque de prendre longtemps. Mille et une nuits… Le calife
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Les Mille et Une Nuits des familles: contes arabes – 1866 Paris, Bibliothèque de l'Heure joyeuse
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Épingle à cheveux
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Dynastie Qing
Paris, Musée national des arts asiatiques Guimet
Khanjar
“Sire, j’ai entretenu plusieurs fois Votre Majesté de quelques aventures arrivées au fameux calife Harûn al-Rashîd ; il lui en est arrivé grand nombre d’autres, dont celle que voici n’est pas moins digne de votre curiosité»
Vaduz, Furusiyya Art Foundation
[Les Aventures du calife Harûn al-Rashîd]
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Inde moghole, 2e moitié du xviie siècle
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L’oiseau s’envola et il m’enleva si haut
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Sindbad et autres contes des Mille et Une Nuits. Illustrations d’Edmond Dulac –1919
Paris, Institut du monde arabe, collection de la bibliothèque
Makara, élément de décor architectural
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xıve-xve siècle
L’étrange et le merveilleux
Des animaux fantastiques traversent les contes des Mille et Une Nuits. Le Rokh, par exemple, dans Sindbad le Marin, est un oiseau géant capable de soulever un humain avec ses griffes puissantes.
Éfrits, dives, djinns, goules... La présence de ces êtres surnaturels est un procédé classique des contes fantastiques que l’on retrouve dans les Mille et Une Nuits. Pour enchanter le lecteur, on n’hésite pas à user d’enlèvements, de transformations en une autre espèce. Les goules sont des géants que personne n’a jamais vus. Ils (ou elles) en sont d’autant plus effrayants. La goule change de forme, prenant l’apparence d’une hyène et parfois d’une femme. Elle n’attaque pas les enfants tant qu’ils sont en groupe mais malheur à celui qui s’éloigne et reste seul. L’éfrit est un génie malfaisant que l’on rencontre notamment dans l’Histoire d’Aladdin. Les dives sont eux aussi de mauvais génies opposés aux péris, les bonnes fées. Parfois moins cruel est le djinn. Il peut être bienfaisant mais il est capable des pires méfaits. Le djinn vit dans des endroits déserts, les cimetières, les forêts. Il peut prendre la forme de l’homme ou du serpent. Broche à cheveu
“Une fois la fumée hors du flacon, elle se rassembla, fut parcouru d’un tremblement et se transforma en un démon, dont la tête, aussi haute qu’une coupole, touchait aux nues, tandis que ses pieds reposaient sur le sol. Ses mains ressemblaient à de gigantesques fourches, ses jambes au mât d’un navire, ses oreilles à des boucliers, sa bouche à une caverne, ses dents à des rochers, son nez à une jarre, ses narines à des trompes, ses yeux à des flambeaux. Il avait une crinière emmêlée et poudreuse. Un vrai monstre ! ”
Lisbonne, Museu Calouste Gulbenkian
[Aladdin]
Paris, musée national des Arts asiatiques Guimet
La reine des fées observe la bataille
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Tiré d'un Hamza-Nâme – vers 1562-1577 Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt
Coupe à pied perse
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Période seljoukide, fin du xııe ou début du xıııe siècle Lisbonne, Museu Calouste Gulbenkian
Constellation de la Balance – Libra.
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René Lalique – xıxe siècle
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Les voyages extraordinaires
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Certaines îles sont dangereuses, telles les mystérieuses îles WâqWâq habitées par des Amazones, dont on ne revient jamais vivant... Constellation du Scorpion – Scorpius.
On voyage beaucoup dans les Mille et Une Nuits. Pour découvrir de nouvelles contrées et atteindre des îles inconnues, les héros volent, traversent des montagnes… Parfois, les lieux se font imprécis. L’intrigue peut se situer du côté de l’Inde, de la Chine, à Ceylan ou à Sumatra. La carte du recueil englobe aussi des terres imaginaires connues par les seuls djinns. Les voyages se font aussi à l’intérieur des villes, dans les souks, où les produits viennent du monde entier. Les navires lèvent l’ancre à Basra, traversent l’océan Indien pour rejoindre les Indes. Ils transportent des soieries, des plats de cuivre et d’argent, du sel, des porcelaines, des chevaux, des parfums. Ils continuent leur route vers la Chine en passant par Ceylan où ils achètent des saphirs, de la cannelle et des éléphants. Certains vont à Java et à Sumatra pour faire provision de bois de santal, de camphre, de muscade, de poivre, de clous de girofle...
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The Arabian Nights’ entertainments Osaka, The National Museum of Ethnology (MINKAPU)
[Aladdin]
Le démon Akwan transporte dans les airs Rostam endormi
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Shâh-Nâme ou Livre des rois d’Abu’l-Qasim Manur Firdawsî – vers 1444 Londres, Royal Asiatic Society, dépôt de The British Library
Visite de Lâyla à Majnûn
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Seconde moitié du xvıe siècle
Lyon, musée des Tissus et musée des Arts décoratifs
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“Les îles Waq-Waq sont au nombre de sept, défendues par une grande armée composée entièrement de jeunes vierges. Elles n’ont pour habitants que des enchanteurs, des diables, des démons rebelles, des sorciers et autres créatures de cette engeance”.
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Traduction d'Andrews Lang – 1898
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Les objets volants
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Dans les Mille et Une Nuits, les voyages sont merveilleux. Du coup, ils ne peuvent pas s’accomplir de manière ordinaire. Les voyageurs volent pour aller d’une ville imaginaire à l’autre, pour franchir les mers et les montagnes. Dans les Aventures de Hassan al-Basri, il est question d’un cheval enchanté, un cheval ailé aussi rapide que l’éclair qui étend deux immenses ailes et s’envole avec son cavalier. Parfois, c’est un oiseau géant qui emmène son passager au-delà des océans. Ou un lit magique. Également appelé tapis magique, le tapis volant est également utilisé comme moyen de transport aérien. Il repose sur le mythe de la lévitation et fait référence au mythe d’Icare. Le rêve humain de voler.
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Alf layla wa-layla
:
Manuscrit arabe des Mille et Une Nuits – 1724 Oxford, The Christ Church Library
Le Sultan
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L’art du tapis pourrait remonter à l’âge de bronze (2000 – 750 avant J.-C), le plus vieux conservé à ce jour datant du ve siècle avant notre ère. Ce tapis dit « de Pazyryk » a été découvert en Sibérie. Les plus beaux tapis sont arméniens et perses. Le tapis est un lieu de réunion. On s’y prosterne devant un souverain. Dans une mosquée ou chez soi, il délimite l’espace réservé à la prière. Constellation du Serpentaire – Ophiuchus.
Personnage des Comédiens de Bois de Jacques Chesnais, Les Mille et Une Nuits – 1951 Collection Chesnais
Tapis de style damascain à effet de mosaïque
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xvıe siècle
Paris, Institut de France, musée Jacquemart-André
Banaluka, tapis de prière
“Sache que ce tapis est doué d’une vertu invisible qui fait qu’en s’y asseyant on est aussitôt transporté où l’on souhaite aller, et avec une rapidité telle qu’on n’a pas le temps de fermer un œil et d’ouvrir l’autre”.
Paris, Institut du monde arabe, collection du musée
[Histoire de la princesse Nour An-Nahar]
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xvıııe siècle
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Aladdin, Ali Baba, Sindbad
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Les Mille et Une Nuits
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Michel Léturmy, illustrations et collages de Jacques Carelman – 1958
Paris, Institut du monde arabe, fonds de la documentation
Sindbad le Marin
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Couverture du livre Merveilleuses aventures de Sindbad le Marin – début du xxe siècle
Ces trois histoires, les plus connues, ne font pas partie des manuscrits originaux. C’est Galland qui les a entendues de la bouche d’Antun Ysuf Hanna Diyab et les a intégrées au recueil. Chacune a un sens. La lampe et les pouvoirs magiques d’Aladdin peuvent symboliser la connaissance et le voyage, la grotte représentant l’ignorance. Maîtriser les connaissances permet à Aladdin de se jouer du magicien. Cette histoire est également fondée sur le thème de l’ascension sociale. Le génie est au service de celui qui possède la lampe. Cette lampe magique apporte à Aladdin la possibilité d’accomplir ses rêves. Si l’on devait chercher une morale à l’histoire d’Ali Baba, il faudrait retenir qu’il est souvent plus difficile d’être riche que pauvre. Et que si la richesse venait à se présenter, il convient de se méfier des courtisans, des maîtres chanteurs, des envieux, des malfaisants. Durant sept voyages dans les mers et océans, Sindbad vit des aventures fantastiques. Il est le marin par excellence, explorateur de terres inconnues, encyclopédie de géographie à lui tout seul... Un aventurier qui fait rêver tous les lecteurs des Mille et Une Nuits. Ali Baba et les quarante voleurs Illustration anonyme pour l’affiche d’un film indien – vers 1965
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Un lieu rassemblant diverses choses est souvent qualifié de « caverne d’Ali Baba ». Constellation du Sagittaire – Sagittarius.
Aiguière
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Milieu ou fin du xvııe siècle
Londres, Furusiyya Art Foundation
“Ali Baba le bûcheron se tourna vers le rocher et dit “Sésame, ouvretoi !”. Et bien que les trois mots magiques eussent été prononcés d’une voix mal assurée, le rocher se sépara et s’ouvrit largement sur une grande caverne [...] Et il vit, tout au long des murs, s’étageant jusqu’à la voûte, des piles et des piles de riches marchandises [...] et de grands coffres remplis jusqu’aux bords d’argent monnayé". [Ali Baba et les Quarante Voleurs]
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Les Mille et Une Nuits au cinéma, au théâtre...
Die Abenteuer des Prinzen Achmed [Les Aventures du Prince Achmed]
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Photographie du film de Lotte Reiniger
Nijinski dans le rôle de l’esclave Zobéide, dans le ballet Shéhérazade
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Vers 1910
Moscou, théâtre du Bolchoï
Les Mille et Une Nuits ont servi de canevas à de nombreux films, tant de fiction que d’animation, à des pièces de théâtre et ont inspiré nombre de compositeurs. Au cinéma : Hollywood s’est vite emparé des Mille et Une Nuits, soit du conte dans son ensemble, soit de l’une des ses parties (Ali Baba, Aladdin, Shahrâzâd...). Douglas Fairbanks a été un Voleur de Bagdad flamboyant en 1924, Yvonne de Carlo une Shahrâzâd de charme en 1947... Le cinéma français a donné à Ali Baba les traits de Fernandel en 1954. Et l’Italien Pier Paolo Pasolini a fait des Mille et Une Nuits une œuvre à ne pas mettre devant tous les yeux, primée à Cannes en 1974. Le cinéma indien (Bollywood) s’est aussi largement emparé de l'oeuvre. En musique : Plusieurs compositeurs se sont inspirés des Mille et Une Nuits au cours du xixe siècle, surtout. On peut citer Shéhérazade de Rimski-Korsakov (1888), suite symphonique dans laquelle les cuivres correspondent à la voix du calife Shâhrayâr et le violon à la voix de Shahrâzâd. Vera Fokine en Shéhérazade Shéhérazade, Ballets russes de Serge de Diaghilev – 1910
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Aladdin est aussi un film d’animation des studios Disney (1992). Walt Disney avait déjà adapté les Mille et Une Nuits en 1938 avec Ali Baba et les Quarante Voleurs. Constellation du Capricorne – Capricornus.
“Sire, roi de ce temps, voici tes fils. J’émets le vœu que tu sois généreux envers eux et que tu m’accordes la vie sauve. Si tu me mettais à mort, ils perdraient leur mère et ne trouveraient nulle autre femme pour savoir les élever. [...] Le souverain s’écria : “Shahrâzâd, je jure par Dieu que j’avais décidé de te laisser en vie avant même de les voir, pour avoir constaté à quel point tu étais chaste, pure, bien née et pieuse. Bénie sois-tu ainsi que tes père et mère, tes aïeux et tes descendants ! Je prends Dieu à témoin que je t’ai pardonnée et qu’il ne te sera fait aucune mal”. [Mille et unième nuit]
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Institut du Monde Arabe
Renaud Muselier, président Mona Khazindar, directrice générale Badr-Eddine Arodaky, directeur général-adjoint Mohamed Métalsi, directeur des actions culturelles
Actions éducatives
Édition : Radhia Dziri Textes : Gérard Dhôtel Iconographie : Élodie Bouffard, Anne Joyard Remerciements : Imane Mostefaï
Graphisme : couverture : c-album intérieur : Jean-François Lemporte carte : Atelier Mehl’ Usine
أﻟﻒ ﻟﯿﺎ ﺔ و ﻟﯿﺎ ﺔ
Impression : Relais graphique Remerciements : Fondation Total et Société des Amis de l’IMA Octobre 2012
Scène de jour au harem
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Début xıxe siècle
Londres, The British Museum
Constellation du Capricorne – Capricornus.