New African, French, Issue 54

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Sardegna (Ita.)

Greece

Maghreb

T

Libye

Guerre ou paix, à Zintan de choisir

T UNI S I E

Oubliez Tripoli, Benghazi, Misrata, Tobrouk. La ville libyenne sur laquelle tous les regards sont tournés est Zintan. Excentrée à l’ouest du pays, la cité de quelque 65 000 âmes détient une partie du futur de la Libye.

Zintan

Ghadamis

Al-Bayda

TRIPOLI Misratah

Benghazi

Tripolitaine

Tobrouk

Cyrénaïque Zaltan

Edjeleh

L I B Y E

Fezzan Marzuq

Ghat

Al-Qatrun

Al-Jawf

É

Zintan, Mathieu Galtier, envoyé spécial

À

la chute de la Jamahiryia, la ville de Zintan est incontournable, ses brigades sont parmi les premières à avoir pris les armes contre Kadhafi. L’un des chefs, Mokhtar al-Akhdhar, contrôle l’aéroport international de Tripoli. Les responsables politiques et militaires zintanis ont pris fait et cause pour Mahmoud Jibril, chef du parti modéré Alliance des forces nationales. Surtout, la ville a un prisonnier de choix : Saïf el-Islam, fils et héritier putatif de l’ancien dictateur. Tout bascule à l’été 2014, l’opération Aube libyenne, menée par les forces de la ville ennemie de Misrata et soutenue par les islamo-conservateurs, chasse les brigades de Zintan de Tripoli et force quelque 20 000 Tripolitains originaires de Zintan à fuir. Au plus fort des combats, à l’automne, ce sont 14 villes qui se liguent contre la cité bédouine, qui se replie alors dans ses frontières naturelles et fait le dos rond. Zintan est située à moins de 200 km de la frontière tunisienne, et enclavée dans les monts Nefoussa, fief des Amazigh. Aujourd’hui, la ville, après avoir fait la paix avec ses voisins, est de retour au premier plan. D’abord, parce que les autres se sont écroulées : Tripoli est le jouet de milices qui profitent de l’opposition entre le gouvernement d’union nationale de Faez Seraj, soutenu par les Nations unies, et le gouvernement de Salut national de Khalifa Ghwell, porté par les ultra-révolutionnaires. Misrata, elle, n’a jamais été autant divisée entre son aile modérée et les plus radicaux ; Benghazi est toujours le siège d’une guerre urbaine entre l’autoprocla50 • NEWAFRICAN • Mai - Juin 2017

mée « Armée nationale libyenne » (ANL) du maréchal Khalifa Haftar et les forces islamo-djihadistes. Ensuite, Zintan est actuellement le seul lien tangible entre l’est et l’ouest de la Libye. Nichée au cœur de la Tripolitaine, zone occidentale de la Libye, Zintan considère la Chambre des représentants (CdR) basée à Tobrouk et le gouvernement de Beïda, tous deux situés à l’Est, comme les institutions légitimes. Zintan se pose donc en championne de la paix. « Nous avons montré que nous sommes capables de mettre fin aux combats avec nos voisins, explique Saddiq Chmeyssa, membre du groupe de réconciliation qui a permis la fin des hostilités avec les cités alliées d’Aube libyenne. L’objectif est de faire de même avec Misrata et l’Est ». Car, si Zintan se range derrière le gouvernement et le parlement de l’Est, la ville se veut beaucoup plus prudente s’agissant du soutien au bras armé de ses institutions, le maréchal Khalifa Haftar. Les partisans de ce dernier exigent a minima que leur cham-

Zintan est la seule entité libyenne à avoir un atout maître à abattre quelle que soit la direction que prendra le pays. Une capacité à retomber toujours sur ses pattes propre à une ville à la fois tribale et urbaine.

N I G E R

T C H A D

pion dirige la future armée libyenne. Forte de ses récents succès à Benghazi et dans le croissant pétrolier, au centre du pays, l’ANL a installé des bases un peu partout dans le pays, notamment à l’ouest, avec Tripoli en ligne de mire. « Si Haftar attaque, nous ne bougerons pas » Les islamistes et les ultra-révolutionnaires refusent, quant à eux, que le militaire de 74 ans – participant au coup d’État qui a propulsé Mouammar Kadhafi au pouvoir en 1969 –, joue un quelconque rôle dans la nouvelle Libye. « Khalifa Haftar ne peut être écarté du cadre », assène Ahmed Ghiet, député zintani de la CdR. Certes, mais si l’ANL décide de lancer une offensive à l’Ouest, elle n’aura pas le soutien de la ville de Zintan, prévient Saddiq Chmeyssa : « Nous avons un accord régional avec Misrata. Si Haftar attaque, nous ne bougerons pas. » Une offensive qui se dessine de plus en plus. « La stratégie, c’est de laisser s’épuiser les acteurs entre eux et de voir qui il reste à la fin. C’est avec lui qu’il faudra alors négocier », explique un observateur international. Dans sa bouche, au vu de la dynamique actuelle, cela se traduit par :

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