ibilka
le magazine
numéro 7 - 2014 udazkena / automne
Mémoire
C'est un musée unique qu'abrite la petite gare d'Azpeitia, en Gipuzkoa. Bien davantage qu'un simple musée du rail, parmi les plus beaux d'Europe, il est aussi le témoin d'une époque révolue.
Tradition
Croyants et non croyants se côtoient sur les différents chemins vers Compostelle. Nous vous invitons sur le Camino Frances. Départ à Garazi pour cheminer à travers l'histoire et la montagne basque. Des moments humains très forts.
Pionnier
Il a parcouru tous les sommets du Pays basque, puis le toit de l'Europe, le Kilimandjaro et tant d'autres. Andres Espinosa était un montagnard hors pair et surtout un homme d'honneur.
l'objet
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La tombe
discoïdale
la mort en son jardin
Ilharria, heriotza bere baratzean Umila, xumea, ilharria gure herrien funtsezko elementua bat da. Sinboloz beteta, oroitarazten du, nahiz hila izan, gizakien komunitatean, zendua gogorapenean gelditzen dela. t e x t e Txomin Laxalt / photographies Cédric Pasquini
C
omme dans toutes les vieilles civilisations, la mort en Pays basque reste familière, un passage obligé que l’on n’occulte pas. La phrase laconique vient tellement souvent la rappeler qu’il serait difficile, quand bien même on le souhaiterait, de s’y soustraire alors que sous le cadran des heures, le clocher du village en fait danser les lettres : Biciac, orhoit hilciaz (vivants, souvenez-vous de la mort). En Euskal herri, la mort était annoncée à tous les membres de la communauté, il n’était jusqu’aux abeilles que l’on prévenait, ainsi à Liginaga (Laguinge, Soule), rappelle le père Barandiaran, lehen auzoa, (le premier voisin) allait au rucher pour annoncer : « Iatzar zite, buruzagia hil zaie » (réveillez-vous, le maître est mort). Dans nos sociétés modernes, la mort est gommée ou plutôt policée comme si l’on voulait à tout prix reculer l’inéluctable, nier l’impermanence de l’univers, récuser le cycle naturel de nos existences. Quant au cimetière, il est dissimulé derrière de hauts murs, repoussé en lisière de cité. « Rien de moins lugubre que ces cimetières basques aux murs très bas, qui côtoient la grand-route, et parfois servent de traverse aux piétons vaquant à leurs occupations ordinaires », décrit Philippe Veyrin (Les Basques, 1942). Et c’est vrai que nos hilerri (cimetière, littéralement : village des morts) se situent le plus souvent autour de l’église, s’y dressent les célèbres ilharri (pierres de mort), monuments discoïdes dont les plus anciens datent du XVIe siècle. Modestes témoignages funéraires, ils utilisent le cercle parce que cette figure géométrique évoque un cycle qui s’achève. La tombe discoïdale, rassurante dans son dépouillement, ne renvoie pas le disparu vers un arrière monde inaccessible aux vivants, bien au contraire, pareille à un miroir, elle renvoie son image de bien allant. Souvent y sont gravés un objet familier, un outil, un animal liés à sa condition de vivant. Quant aux signes astraux représentés : lune, soleil, étoile, ils sont les universelles allégories de nos rythmes biologiques. Certes, elles restent bien énigmatiques nos ilharriak. Érodées par les siècles, celles de Santa Grazi, de Sare ou d’Itsasu, tournées vers le soleil levant de tous les espoirs, elles ne lèvent, pour autant, aucun voile sur le grand mystère d’un après. Il reste alors les vers d’Iratzeder (1920-2008) : Hil-harria zergatik ? /Hago lurretik goiz-argira zutik ? / Hire pean hortxek zagok aspaldian gizona, Lan, min, amets eta guduz kraskaturik etzana Hi baina hi, denen gatik / Hortxe hago xut xutik Stèle, pourquoi es-tu dressée face au soleil levant ? / Sous toi, là, l’homme repose Allongé, brûlé par le travail, la douleur, le rêve et le combat. Mais toi, toi, pour tous,Tu restes là bien droite.
Mots-clés/Hitz gakoak Cimetière : hilherri Tombe : ilharri Toussaint : Omniasaindu Mort : heriotza
Éditorial
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À chacun son chemin
Société éditrice : BAMI Communication Rond-point de Maignon, Avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul Inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin Textes : Txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : Sandrine Lucas Fabrication : Patrick Delprat Iru Errege Le Forum 64100 Bayonne N° ISSN 2267-6864 Photos : P.18-19 : © Bizkaiko Foru Aldundia/diputación/Diputación Foral de Bizkaia - Foru Agiritegia/Archivo Foral BFA/AFB Familias Andrés Espinosa P. 20 : © FMGB Guggenheim Bilbao Museoa P. 21: DR et Santiago Yaniz (Abbadia) ; P. 22 : DR. Couverture : Santiago Yaniz
Chers lecteurs, Après une longue et sérieuse séance de travail, nous avons pris la décision de vous donner plus ! Plus de photos, car nos photographes sont souvent frustrés de ne voir sélectionnées, après leur reportage, que quelques-unes de leurs très belles photos. Plus de textes aussi, car nous avons tant de choses à vous dire ou à vous faire découvrir que les vingt pages actuelles nous ont paru un petit peu justes. Dorénavant et dès le numéro actuel, la couverture blanche, dans laquelle figurait une œuvre d’art contemporain basque, disparait au profit d’une double page intérieure qui vient se rajouter au reportage principal, et également de deux pages supplémentaires dans lesquelles nous vous informerons, soit d’exposition à ne pas manquer, soit de sortie en librairie de livres exceptionnels. Votre magazine IBILKA évolue encore et pour votre plus grande satisfaction, du moins nous l’espérons. Qu’en est-il de ce nouveau numéro ? Une fois de plus, il va vous inciter à cheminer, à faire une promenade, à entreprendre une marche. Deux récentes études, l'une à Stanford, l'autre à l'université de Caroline du Sud accréditent la thèse d'Aristote et de son école péripatéticienne : la marche aide à penser. Embarquons-nous alors sur les chemins de Saint-Jacques en compagnie de Txomin Laxalt, marcheur passionné « pèlerin sans foi ni Église » tel qu'il se définit lui-même et militant des rencontres – plus terrestres que célestes, il est vrai. Et des rencontres il en fit,
tant le Camino connaît, depuis quelques années, un véritable succès enregistrant une augmentation de fréquentation de près de 10 % par an ! Une superbe occasion en cet automne, toujours aussi flamboyant chez nous, de découvrir ce Camino Frances aux dénivelés casse-pattes et aux panoramas enchanteurs et peu importe si vous choisissez de vous arrêter avant la capitale de la Galice – on peut oublier où mène le chemin –, la satisfaction, le plaisir, l'émotion seront les mêmes. Comme l'inoubliable Jacques Lacarrière parangon du marcheur vous ressentirez ce « Refrain des routes, de l'asphalte incertain parsemé de trous et de fondrières. Couplet des haltes dans les tavernes accueillantes…» Un moment fort de rencontres avec les autres, de tous âges de tous horizons, Australiens, Américains, Britanniques, Groenlandais, Turc, Japonais, Québécois, Américains Basques, Espagnols et Français, mais surtout peut-être, au bout de l'effort, la plus belle des rencontres, celle avec soi-même ! Vous découvrirez alors, comme l'affirmaient les Grecques de l'Antiquité que « la marche organise le monde autour de nous ». Bide on (bon chemin) et rendez-vous à tous dans deux mois vers une autre destination. Mais chut… cela reste une surprise….
Jean-Paul Inchauspé, Directeur de la publication
PORTRAIT
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Kamera eskuan, mundua kurrituz, Audrey Hoc-ek osatzen duten nortasun aberatsak kontatzen dizkigu. Askotan hil zorian dira.
son usage Audrey
R
egard comme le ciel vu depuis un hublot au-dessus de la mer de nuages, chevelure aux teintes de sable ou de blé mûr ; enfin de ces couleurs qui évoquent l’ailleurs, la steppe, la prairie, la savane, la dune littorale, le pâturage, enfin ces lieux que l’Homme, depuis qu’il existe, aménage pour survivre. Sur la table de chevet d’Audrey Hoc, L’Usage du monde, de Nicolas Bouvier et dans son sac à main, un atlas du monde, pour rêver sans doute comme Kessel « sur les cartes et répéter les noms magnifiques des villes inconnues. » Pour s’exprimer, Audrey Hoc utilise de préférence l’euskara parce que c’est sa langue d’apprentissage au monde et surtout du cœur et la caméra parce qu’elle a décidé que l’image peut-être aujourd’hui un fidèle miroir de l’autre et un bon outil pour lui donner la parole. Ne vous attendez pas au portrait d’une baroudeuse, d’une arpenteuse de fuseaux horaires, boulimique de tampons sur le passeport, adepte de l’affligeant « j’ai fait » tel ou tel pays, fâcheuse conjugaison rappelant davan-
PORTRAIT
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2003 Séjour chez les Amérindiens de Guyanne.
2007 Séjour chez les Indiens Lakotas, du peuple sioux.
2010 Formation à l'Escuela Internacional de Cine y Televisión de Cuba.
2011
dates clés
Cimetière des Vivants.
Audrey Hoc,
munduaren bere erabilera t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Cédric Pasquini
tage un abattage de la planète plutôt que de sa dégustation. Audrey est convaincue depuis son premier voyage que pour appréhender un pays, le temps est nécessaire et que, pas plus en géopolitique qu’en linguistique, il ne devrait exister d’impérialisme. Il est vrai que des origines polonaises côté paternel, une scolarité complète en ikastola, une maîtrise de géographie et un master d’anthropologie ont encouragé cette approche à mille degrés de longitude de tout ethnocentrisme. À 34 ans, Audrey Hoc semble avoir accumulé des vies. Tout a commencé tôt avec ce désir d’île, une chimère qui vient tous nous hanter un jour ou l’autre. « Ce fut la Réunion, j’avais 21 ans, mais issu d’un milieu modeste, il était essentiel que je finance mon voyage et… une opération des yeux », rappelle-t-elle, sans doute une intervention essentielle quand on a décidé de regarder la planète dans les yeux. Pour le pécule, elle choisit le kantaldi (tour de chant) aux côtés de Patxi Etcheverry. « Surtout j’avais un projet ce qui régit, du reste, tous mes voyages. » En l’occurrence, venant logiquement en point d’orgue de ses études, la réalisation d’un travail : la place du créole à La Réunion. C’est forte de cette première expérience qu’Audrey se confie la noble et héroïque mission, en cueillant d’irremplaçables >> témoignages : « de conscientiser les habitants de notre planète sur l’importance de la préservation des langues minorisées dans le monde, un facteur déterminant dans la conservation de l’identité culturelle. » Alors, entre 2003 et 2005, elle va à la ren contre des Amérindiens de Guyane et après avoir abandonné le confort d’un poste d’andereño (enseignante) de géographie en ikastola, en 2006, elle part huit mois en Amérique latine, autant de cosmogonies, de façons différentes de penser l’univers au travers les mots des peuples Kalina de Guyane, Tikuna du Brésil, Warao du Venezuela, Quechua du Pérou, caméra sommaire au poing. Une exposition itinérante à la clé, Amerikastola. Les films ? Pas satisfaisants à son goût, « c’est un métier ». Mais egoskor hori, cette obstinée, repart en 2007 vers les États-Unis pour un séjour chez les Indiens Lakota de la grande nation Sioux. Comme on ne s’improvise pas réalisatrice, elle suit à Biarritz une formation de montage avant, en 2008, une nou-
Faire prendre conscience de l'importance de la préservation des langues minorisées
velle migration de huit mois, à travers l’Amérique latine : Costa Rica, Nicaragua, San Salvador, Cuba où, lors d’un deuxième séjour en 2010, elle entreprendra une formation de réalisation de documentaire à la prestigieuse École de cinéma. Entre-temps des expériences douloureuses, de ces coups de chien que connaissent, un jour ou l’autre, ceux qui ont choisi d’être témoin parmi les hommes. Depuis, caméra Panasonic sur l’épaule — matos léger pour messagère poids mouche, nous parlons endosses car côté trempe elle officie dans les lourds — Audrey Hoc a choisi de raconter (Cimetière des vivants, 2011) l’un de ces nouveaux (non) lieux du monde, le centre de rétention d’Hendaye, où « les victimes de l’absurdité du système » payent cher le désir universel d’un monde meilleur. Côté reconnaissance, une commande 6zoomZUP, six courts-métrages autour du quartier bayonnais dont les habitants en sont les acteurs et qui lui confèrent une véritable identité sans oublier le Prix de la Ville de Bayonne en 2012 qui vient comme un encouragement à persévérer. La quête identitaire venant comme un leitmotiv dans ses compositions, Audrey ne pouvait que croiser les riches routes de la diaspora basque. En partenariat avec Eusko Ikaskuntza et Kanaldude TV, du Québec à l’Argentine en passant par la Thailande et le Cambodge, elle s’attache aujourd’hui à démontrer que diaspora ne signifie plus dispersion douloureuse mais redéfinition d’une identité : « dans un monde meurtri et définitivement globalisé certes mais où les exemples de solidarité et de bon sens ont démontré que l’espoir est permis. »
Mots-clés/Hitz gakoak Au-delà des frontières : mugaz gaindiko Identité : nortasun Langue : hizkuntza Langue minorisée : hizkuntza gutitu
MĂŠmoire ferroviaire
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Burdinbidearen Euskal Museoa Azpeitiako geltoki ohian dago. Bere ezinbesteko bisitak Euskal herriko XX. mendeko historia parte bat kontatzen du.
Azpeitia, Azpeitia jende guzia jaisten da !
,
Azpeitia, Azpeitia, tout le monde descend !
mémoire ferroviaire
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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Cédric Pasquini
est merveilleusement réunie l’histoire ferroviaire d’Hegoalde et l’appréhender, c’est comprendre un siècle de son Histoire. En effet, entre Hendaye et Bilbao, le rail a joué un rôle majeur dans la vie sociale et économique d’Euskal Herria.
Centre d'un monde Entre ses murs, la gare d'Azpetia abrite l'un des plus beaux musées ferroviaires d'Europe.
Collections Une admirable salle du temps est consacrée aux télégraphes, chronomètres, pendules et montres…
L'aventure débute en 1854 Une aventure qui débuta à Bayonne, en 1854, avec l’arrivée de la première locomotive à vapeur et la volonté des Frères Pereire, membres d’une dynastie de gros industriels bordelais, de relier Bordeaux à Irun sous l’égide de la Compagnie des Chemins de fer du Midi dont ils sont les principaux actionnaires. Au plus fort de la révolution industrielle, les frangins créent ensuite en Espagne, la Compagnie des Chemins de fer du Nord, inaugurant en 1864 la première ligne Madrid-Hendaye. Mais au grand dam des industriels vizcayens, elle passe par Vitoria/ Gasteiz, ignorant Bilbao, port majeur, capitale industrielle et minière. Les grandes familles vizcayennes réunissent alors le capital suffisant pour construire une ligne qui relierait Tudela à Bilbao >>
L
a pierre meulière confère au bâtiment un aspect rustaud que viennent tempérer les fenêtres à meneaux de l’étage, apposant avec les pignons tarabiscotés des angles du toit, une touche romantico-moyenâgeuse très fin du XIXe. Seules les larges portes de bois de l’entrée, épousant les traditionnelles voûtes à claveaux et la plaque mosaïquée annonçant Azpeitia, viennent rappeler que le bâtiment, modeste quadrilatère, est une gare. La gare d’Azpeitia (Gipuzkoa) ne possède pas le prestige de celles de Bilbao Abando ou d’Hendaye, avec leurs entrelacs infinis de rails, leurs conjurations d’aiguillages, promesses de destinations aux quatre coins de l’Europe. Non, ici une seule voie, le bruissement de la rivière Urola et le spectacle de la montagne d’Izarraitz qu’essaiment des baserris et des brebis pour meubler l’attente sous la grande horloge. Azpeitia est quelque part le centre d’un monde ; non point parce que la commune vit naître Ignace de Loyola en 1491 ; le fondateur de l’Ordre des Jésuites ; mais parce qu’entre les murs de sa gare, devenue l’un des plus beaux musées du rail d’Europe,
Entre Hendaye et Bilbao, le rail a joué un rôle majeur, social et économique
mémoire ferroviaire
Crève-cœur Le musée du train d'Azpeitia rappelle aussi le crève-cœur que représenta la fermeture de la ligne, intimement liée au quotidien des familles, pour la population de la petite vallée.
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Les rails de la nostalgie Un trajet de 40 minutes, sur 5 kilomètres, dans l'ectoplasme de vapeur qui oblitère soudainement le quai au moment du départ et qu'accompagnent les ahanements poussifs de la machine.
en passant par Miranda de Ebro, rejoignant ainsi celle de la Compagnie du Nord. Ils y mettent un tel enthousiasme qu’elle est inaugurée en 1863, un an avant la fin du chantier lancé par leurs concurrents français. Il n’est que de quitter le réseau autoroutier pour s’abandonner au cœur du Gipuzkoa et se rendre compte de sa complexité orographique. Des massifs montagneux couturent autant de vallées : Urola, Leitzaran, Bidasoa lesquelles, enclavées, isolèrent longtemps des populations dont l’horizon ne dépassa guère les feux du village voisin ; un retranchement obligé qui créa même des particularismes linguistiques dans l’euskara que l’on pratique ici au quotidien. La révolution ferroviaire va rompre cet isolement et la construction des bide estuko burdinbideak, (voies étroites de chemins de fer) contribuera à l’épopée du train. Ce seront les mythiques et merveilleux tortillards Plazaola – il reliera Donostia à Iruñea (Pampelune) de 1914 à 1953, le Anglo-Vasco>> Navarro qui, de 1889 à 1967 unira Bergara à Estella en passant par Vitoria/Gasteiz, l’Urola qui, électrifié de 1926 à 1988 sur un trajet de 34,4
À la fin des années 20, le réseau ferroviaire basque, était l'un des plus importants d'Europe
kilomètres, relia les communes de Zumarraga à Zumaia via Azpeitia, forçant la montagne grâce à 29 tunnels et funambulant au-dessus du vide sur le fil de 20 ponts.
Découvrir la mer grâce au train À la fin des années vingt, le réseau ferroviaire basque – le plus important de la péninsule et l’un des plus complets d’Europe – était achevé avec 825 kilomètres de voie dont 310 en voie large. Maitane Ostolaza, directrice du Musée du train d’Azpeitia géré par la compagnie Euskotren, et… chef de la gare qui l’abrite, rappelle le crève-cœur que représenta la fermeture de la ligne pour la population de la petite vallée : « Quelque part le musée est mal vécu car il est le rappel permanent d’une dépossession quand le déficit économique, conséquence du développement des routes, du transport par camions, de la banalisation de la voiture obligea, malgré les protestations, à la mise au rancart d’un train intimement lié au quotidien des familles. » La muséographie s’attache à humaniser la culture du train, à démontrer sa dimension émancipatrice quand il permit aux enfants de la vallée de découvrir la mer. « Rien ne peut s’expliquer sans le train, il n’a négligé aucun secteur de la société, explique Maitane, le travail, le loisir, le sport jusqu’à la religion. »
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Les photos d’archives qui balisent les salles du musée, à ce titre, sont éloquentes : toutes générations, tous corps de métiers, toutes classes sociales confondues on voit, dans un jubilant désordre, s’entrecroiser sur le quai une foule empressée, on y devine la frénésie des jours ouvrables que l’on connaît seulement aujourd’hui dans les gares des grandes villes… le sourire, la connivence et la bienveillance en moins.
Au paradis des ferrovipathes Le Musée d’Azpeitia abrite sur rail, tout le matériel roulant qui a existé en Euskadi. Plus de quarante exemplaires sont ici rassemblés, depuis la locomotive à vapeur jusqu’au trolleybus à deux étages de Donostia dont les flèches attisaient des gerbes d’étincelles le ciel de la cité gipuzkoanne jusqu’en 1973. Le collectionneur, le passionné de train trouveront là, grandeur nature, l’aboutissement de rêves de gosses. Les locos auxquelles il ne manque pas un rivet, ne régurgitent plus leurs panaches de vapeur mais on peut à loisir en admirer tous les détails, s’attacher à leurs lignes gracieuses, un comble pour ces masses de fer. Elles furent construites en Grande Bretagne, telles les Aurrera N° 104 ZKIA (1898), Zugastieta N° 1 ZKIA (1888) mais aussi en
Allemagne telle la splendide Echeverria sortie des chantiers Henschel en 1952, la plus moderne des machines à vapeur. En électrique, les plus grands fabricants européens sont représentés : la Lemona, construite par Berliet en 1916, la très Suisse Egoarbitza, dite Bo-Bo, acquise en 1932 – elle fit les beaux jours de la Compagnie des Ferrocariles Vascongados jusqu’à la fin des années quatre-vingt, et beaucoup d'autres. Tout ce qui fait la saveur des voyages d’antan est présent entre les murs de la gare historique, du sifflet du chef de gare à la lanterne de quai en passant par les composteurs et billets imprimés en euskara pendant les années républicaines, les théodolites et autres tachographes, les maquettes, les uniformes chamarrés des personnels – la gradation de la corporation ferroviaire s’apparentant dans la péninsule à la hiérarchie militaire. Une admirable salle du temps est consacrée aux télégraphes, chronomètres, pendules et montres, indispensables instruments à qui veut gagner sur le temps. Enfin, ne manquez pas le trajet de 40 minutes sur cinq kilomètres, à bord du train à vapeur, pour la campagne gipuzkoanne. Une plongée dans une époque merveilleuse quand les trains n’étaient pas toujours à l’heure ni obligés de l’être !
Mots-clés/Hitz gakoak Chemin de fer : burdinbide Gare : geltoki Wagon : bagoi Train à vapeur : lurrinezko tren
Burdinbidearen Euskal museoa Julian Elorza, 8 – Azpeitia Tous les jours de 10 heures à 13 h 30 et de 16 heures à 18h30, le dimanche de 10 h 30 à 14 heures. Fermé le lundi Trajet train à vapeur : Samedi 12 h 30 et 18 heures Dimanche 12 h 30 Tel : 943 15 06 77
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Sacrés pèlerins !
tradition
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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz Aramendia
Ze’ erromes bitxiak ! Moda ? Fenomeno soziala ? Urtero milaka eta milaka Done Jakue Bideko erromesak Garazitik pasatzen dira, nahiz udan, nahiz neguan. Segitu ditugu egun batzuk.
b
on Dieu ! » aurait-on presque envie de s’écrier, « mais qu’est-ce qui les pousse donc à s’élancer si nombreux sur le(s) Chemin(s) de Saint-Jacques ? » Vous les avez sûrement croisés, courbés sous le sac, venant du Puy, processionner entre Arroue et Izura (Ostabat), galérer contre le vent entre Lohitzun et Donostia quand les plus courageux affrontent le Chemin dit du Nord, ou piétiner sur la très solitaire voie du Baztan. Les chiffres sont évocateurs qui ont annoncé le passage à Donibane Garazi de 49 173 pèlerins en 2013, 4 000 de plus qu’en 2012 ! Une manne qui, à défaut d’être céleste — quoique dans le cas qui nous intéresse elle ait quelque part partie liée avec le divin — se révèle sacrément juteuse non seulement pour la capitale bas navarraise mais aussi pour le couloir basque que le marcheur emprunte, une moyenne de 35 € par jour et par pèlerin ! Au-delà de l’aspect purement mercantile du plus célèbre pèlerinage européen, se dissimule une histoire humaine elle-même étroitement enchâssée dans l’Histoire d’Euskal Herri. Pour comprendre ce véritable phénomène social, quelles qu’en soient les motivations, nous avons décidé d’accompagner une poignée de jours et de nuits, ces marcheurs d’un septième ciel. Pour avoir été des leurs — pèlerin sans foi ni Église — aux dernières années du siècle dernier,
quand on ne se bousculait pas encore sur le sentier des étoiles, quand les chambres des quelques refuges soulevaient autant de poussière que le Chemin, quand il n’y avait pas ce satané portable qui te ligote au monde, comment, avec cependant ce qu’il faut d’ironie, un soupçon d’humour et toujours avec tendresse, ne pas se sentir solidaire de ceux qui ont choisi d’arpenter au moins 800 km jusqu’aux terres brumeuses du Finistère galicien ? Entre Garazi et Santiago, depuis plus de dix siècles, les mêmes cols pète-cannes, les mêmes pluies obliques, les mêmes boues pégueuses, les mêmes vents émorfilants, les mêmes ampoules incendiaires, les mêmes tendinites électrisantes et, pour reprendre un terme moyenâgeux du Chemin, diverses véroleries jacquaires restent, pour la plupart, le lot quotidien.
1 200 m de dénivelé Tout avait commencé en avril alors que le printemps poussait des reins sous la mousse et que s’ébrouaient les torrents. De l’hiver il ne restait que ces coulées de neige qui contraignent le randonneur à des contournements acrobatiques mais qui ne le feront pas démissionner pour autant. Nous n’avions pas renoncé à la polaire mais déjà nos godillots brûlaient du désir
d’arpenter des sentiers plus aériens. Nous avions, pour la randonnée hebdomadaire, jeté notre dévolu sur cette ligne de crête navarraise presque oubliée sinon du berger, sûrement de la mémoire du crapahuteur et qui s’élance depuis Gañekoleta. Pour qui l’ignore encore, Gañekoleta est ce coquet quartier de Luzaide (Valcarlos) dont la poignée de maisons s’acagnarde au fond du ravin du même nom. L’itinéraire abrupt, une fois la crête d’Orisson atteinte, croise le GR 65, désignation topographique
Le Chemin de la mémoire Les équipements se sont certes améliorés et les brigands ont (presque) disparu, mais trimer sur le Camino reste glisser ses pas dans ceux qui, depuis le Moyen Âge, mettent le cap vers le Finistère galicien.
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Candidats à la grande aventure Bourdon en main, coquille autour du cou, venus d'à côté ou l'autre bout du monde, les candidats à la « Grande aventure » sont de plus en plus nombreux chaque année.
du Chemin de Saint-Jacques. Et là, sur ce tronçon, le plus dur de tout l’itinéraire, il titre 1 200 m de dénivelé, nous les avions rencontrés, patauds, mal chaussés et transis, hésitant quant à la direction à suivre, les rassurantes flèches jaunes encore tapies sous la neige. Les panneaux édités par la commune de Garazi, déconseillant fortement l’itinéraire des crêtes en ces mois incertains — quelques-uns l’ont payé de leurs vies ces dernières années — ne les avaient pas dissuadés pour autant. Rassurés et plus forts de nos conseils, ils nous avaient suivis vers cette cabane du bord du Chemin, judicieusement plantée au pied du col de Lepoeder. Nous avions déballé nos plantureux casse-croûte et débouché le nectar qui va avec, eux leurs maigres coupe-faim, puis partagé non seulement nos bribes d’anglais avec les anglophones, notre castillan avec un Chilien et deux Madrilènes, nos gestes avec un Italien et un couple d’Indonésiens mais aussi des photos et des chansons. Ils étaient repartis gonflés à bloc et l’un d’eux, capelant
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son sac nous avait dit : « aujourd’hui c’est mon premier jour, j’espère que ce sera tous les jours ainsi. » L’auberge de pèlerins de Garazi est peutêtre le lieu le plus important du Chemin de Saint-Jacques. Pour l’accueil sans pareil de Jeanine, bien sûr — aucun pèlerin ne saurait arriver ni repartir sans son bol de café et ses tartines et si vous lui parlez basque, vous ajouterez à son bonheur — mais aussi pour cette ambiance qui s’apparente à une veillée d’armes. Les hauts de la rue de la Citadelle ont des airs de Babel à compter du mois de mai quand le train de Garazi commence à régurgiter ses divisions de pèlerins composés de quelque 120 nationalités. Les Américains et les Australiens viennent en force, respectivement 4 000 et 1 776 l’an passé, le film The Way s’étant chargé de la meilleure communi-
cation qu’il soit. Étonnamment, les Japonais ont adopté la coquille, presque 500, le gros contingent de marcheurs étant fourni par la France, quelque 9 000 et les Espagnols plus de 6 000. Plus isolés, un couple des Émirats, un Groenlandais, neuf Turcs ! Fatalement, le commerçant garaztar a dû s’initier à la langue de Shakespeare. Nos candidats à la grande aventure se savent au pied du mur ou plutôt de la montagne, ce qui, ici, est sensiblement pareil et pour cause. Ils ont plus qu’entraperçu les inéluctables crénelures des ports de Cize barrer l’horizon et déjà s’en inquiètent. Les plus anciens — on les reconnaît au bronzage façon baroudeur, au sac déjà patiné par les intempéries, ceux-là arrivent du Puy ou de plus haut encore — affichent déjà un mois de trimard et l’assurance de vieux pisteurs mais n’en mènent pas plus large. L’étape de
Quelle que soit leur nationalité, les pèlerins partagent la même passion
tradition
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Roncevaux du lendemain et une météo que l’on sait ici d’humeur fantasque, monopolisent les conversations. À Garazi, le pèlerin fait partie du paysage et si on le considère avec une condescendance amusée, on a conscience de sa bourse. Comment ne pas songer au plus vieux témoignage du grand pèlerinage ? C’est au XIIeᵉ siècle que paraît le Codex Calixtinus dont le savoureux Livre V, rédigé par Aymeri Picaud, vaguement moine et joyeux pèlerin, se veut une pointilleuse chronique du Chemin. Il écrit en 1124 : « Puis, aux alentours des ports de Cize, se trouve le Pays basque, dont la grande ville Bayonne est située au bord de la mer vers le nord. Ce pays dont la langue est barbare, est boisé, montueux, pauvre en pain, vin et aliments de toutes sortes, mais on y trouve en compensation des pommes, du cidre et du lait. Dans ce pays, il y a des mauvais péagers, à savoir auprès des ports de Cize dans le bourg appelé Hostavalla (Ostabat), à Saint-Jean et Saint-Michel-Pied-de-Port ; ils sont franchement à envoyer au diable. En effet, ils vont au-devant des pèlerins avec deux ou trois bâtons pour extorquer par la
force un injuste tribut, et si quelque voyageur refuse de céder, ils le frappent à coups de bâton et lui arrachent la taxe, le fouillant jusque dans ses culottes. » Aujourd’hui, c’est vrai le bambou remplace avantageusement le néflier…
À chacun son rythme Les marcheurs chevronnés conseillent les novices et chacun à son allure, tous se retrouvent le soir au gite ou à l'auberge, des récits plein la tête.
GPS en bandoulière La montée vers Orreaga (Roncevaux) se fait dans un silence monacal, chacun cherchant son rythme et surtout son souffle. On nous envie la connaissance de notre jardin et si on vient nous consulter, chacun devant faire sa propre expérience, nous évitons d’annoncer la couleur, à savoir la montée vers Honto qui se fait le nez dans les pompes. Certains adoptent la très risquée allure V1, nous les retrouverons avant même Orisson, disloqués dans l’herbe, victimes des premières boiteries. Pour la plupart c’est une Via crucis, un premier et long affrontement — certains mettront dix heures pour atteindre Orreaga — avec le milieu montagnard et ils n’en ont que plus de mérite. Les plus malins ont abandonné leurs sacs à des taxis qui ont depuis long-
temps flairé l’aubaine ; quant aux moins pèlerins, ils y rejoignent leurs sacs. Des caligæ cloutées centurionnes au Vibram du XXIe siècle, en passant par les chausses, les bottes du grognard et les sandales du berger, ce chemin s’est tracé au piétinement des hommes. Le paysage qu’en 2014 embrassent les pèlerins entre Ortzanzurieta et Leizar Ateka, Celtes, Ibères, cohortes romaines, Charlemagne, Roland et ses soldats Francs avant le grand égorgement du 15 août 778, troupes napoléoniennes, l’ont embrassé aussi. Le pèlerin d’aujourd’hui va le plus souvent GPS et smartphone en bandoulière, panneau solaire accroché au sac, la tablette pour raconter sur son blog un décor qu’il n’a pas vu pour l’avoir seulement traversé, plus soucieux de ses temps
tradition
de passage et de l’étape à venir. Heureusement nous avions marché un moment avec Gérard, du Mans, à peine retraité et sourire à perpétuité. Parti de Dax il dégustait son étape jusqu’au plus erratique des rares nuages : « Le Chemin ? J’en profite un maximum. Un vieux rêve et pourtant je ne suis pas croyant. Tout ce que tu vois sur moi : le sac, les bâtons, les godasses, c’est le cadeau des collègues pour mon départ à la retraite. Pour moi Compostelle, ça restera le voyage de ma vie ! » À la collégiale d’Orreaga où, au XIeᵉ siècle, on servait 1 200 repas par jour aux pèlerins, les annonces se font désormais en anglais. Les dortoirs improvisés que l’on a connus il y a 15 ans, avec leurs lits bancals courant le long de sombres couloirs balayés par le vent, ont laissé place à des boxes high-tech de bois clair avec prise Wifi, consignes cadenassées, accès ascenseur et machines à masser. Les Américains découvrent le tinto à 14 volts qu’ils préfèrent nettement à l’eau bénite, les Japonais restent entre eux, boudent la roborative cuisine locale pour fricoter leurs produits qu’ils transportent avec eux. On
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se groupe par affinité, certains marchent ensemble depuis plusieurs jours. Daniel, Lucien et Gérard, alsaciens, nous ayant entendu parler basque, affirment haut et fort leur langue et à l’heure de la mousse réparatrice, nous nous échangeons les essentiels : ogia, le pain, s’brot ; arnoa, le vin, d’r wi, emakumea, la femme, d’froi… Osagarri on ! À la tienne ! S’gilt ! Et de penser encore à Aymeri Picaud, qui écrivaitil y a mille ans : « Leur langue est tout à fait barbare. Ils appellent Dieu, Urcia, la mère de Dieu, Andrea Maria, le pain ogui, le vin, ardum, la viande, arragui, le poisson araign, la maison, echea, le maître de
maison, iauna, le blé, gari, l’eau, uric, le roi, erreguia, Saint Jacques, Jaona Domne Jacue. » Ô, Intemporalité du Chemin !
Discret sur les motivations On ne feignasse pas sur le Camino, de toute façon, un hospitalero (hospitalier bénévole) aux allures d’adjudant de quartier, aux six heures pétantes, faisant feu de toutes les lumières et par un braillard et fallacieux Hello ! qu’il faut traduire par : « Debout là d’dans ! » se charge d’éjecter de son sac de couchage le plus sonneur des ronfleurs. Certains sont partis à la nuit car, hélas, pour beaucoup le lit de l’étape
Marcher ce n'est pas une distance à parcourir mais des pays À découvrir
tradition
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Le tour de Babel Faire le Chemin, c'est aller à la rencontre des autres, c'est échanger avec eux en français, en castillan, en basque, en anglais ou dans un des ces délicieux sabirs qui unissent les peuples et se contentent de l'essentiel.
compte avant l’aventure du Chemin ; il leur reste un mois pour apprendre que marcher ce n’est pas une distance à parcourir mais des pays à découvrir. Le Camino a surtout délivré son premier grand message ou comment se désencombrer pour vivre l’essentiel : dans les couloirs désertés de la collégiale d’Orreaga s’alignent des caisses remplies d’objets abandonnés, reflets de l’inutile : du sèche-cheveux aux trousses de maquillage en passant par le percolateur et d’inutiles garde-robes. On reste discret sur ses motivations mais sont évoqués des grands chagrins, les maux d’aujourd’hui : des licenciements, des cancers exorcisés ou en rémission, de douloureuses ruptures, des paris sur soimême, des remises en question, des crises ou des affirmations de foi, des besoins de rencontre sentimentale… Certains arguent de l’abolition des barrières sociales sur le Camino. Pas si sûr. « Évidemment on ne parle pas de ça, le Chemin c’est les Bisounours pendant un mois » avait ricané ce Malouin fort de cinq Camino. « Pas de barrière sociale ? Je rigole. Ceux qui marchent avec moi, depuis trois semaines, ne m’ont jamais demandé pourquoi je ne vais pas à l’hôtel comme eux de temps en temps,
au resto tous les soirs et les rares fois où j’y vais, je ferme ma gueule parce qu’en usine à 14 ans, je n’ai pas eu le temps d’apprendre l’anglais pour communiquer. » rappelle G…, hilare. Par bonheur, le Chemin c’est encore ce lever de soleil sur la Lintzoain, ces éclats de lumière matinale fruitée sur les toits d’Auritz, la fuite éperdue du sanglier dans les buis de la montagne de Mezkiritz, l’hamaretakoa (casse-croûte) partagé dans un bar de Bizkarreta, un trésor architectural roman au débouché du sentier, le brin de causette en euskara appuyé sur les bâtons avec Marie-José et Marie-Anne, deux amatxi (ce sont elles qui le disent !) d’Angelu (Anglet) et Jatsu, en route vers Compostelle. Le Chemin ? Ces bières dégustées entre deux étirements et deux réfections du monde, vautré dans l’herbe sous le pont médiéval de Larrasoaña. C’est Fermín Paularena, le cabaretier volant d’Erroko lepoa, Erroko lamina ( le bon génie d’Erro) et colporteur des nouvelles du Camino, Pat le Yankee, Laurène l’Australienne, Stephane le Québecquois, Pepe, David et Anibal, les joyeux madrilènes. C’est le final à Iruñea avec cette furieuse envie de continuer un jour ou deux… ou trois.
Mots-clés/Hitz gakoak : Pèlerin : erromes, beilari Le Chemin de Saint-Jacques : Done Jakue bidea Flèche jaune : gezi hori Coquille : erromes maskor
histoire
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t e x t e Txomin Laxalt
Andrés
spinosa
l’homme qui touchait le ciel
zerua ukitzen zuen gizonak Patu arraro bat ezagutu du Andres Espinosa-k. Izigarrizko mendizale, beti bakarrik espartinez jantzita, zeharkatu ditu mundurik mendi altuenak.
Poésie Andres Espinosa (au centre) confiait ses émotions à ses carnets de courses, véritables petits recueils de poésie.
histoire
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U
n bien curieux personnage Andres Espinosa. Attachant, d’une profonde humanité, quasiment oublié et ignoré versant nord de nos Pyrénées, cet homme qui se définissait comme « seul, fou, de par ce monde qui est grand » fit des montagnes du monde son jardin. Rien ne destinait Andrés Espinosa Echevarria, né en 1903 à Amorebieta (Bizkaia), à une destinée hors du commun, à une vie d’aventures digne des plus grandes figures montagnardes. C’est dans un contexte sociopolitique particulier que grandit Andrés. En ce début de XXe siècle, le nationalisme basque acquiert force et vigueur et la pratique de la montagne, introduite à Bilbo par les Anglais, devient un vecteur pour exprimer l’attachement à Ama lur, la Terre mère. Dès l’adolescence, Andrés Espinosa, dégingandé, effacé et plutôt timide, adhère à cette nouvelle discipline et parcourt, le plus souvent en solitaire, les emblématiques massifs basques d’Hegoalde : Gorbeia, Anboto, Aizkorri et le karst des Enkartekoak (Encartaciones), premiers voisins des monts cantabriques. Il fréquente l’elkarte qui, plus qu’un club de montagne, est un lieu de partage. Il participe à la vie de la jeune Euskal Mendizale Federazioa (Fédération basque de montagne) et rédige des articles enflammés dans la mythique revue Pyrenaica. Orphelin de père, des études de commerce le contraignent à trois ans de mornes enseignements à Lekaroz (Baztan, Navarre), à l’issue desquels, il prend la succession de son géniteur à la boutique de tissus de Bilbo. Andrés n’a pas la tête au mètre étalon car ses mesures à lui s’évaluent en dénivelés accumulés plutôt qu’en longueurs de tissu.
La montagne en sandales
Il rédige des articles enflammés dans la revue Pyrenaic
Fort d’une excursion menée en 1927 au sommet de l’andalou Mulhacen (3 481 m), point culminant de la péninsule, Andrés Espinosa décide de s’attaquer à un géant d’une redoutable difficulté, conquis en 1904, le Picu Urriellu (2 519 m) ou Naranjo de Bulnes (Picos de Europa, Asturias). Il le vainc par sa face sud, seul… et sans corde. En 1928, toujours seul, il gravit le Teide (Canaries), 3 716 m, et en abarkas car une des caractéristiques d’Andrés c’est que sa dates vie durant, il ignorera les croquenots de montagne 1912 : naissance pour leur préférer quels que soient les saisons et le à Amorebieta (Bizkaia). terrain, les sandales à lanières utilisées depuis des 1927 : il vainc le Mulhacen siècles par les bergers. Seule concession à la moder(3 481 m), point culminant nité, au cuir, il préfère le caoutchouc. Sa vie, il en est de la péninsule ibérique. convaincu, est ailleurs. Il vend sa part du magasin 14 juillet 1929 : il triomphe familial et décide de se consacrer à la montagne et du Mont Blanc, chaussé au voyage à pied. À Amorebieta, on le tient pour un de simples sandales. peu dérangé, l’homme n’a en cure. 1930 : il gravit En juillet 1929, les alpinistes chevronnés de Chamonix le Kilimandjaro. voient débarquer ce drôle de bonhomme, chaussés 1985 : décès de sandales qui prétend gravir seul le Mont-Blanc ; à Amorebieta. on le moque, on le chahute mais faisant fi de ses chaussettes de laine gelées achetées à un berger de Zenauri (Gipuzkoa), il foule le toit de l’Europe le 14 juillet 1929. Il écrira dans Pyrenaica : « Je foule le sommet comme si je touchais le ciel. Ô Mont-Blanc ! Tu me reçois à l’heure où personne ne te dérange. Quelle joie ! Quel courage tu me donnes ! Comment te remercier de ton accueil ? » En 1930, il gravit le Kilimandjaro et le Sinaï, en 1931 il se rend à Darjeeling et ambitionne le sommet népalais du Kangchenjunga (8 556 m), troisième sommet du monde. Les autorités anglaises l’en dissuadent. En 1932, il traverse le Haut Atlas marocain et gravit le Toubkal (4 165 m). Mais ses plus belles lettres de
noblesse, il les gagnera lors du terrible conflit espagnol de 1936 durant lequel il se bat naturellement sous l’uniforme des Mendigoixale troupes de montagne de l’Euskal Gudarostea, l’armée basque du Gouvernement d’Euskadi. Fait prisonnier par les franquistes sur les pentes du Gorbeia, il est enfermé au terrible fort San Cristobal d’Iruñea (Pampelune) dont les sinistres murs résonnent au quotidien des exécutions sommaires. Ils sont 2 000 entassés entre les murs suintants. Le 22 mai 1938, une évasion massive éparpille 795 prisonniers dans la nature dont Andrés Espinosa aux côtés d’un groupe d’une dizaine de fuyards. Sa connaissance de la montagne le fait désigner comme chef. Après une traque de cinq jours, ils ne sont plus que quatre à rejoindre, affamés, les bords de la Bidasoa en vallée du Baztan. Andrés est engagé dans la rivière, il ne reste que quelques mètres avant de poser le pied sur la rive française. Les autres sont épuisés. Les voix de ses compagnons couvrent la rumeur du torrent : « Vas-y Andrés, nous, on n’en peut plus ! » Posément Andrés fait demi-tour car c’est une règle tacite : on n’abandonne jamais ses camarades de cordée. Repris, ils échappent de peu au peloton ; sur les 785 fuyards, 585 seront capturés et 207 exécutés. Figure exceptionnelle de la montagne, Andrés Espinosa s’est éteint en 1985 à Amorebieta. Il avait écrit : « Clarté, joie, ensorcellement de la montagne, quelle belle sonate nous est donnée sur ces hauteurs magnifiques ».
Mots-clés/Hitz gakoak : Difficulté : zailtasun Solitaire : bakarti Espadrille : espartin Point culminant : tontor
EXPOSITION
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t e x t e Jean-Paul Bobin
L'art
L'exposition réserve une place particulière aux Basques Eduardo Chillida, à droite, (lo profundo es el aire ) et Jorge Oteiza, cidessus, (Caja metfisica).
L
Euskaldun artistei Jorge Oteiza eta Eduardo Chillida XX. mendeko artean zehar ibibide bat proposatzen du Bilboko Guggenheim Museoak, bi eremu espezifiko erreserbatuz.
de notre temps
e 17 octobre 1997 restera, à jamais, un jour important dans l'univers culturel du Pays basque. En ouvrant ses portes au public, le Musée Guggenheim offrait à Bilbo, au-delà des ses cimaises, une opération de chirurgie esthétique conférant au port biscayen une nouvelle attractivité qui ne s'est jamais démentie au cours de ses dix-sept dernières années. C'est pour célébrer cet événement et les vingt ans de collaboration entre la Salomon R. Guggenheim Foundation et le Musée de Bilbo, et alors que s'achève l'accord de gestion souscrit avec la Fondation Solomon R. Guggenheim, que le musée Guggenheim présente un accrochage exceptionnel des chefs d'œuvre des Musées du Réseau Guggenheim. Rappelant l'exposition inaugurale d'octobre 1997, L'Art de Notre Temps emprunte un certain ordre chronologique puisque l'exposition débute avec les avant-gardes artistiques du XXe siècle contestant l'héritage figuratif de l'art occidental, elle se poursuit avec d'importantes toiles de l'art abstrait américain et européen et se termine sur deux espaces réservés aux artistes basques, Jorge Oteiza et Eduardo Chillida. Ce véritable parcours à travers l'art du XXe siècle favorise le dialogue a posteriori entre divers mouvements, notam-
ment expressionnisme, cubisme et surréalisme, et elle est aussi un hommage aux politiques d'achat du réseau des Guggenheim qui, dès 1953 décela le talent chez le jeune Chillida et acquit Desde dentro (De l'intérieur). L'espace réservé à Jorge Oteiza montre comment le sculpteur guipuzcoan organise son travail en séries expérimentales. Cette exposition exceptionnelle reste un rendez-vous immanquable en compagnie de Vassily Kandinsky, de Joan Miró, des acteurs de l'Action Painting, Jason Pollock ou Mark Rothko, ou encore des maîtres de l'art informel comme Jean Dubuffet et Asger Jorn, et bien sûr de la scène artistique new-yorkaise autour de Robert Morris, Bruce Nauman, Lawrence Weiner ; ou encore le Pop Art à travers ses théoriciens… britanniques. Jusqu'au 3 mai 2015
Mots-clés/Hitz gakoak : Attractivié : erakargarritasun Chronologie : kronologia Art abstrait : arte abstraktu Étoile : izar
culture
Abbadia fête ses 150 ans Il y a 150 ans, en 1864, Antoine d'Abbadie demandait à Viollet-le-Duc de lui construire un château-observatoire entre montagne et Océan, presque entre Egoalde et Iparralde, sur un domaine de plus de 450 hectares. Cette bâtisse néo-gothique témoigne de la vie de son initiateur, infatigable voyageur, explorateur, géodésien, cartographe, linguiste, philologue, ethnologue et aussi mécène de la culture basque. Antoine d'Abbaddie meurt en 1897. Deux ans auparavant il légua son domaine à l'Académie de Sciences qui en est toujours propriétaire. À l'occasion de ce 150e anniversaire, des animations : concerts, colloques, expositions et des visites du château et de ses incomparables collections sont organisées jusqu'en décembre. Une belle occasion de découvrir un des lieux les plus étonnants et les mieux préservés, du Pays basque. Rens. : www.chateau-abbadia.fr
Vitoria-Gasteiz Violence invisible agenda >>>
visite
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Coproduction entre Artium, le musée d'art contemporain de la capitale d'Euskadi et celui de Belgrade, le projet met en scène la violence dans ses aspects les plus invisibles : violence domestique, du monde du travail, etc. Jusqu'au 11 janvier 2015
Gernika-Lumo Marché
C'est l'une des plus importantes foire de Biscaye avec plus de 900 stands dressés dans les rues du centre-ville. 27 octobre
Biarritz Lurrama
C'est l'oiseau qu'on aimait
Mikel Laboa tient incontestablement une place à part dans la chanson basque, et reste l'un des artistes les plus emblématiques de la culture basque et bien au-delà. Le compositeur de Pasaia, également psychiatre, à toujours revendiqué sa double activité comme un engagement militant. Dans les années 50, en pleine période franquiste, il fonde, avec Jorge Oteiza, Benito Lertxundi, Xabier Lete, Néstor Basterretxea et quelques autres, le mouvement culturel Ez Dok Amairu (Il n'y a pas de malédiction). Le compositeur de Txoria Txori, vit certains des ses albums interdits par la censure franquiste avant de connaître le succès au-delà de ses frontières. Sa version de Txoria Txori fut même reprise par Joan Baez. Pour mieux connaître ce personnage hors du commun, parti en 2008, c'est à Marisol Bastida, sa compagne depuis 1964, que les éditions Elkar ont confié le soin d'écrire cette émouvante et magnifique biographie toute à la fois rigoureuse et intime. Le livre n'est disponible qu'en basque et castillan. Memoriak. Mikel Laboaren biografia bat. Egilea : Marisol Bastida. Elkar. 24,50 €
Les mots de Biarritz es amoureux de littérature et de la Cité d'Eugénie connaissent certainement les lignes que lui ont consacré Victor Hugo et son célèbre « Somme toute, avec sa population cordiale, ses jolies maisons blanches, ses larges dunes, son sable fin, ses grottes énormes, sa mer superbe, Biarritz est un lieu admirable. Je n'ai qu'une peur, c'est qu'il devienne à la mode. » Ah ! La clairvoyance des plus grands ! On connaît également les souvenirs de Flaubert, de Mérimée ou de Taine, mais l'intérêt de ce petit recueil Je vous écris de Biarritz, est de recenser, de 1528 à nos jours, de nombreux témoignages de voyageurs, plus ou moins littéraires. Ainsi on y découvre sous la plume de
L
l'inquisiteur de Lancre quelques Biarrotes maquillées en Circé basque, ou encore Malherbes et Posper de Lagarde qui apprécient les « petites maisons blanches » et Hemingway qui, rentrant des Sanfermines, invite ses amis « à Biarritz, pour prendre un verre ». Le charme de ce livre réside dans ces miscellanées d'inégal intérêt, mais dont la confrontation permet d'écrire une sorte de portait impressionniste du port basque. Toutes les époques, des écrivains plus ou moins inspirés et au résultat un bonheur de lecture dans lequel on peut picorer à volonté ou au contraire s'abandonner pour un drôle de voyage à travers les siècles. Je vous écris de Biarritz, Pimientos. 15 €.
Initiée Euskal Herriko Laborantza Ganbarra pour promouvoir une autre forme d'agriculture, durable et respectueuse des hommes et de la nature, la manifestation s'est inscrite comme un rendez-vous essentiel à la réflexion et au débat sur l'avenir du Pays basque. Lurrama est un lieu d'échanges et de débats. Tables rondes et conférences s'interrogeront sur la place et les enjeux de l'agriculture. Signalons également le Village alternatif, une occasion de rencontrer de nombreux acteurs de la vie associative basque. Du 14 au 16 novembre à Biarritz Halle d'Iraty.
Orisoain
Fête de la truffe Dans le Valdorba, cette vallée de Navarre, la truffe a trouvé une terre d'élection. Cette foire annuelle sera l'occasion de découvrir la truffe navarraise et bien sûr de la déguster en de multiples préparation. 14 décembre
Hendaye
Hommage à Luis Mariano Piano, chant et récital classique à l'occasion du 100e anniversaire de la naissance du célèbre chanteur d'Irun.
Salle Les Variétés. Rens. : 05 59 31 21 70 6 décembre
Mythologie
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t e x t e Txomin Laxalt
Izena duen guztia omen da. tout ce qui porte un nom existe.
Laminak, eraikitzaileen epopeia Lamin, une saga de bâtisseurs Statue représentant une lamina dans le village d'Arrasate en Gipuzkoa.
Lamina ez da bakarrik gure haurtzaroaren ipuinen pertsonaia zintzo bat.
Q
ui n’a pas rêvé un jour de voir son travail accompli à la perfection par quelque entité féerique ? D’ailleurs est-ce un hasard si parmi les êtres peuplant la riche mythologie basque, Lamin (ou Lamina ou Lamiña, Amilamia à Agurrain, Eilamia à en Aezkoa) est le plus connu pour ses talents, outre de bâtisseur, de dépatouilleur d’embrouilles ? Le plus connu ? Rien n’est si sûr. Du reste comme l’on peut discuter longtemps du sexe des anges, bien malin celui qui définirait celui des Lamin. Si, selon le père José Miguel de Barandiaran (Atáun, 1889 – 1991), un ethnographe maître en la matière, la plupart des légendes le situent du côté du beau sexe, en Iparralde, Lamin serait plutôt hermaphrodite. Claude Labat, disciple éclairé du précédent et qui partage depuis de longues années l’insigne honneur de côtoyer de près les êtres de nos fontaines, de nos forêts et de nos ravins, et de partager, dit-on, l’intimité des nymphes d’Euskal herria, en trace un portrait précis : « Une chose est sûre, dans la majorité des récits que j’ai lus, les Lamina sont des filles ou des femmes, et elles semblent plutôt belles, voire coquettes ; il suffit de voir le temps qu’elles passent à leur toilette ! Beaucoup de récits laissent entendre aussi que les Lamina sont de petite taille, et parfois de très petite taille, puisqu’on peut les enfermer dans une mesure à grains. » Tous les récits se recoupent et, à défaut d’avoir le pied mignon, le Lamin se distingue par des pattes palmées. Claude qui correspond avec eux (elles), affirme que leur voix est suave, et, connaissant leur langue, a établi un vocabulaire : « Plusieurs légendes permettent de dire qu’elles utilisent des expressions propres comme des onomatopées : pirun-pirun ou firin-firin pour dire finement, purdun-purdun, furdulu-furdulu, fran-fran pour dire maladroitement, pordolka-pordolka, purdukun-purdukun pour grossièrement. » Quant à son habitat, le montagnard vous citera
plus d’une cavité l’évoquant et c’est vrai que les laminzulo (trou de Lamin) sont légion entre Bizkaia et Zuberoa. De Barandiaran évoque d’ailleurs une toponymie couvrant l’ensemble des sept provinces : Lamien ziluak à Camou Cihigue (Ziberoa), Laminosin (le puits des Lamin) à Jutsi, Lamuxain à Sara, Lamien leze à Zugarramurdi et même un Lamiñen eskaatza (cuisine des lamin à Arrasate), rappelant au passage que ces êtres connaissent, les affres du quotidien, qu’ils ont une vie sentimentale, et surtout qu’ils sont mortels ; peut-être est-ce pour cette raison qu’ils ne sont pas les aimables gnomes des contes de notre enfance, pouvant se révéler d’une cruauté consommée envers les humains.Bâtisseurs, on leur attribue, nuitamment, la construction de ponts et de châteaux et l’achèvement des œuvres humaines. Car Lamin est une entité de la nuit et, rappelle Claude Labat : « quand on essaye de comprendre le sens des légendes concernant ces personnages on reste étonné par la portée et la profondeur de ce qu’on découvre. » Et d’évoquer le rapport qu’entretiennent ces êtres mythiques avec la lumière, « un thème majeur et sans doute très ancien connu dans la vaste zone vasconne qui, durant l’Antiquité s’étend de la Garonne à l’Èbre. » Il reste évident que le Lamin est étroitement lié au monde souterrain mais aussi au culte des eaux. Gardiens des trésors souterrains, représentés dans les contes par le convoité peigne d’or qui n’est que le symbole de la sagesse, n’aurions nous pas intérêt à considérer différemment nos fontaines et les cavités de nos montagnes ?
Mots-clés/Hitz gakoak : Fontaine : iturri Trou : zulo Peigne d’or : urrezko orrazi Conte : ipuin
À lire Libre parcours dans la mythologie basque, Édition Lauburu / Elkar, par Claude Labat (lire Ibilka n°2)
table
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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Cédric Pasquini
La Ferme gourmande
authentique et différent egiazko eta desberdina
Ortzaizeko garaieretan, Henri Amestoy-en La Ferme Gourmande jatetxeak, herriko ekoizleek hornitutako kalitatezko produktuak proposatzen dizkizue. ’est un cadre ! », s’exclame-t-on volontiers quand il s’agit d’accorder un plus au restaurant que l’on vante autour. Une expression qui prend toute sa force quand elle s’applique à La Ferme Gourmande. La maison Landaburia d’Ortzaize (Osses) – une ancienne ferme qui respire à l’esprit du lieu, à la quintessence du piémont basque. Pour s’y rendre, il aura fallu laisser le bourg derrière soi et après avoir abandonné la route d’Irisarri, s’élever vers les hauts de la commune. Pour peu que flemmardent des floches de brume matinale, tapissant le fond de vallée et le spectacle relève du sublime, alors qu’émergent le Baigura à main droite, la citadelle d’Iparla en face et que s’ébrouent les sommets navarrais à main gauche, bref un régal des yeux, bonnes prémices ! C’est ici, avec son épouse Alexandra, qu’Henri Amestoy a allumé ses fourneaux. À propos de fourneaux, il l’avoue lui-même : « si je devais citer un objet, ce serait un fourneau avec le bois dont ama se servait pour la cuisine et >> pour chauffer la maison. » On l’aura deviné, Henri Amestoy est un enfant du pays, fils de berger et quand on lui demande comment il en est venu à la cuisine, il répond : « en léchant les casseroles d’ama ! » et d’évoquer une crème pâtissière qui relèverait de la madeleine de Proust ! Après le passage à l’école hôtelière de Biarritz, le parcours d’Henri n’est pas sans évoquer l’un ces Tours de France des compagnons dont la réputation de meilleurs artisans n’est plus à démontrer. Trois ans à l’ancien restaurant Bidartea, un passage au Cabanon de Magesq puis chez Jean-Pierre Caule à Mimizan (Au Bon coin du lac), en guise de hors-d’œuvre. Pour le plat principal, Le Château de Bagnols, une merveille médiévale, en Beaujolais où,
C
«
La crème pâtissière d'ama est sa madeleine de Proust
entre deux réunions du G7 de 1996, les puissants de ce monde, vinrent y croiser la fourchette. « Pour moi, petit paysan de Macaye, ce fut surtout une expérience décisive, tant d’un point de vue culinaire qu’humain. » En guise de dessert, un an au Carlton de Cannes et pour la repasse, un an encore au Château de Bagnols. L’heure sonne alors d’allumer ses propres fourneaux et en 2008, après neuf années à la tête d’un restaurant à Frontonas, dans la région de Lyon, l’impérieux besoin de revenir au pays sonne comme la fin de la bourlingue initiatique. Le hasard d’une rencontre, l’heureuse association avec Betti Castorène, un cuisinier uztaritztar qui préfère cependant les cieux africains pour s’exprimer et c’est naturellement que tout fin palais se retrouve à l’une des tables d’hôte du restaurant d’Ortzaize. On pourra toujours s’essayer à un merlu, de Francisco, bien sûr, le poissonnier volant, carottes à la vanille et beurre de cassissier, une déclinaison subtile de ce fruit sauvage ou un broccio basque, rémoulade de chou-fleur et ail d’ours, notre Hartz baratxuria, cette plante censée faire seulement le régal du noble plantigrade pyrénéen. Ici, pour les produits : « plutôt que du trop rabâché bio, je préfère parler de produit de qualité droit issu du producteur local. » Du reste, louable initiative d’Henri Amestoy, la dernière page de la carte décline la liste de tous les artisans locaux avec lesquels il travaille. À ce propos, Henri nous avait suggéré un menu à 30 €, mitonné à sa façon : vinaigrette de tomate de Xoltidea avec yaourt de Berhocoirigoin en entrée, une longe de chez Pierre en croûte de polenta de chez Jean Harlouchet (Duzunaritze) en plat principal et, pour terminer, un plateau de fromages basques. La Ferme Gourmande n’affiche pas une carte des desserts et joue de l’effet surprise. Il faudra donc s’en remettre au caprice du chef lequel, ce jour-là, se sentait inspiré par une mousse légère autour du haricot tarbais cuit dans un sirop vanille avec crème et rhum. Un vin d’Irulegi pour arroser le tout. Cette envie de se mesurer, d’innover, de se mettre en danger dans un pays, il est vrai, où les habitudes culinaires ont la vie dure, n’a pas échappé aux fines papilles nationales qui ont fait entrer l’établissement dans le Bottin Gourmand. La Ferme Gourmande – Maison Landaburia – Ortzaize/Osses – Tel : 05 59 37 77 32 – 06 17 0 48 27 90 – www. Restaurant-fermegourmande. com – Fermé dimanche soir, lundi, mardi.
Mots-clés/Hitz gakoak : Merlu : legatz Fourneau : labe Haricot : babarrun, indaba Chou-fleur : azalore
diaspora
t e x t e Txomin Laxalt
D
écidément, à l’instar du royaume de Charles Quint sur lequel le soleil ne se couchait jamais, on pourrait affirmer qu’il fait toujours jour quand on parle du Pays basque. Nous avions rencontré Sho Hagio (1962, Fukuoka, Japon), conseiller à l’Euskal Etxe de Tokyo, lors de l’édition 2014 de Herri Urrats. Une déroutante et heureuse rencontre qui s’était déroulée un verre de beltz (vin rouge) à la main et, qui l’aurait imaginé, en euskara. Sho a commencé à apprendre l’euskara il y a une trentaine d’années, une rencontre que l’on peut qualifier de fortuite alors qu’au sein de l’Université des Études étrangères de Tokyo, étaient dispensés de sommaires cours de basque. Interpellé, il s’intéresse à l’euskara et à la culture d’Euskal herri. Il achève ses études à Toulouse-Le Mirail (année universitaire 1986-1987) avec la rédaction d’un mémoire dédié aux ikastolak, euskaltegiak (lieux d’enseignement de l’euskara) et aux mouvements sociaux, sous la direction du prestigieux linguiste et bascologue, Jacques Allières, auteur de l’incontournable Les Basques*. Fort de plusieurs ikastaldi (séjours linguistiques) intensifs en Hegoalde, Sho Hagio va initier une aventure inédite. « Je crois que ce qui m’a touché dans la culture basque, ce sont sa diversité et ses couleurs, quels contrastes ! La richesse de ses différents euskalki (dialectes), la puissance de l’auzolan (le travail en commun), la force de la tradition et de la modernité réunies, c’est aussi sans doute ce qui rapproche le Japon et le Pays basque. Pourquoi j’ai appris l’euskara ? C’est une question que l’on me pose souvent, en fait je ne m’en souviens pas vraiment, sans doute au début une démarche intellectuelle issue de l’intérêt que je portais à la culture occidentale. Nul doute que ce qui me séduit aujourd’hui, c’est cet attachement des Basques à leur langue, leur opiniâtreté au travail comme à la fête, un mode de vie, une approche de la démocratie au quotidien qui n’existe pas au Japon. » Sociologue et sociolinguiste, Sho est aujourd’hui professeur à l’Institut de technologie Nagoya, une université du Japon. Outre les lectures sur les cultures et les sociétés françaises et
Ce qui me séduit, c'est l'attachement des Basques à leur langue
Tokyo-ko le Pays basque au cœur Euskal Herria bihotzean
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Euskal etxea 2014-ko Herri urrats kari topatu dugu. Sho Hagio-k, gaur Tokyoko euskal etxearen aholkularia, kontatzen digu euskararentzat bere pasioa.
espagnoles qu’il assure, celles concernant le Pays basque réunissent aujourd’hui quelque 20 élèves.
Célébration des grandes dates C’est en mai 2006 que naît à Tokyo l’EuskalJaponiar Elkartea, elle réunit aujourd’hui 70 membres, non pas pour mettre en avant la seule culture basque mais pour défendre en même temps la culture japonaise. En 2009, naît la Tokyoko Euskal etxea, émanation de la précédente, qui réunit les plus passionnés par la culture d’Euskal Herri. « Aujourd’hui nous ne sommes que sept mais nombreuses sont les demandes d’adhésion. Nous sommes tous Japonais, hormis le président natif de Gasteiz. Pour cette raison on ne peut véritablement pas parler de diaspora au Japon. Le gouvernement basque a reconnu l’association sous le vocable groupe humain (gizatalde) d’intérêt basque. Pour résumer, il y a, >> disséminés à travers le Japon, deux sortes de Basques : quelques anciens présents depuis une cinquantaine d’années pour des raisons professionnelles et des ecclésiastiques mais de moins en moins. Enfin quelques jeunes qui travaillent dans des entreprises internationales et d’autres, venus parfaire leurs études. » Quelle perception ont les Japonais d’Euskal Herri ? Sho reconnaît que, si ses compatriotes connaissent le nom de Frantzisko Xabier (1506-1552 ), le Jésuite qui évangélisa, ou plutôt tenta d’évangéliser, le Japon, peu savent qu’il
était navarrais. « On a commencé à parler du Pays basque au Japon dans les années trente mais surtout dans les années 1970 quand les médias se sont intéressés d’un côté à la singularité de la langue et d’un autre à la problématique politique liée à la lutte armée d’ETA. Mais la société japonaise s’est découvert un intérêt pour la gastronomie : les pintxo, le txakolin, le sagardo, les sports, que ce soit à travers les équipes de foot phares ou les Herri kirolak (sports populaires, que l’on désigne à tort par force basque -NDLR). Au niveau de la musique, les noms de Kepa Junquera, Oreka TX, Fermin Muguruza, ne sont pas inconnus ici. » Et comme il se doit, à l’Euskal etxe de Tokyo, outre les échanges internationaux réguliers à propos de la culture basque, des conférences, on célèbre les grandes dates qui ponctuent l’année : le jour international de l’euskara, l’Aberri eguna, le jour du bombardement de Gernika ; sans oublier bien sûr des sessions gastronomiques sans lesquelles une Euskal etxe ne serait pas une Euskal etxe. Comme on s’étonne de l’aisance avec laquelle Sho manie l’euskara, il répond naturellement : « J’ai pu apprendre plus facilement l’euskara que le français et l’espagnol ; en effet sans établir une quelconque relation linguistique entre le basque et le japonais, on peut cependant noter quelques similitudes (antzekotasuna). » Ce qui manque le plus à Sho, c’est une pratique régulière. Heureusement, il y a Internet, les mails que l’on ne manque pas de lui adresser régulièrement, et surtout des séjours quasi annuels en Euskal Herri, histoire de rester dans le bain, s’il en est jamais sorti. * 1977, collection Que sais-je ?
Mots-clés/Hitz gakoak : Conseiller : aholkulari Société : gizarte Rencontre : topaketa Conférence : hitzaldi