Ibilka #4

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tradition

confidences. Les 3 000 brebis du troupeau des cinq frères Otal, rejoignent le troupeau d’Angel Mari. Unis comme les doigts de la main, forts en gueule et rigolards, les frangins se pressent autour du feu. Un de leurs chiens, un redoutable mâtin, arbore encore l’impressionnant collier de fer muni de pointes. Le molosse n’a pu empêcher, cette année, l’ours de dévorer une vingtaine de brebis sur leurs pâturages roncalais de Belabarze, prétend Oscar, l’aîné. Souvenirs, charcutaille, le xahakoa court de bouche gourmande en bouche insatiable, cigarettes et souvenirs encore autour du brasier ; souvenirs de transhumances mémorables, de temps révolus, quand le sac à dos, les godasses de trek et le blouson de montagne tendance n’avaient remplacé ni la besace, ni la peau de mouton, ni les abarkas de cuir. On fait aussi le bilan d’un métier moribond parce que difficile, aussi dévalué que le prix des bêtes et qui contraint à un pesant célibat. Le constat est amer, les troupeaux vont diminuant, sept qui transhument du Roncal pour trois seulement de Salazar. Ces hommes font figure de déracinés. Si vous leur demandez d’où sont-ils originaires, ils vous répondront sans hésiter : « Du Roncal ! », alors que la plupart sont nés dans la Ribera, dans ces communes ceignant les Bardenas vers lesquelles ont définitivement émigré les arrières grands-parents pour assurer

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Le constat est amer : un métier moribond, aussi dévalué que le prix des bêtes la transhumance d’hiver. La gnôle surgit, histoire de retarder le moment de gagner le duvet pour l’intimidant face à face avec la sombre luminescence nocturne. La gueule de bois a eu raison de la vigilance et de la sonnerie du réveil mais pas de l’horloge biologique des deux troupeaux désormais mêlés lesquels, sans attendre la levée des corps, se sont élancés à travers la sapinière vers le col d’Arangoiti (1 300 m), au débouché de la vallée du Roncal. Froilan, renfrogné, marmonne sous le bob les récriminations d’usage : « Je l’avais prévu moi, mais les jeunes, ça n’écoute pas. » La vue sur la retenue de Yesa, pareille à une petite mer est magnifique. Les bêtes s’engouffrent dans la brèche minérale et louvoyant entre le buis, funambulant et piétinant sur l’étroit sentier, entreprennent la longue descente vers le monastère de Leire. Elles pressent le pas pour rejoindre la nationale. Raz-de-marée laineux, les quatre

Milliers de brebis Les troupeaux de 4 000 brebis, tel un raz-de-marée laineux s'alongent le long de la cañada sur plusieurs cenntaines de mètres avant de déferler sur la route, véritable tsunami ovin.

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