5 ANS! POUR SORTIR! DE LA CRISE DU! LOGEMENT! débats des 26 et 27 mai 2011! à Aubagne!
1ÈRES RENCONTRES NATIONALES DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT
5 ans pour sortir de la Crise du Logement
3
22 fÊvrier 2012 coordination François Rochon HQB conseil
4
5 ans pour sortir de la Crise du Logement Débats des 26 et 27 mai 2011 à Aubagne
Rencontres Nationales du Logement et de l’Habitat 5
Introduction
Une initiative locale à résonnance nationale MAGALI GIOVANNANGELI Présidente de la Communauté d’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile Les premières Rencontres Nationales du Logement et de l’Habitat se sont déroulées les 26 et 27 mai 2011 à Aubagne, avec près de 250 participants dont l’origine traduisait bien l’esprit du projet. S’étaient en effet joints aux acteurs et citoyens de notre territoire des Bouches du Rhône autant de personnalités venues du grand Sud Est que de toute la France. Une nouvelle fois je tiens ici à remercier chacune et chacun d’entre eux, personnellement et au nom du Pays d’Aubagne et de l’Etoile. Je me permets de remercier aussi le cabinet HQB conseil et tout particulièrement Razzy Hammadi pour sa contribution et son aide dans l’organisation de ces 2 journées. Je n’oublie pas non plus celles et ceux qui se sont impliqués dans la préparation de cet événement. Car depuis le mois de février des ateliers citoyens, des conférences-débats et des visites sur le terrain se sont tenues dans les communes du Pays d’Aubagne et de 7
l’Etoile. Dans ce territoire un peu particulier, nous travaillons les alternatives à partir des réalités et des difficultés que rencontrent les habitants, avec l’exigence de construire les réponses avec eux. Ce travail est concret, nous essayons d’obtenir des résultats tangibles. Je citerai évidemment la plus emblématique de nos politiques : la gratuité des transports dont nous fêtons cette année le deuxième anniversaire. Au-delà du succès quantitatif - la fréquentation a augmenté de 120% en 2 ans - cette décision a permis une formidable réappropriation de l’espace public et des services publics par les habitants. Le droit de se déplacer est devenu aussi naturel que l’air que l’on respire. Il en devrait être de même, je crois, du droit au logement. Que les choses soient claires, nous ne sommes pas un modèle. Comme beaucoup ici, nous sommes des élus qui avons la volonté, avec les fonctionnaires territoriaux et les citoyens, de s’enrichir de la rencontre avec l’autre : nous sommes en recherche permanente. C’est un plaisir et je dirais une impérieuse nécessité de construire à mille mains les projets, pour reprendre une expression bien connue par ici. C’est ce que je nomme l’intelligence collective au service de l’intérêt général. Le sujet posé par les RNLH fait pleinement partie des défis à relever ensemble. La situation actuelle du logement est indigne du XXIe siècle. Des femmes, des hommes, des enfants vivent dans des situations inimaginables. On assiste à un véritable retour en arrière. La crise du logement n’est pas seulement aiguë : elle s’enracine, elle dure. Aussi ces rencontres sont-elles arrivées dans un moment charnière. Nous avons débattu avec pour objectif que naisse de nos confrontations des pistes innovantes et créatrices. L’urgence est réelle. Dernièrement une cinquantaine de députés UMP a déposé une proposition de loi attaquant la 8
loi SRU. Ce n’est pas un acte isolé, le gouvernement lui aussi ne cache pas sa volonté de baisser l’obligation de construire des logements sociaux, un choix qui tourne le dos à nos concitoyennes et concitoyens. Le droit au logement fait partie des droits fondamentaux à l’instar du droit de se déplacer, du droit à l’éducation, à la santé, à l’eau à l’énergie. Souvenons-nous qu’au sortir de la guerre, alors que le pays était exsangue, le Conseil National de la Résistance avait inscrit dans son programme la création de la sécurité sociale pour faire de la santé un droit. Ne devrait-on pas se demander aujourd’hui s’il faut créer une sécurité sociale du logement ? L’une des principales causes de la crise est d’avoir mis le logement sur le terrain du marché. N’est-il pas temps de réfléchir ensemble à la création d’un service public du logement placé sur le terrain des biens communs ? Certains veulent affaiblir la loi SRU, a contrario n’avons-nous pas à porter le débat sur cette question ? Cette loi n’est pas une fin en soi. L’objectif des 20% de logements sociaux ne représentait déjà qu’un plancher minimum : dans les faits il s’est transformé en plafond. A contre-courant de la politique dominante, le Pays d’Aubagne et de l’Etoile a élevé ce plafond à 30%. Cette question ne mérite-t-elle pas d’être posée à l’échelle de notre pays ? Proposer pour imposer DANIEL FONTAINE Maire d’Aubagne, Vice-Président délégué au Logement et à l’Habitat du Conseil Général des Bouches du Rhône A mon tour, il me revient de présenter tous mes remerciements aux participants des RNLH. En particulier à ceux pour qui venir dans une petite ville perdue au fin fond de la Méditerranée n’est pas toujours aisé… 9
En quelques mots, je souhaiterais illustrer deux notions sous-jacentes dans les propos de Magali Giovanangeli : celle d’expert et celle de citoyen. Pour avoir salué à leur arrivée la plupart des participants, je sais que tous sont quelque part experts dans le domaine du logement. Tous sont également citoyens parce que chacun a besoin d’un toit sur sa tête. Je dirais même d’un toit décent : c’est certainement le sujet le plus important pour nos concitoyens. Et je ne suis pas convaincu que dans les mois à venir, ce sera le sujet le plus traité des grands débats de société. Tous, nous sommes imprégnés de ces problèmes de logement, parce qu’on en entend parler en permanence dans notre quotidien. Je me permets donc de parler de ce que je ressens, de ce que j’entends et de ce que j’ai vécu à titre personnel dans ces dernières 48 heures. Hier, Fête de la Paix à Aubagne, magnifique manifestation, beaucoup de monde, beaucoup d’enfants surtout. Que viennent dire certains parents quand ils voient le Maire ? Ils viennent tout simplement dire, « Monsieur le Maire, vous savez, je suis dans un logement qui n’est pas beau. Il est humide, il est ci, il est ça... Je sais que c’est compliqué, pensez à moi ». Ça, c’était hier après-midi ; trois fois. Le soir, à la fin de la fête, on se retrouve à la Communauté d’Agglomération où nous délibérons. 600 logements locatifs neufs dans l’ensemble du territoire, dont l’instruction commençait hier, seront livrés dans l’année et demie à venir. Ce matin, 7 heures, France Info. J’apprends que quelqu’un dans le monde vient de se loger dans un logement dont on ne sait pas tellement s’il mesure 300 ou 600 m! pour $50 000 par mois. Comment voulez-vous, à un moment donné, que les gens comprennent quelque chose à ce monde-là ? 10
Après avoir écouté cette bonne nouvelle, je fais mon courrier ce matin avant de partir et je suis invité le 8 juin aux Etats Généraux du Logement. Je regarde qui sont les intervenants lors de cet événement. Au-delà des experts, au-delà des citoyens, tous les politiques de toutes tendances se suivent les uns derrière les autres. Pensezvous que ces gens-là ne s’engageront pas la main sur le cœur ? « Nous savons que le logement est la première préoccupation des Français et donc nous allons tout faire pour. » A travers ces quatre exemples, on s’aperçoit qu’on est confronté dans ce pays à deux difficultés. Premièrement, l’injustice sociale dans le domaine de l’habitat. Deuxièmement, le grand problème de nos politiques aujourd’hui : celui des promesses non tenues. Il me semble que les premières RNLH avaient pour but d’essayer de dissiper un certain nombre de choses que nous n’acceptons pas. Nous avons travaillé à proposer en tenant compte de chacun, et je sais que les propositions sont de qualité. Mais je crois aussi que si nous ne faisons que proposer, nous n’aurons été qu’une rencontre de plus sur les mêmes sujets. J’aimerais que nous arrivions aussi à imposer, à ceux qui dans quelques mois auront à se prononcer nationalement sur ces questions fondamentales.
11
Les multiples visages de la crise du logement I. Etude JEAN-CLAUDE DRIANT Professeur des Universités à l’Institut d’Urbanisme de Paris
La France entre dans une période politique importante à moins d’un an de l’élection présidentielle et il semble, à entendre les déclarations des principaux chefs de partis politiques, que le problème du logement soit l’une des questions prioritaires de l’agenda de cette année électorale. Essayons de comprendre pourquoi. Pourquoi la question du logement revient-elle dans le débat politique ? Depuis le début des années 2000, il est redevenu fréquent de parler en France de « crise du logement ». Donnons quelques explications de cette situation qui peut sembler paradoxale, alors que les conditions de logement de la grande majorité des Français n’ont jamais été aussi 13
bonnes. En effet, en première analyse, il faut constater que la situation du logement en France est plutôt bonne : !
L’offre est diversifiée, avec un taux de propriétaireoccupants de 57%, un parc locatif privé de près de six millions de logements et plus près de quatre millions et demi de logements locatifs sociaux.
!
Le confort a considérablement progressé au cours des 40 dernières années. Deux exemples : ! La part des logements ne disposant pas du confort sanitaire (WC et baignoire ou douche à l’intérieur) est passée de 47% en 1970 à 1,3% en 2006. ! La surface moyenne par personne est passée, au cours de la même période, de 22m! à 40m!
Il en résulte que le taux de satisfaction des ménages à l’égard de leurs conditions de logement est très élevé : plus de 80% aujourd’hui. Si on s’intéresse maintenant à l’activité immobilière au cours des années 2000, on constate principalement deux choses. L’activité de construction de logements neufs s’est accrue sensiblement au cours de la période, atteignant avant le retournement de 2008 un niveau de 400 000 logements mis en chantier, niveau que nous n’avions pas connu depuis la fin des années 1970. Mais l’événement majeur de la période récente est la très forte hausse des prix des logements qui a commencé à la fin des années 1990. En effet au cours des années 2000 les prix de vente des logements en France ont plus que doublé, alors que les loyers connaissaient des augmentations importantes (+33% et même près de 50% dans l’agglomération parisienne, pendant que l’ensemble des prix à la consommation n’augmentait que de 20%). Il faut noter que la crise financière et immobilière a eu des effets modérés sur le 14
secteur du logement en France. Après un choc en 2009, les prix sont repartis à la hausse dès 2010. Quant à la construction de logements neufs, après deux années de chute, elle a connu une légère reprise en 2010 et une nouvelle accélération au premier semestre de 2011. Quelles sont donc, dans ce contexte, les raisons qui justifient que l’on parle autant de crise du logement ? Pour répondre à cette question, je propose quatre regards complémentaires qui montrent que les grands indicateurs macro-économiques masquent la persistance, voire l’aggravation, de situations difficiles pour un nombre croissant de personnes et de familles en France. Le premier de ces éléments est familier des acteurs du logement de notre pays. Chaque année, la fondation Abbé Pierre, publie un rapport sur le mal logement en France. Cette publication donne lieu à une manifestation publique très relayée par les médias. Parmi les multiples informations contenues dans ce rapport annuel, un chiffre attire toujours l’attention, celui du nombre de personnes non logées ou très mal logées. Le rapport publié en 2011 totalise plus de 3,6 millions de personnes connaissant ce genre de situations. Parmi celles-ci, près de 700 000 personnes sont privées de domicile personnel, vivent sans aucun domicile (133 000), dans des foyers spécialisés, des chambres d’hôtel, des habitations de fortune, des campings, ou sont contraints d’être hébergés chez des amis ou des membres de leur famille. Les autres (3 millions de personnes) sont logés, mais dans des conditions très mauvaises, soit du fait de l’inconfort de leur logement, soit parce qu’ils s’y trouvent en surpeuplement, soit encore parce que leur contrat d’occupation est précaire.
15
Les chiffres du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre (2011) Personnes privées de domicile personnel 685 116 Dont sans-domicile 133 000 Dont personnes en résidence sociale ex nihilo (hors 18 116 FTM et FJT) Dont résidence principale en chambre d’hôtel 38 000 Dont habitations de fortune: cabane, construction provisoire, personnes vivant à l’année en camping ou 85 000 en mobil-home… Dont personnes en hébergement « contraint » chez des 411 000 tiers Personnes vivant dans des conditions de logement très difficiles (hors personnes cumulant inconfort et 2 778 000 surpeuplement) Dont privation de confort 2 123 000 Dont surpeuplement « accentué » 800 000 Personnes en situation d’occupation précaire Locataires d’un logement loué meublé (hors hôtels 172 874 garnis et hors étudiants appartenant au premier quartile de niveau de vie « Gens du voyage » qui ne peuvent accéder à une 86 612 place dans les aires d’accueil aménagées TOTAL 3 867 575 Personnes cumulant plusieurs difficultés (doubles 210 000 comptes) Total tableau (hors cumul de difficultés) 3 657 000
Le deuxième élément sur lequel je souhaite insister est la croissance de l’effort financier en matière de logement, surtout pour les ménages à revenus modestes. Entre 1970 et 2006, l’effort financier moyen des ménages en matière de logement a plus que doublé. Les locataires et les propriétaires ayant un crédit en cours de remboursement consacrent, en moyenne, un quart de leur revenu à payer les charges de leur logement. Mais si on concentre le regard sur les locataires à revenus modestes (ceux appartenant au premier quintile de la répartition des 16
revenus par unité de consommation), on constate que leur effort financier est très élevé, surtout s’ils sont locataires du secteur privé où leur taux d’effort moyen atteint presque 50% et a augmenté de 10 points en quatre ans. J’ai tenté, pour la Fondation Abbé Pierre, une mesure du nombre de ménages dont l’effort financier pour le logement peut être considéré comme excessif en fixant un taux d’effort total net maximum de 35% (incluant les dépenses d’eau, de chauffage et d’électricité et après versement des allocations de logement) et un revenu résiduel par unité de consommation de 500 euros par mois. Dans ces conditions, plus de quatre millions de ménages peuvent être considérés comme vivant une situation financière difficile à cause du coût de leur logement, soit 16% des ménages vivant en France. Typologie de l’effort financier des ménages en 2006 Source : Insee – Enquête logement 2006 Niveau de vie résiduel
Taux d'effort total net supérieur à 35%
Taux d'effort total net inférieur à 35%
Ensemble
Inférieur à 300 euros
1 634 000
1 220 000
2 854 000
De 300 à 500 euros
418 000
988 000
1 406 000
Supérieur à 500 euros
2 360 000
19 744 000
22 104 000
Ensemble
4 412 000
21 952 000
26363000
Le troisième regard sur la crise du logement en France renvoie aux inégalités spatiales. Celles-ci peuvent être approchées dans trois directions complémentaires : d’abord, comme dans la plupart des pays d’Europe, du fait des grands écarts interrégionaux en matière de tension des 17
Prix de vente au mètre carrÊ, moyennes annuelles au 1er trimestre 2011 Source FNAIM (avril 2011)
18
marchés et de leurs traductions en termes de prix immobiliers tels que l’on peut les analyser à partir de documents mis à disposition par les grands réseaux de professionnels de la transaction (source Fnaim) et de la location (source Clameur). L’écart de prix moyens de vente entre le centre de la région parisienne et la plupart de villes de province est de 1 à 3,5, voir 4. Fin 2010, le prix moyen parisien était de 7000 euros par m! ; dans la plupart 19
des villes de province, il se situait entre 1500 et 2000 euros. Les villes les plus chères de la Côte d’Azur se situent aux alentours de 4000 euros par m!. Les différences sont un peu moins fortes en matière de loyers, mais elles restent importantes : Paris atteint 23 euros par mois et par m!, alors que Nice est à 14 euros, Lyon, Marseille, Nantes, Toulouse, Lille et Bordeaux entre 11 et 12 euros et de très nombreuses villes entre 8 et 10 euros. A salaire égal, on ne vit pas de la même façon à Paris, Nantes ou Limoges et les effets de l’augmentation des prix de l’immobilier y sont radicalement différents, tant pour le budget des ménages que pour leur cadre de vie.
Ensuite, dans le prolongement de ces écarts de coûts du logement, on observe de grandes inégalités en matière de construction de logements neufs. Les régions dont les marchés sont les plus tendus ne sont pas celles où l’on construit le plus de logement. Ainsi l’Ile-de-France, région capitale, où le rythme relatif de production a été le plus bas depuis plus de dix ans, ou même la région Provence-AlpesCôte-D’azur où on a construit, entre 1998 et 2010, presque deux fois moins qu’en Bretagne. L’accroissement de la construction à l’échelle nationale n’a pas profité aux régions où les besoins sont les plus forts. Dans ces régions, un déficit de logements s’est creusé. Page suivante : Constructions neuves (mises en chantier pour 1000 habitants) 1988-2010 selon les régions et nombre de demandeurs DALO pour 1000 habitants Sources : SOES (construction) et Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (DALO)
20
21
Enfin, à l’échelle des agglomérations elles-mêmes, la structure de l’offre de logements et la montée des prix ont accentué les mécanismes ségrégatifs. On peut en voir une illustration à propos de l’agglomération parisienne, dont la carte montre l’importance de l’inégale répartition spatiale des logements sociaux. Les communes principalement caractérisées par un parc de logements privés sont plus que jamais interdites aux ménages à revenus moyens, alors qu’à l’autre extrémité, les communes où dominent les logements sociaux sont habitées par les ménages à bas revenus. Pour ceux qui veulent à tout prix accéder à la propriété malgré des revenus moyens, la solution est alors de s’éloigner des villes et d’alimenter un étalement urbain qui ne semble pas ralentir malgré l’augmentation du coût des déplacements en voiture. A la crise du logement s’ajoutent ainsi les facteurs d’une crise urbaine et environnementale.
Le quatrième et dernier regard sur la crise du logement porte sur la dynamique des marchés résidentiels. La hausse des prix de vente a progressivement modifié le marché de l’acquisition en privilégiant les acheteurs qui étaient déjà propriétaires, lesquels ont beaucoup profité du niveau des prix et de conditions de crédit très favorables au cours des années 2000. A l’autre extrémité, parmi les locataires, seuls les ménages à revenus élevés ou très aidés par leur famille ont pu franchir le pas de l’accession à la propriété. Les locataires à revenus moyens, qui avaient été nombreux à devenir propriétaires au cours de la seconde moitié des années 1990 ont progressivement été écartés de ce marché et se trouvent condamnés à rester locataires. C’est particulièrement notable dans le secteur du logement social où la mobilité s’est effondrée au cours des dix dernières années. Avec un parc de 4,5 millions de 22
logements, la chute de quatre points de mobilité signifie la perte de capacité d’accueil de 180 000 ménages par an. Cela rejaillit évidemment sur l’allongement des files d’attente pour accéder au parc social et sur l’aggravation du mal logement.
Taux de rotation dans le parc locatif social (France entière) de 1999 à 2009 Source : enquête sur le parc social
On le voit, ces manifestations de la crise du logement se sont développées au cours des seules dix dernières années. Elles ne concernent le plus durement qu’une minorité de ménages, mal logés ou payant un prix trop élevé. Le fait qu’ils soient minoritaires n’atténue cependant pas le caractère scandaleux de telles situations dans un pays riche comme la France. Mais, du fait des hausses de prix, elles touchent également ceux qui doivent ou qui souhaitent changer de logement, ce qui fait entrer une partie des classes moyennes, principalement jeunes et n’étant pas encore propriétaires, dans le vaste ensemble des personnes touchées par la crise. C’est d’ailleurs sans doute cette situation nouvelle qui relance l’intérêt des partis politiques pour la question du logement. Cette dernière n’est plus seulement du ressort de l’action sociale, dirigée 23
classiquement vers les personnes pauvres sans logement ou mal logées, mais touche désormais une part significative de l’électorat. II. Descriptions
Pour illustrer ces multiples visages de la crise du logement, nous avons demandé à quinze acteurs de décrire une situation rencontrée dans le cadre de leur pratique professionnelle, militante ou identifiée à travers une recherche, une analyse. Jean-Claude Driant
Au-delà du scandale du mal-logement en tant que tel (voir à ce sujet les données annuelles de la Fondation Abbé Pierre), il me semble que l’une des caractéristiques fortes de la crise du logement telle que nous la connaissons en 2012 est la difficulté toujours croissante pour les ménages à revenus moyens à adapter leurs conditions de logement à l’évolution de leurs besoins : difficultés à sortir du parc locatif (et donc à en libérer des logements pour ceux qui en demandent), contrainte d’éloignement pour accéder à la propriété, au risque d’une forte hausse des coûts de déplacement, etc. Ces blocages de la mobilité ou les fortes contraintes qui pèsent dessus sont principalement liées à la très forte hausse des prix depuis la fin des années 1990. Ils ont fait entrer dans la crise les classes moyennes, ce qui contribue sans doute à expliquer la forte présence du thème du logement dans la campagne électorale de cette année. Jean-Luc Berho
Les salariés en précarité au regard de l’emploi (CDD, Intérim, Saisonniers, …) se trouvent dans une situation kafkaïenne : la précarité de leur emploi introduit chez le 24
bailleur des exigences supplémentaires en termes de garantie ! Coryne Agostini
Il y a trop de situations révoltantes et indignes du 21ème siècle pour n’en citer qu’une seule. Ce qui les caractérise toutes c’est la fragilisation, la précarisation des ménages quelque soit leur âge, aussi bien dans l’accès au logement que dans le maintien. Il suffit d’un accident de la vie , une perte d’emploi, une rupture pour que tout s’effondre. On assiste à des parcours résidentiels à l’envers : jeunes couples qui retournent chez leurs parents, retraités qui ne peuvent plus assumer leur loyer dans le parc privé, femmes séparés avec des enfants qui se retrouvent dans des logements insalubres. La Constitution stipule que la nation doit assurer à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à son développement. Avoir un le logement décent tout au long de sa vie en fait partie. C’est pourquoi sur ce territoire du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, on milite pour un service public de l’habitat qui permettrait d’avoir l’assurance que tout au long de sa vie on obtiendra un logement qui répond à ses besoins. Emmanuelle Cosse
Il y a évidemment les 3,6 millions de personnes sans logement ou très mal logées dont j’ai déjà parlé, mais, audelà de ces situations auxquelles nous pensons tous, je pense également à toutes ces familles qui sont apparemment bien logées mais qui, faute de pouvoir suivre la flambée des prix, en particulier en région parisienne, ont dû s’éloigner considérablement du centre de l’agglomération et de leurs lieux de travail et de loisirs. Ces personnes passent un temps considérable dans les transports, le plus souvent dans en voiture. D’ailleurs elles doivent généralement posséder une voiture pour chaque adulte et y consacrer, outre de nombreuses heures chaque 25
jour, une part conséquente de leur budget. Leur vie de famille est également fortement impactée. Les journées commencent trop tôt et finissent trop tard pour pouvoir y placer des plages horaires non contraintes. Ne nous y trompons pas : ces personnes sont bel et bien des victimes du mal-logement et nous devons proposer des politiques qui leur laissent la possibilité de choisir et non de subir leur parcours résidentiel. Tahar Eddam
Le cas d’une propriétaire surendettée, seule avec 2 enfants (accident de la vie : perte d’emploi, chômage, baisse des revenus). Elle ne peut plus assurer la mensualité de son crédit pour son appartement (résidence principale) Valeur d’achat au départ : 160 000 ". La banque saisie le bien, déclenche la procédure de mise en vente aux enchères ; le bien est vendu 100 000 ". Aujourd’hui la banque continue de poursuivre cette personne pour les sommes restant dues alors qu’il y a quelques années auparavant, les banques effaçaient les dettes restant dues ou actionnaient un fond de garantie commun leur permettant de se rembourser. Cette ancienne propriétaire qui s’est relogée en qualité de locataire doit régler son loyer de 800 " par mois ainsi que ce qu’elle doit à la banque, soit 600 " par mois (elle ne peut en aucune manière régler cette somme) et tout cela avec un salaire de 1 500 " !! Cette personne restera de longues années en situation de surendettement (elle a perdu son logement, est surendettée et elle est fichée à la Banque de France pendant 10 ans et encore poursuivie par des huissiers !) Gilbert Galliot
Un ancien collègue que la vie n’a pas ménagé, séparation, maladie grave ne lui permettant plus de travailler a d’abord été hébergé dans l’établissement scolaire où il a enseigné. 26
Comme la situation n’était pas durable il a été accueilli dans un CHRS pendant quelques semaines. Pour le moment il est logé dans un appartement relais, avec plusieurs colocataires. Odile Jacquemin
La part consacrée aux dépenses du logement et de sa gestion y compris son chauffage, surtout pour les plus faibles revenus, qui pousse des foyers à faire le choix (ou le non choix) d’habiter dans leur voiture. Michel Maso
C’est celui des couches moyennes : trop « riches » pour prétendre au logement social ; trop « pauvres » pour se loger convenablement dans le parc privé ou accéder à la propriété. Lionel Primault
La situation des nombreux travailleurs aux revenus faibles ou irréguliers qui, bien qu’ils aient un salaire, ne peuvent se loger. Ils sont des milliers à Paris, hébergés chez des tiers, dormant dans leur voiture ou parfois même à la rue. Ils sont intérimaires, policiers, agents municipaux… dans un des pays les plus riches du monde. Ils vivent leur situation dans l’isolement, dans le silence et dans la honte, comme s’ils en étaient les responsables. Roger François
Des dizaines de milliers d’humains à la rue que l’on nomme pudiquement « S.D.F. ». Pour moi, ce sont aujourd’hui, hélas, des « clochards ». Des dizaines de milliers de jeunes dans l’incapacité d’assumer le paiement de leur loyer et de fonder une famille. Des dizaines de milliers de familles dans l’angoisse de ne plus pouvoir payer les loyers ou les charges de copropriété. 27
Bernard Coloos
Je crois qu’il faut regarder avec la plus grande attention l’évolution des taux d’effort des locataires, tant en secteur privé qu’en secteur social. À ce titre, les études de l’Insee parues en 2011 sont particulièrement révélatrices d’une évolution qui affecte les ménages appartenant aux premiers déciles. Serge Incerti Formentini
Il est difficile de décrire une situation individuelle. Chaque situation est en elle-même représentative de cette crise. Demandeurs, mal-logés, sans logis, expulsés… Toutes ces situations, révèlent la crise du logement que connaît notre pays et qui n’a jamais été aussi dramatique depuis ces 50 dernières années. Aujourd’hui se loger ou se maintenir dans son logement est un véritable parcours du combattant et les choix politiques opérés ces dernières années font qu’aujourd’hui se loger devient un luxe. Mais voir un enfant mendier, sans logement, me révolte, face à l’arrogance de l’argent et des nantis. Daniel Fontaine
La situation d’un jeune couple d’actifs en recherche de logement, chacun habitant chez ses parents. Sans enfants, leur situation a de très fortes chances de ne jamais être considérée comme prioritaire par les commissions d’attribution des sociétés ou offices HLM, et eux-mêmes contraints, s’ils ne se sont pas séparés entretemps, de se tourner vers le « marché » soit pour tenter d’accéder à la propriété en concédant d’importants sacrifices sur leur qualité de vie, soit pour louer dans le privé, en concédant des sacrifices de même nature. C’est tout une génération pour laquelle une politique du logement reste à inventer, elle qui n’a connu que sa déliquescence.
28
Denis Burckel
La difficulté de se loger pour les étudiants à Paris. Le logement en chambre de bonne petite, assez loin de l’établissement d’enseignement, avec un loyer de 40"/m!. Pour y rentrer, le premier mois coûte plus de 2 000" entre l’agent immobilier, le dépôt de garantie, la caution et le loyer. Le niveau du loyer avec les charges (600" tout compris) est compensé les mois suivants par 200" d’aide personnel au plus. Pour couvrir le reste à payer, il faut travailler au moins 10h/semaine au SMIC, handicapant ainsi les chances de réussite universitaires. L’alternative est parfois de ne pas accéder au cursus visé pour un étudiant né en province ou des durées de trajet très longues pour un étudiant de grande banlieue, handicapant là aussi le temps passé pour l’étude. Jean-Jacques Porcheron
Une famille logée dans le parc privé avec un loyer exorbitant, salariés, demandeur de logements depuis cinq ans, en procédure d’expulsion, la Comed la reconnait comme prioritaire au titre du Dalo, la préfecture ne la reloge pas. C’est l’augmentation du nombre de salariés pauvres qui ne peuvent plus se loger. Maurice Capel
Elu local, je suis confronté chaque jour aux demandeurs de logement. Je découvre souvent des situation très dures, les vrais visages de la crise, qui quelque part, incitent à partager leur révolte, tant la mise en pratique du droit au logement est complexe. Dans les Bouches du Rhône, on ne compte pas moins de 72000 demandeurs de logement, 72 000 situations individuelles, pour une production de 30 à 40 000 logements. 70% de la population de ce département peut prétendre à un logement social. Et tous les jours, environ une personne sur deux que je reçois m’interpelle sur le niveau des loyers, avant même 30
les problèmes de salubrités qui sont courants en parc ancien. Sur mon territoire, on propose des T2 à 650 euros par mois, lorsque le même produit neuf en locatif social ne dépasse pas les 350 euros. Christophe Robert
Les travailleurs pauvres dans la mesure où ils sont l’une des illustrations des nouveaux publics victimes de la crise du logement. Ils sont confrontés à un double phénomène qui touche plus largement tout un pan de notre société : précarisation des ressources et hausse du coût du logement. De la même manière que l’emploi ne protège plus toujours de la pauvreté, avoir un emploi ne signifie pas toujours que l’on est bien logé. Et ce constat est particulièrement inquiétant car il constitue une réelle remise en cause du contrat social qui constitue un des fondements de notre société. Jean-Pierre Troche
Il est particulièrement difficile de déterminer une situation humaine plus représentative de la crise qu’une autre. Si l’on considère que la crise que nous vivons actuellement est une crise systémique du modèle capitaliste dans sa phase néolibérale, il y a donc de nombreuses situations qui découlent directement ou non de la crise et qui se traduisent pour des êtres humains de manière dramatique. Perte d’un emploi, puis impossibilité de rembourser les prêts bancaires de son logement, surendettement qui pousse de plus en plus de gens au suicide ; emplois précaires qui ferment la porte à l’accès au logement du fait de l’intransigeance des agences immobilières, sans-abris qui dorment dans la rue même par -10 degrés car il y a de moins en moins de place dans les centres d’accueil d’urgence car en 2011 le gouvernement Sarkozy a baissé de 30% ses dépenses liées au Samu social. 31
Sur le service public et la gratuité
JEAN-LOUIS SAGAUD-DUVAUROUX Philosophe
L’emballement du marché de l’immobilier et son règne de plus en plus pesant sur le besoin de se loger a des conséquences délirantes. Exemple : J’ai acheté mon appartement sur un marché alors abordable. Je ne le pourrais plus du tout aujourd’hui. Consolation : j’ai sous mes pieds un bien qui vaut beaucoup plus cher que lorsque je l’ai acheté. Cela ne m’est pourtant d’aucun avantage, puisque si je le vends, il me faut me reloger ailleurs, sur le même marché. Le seul effet de cette affaire, compte tenu de l’augmentation considérable des prix, est que mon fils ne pourra pas, lui, s’acheter de logement. L’évolution est complètement négative, sauf évidemment pour les spéculateurs, qui peuvent acquérir des logements pour les revendre. Une conséquence répandue est que nos enfants peuvent rester chez nous jusqu’à 30, 35 ans et que leur autonomie s’en trouve péniblement amputée. Dans tous les cas, c’est reculer le moment où ils auront enfin l’opportunité de devenir propriétaire. Il y a beaucoup de mal-être derrière ces situations. 33
Est-il possible d’aller contre, ou faut-il s’accommoder d’un système souvent présenté comme la fin de l’histoire ? Souvent, quand la vie politique est très active, très mobile, la société française se montre capable d’inventions politiques révolutionnaires qui s’appuient sur l’idée qu’un bien doit être libre d’accès de droit. Naissance de la République : droit à l’éducation. Comment bénéficier de ce droit à l’éducation lorsque je n’ai rien dans ma poche ? La société française invente l’Education Nationale qui va devenir le premier budget de l’Etat. De surcroît, l’école gratuite est une invention qui conduit à ce qu’une partie importante de l’activité sorte du système marchand, de la loi du profit maximum, ce qui affaiblit d’autant la maîtrise du capital sur la vie sociale. 1945, Libération de la France. L’idée d’un droit de tous à l’accès aux soins s’impose au corps social. Si je n’ai pas d’argent dans ma poche, comment accéder aux soins ? Une nouvelle invention est mise en place : la Sécurité Sociale. De chacun selon ses capacités de cotisation, à chacun selon ses besoins de santé. Il y a un décrochage entre d’une part le financement, de l’autre l’accès à ce bien vital. Globalement, tout le monde en est content. Si je suis en bonne santé jusqu’à la fin de ma vie, je ne pose même pas la question de savoir s’il est injuste d’avoir cotisé pour les autres. Le principe de la Sécurité Sociale est constitutif de la façon dont nous vivons ensemble : nous sommes des êtres humains et pas un ban de requins ; nous nous organisons de telle sorte que toute personne puisse être correctement soignée ; nous inventons pour cela un dispositif qui rend possible cette solidarité salutaire. Autre exemple, plus récent, à une échelle plus réduite. L’agglomération d’Aubagne a choisi de rendre gratuit l’accès aux transports publics. Un élément de réponse à la 34
crise écologique, à la crise urbaine, aux frictions d’une société de plus en plus segmentée. L’effet de la mesure est immédiat et considérable : en 1 an et 3 mois, 130% de fréquentation en plus. Cela signifie notamment que l’investissement public par usager a considérablement baissé, que l’investissement public est beaucoup plus productif. On constate surtout une modification radicale du comportement et des représentations. Souvent, quand on les interroge, les usagers des bus gratuits déclarent : « La gratuité, ça nous responsabilise », exactement le contraire de l’opinion commune. Les rapports entre les générations changent. Quand le service était payant, beaucoup de jeunes fraudaient. Mais les retraités bénéficiaient déjà de la gratuité. Les retraités, voyant les jeunes frauder, maugréaient : « Ils se croient tout permis…» La gratuité a rétabli le contact entre les générations. Elle a fait aussi que les jeunes se déplacent beaucoup plus, ne restent plus dans leur cité, dans leur quartier, qu’ils bougent dans toute l’agglomération et la font leur. Le lieu de transport est devenu un espace public aimé des gens. Les dégradations sont moins nombreuses, les commerces mieux desservis, les chauffeurs plus respectés… On sait donc mettre efficacement en œuvre des inventions politiques qui au départ paraissent complètement utopiques. Et une fois mises en place, on constate qu’elles sont rapidement intériorisées comme étant normales. Il sera très difficile d’être élu à Aubagne en promettant la suppression de la gratuité des bus. Cette réalité si contraire aux évidences marchandes aujourd’hui dominantes est devenue « naturelle » pour les Aubagnais. On a su la mettre en place. Elle fait du bien et identifie désormais la façon de vivre ensemble dans l’agglomération.
35
Le logement est-il un champ propice à de telles expérimentations ? Le droit au logement est inscrit dans la loi, il est aussi porté par un sentiment généralisé dans le pays : tous les sondages montrent que pour une majorité de Français, il n’est pas normal que dans un pays comme le nôtre, une personne n’ait pas de toit. Mais comment fait-on lorsqu’on n’a pas d’argent ? Sur cette question, nous avions réuni voilà quelques années un groupe de réflexion à la composition très diversifiée dont je faisais partie. On y trouvait des responsables politiques, comme Bernard Birsinger, Maire de Bobigny malheureusement décédé, Jean-Claude Mairal, alors président du Conseil Général de l’Allier, Malika Zediri, l’une des fondatrices de l’APEIS… Des personnalités concernées à des niveaux très différents par cette question du logement. Notre réflexion a abouti à trois idées, qui ont d’ailleurs provoqué un passionnant débat dans le quotidien L’Humanité. Une sécurité sociale du logement Les accédants à la propriété payent une assurance obligatoire pour obtenir un prêt, une assurance privée qui fait qu’en cas de graves difficultés (forte perte de revenu du fait du chômage, décès d’un des conjoints, etc.), l’assurance prend la charge du remboursement. L’idée d’une sécurité sociale du logement consiste en une assurance sociale qui prendrait en charge pour tous le financement du logement à l’occasion de tels accidents de la vie : que personne ne puisse être chassé de son logement pour des raisons de revenu. On sait aujourd’hui que n’importe qui peut l’être. Même pour un cadre supérieur, il est possible de perdre son emploi, de devoir faire face une sévère dépression, de divorcer… En 2 ans, on se retrouve à la rue. Qu’au moins le toit soit assuré !
36
Inventer une nouvelle forme de propriété La propriété de droit romain n’est pas adaptée au logement. Elle nous confère un droit d’usage, d’abus et de profit sur toute chose réputée nous appartenir par écrit. Mais pouvoir détenir un logement vide n’a pas de sens ; le détruire ou l’endommager non plus et en faire un objet de spéculation aboutit à des catastrophes sociales. Nous avions donc proposé l’idée suivante : les sommes payées par les habitants du logement social doivent leur permettre d’acquérir un droit d’usage. Il s’agit d’un droit de propriété. Le débours ne dépasse pas le prix du logement. Le plus souvent, quand arrive la retraite, on n’a plus rien à payer. Mais la propriété de ce bien ne donne pas le droit de le dégrader, ni d’en faire un objet de spéculation. Ainsi les usagers du service public de l’habitat ne sont plus défavorisés par rapport aux accédants à la propriété, sans que la spéculation immobilière en soit renforcée. Le système serait évidemment corrélé au prix du marché, mais on acquiert ce droit d’usage auprès du parc du service public de l’habitat. L’habitat est par excellence le lieu de la vie privée, aussi il existe dans la population un fort désir d’acquérir son propre logement. Ce droit d’usage, qui est un droit de propriété, répond à ce désir. Il permettrait par ailleurs de bouger. Si l’on quitte Aubagne pour se rendre à Lille, avec tel capital sur son compte du droit d’usage, on l’emmène à Lille. L’invention de cette nouvelle forme de propriété permet l’établissement d’un véritable service public de l’habitat. Un système sans condition de ressources La sécurité sociale du logement éviterait la condition de ressource, chacun devant pouvoir accéder aux logements du service public. Bien évidemment, des limites resteraient indispensables : ceux qui ont les moyens d’occuper des 37
logements très chers n’ont pas à en profiter. Mais que ce système public de l’habitat soit attrayant très largement audelà des moyens-pauvres qui aujourd’hui bénéficient du système du logement social, offre un avantage intéressant. En rendant ce système concurrentiel, compétitif par rapport au parc privé, on modifie le rapport de force avec la spéculation et on lutte contre l’ensemble des défauts qui découlent de la gestion purement privée du logement.
38
Réactions CHRISTOPHE ROBERT Délégué Général Adjoint de la Fondation Abbé Pierre Je trouve très intéressante l’idée selon laquelle le regard peut changer sur une chose qui paraissait impossible, une fois démonstration faite de son efficacité. C’est vrai de toute l’intervention publique nécessaire sur le logement. Au moment de la promulgation de la loi SRU qui impose la construction de logements sociaux, certains trouvaient l’idée absurde. Certes, une proposition de loi est en cours pour introduire dans le décompte des logements sociaux l’accession sociale à la propriété, mais finalement le message est passé. Il aura fallu dix ans pour que les attaques deviennent marginales et que le principe soit accepté de tous. Si la bataille n’est pas complètement gagnée, l’idée s’est toutefois cristallisée dans les esprits. Désormais, lorsqu’on se trouve confronté à de fortes oppositions à la construction de logements sociaux, on invoque l’exigence d’une mixité sociale qui passe par la pluralité de l’habitat. Lorsque des collectivités se sont lancées dans la mise en place de « secteurs de mixité sociale » imposant un quota de logements sociaux dans les programmes de construction, au départ les acteurs économiques émettaient de sérieuses réserves face à la liste des contraintes, notamment le calcul au plus juste de la faisabilité économique et des marges indispensables. Puis peu à peu, les acteurs ont fini par trouver assez normal d’organiser la ville pour lutter contre la ségrégation territoriale, établir un lien par le transport, penser que chacun doit avoir sa place. En fait il est devenu courant, avant de voir réalisés certains projets, d’entendre qu’ils ne sont réalistes car trop contraignants. En repositionnant de façon inattendue nos interventions sur les questions
40
sociales, la mise en œuvre trouve sa perspective. Après coup, on se dit que ce n’était pas si dur que ça. MARIE-NOËLLE LIENEMANN Ancien Ministre du Logement
Je tiens à souligner l’idée de sécurité sociale du logement, pour laquelle je suis très convaincue qu’elle constitue une piste d’avenir. Lorsque j’étais Ministre du Logement, nous avions commencé à travailler le concept à partir d’une formulation probablement peu adaptée, la CLU. « Couverture Logement Universelle donnait » le sentiment d’une analogie aux bénéficiaires de la CMU qui justement n’est pas universelle pour les autres. Elle traduisait cependant l’idée de mutualisation entre l’ensemble des locataires et des propriétaires des cautions et dépôts de garantie pour faire face au risque de défaillance locative. Je ne doute pas que ce projet soit faisable et suis certaine que nous devons le mettre en œuvre. Nous pouvons très bien concevoir un système mutualisé qui soit diversifié dans la réponse en évitant ainsi la création d’une grosse machine donnant l’image d’un service éloigné des gens. Financièrement, J.-L. Berho a étudié ce point avec la GRL, en montrant que bien que couteux, le dispositif est à la portée d’un pays développé. En revanche, je suis plus réservée sur le droit d’usage. En premier lieu, je pense qu’en face du droit de propriété, il faut continuer de se battre pour que le droit au logement devienne un droit constitutionnel et pas seulement un droit de valeur constitutionnelle. Les symboles ne doivent pas être négligés, le droit de propriété doit avoir son pendant avec le droit au logement. Au moins dans les jugements, nous aurions une symétrie pour arbitrer entre les deux. Deuxièmement, je pense qu’en regard du droit à la propriété, il manque un devoir du propriétaire – toute une série de droits en France comporte leur contrepartie en 41
devoirs. Le devoir de maintenir son bien en état d’usage, celui faisant que son bien ne nuise pas à la collectivité pour des raisons sanitaires par exemple. Si certains travaux doivent être effectués, les Mairie devraient pouvoir les réaliser et présenter la facture au propriétaire. Les contreparties qui pourraient être inscrite au droit de propriété ne sont pas à négliger. Par exemple la coopérative de locataires comme mode de gestion d’une propriété - en l’occurrence collective - me paraît une piste intéressante qui commence à se développer avec les coopératives d’habitants. Le droit français comporte des faiblesses qu’il faut pallier. J’espère que lorsque la gauche reviendra au pouvoir, elle le fera. Je crois plus aux pistes que dessinent les remarques précédentes qu’à ce droit d’usage. Face aux dépenses de copropriété, le droit d’usage pose des problèmes pratiques. Par contre, en consolidant le droit des locataires, en créant des coopératives de locataires ou en organisant des accédants en commun, on joue plutôt sur la mutualisation que la « dé-propriation » et la mise en application paraît plus aisée. Néanmoins, s’interroger sur le logement très social gratuit n’est pas à négliger. Lorsqu’on mesure les dépenses que représentent l’aide au logement et qui in fine touchent certains ménages, alors qu’ils sont en très grande difficulté, il me semble qu’un logement gratuit dans des conditions précises représenterait une simplification utile. Aubagne a montré qu’avec la gratuité des transports publics, dont je suis une fervente militante, ce n’est pas parce qu’on paye qu’on devient responsable. Dans cette affaire, la logique doit être cassée. On doit être responsable parce qu’on est un citoyen. En tant que citoyen, on a ses droits et ses devoirs.
42
Quels repères pour sortir de la crise du logement ?
DENIS BURCKEL Terra Nova, Animateur du groupe logement pour le projet 2012 Un Think Tank, ou plus simplement un Réservoir d’Idées, regroupe des personnes dites « sachantes », militantes lorsqu’il s’agit d’un Think Tank politique, pour produire des idées nouvelles. Terra Nova est proche du Parti Socialiste. En introduction sur le constat, pour donner un repère synthétique complémentaire du chapitre précédent sur les multiples visages de la crise, je souhaiterais signaler un point qui n’est pas forcément intuitif. Les coûts du logement ont beaucoup pesé sur le taux d’effort mais il faut préciser que cette hausse est nettement plus sévère sur les prix d’achat – ils ont plus que doublé en 10 ans – que sur les loyers, marqués par une hausse de l’ordre de 40% sur la même période.
43
MICHEL MASO Directeur de la Fondation Gabriel Péri On peut dire que la Fondation Gabriel Péri est aussi un réservoir d’idées, du moins c’est son ambition… la preuve du pudding, c’est qu’on le mange ou pas. Notre proximité politique est celle du Parti Communiste Français ; Robert Hue est président de notre conseil d’administration. Concernant le constat, je pense que ce que nous vivons en ce moment est porteur de dangers. Il ne s’agit pas d’un problème qu’on pourrait régler à moindre frais. Je m’autoriserais un mot fort : la crise du logement, avec ses nombreux corolaires, risque de plomber assez durablement et gravement la société française toute entière. La crise du logement est protéiforme, elle se manifeste par exemple par une crise urbaine, à l’image d’événements dont on se souvient. JEAN-PIERRE TROCHE Co-Président de l’AITEC Association internationale des techniciens, experts et chercheurs
L’AITEC se définit par sa méthode d’expertise, fondée sur la recherche d’une expertise citoyenne qui s’associe aux mouvements sociaux. Travaillant depuis 20 ans sur le logement, nous considérons qu’il faut aujourd’hui mettre en avant des analyses transversales. Notre regard sur le constat rejoint cette idée d’ordre méthodologique : on ne pourra pas sortir de la crise avec quelques réformettes. Ajouter les propositions les unes derrières les autres est inopérant, il est temps de reprendre un certain nombre de questions sur le fond, comme le rapport au marché par exemple. Cela revient à souligner la nécessité de se placer d’un point de vue citoyen et presque pédagogique, tant le sujet est devenu complexe voire inaudible. 45
Mise en débat : 3 pistes d’acteurs de terrain La crise touche aussi certains propriétaires TAHAR EDDAM , Président d’Immocoeur Immocoeur est une association qui aide les petits propriétaires endettés suite à des accidents de la vie, dont certains profitent : marchands de biens, marchands de sommeil etc. Je suis par ailleurs agent immobilier depuis 25 ans à Marseille où je suis très proche de l’économie solidaire et sociale. Je voudrais qu’on n’oublie pas ces petits propriétaires qui sont en difficulté, qui deviennent la proie des créanciers et des tribunaux. Ceux qui dorment dans leur voiture, qui pâtissent de dysfonctionnement ou subissent l’indélicatesse de certains avocats. Beaucoup de gens ont fait l’effort de devenir propriétaire, parce qu’aujourd’hui chacun le souhaite après les priorités que sont la santé et le travail. Face à un accident de la vie, comme un divorce, ces personnes se retrouvent seules. Y a-t-il des statistiques ? J’aimerai que ce problème soit mieux connu car le phénomène augmente de jour en jour et depuis de longues années. L’habitat, une notion clé ODILE JACQUEMIN, Architecte-Urbaniste, Présidente PACA de Terre de Lien.
Puisque on évoque ici la possibilité de reprendre les fondamentaux, les bases et les manières de poser la question autrement avec des transversalités, il faut prendre garde à ne pas dissocier le logement dans sa seule fonction d’abri, de « l’habité » vu dans son sens plus global. L’habitat recouvre plus largement la qualité de la vie liée 46
au quartier, et pour ne prendre qu’une de ces dimensions, celle, bien concrète, par exemple, de l’accès à la nature, au jardin. Il faut rompre avec la logique d’un périurbain qui s’étale, donc interroger l’articulation ville/campagne et les nouvelles alternatives qu’elle dessine. « L’habité » représente une notion qui permet de repenser l’opposition de registre entre les problèmes de disparité des coûts, d’injustice sociale ou d’explosion de la charge foncière d’une part, et les enjeux de qualité et de confort de l’autre. Plus d’architecture permet de trouver des solutions plus qualitatives et moins consommatrices de foncier, en nombre de logements à l’hectare. Plus d’architecture permet aussi de trouver des solutions moins consommatrices en énergie en volume utile pour un logement. Le logement social, historiquement a toujours été plus en avance que le logement ordinaire en matière d’exigence qualitative, d’expression de l’innovation. Une piste pour répondre aux défis d’aujourd’hui serait de revisiter la norme du logement social et d’y intégrer un jardin nourricier comme une « pièce à vivre », conçu comme faisant partie à part entière de l’habitation, une réinterprétation du jardin ouvrier du XIXe siècle conçu comme un nouvel élément de confort comme ont pu l’être au XXe siècle les étapes de l’arrivée du chauffage central, de la salle de bains du balcon… Évidement, lancer des programmes expérimentaux dans ce sens implique une révolution dans le calcul du rapport du foncier nécessaire par rapport au nombre de logements produits … et exige de sortir du zonage et de la traditionnelle et archaïque opposition du foncier consommé par l’urbanisation et du foncier préservé pour l’agriculture…
47
Aménagement du territoire et gestion du parc existant GILBERT GALLIOT, Vice-Président de Nantes-Métropole, délégué aux Logements spécifiques et à l’Habitat
S’agissant de la forme du logement, le problème n’est pas la densité. Dans un centre-ville bourgeois dense, il n’y a pas de problèmes sociaux. La plupart de nos cités sont certes des tours, mais elles ne sont pas denses. En revanche, elles sont habitées par des gens qui ont des problèmes sociaux. Une confusion est faite entre densité et problèmes sociaux, mais ce n’est pas si simple. Culturellement, on cherche à habiter une maison individuelle qui semble a contrario la solution idéale. Le défi à se donner en tant que responsable politique consiste à trouver comment rendre attractives d’autres formes de logement non individuel. Pour ce faire, il faut d’abord travailler sur la notion d’intimité du logement. On peut vivre dans un logement collectif mais avec son intimité. En oubliant ce volet, on passe à côté de quelque chose d’important. Cela renvoie au volet de l’aménagement urbain. Comment par un espace urbain - et là on passe de «se loger» à «habiter» - on peut rendre attractif un logement. On touche aux services, aux transports, etc. Ainsi à partir de l’Habitat, il me paraît important de raisonner aussi à partir de la notion d’Aménagement du Territoire, dans laquelle tient le lien entre loger et habiter. J’habite, je vis, je travaille, je vais à l’école... Parmi les principaux outils d’aménagement, la ZAC. Mais pour travailler sur l’urbain évitons les ZAC monotâche. Cela n’a pas de sens de programmer des ZAC de logements uniquement. Une ZAC doit répondre aux d’autres besoins : il faut des services, développer les activités économiques qui sont possibles dans un milieu 48
urbain. Que certaines activités économiques soient isolées en raison de la pollution qu’elles émettent, certes, mais essayons au maximum de créer un lieu de vie complet avec ce qu’il faut de services et d’espaces urbains où les gens puissent se rencontrer. Puisque l’urbain, c’est d’abord la rencontre. Plus de 50% des logements sont occupés par une personne seule : jeune étudiant, personne âgée, personne séparée, travailleur en déserrance… Voilà qui pose un problème sur la taille des logements. On compte également de plus en plus d’occupants extrêmement mobiles : le travail est devenu plus précaire, il implique davantage de mobilité. Ces évolutions exigent de ne pas dissocier le logement de l’ensemble de la chaîne, parce qu’il nous faut trouver des formes d’habitat qui permettent à toutes les familles d’avoir accès non seulement à la nature, mais aussi aux services urbains, sans pour autant continuer à grignoter constamment de l’espace. Car arrivera un moment où l’on n’aura plus d’agriculture, si l’on persévère dans cette voie. Certes, il faut construire et se posera le problème du foncier. Mais je souhaiterais insister sur un sujet que Daniel Fontaine juge aussi de première importance : la réhabilitation. Aujourd’hui, nous connaissons des difficultés importantes depuis que l’ANAH a modifié ses règles. L’entretien du parc existant est crucial. D’autre part, on parle d’une France de propriétaires, un slogan que nous avons tous retenu. Mais l’observation des faits interroge. La défiscalisation a été favorisée, en particulier avec le dispositif Scellier. Or celui-ci ne vise pas les propriétaires-occupants mais les propriétairesbailleurs dans les conditions du marché, lesquelles ne correspondent pas aux besoins. Ainsi, le logement est devenu un produit fiscal et non un produit social. Les aides 49
qui accompagnaient les ménages à revenus modestes pour accéder à la propriété ont été supprimées, on est allé à l’envers du discours - les chiffres de rotation du logement social sont clairs. On a besoin d’un projet d’accompagnement social à la propriété, avec évidemment des dispositions de sécurisation. De même, les aides de l’État pour la construction de logement sociaux vont en diminuant et sont versées aux logements sans autre distinction que le type de financement. A Nantes, nous avons fait des choix originaux. Nous faisons varier le niveau des aides à la pierre - dont la Communauté Urbaine a la délégation - selon la superficie du logement. L’enveloppe globale fournie par la préfecture est répartie en trois catégories : moins de 44 mètres carrés, entre 44 et 65 mètres carrés, et au-delà de 65. Tous ces sujets se doivent d’être abordés pour éviter de passer à côté de l’essentiel. Le logement ne se réduit pas au logement social. Quand bien même nous aurions atteint les 20%, quand bien même l’objectif serait de 30%, le stock à gérer représentera toujours la très grande majorité.
Quelles entrées pour comprendre la crise ? Des cas particuliers témoins d’un changement de nature de la crise MICHEL MASO : Les pistes présentées en introduction, par trois acteurs de terrain, permettent déjà d’entrevoir un peu toute la complexité qu’il s’agit de mesurer et d’appréhender lors de ces RNLH. Pour l’illustrer davantage, je commenterai un reportage télévisé diffusé dernièrement et commenté par Benoist Apparu, Secrétaire d’Etat au Logement. On découvrait les conditions de logement d’une jeune femme, professeur de français, certifiée, avec déjà un peu 50
d’ancienneté, qui disposait d’un salaire d’environ 2200 euros mensuel. Elle vivait à Paris depuis des années dans un appartement de 9m! qu’elle payait 700 euros par mois. Naturellement locataire du secteur privé, dit libre, elle ne pouvait guère aller au-delà financièrement, et n’avait pas accès au parc social. Cet exemple révèle que les problèmes se développent par les deux bouts. En quelques mots, on ghettoïse – certes violent, le terme parle toutefois à chacun – de plus en plus, et il y a de moins en moins de mobilité sociale. Au fond, le parc social reste « réservé », pour l’essentiel, aux gens les plus en difficulté, les plus irrémédiablement captifs du point de vue économique et les classes moyennes commencent à connaître elles aussi de réels problèmes de logement. Evidemment, la situation n’est pas celle des années 1950, mais je me permets d’insister : depuis quelques années, un basculement s’opère progressivement et me fait redouter qu’on aille vers des problèmes inédits jusqu’alors. Les classes moyennes touchées de la sorte représentent à ce titre un phénomène nouveau. La superposition de l’urgence sociale et d’un système du logement en fin de vie DENIS BURCKEL : Votre analyse, à travers cet exemple, sous-entend que pour résoudre la crise, il faudra atteindre le cœur du système du logement et je partage cette idée. Celle-ci doit être mise en parallèle d’un pendant tout aussi décisif : l’urgence d’une série de situations auxquelles il faut répondre – un préalable obligatoire. Ce sont les personnes en structures d’hébergement, celles habitant dans de toutes petites surfaces, les propriétaires accédants en difficulté, ou les locataires dont les loyers dérapent à certains endroits. Il faut répondre. La gauche en particulier ne pourra pas dire, « on verra dans cinq ans quand la crise sera passée ». Il est 51
indispensable de répondre à l’urgence, pour des raisons de justice, d’équité, d’humanité. Mais de façon complémentaire, on peut trouver toutes les raisons profondes ou superficielles pour le répéter, il faut vraiment insister sur le fait que nous sommes à la fin d’un système de logement qui a 40 ans. Un système qui est marqué par le choix dominant du marché par rapport à la régulation, qui a fait le choix de ce qu’on appelle les insiders - ceux qui sont déjà propriétaires, la plupart en tous cas - par rapports aux jeunes qui sont outsiders, ou aux moins jeunes mais à revenus modestes. Un système qui a fait aussi le choix de concentrer toutes les angoisses de la société sur ce nid qu’est le logement. Que dans le cadre de la prochaine législature une refonte du système du logement soit envisagée ou non, la réponse à l’urgence reste toutefois indispensable dans les premiers jours. Car aller au fond du système exigera de se laisser du temps. Par exemple, il s’agira d’élaborer la mise en pratique d’autres choix de gouvernance, de maitrise des prix, dans un cadre écologique au sens large, de l’étalement urbain à la précarité énergétique. Parfois donc, des choix qui exigeront le renoncement à certains prérogatives, comme le passage de la délivrance du permis de construire de la commune à l’intercommunalité, qui figure dans nos propositions. En somme, oser privilégier certaines catégories par rapport à d’autres, supprimer certaines prérogatives pour d’autres : le courage politique au-delà de l’expertise.
52
Repenser le logement dans une perspective plus globale de transformation sociale JEAN-PIERRE TROCHE : J’ai envie d’accrocher un mot, qui s’il est à la mode, n’en reste pas moins vraiment pertinent sur le sujet du logement : transversalité. A juste titre, on décrit la dégradation de certaines situations dans le parc HLM aujourd’hui. A juste titre aussi on observe des phénomènes équivalents chez les propriétaires (le récent travail mené par la Fondation de France sur cette thématique révèle des aspects tout à fait pathologiques). La conjonction de ces deux dimensions prouve bien qu’il n’est plus adéquat de raisonner d’un côté avec le locatif social ou de fait, de l’autre avec la propriété. Je confirme que cette recherche d’un dépassement conceptuel est utile, il représente vraisemblablement une nouveauté dans la pensée de l’action publique, politique sur la question du logement. On commence à prendre des distances avec les discours qui cloisonnent d’un côté le marché, de l’autre le logement social. D’où le besoin de raccorder la question du logement à d’autres questions plus larges, qui ont été évoquées à l’instant par exemple, indirectement avec l’introduction de la notion de régulation du marché. On ne peut se limiter à se demander s’il faut ou non réguler les loyers. Considérant uniquement le loyer, on se trompe d’objet : aujourd’hui le décalage qui apparaît dans les courbes de l’immobilier, des prix, renvoie pour employer une expression schématique, à la financiarisation de l’ensemble de la question du logement. Ce n’est pas que le Scellier, ni la spéculation, ce sont les prix du foncier et ainsi de suite. Qu’on soit d’ailleurs de tendance un peu libérale ou très régulatrice, l’observation est que cette financiarisation n’est ni productrice de richesses sur le fond, ni satisfaisante en termes de réponse aux besoins : par définition la 53
question de la régulation est posée. Or la réponse ne se borne pas à une régulation mécanique, elle suppose certainement la recherche de nouvelles formes et donc une nouvelle gouvernance. Par exemple, comment à l’échelle locale s’organise-t-on ? Que devient alors le rôle des Communautés d’Agglomérations ? Comment ces choix se déclinent-t-ils dans les PLH ? Se pose ainsi le problème de la mise en place d’outils complets. On voit bien alors que s’enchevêtrent les loyers, le foncier mais aussi le marché de l’immobilier… Pour en donner plus concrètement une illustration, un groupe à l’AITEC réfléchit à une forme de participation à la régulation à travers la redistribution d’une part des prix de l’immobilier. Au-delà d’un seuil, jouerait l’équivalent d’une contribution sociale à destination des zones tendues, où manquent des logements sociaux, de foncier ou les prix sont différents. On retrouve la transversalité avec la dialectique financiarisation et régulation. D’autres aspects méritent d’être revus de cette manière, comme le poids des charges, également un sujet transversal. Je suis très frappé des analyses qui détaillent les augmentations. Au-delà de l’énergie, il faut prendre en compte la fourniture des services liés au logement. Identifier des choix. Exemple à partir de la notion de richesse DENIS BURCKEL : Je suis assez triste et effaré qu’un pays comme la France engloutisse tant d’argent de ses ménages et de ses collectivités dans le logement. En comparaison, on consacre au logement deux fois moins d’argent en Allemagne, sans que cela ne cause de difficulté économique à ce pays… Doit-on continuer ainsi à donner de l’argent aux détenteurs de foncier qui sont parfois, du reste, les collectivités publiques ? Doit-on se bagarrer entre 54
jeunes et vieux pour le logement, tandis qu’ailleurs les efforts portent sur d’autres enjeux créateurs de richesse ? Ce point me préoccupe. Bernard Coloos, qui participe aussi aux RNLH, ne partagera peut-être pas ce point de vue, mais il me semble qu’on transforme aujourd’hui des primo-accédants en ménages qui n’auront plus les moyens d’éduquer leurs enfants ou de se cultiver. Si on continue dans cette voie, dans vingt ou trente ans la situation française sera plus difficile, et le contraire serait surprenant. Cet écrasement par l’argent - qu’on appelle financiarisation – de toute la problématique du logement empêche justement de réfléchir aux autres véritables sujets de société tels que l’étalement urbain, la solidarité, le bien commun, l’entre-soi, etc.
55
Que peut-on envisager ? Parmi les propositions… Une date limite pour le foncier constructible ; La coordination nationale d’une gouvernance locale autour d’une aide unique DENIS BURCKEL : Terra Nova a élaboré 71 propositions. J’en détaillerai ici 2 qui sont fondamentales. Je nommerai la première sans états d’âmes: « casser les prix du foncier ». Elle concerne les propriétaires de foncier constructible y compris les collectivités qui profitent de ces prix dans leur budget. Concrètement, l’on pourrait imposer dans les PLU une date limite de construction sur l’ensemble des terrains constructibles, pour qu’il ne soit plus possible de jouer la montre afin de faire monter les prix. Dans le cas où l’opération ne serait pas réalisée à échéance, l’imposition des plus-values viendrait alors gommer la plus-value complémentaire. Il faudrait simultanément taxer les terrains constructibles à un niveau beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui : les valeurs vénales prises comme référence ne sont plus adaptées. En effet, alors que ces valeurs sont uniquement actualisées sur l’inflation depuis 1960, elles ont augmenté sur le marché 4 ou 5 fois plus. Donc concrètement il faut revoir la base fiscale. Prenons un exemple pour simplement expliciter le mécanisme : dans le cas où une personne possède un terrain estimé à 4 millions d’euros, elle n’est dans les faits imposée que sur 1 million. Il y a là franchement un scandale. Même si l’on ne partage pas ce point de vue, on doit reconnaitre que le mécanisme ne pousse pas à la mise à disposition des terrains. Il est indispensable d’envisager une évolution sur ce sujet.
57
La seconde proposition porte sur la gouvernance. Nous considérons que celle-ci doit être donnée à un responsable unique, l’agglomération. L’Etat définirait ainsi avec l’agglomération un contrat d’objectifs sur 5 ou 10 ans. Toutes les aides à la pierre (TVA à 5,5% pour les HLM, sur l’amélioration, le PTZ, le Scellier…) seraient supprimées pour être remplacées par un prêt à taux zéro d’agglomération unique. Ainsi, les experts pourraient se consacrer entièrement aux vrais sujets sans être accaparés par la complexité règlementaire. Ayant travaillé dans ce domaine, je sais très bien que l’on peut s’y complaire… Ce prêt à taux zéro pourrait être modulé sur les priorités définies par l’agglomération. Par exemple, si l’on souhaite favoriser les décohabitations, l’agglomération le décidera comme prioritaire et le prêt à taux zéro sera automatiquement calé sur ce critère. Si l’agglomération considère qu’aider les 10% qui souhaitent devenir propriétaires n’est pas une priorité, ce prêt à taux zéro ne les concernera pas (Terra Nova préconise ce choix). L’agglomération responsable devant tous les habitants de son territoire, électeurs et acteurs, propriétaires fonciers, promoteurs constructeurs et investisseurs, définira ces priorités. Nous pensons que cette échelle est le niveau administratif et politique le plus adapté, que la responsabilisation est une bonne façon de faire confiance. Pour autant, cette proposition ne risque pas de renforcer les inégalités territoriales. Le contrat quinquennal ou décennal définirait les besoins de l’agglomération en partenariat avec l’Etat et Action Logement, dans une vision nationale. Les zones tendues sont clairement identifiées, une vision nationale assurée par l’Etat opèrerait un mouvement régulateur. Il accorderait après concertation plus de fonds pour ce prêt à taux zéro dans les agglomérations qui le nécessitent, tout en limitant ou réduisant à zéro les fonds pour d’autres zones. Il y aurait en complément une péréquation à organiser entre les 58
territoires disposant d’une fiscalité potentielle forte, ceux qui ne veulent pas jouer le jeu et les autres territoires ; un levier qui pourrait s’avérer extrêmement puissant. Là où l’on voudrait encore vivre entre riches, il faudrait non seulement le payer très cher mais l’assumer et l’afficher politiquement. Redéfinir, refonder le logement social JEAN-PIERRE TROCHE : L’essentiel du débat véhiculé par les acteurs du logement social porte sur la défense d’un modèle actuellement très attaqué. Notre démarche cherche clairement à refonder le logement social et à le préserver avec assurance. Il faut réinterroger la relation entre aide à la pierre et aide à la personne. Au quotidien, des cas concrets remettent en cause le schéma actuel. Je suis frappé par d’inquiétantes incohérences. Probablement que l’accès logement social doit être limité par un plafond de ressources. Ce point peut faire débat, on peut le critiquer et discuter de la hauteur du seuil. On peut même le comparer avec celui d’autres pays, comme la Hollande où il est très élevé. Mais dans tous les cas, le logement social ne doit par définition refuser personne pour des raisons de revenus. Il n’est pas acceptable qu’un demandeur s’entende dire : « Vous ne pouvez pas bénéficier d’un HLM parce que vous n’avez pas assez de sous. » Sans même parler du PLS qui revient à du locatif intermédiaire, je suis extrêmement choqué qu’aujourd’hui le PLUS, un prêt pourtant au cœur du système, produise des logements dont les travailleurs pauvres sont exclus. Et ces situations se développent : il arrive qu’on refuse des personnes à cause de leur précarité ! Le logement social devrait être organisé justement pour que ces personnes soient suffisamment aidées par l’aide à la personne, où qu’en amont on ait suffisamment aidé la construction des 59
immeubles par l’aide à la pierre. Tout le monde doit pouvoir être solvabilisé du point de vue de la catégorie basse des loyers HLM. Voilà ce qu’est par essence le logement social. L’accessibilité économique est très faible au regard aux besoins réels de la population des travailleurs pauvre et des autres catégories de personnes touchées par la précarité. Il nous faut absolument une définition simple. Elle peut être discutée avec les citoyens pour nous permettre de ne plus déplorer ces situations inacceptables dont ne voici qu’une illustration. Je fais partie de commissions d’attributions et de réunions de ce genre et parfois je me dis que c’est incompréhensible. Comment va-t-on dire à cette femme, caissière dans un supermarché, que pour ce logement qu’on appelle logement social, « vous ne gagnez pas assez ». Je ne comprends plus. C’est donc la notion même qui est interrogée. Il faut regarder non seulement la question du logement social en fonction du parc des bailleurs sociaux, mais également en fonction des liens avec le parc privé, en particulier sa part qu’on nomme le « parc social de fait », avec lequel les liens dans cette perspective sont évidents. Il y a peut-être quelque chose à remettre en cause dans nos manières de penser et ce de façon assez profonde. Je vois au Canada des choses très intéressantes. Le débat sur la régulation et la redistribution des richesses est mené globalement, le rôle du logement social et sa définition sont posés. Une proposition très offensive, dépoussiérer le sujet, ouvrir le débat est indispensable en France.
60
Simplifier les politiques publiques, les unifier autour d’un Service Public MICHEL MASO : Avant d’indiquer trois propositions, qui vont dans le sens de nos échanges, je souhaiterais souligner qu’il est essentiel de prendre en compte la complémentarité des différents registres d’expertise dont les RNLH se font l’écho. Chacun reconnait la nécessité des études indépendantes, des recherches scientifiques menées par les experts académiques. A ce titre, les travaux de J.-C. Driant autour du revenu résiduel représentent un excellent exemple. A côté, ce que je nomme parfois les experts de fait. Ces femmes et ces hommes qui se préoccupent en nombre d’endroits, au gré de leurs expériences, des problèmes de logement qui se posent concrètement. Enfin dans un autre registre, tous ceux qui défendent le logement dans le monde du travail et dont on parle si peu. Au sein des syndicats, le sujet n’est pas absent, vu sous des angles auxquels nous n’avons pas forcément l’habitude de recourir. Ils n’en restent pas moins utiles et il est utile de nous les approprier aussi. Premièrement, la tâche sera certainement longue mais salutaire : il nous faut en finir avec la multiplication à l’infini des structures procédures. Au fond, on n’y comprend plus grand-chose même dans les milieux les plus renseignés. Bien que s’y frottant chaque jour, nombre d’acteurs de terrain et d’élus reconnaissent être perdus. Concomitamment – l’agglomération est-elle l’échelle la mieux adaptée ? le débat est ouvert – nous devons créer des lieux, des structures pour recueillir toute ces paroles et cette expertise de fait pour croiser les registres. Deuxièmement sur la spéculation immobilière. Voilà quelques jours, l’INSEE publiait les derniers chiffres des prix de l’immobilier en parallèle de ceux des 10 dernières 61
années. Comme Denis Burckel l’a relevé en introduction, ces prix à la vente ont progressé de manière spectaculaire, c'est-à-dire infiniment plus vite que le pouvoir d’achat. Il n’est pas nécessaire d’être un grand économiste pour comprendre que nous allons dans le mur si cette tendance se poursuit. Casser ces logiques spéculatives est donc indispensable… mais plus facile à dire qu’à faire. On en revient donc au logement, non pas comme une potion magique, mais comme un outil sur lequel articuler des politiques plus générales. De mon point de vue, l’accent doit être porté sur une proposition économique concrète, qui viserait à augmenter sensiblement ce qu’on appelle l’aide à la pierre. Troisièmement : logement et service public. On retrouve le rôle particulier d’un Think Tank, qui consiste parfois à ouvrir puis alimenter des débats sur des idées nouvelles ou simplement réactualisées. Comme sur tout sujet complexe et à fort enjeu, il s’agit progressivement d’organiser des confrontations sur les oppositions, contradictions qui apparaissent. Nous ne sommes pas au pays des Bisounours… Nous avons eu, au sein la Fondation Gabriel Péri, une série d’échanges avec des points de vue divergents sur l’idée de service public national du logement, de l’habitat, ou de la ville. La dénomination même fait débat ! Je suis de ceux qui pensent que la création d’un service public nouveau, dont l’orientation problématique précise et les modalités de mise en œuvre restent bien sûr à discuter, est à envisager. Il représenterait un levier d’action très pertinent pour sortir puis se prémunir de la crise du logement. Un besoin qui se justifie au moins pour deux raisons. Je viens d’évoquer la démarche de rationalisation que demandent les politiques du logement. L’organisation d’un service public dédié représente une polarité qui répond directement à cette logique. D’autre part, l’organisation de cette instance est l’opportunité de concevoir une approche capable 62
d’embrasser la totalité de la question. Le thème du foncier a plusieurs fois été soulevé : un pôle foncier, indispensable, peut être développé en particulier tout en restant connecté à la structure générale. Avec ces propositions, on prend la mesure du travail qui se dessine. Ce ne peut être qu’un projet de longue haleine. Néanmoins, l’urgence économique et sociale reste une réalité chaque jour plus criante, et J.-P. Troche vient de montrer le lien, direct, avec l’organisation des politiques publiques associées. En ce sens, mêler comme aujourd’hui débat de fond et volonté de proposer - voire d’imposer – est un début de réponse à la complexité propre à la crise du logement. Réactions, 3 propositions d’acteurs de terrain… Au préalable, tarir les sources de l’exclusion en actualisant le statut de locataires FATHI BOUAROUA, Directeur régional de la Fondation Abbé Pierre.
Je souhaiterais insister sur la priorité absolue que représente la réponse à la détresse d’une population en souffrance. Elle représente plus de trois millions et demi de personnes mal-logés, plus de dix millions des personnes en fragilité, parce que les loyers et le foncier jouent désormais sur le plus grand nombre. Le Médiateur de la République notait dernièrement dans son rapport que plus de 15 millions de Français ne disposaient que de 50 à 150 euros après leurs dépenses contraintes. Il nous faut donc au préalable tarir ces sources d’exclusion, notamment en réglant la question des expulsions domiciliaires. Plus de 100 000 ont été ordonnées cette année par la justice, un triste record. Faut-il décréter un moratoire ? Ainsi se pose la question du statut du locataire. On l’a considéré 63
équilibré à partir des années 1970 mais depuis les années 2000, la loi de 1989 ne permet plus de faire dignement respecter le statut du locataire. Signalons au passage qu’en Allemagne, le statut du locataire est un CDI, le bail est à durée indéterminée. Tant que le locataire ne l’a pas choisi lui-même, celui-ci ne peut être expulsé. L’article 17 c) de la loi prévoyait la régulation des loyers à la relocation, mais n’a jamais fait l’objet d’un décret d’application, on est donc tombé dans la liberté des prix. Depuis cette date et particulièrement dans les dernières années, les HLM ont été détricoté ; il en est de même pour le 1% des entreprises. Les organismes d’HLM sont taxés pendant qu’on donne de l’argent au privé. Compte tenu de ces évolutions et de l’urgence sociale, on comprend qu’il ne s’agit plus d’une affaire réservée aux spécialistes. De véritables débats sont nécessaires. Pour un engagement entre promoteurs et collectivités YVES ROY, Directeur Général adjoint de Nexity-George V Provence
Je considère que le prix du foncier est l’une des causes principales de l’augmentation des prix du logement. Il est en effet anormal qu’un propriétaire voit le prix de son terrain multiplié par dix en quelques années, en général sans fiscalité. Il n’est pas normal non plus qu’une collectivité, qui a mis parfois des dizaines d’années à créer de la réserve foncière, vende ses terrains au prix du marché. Parce que cette collectivité sait très bien qu’elle fabriquera automatiquement des logements très chers, risquant de ne pas être adaptés à sa population. Il n’est pas normal non plus qu’un promoteur qui achète à une collectivité des terrains à bas prix ne prenne pas vis-à-vis de ladite collectivité des engagements sur une limitation des prix de vente. Je pense qu’un engagement collectivitépromoteur devrait être institué, basé sur une règle du jeu simple. D’autre part concernant l’investissement locatif, 64
certains effets pervers sont apparus avec les dispositifs Scellier et ceux qui l’ont précédé, notamment dans la zone C. Reconnaissons aussi que tous les ménages ne peuvent ou ne veulent devenir propriétaires, et que certains sont prêts à accepter d’être locataires, mais pas à n’importe quel prix. Pour une sécurité sociale du logement GERARD RAMPAL,
Vice-Président de la Communauté d’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, délégué à l’Habitat et à l’Urbanisme
A quelques nuances près, le constat est très largement partagé, bien que les impressions du terrain et les conclusions d’études statistiques se positionnent sur des registres différents. Concernant les propositions, je crois que le triptyque locatif social, locatif privé, accession demeure un bon repère, bien que les pourcentages relatifs doivent être rééquilibrés. Nous devons aller beaucoup plus loin, car on se rend compte que nos concitoyens n’ont plus les moyens de se loger comme ils se logeaient. Quand le taux d’effort augmente, le « reste-à-vivre » diminue d’autant. On a beaucoup parlé du foncier… mais ne faudrait-il pas commencer par cesser de considérer le logement comme une marchandise ? Je trouve inadmissible que de gens puissent s’enrichir en achetant du logement. C’est désormais une habitude de l’affirmer pour la santé, mais n’est-il pas aussi important que tout citoyen puisse se loger en fonction de ses moyens ? Pour mettre en pratique ce principe, j’ai entendu l’idée d’un service public du logement. D’autres - dont je fais partie - plaident pour une sécurité sociale du logement. Pour l’instant, ce sont des mots, que met-on derrière ces mots ? Dès lors qu’on entre dans la pratique, les difficultés se posent car de nombreuses distinctions, nuances et différences apparaissent selon les territoires et les points de vues. Or la 65
situation est telle qu’il nous faut trouver et appliquer des propositions le plus rapidement possible. Face à la pénurie et au vieillissement du parc, une programmation chiffrée répondant vraiment aux besoins EMMANUELLE COSSE, Vice-Présidente déléguée au Logement du Conseil Régional d’Ile-de-France
Je ne souhaite pas arbitrer entre la rénovation du parc ancien et la construction neuve. Un équilibre doit être trouvé, qui permette de financer les deux bouts de la chaîne. Travailler certes sur le foncier, agir contre la pénurie de logement, mais agir tout autant sur la qualité. En Ile-de-France en particulier, nous sommes confrontés à une pénurie gravissime qui risque d’obérer durement et durablement la vie de nos concitoyens. Mais nous héritons en plus d’un habitat très ancien - parfois d’avant la première guerre mondiale – et mal entretenu, souvent insalubre voire indigne. Des moyens sont nécessaires pour le réhabiliter. La question financière a été abordée, interrogeant les modèles de financement à trouver pour le logement social, mais la question mérite d’être posée plus globalement : « qu’est-ce que l’aide à la pierre ? Et quel est son avenir ? ». Aujourd’hui en Seine-Saint-Denis, l’aide à la pierre, c'est-à-dire la contribution apportée par l’Etat au financement du logement social, se limite parfois à 1 euro. Doit-on considérer cette aide symbolique comme une aide à la pierre ? Par contre, si l’on était capable de s’engager sur 10 ans à trouver une véritable force de financement, avec un budget et une programmation, la situation deviendrait certainement différente. Car les opérateurs, les bailleurs sociaux et la promotion privée sont à l’œuvre et doivent pouvoir bénéficier d’une visibilité à moyen terme de leur activité. D’autre part, je pense que tous les secteurs doivent être mobilisés : logement social, accession sociale, accession libre. Nous sommes capables de définir et tenir 66
des objectifs chiffrés dans certains domaines, il doit être possible de s’imposer de telles exigences pour le logement. Gardons-nous de buter contre un mal français, de nous retrouver les seuls en Europe à se voir incapable de résoudre cette crise. Favoriser l’accession, Réguler les loyers et empêcher la spéculation, Revenir à l’aide à la pierre ROGER FRANÇOIS, CNL Trois courtes remarques illustrent l’expertise de terrain que la CNL mène depuis 40 ans, voyant le logement comme un tabouret à trois pieds. D’abord, revenir à une accession sociale à la propriété, remis en question par un véritable grippage aujourd’hui : le revenu des familles et leur reste à vivre. Jusqu’au milieu des années 1970, on a observé des améliorations dans le logement et le parcours résidentiel était possible à l’époque pour ceux qui travaillaient à deux, ce qui est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Ensuite, concernant le secteur privé, je souhaiterais simplement présenter un exemple. Il y a 15 ans, une maison à côté de chez nous s’est vendue 100 000 euros, elle est revendue aujourd’hui 300 000 et louée actuellement 1200 euros par mois. Comment peut-on accepter cela ? Ne devrait-on pas songer à la fameuse loi de 1948, une façon de revenir sur le locatif social ? La logique veut que le propriétaire qui loue ait un revenu, nous ne sommes pas pour spolier les propriétaires, mais nous avons besoin de réguler et d’éviter des situations comme celle que je viens de citer. Enfin pour le secteur social, la CNL propose des mesures extrêmement concrètes et réalistes sur le retour de l’aide à la pierre. Jusqu’en 1977, je rappelle qu’on avait des taux d’intérêts à 0% sur quarante ans, la Caisse des Dépôts prêtait 95% de la valeur de la construction ! Comment ce qui était possible alors ne le serait plus aujourd’hui ? Il y a derrière des choix 67
de société. Mieux évaluer la pertinence de la règlementation technique LEOPOLD CUOMO Directeur Adjoint du Développement de 13 Habitat
En tant qu'Architecte et Technicien, je pense également que les dérives et la spéculation règlementaire entraînent des coûts importants. Afin d'éviter toute démagogie coûteuse en terme de construction pénalisant l'offre nouvelle et la réponse que nous devons apporter au problème de la pénurie de logements il nous faut trouver la juste mesure entre une bonne qualité de l'enveloppe et le coût de cette dernière. On a parlé de l’évolution du bâtiment depuis les années 1950 ; nous sommes passés depuis cette période du voile de 18 en béton avec des verres de 3 millimètres à ce que nous connaissons aujourd’hui : une surenchère des questions règlementaires, énergétiques sans toujours prendre en compte un bilan global au-delà même de l'ouvrage construit. Le logement : un investissement d’avenir FLORENT HOUDMON Directeur régional des Compagnons Bâtisseurs
Je souhaiterais revenir en quelques mots sur le mallogement et ses conséquences, à partir des réalités de terrain que nous constatons dans notre association. Ces réalités de terrain terriblement dures, auxquelles nous sommes confrontés, ce sont des familles – ne l’oublions pas – qui vivent dans des logements dont les murs sont noirs de champignons, dont les installations de plomberie et d’électricité sont vétustes quand elles ne sont pas dangereuses, la plupart du temps des poubelles thermiques ne disposant pas de chauffage correct. Le mal-logement est un coût qu’il faut mesurer en terme d’insertion. 68
Etre mal-logé vous isole. Sur le plan de la santé, les conséquences sanitaires, qu’on mesure de mieux en mieux, peuvent être terribles. C’est un tremplin vers l’échec scolaire. Cette crise du mal logement a aussi une profondeur importante. Je pense que dans cette période d’apparente raréfaction budgétaire, le consensus qui préserve les investissements d’avenir, l’éducation et la recherche par exemple, doit inclure le logement. Pour parler comme les économistes, les externalités négatives du mal-logement sont extrêmement coûteuses pour nos sociétés. Un diagnostic partagé ? BERNARD COLOOS, Directeur à la Fédération Française du Bâtiment
Dans tout événement collectif, il faut un « vilain petit canard »… lors de ce débat je jouerai ce rôle-là. Nous semblons nous acheminer vers un diagnostic partagé, où tout le monde serait d’accord. Effectivement, dans le cadre d’un débat mené par des acteurs diversifiés… d’un même courant, un consensus se dégage. La vérité m’oblige à rappeler – ce n’est pas une critique puisque je trouve les propos tenus très intéressants – que sur nombre de sujets jugés comme des diagnostics, il n’y a en fait pas de diagnostic. Par exemple sur l’augmentation des moyens pour le logement, l’Institut Thomas More vient de publier un pamphlet qui dit en substance ceci : l’un des problèmes de la France, c’est une dépense nettement supérieure à celle de l’Allemagne pour des résultats cependant dérisoires. Ces dépenses ne bénéficient pas suffisamment à la santé, à l’éducation et au logement. Des analyses contradictoires existent bien !
69
Conclusion Les leviers existent à condition d’éviter la seule mesure repoussoir DENIS BURCKEL En forme de synthèse, je souhaiterais dire mon accord sur beaucoup des remarques et propositions avancées par les acteurs de terrain. Je m’oppose vigoureusement à la vente des HLM, sans dogmatisme. Peut-être la cession d’une centaine par an peut se justifier, mais pas un de plus! S’agissant de l’article 17 c) de la loi de 1989, sachez que l’encadrement des loyers est un sujet sur lequel Terra Nova proposera dans les semaines à venir des mesures très claires. Sur l’alternative entre le prêt bonifié ou à taux zéro et la subvention, je me prononce clairement pour le prêt. Celui-ci permet d’abord d’attendre que les coûts des dernières dépenses budgétaires (PTZ et Scellier dont le coût s’étalent sur plusieurs années) s’estompent. On paye en effet toujours aujourd’hui les avantages fiscaux de la loi Périssol que vous avez peut-être oubliée. Elle date d’avant le gouvernement Jospin. On paye aussi davantage les défiscalisations de De Robien, Borloo, Scellier et Apparu pendant un certain temps, c’est ainsi. Par contre, l’autre avantage du prêt est que s’il s’étend sur une longue période, il permet de soutenir beaucoup d’opérations. On retrouve alors une aide à la pierre plus importante. Dans le domaine des idées nouvelles, je souscris à l’idée d’un service public du logement dont les contours sont à définir. Il serait pour moi très simple : un autorité organisatrice du logement au niveau de l’agglomération qui disposerait de toutes les cartes, pilotant un office d’HLM unique, un établissement public foncier unique, appliquant une politique d’attribution des logements, une politique de diffusion de l’aide à la pierre unique au logement selon des priorités, une politique d’urbanisme et 70
de permis de construire en cohérence avec un contrat national. Pour ce qui est du foncier, tout le monde s’accorde à dire qu’il est devenu trop cher. Je connais des promoteurs qui font de la surenchère en achat foncier, mais des collectivités locales aussi. Certains élus sont en effet bien contents de trouver là une façon d’arrondir les budgets de leurs collectivités. Bien sûr, quelques privés s’en mettent plein les poches, mais de manière générale, il faut casser le mécanisme. En revanche, je m’oppose totalement à l’idée d’une loi de 1948 modernisée comme on l’évoquait à l’instant, c’est un cri du cœur. Oui, nous ferons des propositions pour plafonner légalement le prix au mètre carré à la relocation dans certaines zones sur le modèle allemand. Nous avons aussi une batterie de propositions pour taxer la vacance. Mais pas de loi de 1948… Aujourd’hui pour le logement, nous avons besoin de mobiliser l’argent privé et plus qu’actuellement. Si l’on sort la loi de 1948, tout le monde va partir, gardons-nous de cette fausse bonne idée courageuse. Tout reste envisageable : règlementation sur la relocation, levier HLM, contreparties pour l’investissement privé etc. Terra Nova a élaboré 72 propositions sur tous ces sujets, comme l’investissement obligatoire dans le logement d’une partie de leurs fonds propres pour les sociétés foncières, financières, d’assurance. Veiller à ne pas se bloquer sur des concepts et références mal définis JEAN PIERRE TROCHE Je suis très frappé par une avancée implicite que traduit aujourd’hui notre débat, d’autant qu’elle s’inscrit directement dans ce que nous souhaitons à l’AITEC : on sent que nous sommes dorénavant capables de nous situer dans le dépassement de certaines questions en prenant un 71
peu de recul, en recherchant un peu de cette fameuse transversalité, en regardant certaines choses se produire. Les RNLH sont très significatives de ce point de vue, il faut maintenant veiller à ce que l’ensemble des initiatives analogues permettent de multiplier les occasions de cristalliser ces premiers pas. La recherche de ce dépassement me paraît en effet importante. Sur nombre de questions, on reste figé pendant une période marquée souvent par des mots, des expressions. Concentrons-nous à travailler sur le contenu de la loi de 1948 au lieu de s’arque bouter sur un fait historique, on sera assurément plus facilement d’accord. Prenons l’exemple du service public du logement. A l’AITEC, nous sommes très gênés depuis plusieurs années par cette histoire… Sur le fond, nous menons une réflexion aux côtés de mouvements créés sur les enjeux européens afférents aux services publics. Leur détricotage nous choque énormément. On a l’impression qu’à bien analyser le sujet, on se situe précisément dans une logique de service public. En effet, il s’agit de redistribution correctrice des inégalités, permettant à des personnes d’accéder à un service dont ils ne pourraient pas bénéficier aux coûts du marché. Qu’est-ce qu’un service public sinon cela ? Concrètement, il se manifeste par des mécanismes mis en place auprès des personnes, lesquelles doivent avoir des objectifs. Le DALO par exemple entre dans cette logique, bien que très insatisfaisant dans sa version actuelle. Derrière cela, nous voyons à l’AITEC se dégager une fonction d’autorité organisatrice d’un service public local du logement. Or c’est un débat que nous avons eu beaucoup de difficulté à mener parce que les associations, les mouvements même les plus radicaux nous opposaient : « Non, si vous faîtes cela, vous permettez à l’Etat de continuer à faire ce qu’il a fait amplement ces dernières années… » C’est-à-dire ne pas parler du local. On a 72
cherché d’autres mots, mais l’exercice n’est pas aisé. Il me semble qu’il doit y avoir dans ce service public un rôle fondamental de l’Etat, à l’origine du système spécifique de redistribution. Mais un cadre juridique doit être établi y compris avec des responsabilités locales, un peu à l’image du droit au logement dont on est comptable devant une autorité organisatrice. Qu’on l’appelle service public du logement ou non, une autorité organisatrice du logement permettant une régulation citoyenne, notamment par des observatoires, doit agir sur l’ensemble du domaine. Elle doit être dans les mêmes mains que celle qui a en charge les transversalités associées comme l’urbanisme. Il faut faire en sorte que les plans d’urbanisme soient des programmes d’action plus qu’une redistribution du gâteau foncier. Les PLU, les PLH gagneraient à fusionner dans le cadre d’une échelle territoriale définie, probablement la communauté d’agglomération. En Ile-deFrance, nous sommes certainement face à une question très spécifique qui devrait être considérée autrement. Nous devons trouver des lieux pour en débattre. Nous sommes bien là dans ce que j’appelle le dépassement. Pour ou contre le service public du logement ? Peu importe, la véritable question posée est celle du rôle l’Etat, des collectivités locales et de leurs relations en matière de logement. Sur la loi de 1948, c’est la même chose. L’entrée n’est pas la bonne pour traiter des rapports locatifs. Savez-vous qu’en 1948, cette loi avait été perçue comme libérale, parce qu’elle mettait fin à celle du moratoire des loyers qui avait été institué en 1914 ! Une nouvelle mobilisation à cultiver MICHEL MASO Qu’ils fassent débat est bien normal, loi de 1948 ou Service public sont deux grands sujets de fonds auxquels nous amène la réflexion sur la crise du logement. Notons 73
encore une fois qu’en la matière – le fait est assez rare pour être relevé – nous sommes à peu près tous d’accord sur les constats. Je n’ai pas été choqué par ce que j’ai entendu en termes de propositions, j’ai même été plutôt très heureusement surpris… Je souhaiterais simplement insister sur un aspect d’ordre général : l’ampleur des problèmes impose la mobilisation des intelligences et de toutes les expertises. En ce sens, les RNLH représentent un événement rassurant. Sur l’identification des thèmes cruciaux, je continue de penser que parmi tous les sujets importants l’argent est au cœur des questionnements. Dans cette période de mondialisation et de financiarisation de l’économie, le logement est dans « l’œil du cyclone », pas seulement en France d’ailleurs. Cela impose la mobilisation et, je crois, une mobilisation plus étendue que celle de celles et ceux qui se reconnaissent dans une sensibilité de gauche car, aujourd’hui, beaucoup sont attentifs à un problème dont on a tendance à penser qu’il ne les intéresse pas. Lorsqu’ils sont confrontés aux problèmes du terrain, la vision de certains élus change – je ne dirais pas que c’est la loi du genre, car le clivage idéologique peut rester très fort - mais finalement, ils partagent bien des points de mes propres préoccupations ou de celles de mes amis. Face aux défis que nous avons à relever, on ne néglige réellement personne. Il me semble que dans la société française comme elle se présente aujourd’hui en 2011, sur cette planète ultra mondialisée, de nouvelles possibilités s’offrent à nous de faire bouger les choses dans le sens de l’intérêt général : saisissons-les.
74
Les enjeux de l’Habitat
Prendre la mesure de la densité du sujet JEAN-CLAUDE DRIANT Professeur des Universités à l’Institut d’Urbanisme de Paris Particulièrement polysémique, le mot habitat renvoie à de nombreuses dimensions qu’il est utile d’avoir en tête pour aborder la crise du logement. J’en soulignerai trois en introduction, parmi celles qui sont le plus à même d’interpeller les politiques publiques. D’abord, l’habitat renvoie à nos vies dans leur durée. On parle désormais couramment de parcours résidentiel : une succession de périodes qui traduisent l’évolution de nos situations - familiales par exemple - en fonction du logement. Aussi la question posée aux politiques publiques porte sur la capacité de l’offre de logements à accueillir les différents moments de nos vies. Ces derniers passent par des besoins plus ou moins forts de mobilité. Lorsqu’on est plus jeune, lorsqu’on est touché par un accident professionnel ou personnel, on peut être amené à bouger. Le registre des politiques publiques est donc celui de l’offre, son abondance mais avant sa fluidité.
75
Le deuxième registre consiste à voir l’habitat comme la cellule de notre vie au quotidien. Bien que n’étant pas architecte – je pose une question ouverte - j’ai l’impression que nous avons peu fait évoluer l’objet logement au cours des 30, 40 dernières années, alors que les modes de vies eux, ont considérablement changé. Par exemple nos usages de la technologie, notre relation à l’extérieur ou même au corps sont significatifs : n’y a-t-il pas des aspects de l’habitat à repenser, voire bousculer ? Je pense également à la consommation énergétique et à l’émission de pollution ou encore au vieillissement de la population qui justifieraient certainement de revenir sur la conception même du logement, son évolutivité... En somme, travailler l’actualisation de notre habitat. Enfin le troisième registre après la dimension temporelle et celle de la première proximité, celui du cadre de vie. L’habitat, c’est le logement dans son cadre de vie. Il faut souligner que la compréhension du cadre de vie est également importante pour comprendre le marché du logement. Parce que finalement lorsqu’on choisit – parfois par défaut – un logement, on choisit surtout sa localisation, l’endroit où il se trouve et souvent secondairement le produit en lui-même. Evidemment, la question ne se pose que si l’on dispose des moyens de choisir, d’où l’articulation entre les politiques du logement et les politiques urbaines. Offre de services, de transports, offre scolaire… Tout ce qui fait que nous avons envie d’habiter un lieu, avec le souhait d’habiter là où l’on vit. Une problématique qui se trouve au fondement de la rénovation urbaine.
76
La densité, réponse majeure à un problème complexe BERNARD COLOOS Directeur à la Fédération Française du Bâtiment Le regard critique sur l’impact du Scellier et l’équilibre entre aide à l’accession et risques consécutifs sont deux sujets très débattus. Comme observateur du marché de l’immobilier, la prise en compte du temps long conduit souvent à différencier les appréciations. Je relèverai simplement – au-delà de toute dimension critique – que c’est sous le gouvernement Jospin qu’on a construit le moins de logements sociaux. Aujourd’hui nous en construisons beaucoup et la définition du logement social s’est élargie, mais ces chiffres doivent également être expliqués par la conjoncture, des phénomènes contratscycliques et les politiques structurelles du temps présent. Ainsi, il est par nature difficile de dégager un consensus. Pourtant sur certains aspects les chiffres sont clairs si l’on se place dans une démarche comparative. Lorsque par exemple on met en avant la fragilisation des ménages en accession, la mesure de la sinistralité pour l’accession à la propriété en France se range parmi les plus faibles au monde. Cela ne signifie pas pour autant, naturellement, qu’il faille ignorer ces questions. En réponse à l’interrogation de J.-C. Driant, se demandant si le logement évolue, je souhaiterais signaler d’abord que oui, sous les effets des normes. Mon expérience dans le domaine du bâtiment m’a permis de remarquer, en forme de boutade, qu’en période difficile, il n’est pas aisé de construire bien, parce qu’on est forcé de tirer les prix ; en période plus favorable, les entreprises se trouvent vite débordées et donc il est également difficile de construire bien… Par conséquent, je crois qu’il faut arrêter ce débat sur la qualité. Nous construisons beaucoup mieux aujourd’hui qu’on ne le faisait voilà 20 ou 30 ans, les 78
normes y contribuent significativement. Le récent article de Pollock, architecte, est très éclairant sur les dernières normes règlementant l’accessibilité des bâtiments. Le défi le plus lourd posé à l’ensemble des métiers du bâtiment, au-delà de la qualité intrinsèque des constructions qui influe directement sur le contenu du logement et sa forme, c’est la densité. Quand le foncier représente un enjeu crucial, la maison individuelle en périurbain est plus une solution qu’un problème. Je suis conscient d’aller à rebours d’un jugement couramment admis, et fondé d’ailleurs sur les faiblesses de ce modèle au regard d’autres objectifs. La question de la densité traverse la plupart des écrits, elle est probablement la question sur laquelle on réfléchit le plus et peut-être sur laquelle on a le moins progressé. Non seulement nous avons peu progressé mais les rares expériences qui ont été réalisées se sont toutes soldées par une flambée des prix du foncier ; un tel constat mérite de nous interpeller lorsque le thème de la régulation des prix du foncier semble s’imposer dans les esprits. Pour formuler en une phrase le grand défi des entreprises du bâtiment, des promoteurs et de tous les acteurs qui contribuent à l’habitat et à faire la ville, je poserai la question suivante : Comment arriver à des villes plus denses, acceptées à la fois par ceux qui arrivent et ceux qui sont déjà sur place ? Aide au logement social et lutte contre l’étalement urbain, le cas de la Région IDF EMMANUELLE COSSE Vice-Présidente au Logement de la Région Île-de-France Face aux difficultés que connaît l’Île-de-France en matière d’habitat, il nous faut travailler sur une palette de solutions, parmi lesquelles la maison individuelle qui représente en soi un débat. De multiples actions sont à mener, en les pensant à partir des défis qui nous sont 79
aujourd’hui posés. Dans ma région, on déplore une pénurie nette de logements certainement beaucoup plus criante que bien des régions en France, conséquence d’un défaut qui touche l’ensemble des acteurs. L’évolution économique et démographique de cette métropole qui ne cesse de grossir n’a pas été suffisamment anticipée dans un contexte où par contre, la vitesse dans les transports a complètement changé la donne, accompagnant la mondialisation. Ce défaut, très collectif, concerne autant les élus que les acteurs économiques ainsi que l’ensemble des personnes qui travaillent sur le sujet ; il est d’autant plus significatif que la région est simultanément confrontée à une très forte spéculation. Si celle-ci peut se positionner aux premiers rangs des difficultés que connaissent certaines villes, il faut toutefois reconnaître que les niveaux de prix à Paris et en première couronne atteignent des records dépassant toute mesure. Prenons un exemple concret. En face de nos bureaux à la Région, un terrain a été cédé voilà une dizaine d’années par l’AP-HP, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, à la COGEDIM. Mais au lieu d’y créer de nouveaux logements sociaux au cœur du 7e arrondissement, a été édifié un programme de promotion privée vendu jusqu’à 31 000 euros le mètre carré. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Le foncier existe, même en Île-de-France nous ne sommes pas confrontés à une pénurie brute. A la rigueur, le problème serait celui de sa pollution, car les anciens sites industriels sont nombreux. Souvent bien situé, ce foncier pâtit d’une surenchère spéculative menée de concert par les collectivités, l’Etat, les bailleurs sociaux entre eux et la promotion privée derrière. Actuellement dans une bulle, on trouve toujours quelqu’un pour acheter. Voilà notre difficulté. Sur quoi pouvons-nous donc travailler ? Consciente qu’il n’était pas envisageable de mener une politique économique, environnementale, éducative et des transports sans tenir compte du logement, la Région s’est 80
dotée du sujet comme compétence facultative, en s’inscrivant comme un soutien à ceux qui bâtissent, en particulier auprès du secteur social, estimant que pour gagner en efficacité, une priorité devait être définie. Nous avons fait le choix de soutenir en priorité la construction de logements sociaux et très sociaux (PLUS et PLAI). Ce choix s’explique simplement. D’abord, tenir les objectifs de la loi SRU dont l’application contrastée en l’Île-deFrance est bien connue : 80% des constructions sont concentrés dans 20% des communes de la Région, sachant que 380 communes sont concernées par la loi SRU. 80 sont en constat de carence : le minimum exigé par la loi n’est pas atteint, parfois depuis 10 ans. Certaines communes très dynamiques qui comptaient peu de logements sociaux sont en nette progression, d’autres n’évoluent pas. Dans 15 jours, les résultats de la dernière période triennale seront publiés et l’on constatera que des communes n’auront construit qu’un ou deux logements sociaux en 10 ans. Chacun sait pourtant que les besoins en logements sociaux de la métropole sont élevés. D’autre part, la Région travaille contre l’étalement urbain. On peut justement développer le sujet en partant de la maison individuelle. Il y a dans notre pays des aspirations pour tous : ceux qui souhaitent devenir propriétaire d’une maison individuelle, ceux qui veulent vivre dans un habitat collectif ou ceux encore qui désirent d’autres formes d’habitat avec peut-être des pièces communes et retrouver ainsi un mode de vie plus coopératif. Les variantes sont nombreuses. Mais le choix de la maison individuelle, pour légitime qu’il soit, oblige cependant les ménages les plus modestes à s’éloigner considérablement des centres urbains, des zones d’emplois et de services. Cela nous interroge en tant qu’acteurs publics. Les ménages ainsi repoussés aux franges des métropoles ont pu bénéficier de foncier pas très cher, mais à quel prix, finalement? Leurs dépenses en transport sont 81
considérable et les impôts fonciers très lourds. Les services publics de proximité sont absents parce que les communes dortoirs en questions ne disposent pas des moyens de les créer. En conséquence lorsqu’on étudie les dynamiques de population à l’œuvre au sein de l’Île-de-France, beaucoup de ménages aspirent à revenir dans des nœuds, des centralités, où justement on dispose à la fois d’un cadre de vie agréable et d’un accès aux transports, à l’activité économique. Et je pense que nous devons les y accompagner et les aider à s’y maintenir. Voilà notre vision des choses, replacer une vision plus globale liée à l’aménagement. Elle va de paire avec la lutte contre la ségrégation territoriale qui s’ajoute à la ségrégation sociale. Il est dur pour moi de me rendre dans des villes où l’on a concentré parfois jusqu’à 70% de logements sociaux. Puis, vous marchez cinq minutes et vous êtes dans une autre ville qui doit en avoir 5 ou 6%. Une ville pourtant dans le même territoire, avec les mêmes personnes, dont les enfants fréquentent peut-être le même lycée. Nous sommes dans une région qu’on peut traverser en 1 heure 30 de transports en commun, il ne s’agit pas de distances folles… Pour un tournant majeur des politiques publiques SERGE INCERTI FORMENTINI Président de la Confédération Nationale du Logement Hier, j’étais à Toulouse. Je fais le tour de la France et je regarde comment les gens vivent, voilà ce qui m’intéresse. La CNL rassemble plus de 900 000 familles adhérentes, ce qui en fait la première association de France, elle bénéficie d’une expertise de terrain qui m’amène à plusieurs remarques sur ce thème de l’Habitat. Le service public du logement est un thème central de ces RNLH, il traduit une ambition pour le statut de 82
l’habitat dans l’organisation des politiques publiques. En étudiant les archives de la CNL, j’ai remarqué que l’idée avait été émise dès 1924… nous avions déjà des idées progressistes à l’époque ! J’espère que ce projet sera débattu en 2012 et repris lors de la prochaine législature, mais celui-ci n’est envisageable qu’après la remise en cause préalable de la réforme territoriale. Un service public, décentralisé ou non, ne peut se passer de l’échelle départementale. Car cette orientation a une transposition dans le secteur du logement, elle consiste à prôner la fusion des organismes d’HLM en 5 ou 6 grands groupes ; cette option m’inquiète. Avec la notion de service public se pose la question du rôle de l’Etat. Je noterai au préalable qu’aujourd’hui en France malgré la crise, les 10% de ménages les plus aisés n’en ressentent pas les effets. Pendant ce temps chaque matin, 90% des personnes sont confrontés à la crainte du chômage ou à sa réalité. Or l’objet de la République Française est d’établir une solidarité et un intérêt général. En ce sens, il faudrait peut-être remettre certaines choses au goût du jour en s’assurant que les politiques publiques du logement ne soient pas réservées aux quelques bénéficiaires de crédits et réductions d’impôts divers du Périssol, Scellier, Besson et autres qui nous coûtent chaque année des milliards. En somme, revenir non pas à une politique du « plus d’Etat », mais – la formule choquera peut-être – « enfin de l’Etat ». Pour illustrer cette idée, je citerai l’annonce du Préfet de la Région Rhône-Alpes que m’a rapporté Thierry Repentin, président de l’USH : « Nous subventionnerons les logements sociaux à hauteur de 1 euro par logement ». En face, rappelons simplement les trois principaux problèmes que connaissent les familles. 3,5 millions de mal-logés, dont on pourrait évidemment dire qu’ils ne représentent que 5% : c’est déjà trop. Le niveau actuel du pouvoir d’achat et les garanties aujourd’hui exigées pour 83
l’accès au logement représentent des difficultés de plus en plus déterminantes pour la majorité des familles. Enfin, pouvoir se maintenir dans un logement est essentiel – 100 000 expulsions cette année. Pour nous, il est évident que si demain une politique publique réellement garante du droit au logement était mise en œuvre, elle devrait rompre de manière radicale avec le système actuel. L’objectif est clair : cette rupture doit s’étendre à l’ensemble des politiques menées depuis 30 ans. Pour prendre un repère, remontons à 1976 et le livre blanc de l’Union HLM qui précéda la Réforme Barre. Pour prendre une comparaison sur une période plus récente : en 2000, l’Etat consacrait 1,34% du PIB au logement social, aujourd’hui, ce taux est descendu à 1,10%. Dans le même temps, les collectivités locales ont triplé leurs investissements dans ce secteur. On voit bien qu’aujourd’hui, nous nous situons à un tournant politique et de société. Le logement n’est pas une question en l’air, elle est fondamentale. Comme toute question fondamentale, nous ne partageons pas les mêmes constats, même si comme aujourd’hui lors des RNLH, des valeurs nous rassemblent. De même, on ne se retrouve pas forcément tous dans les perspectives que ces constats dessinent. Néanmoins, je souhaite reprendre les propos d’un citoyen avec lequel je discutais tout à l’heure : le débat citoyen est indispensable sur ces questions, même si elles sont difficiles. J’apprenais également qu’hier, mes amis d’Aubagne avaient rendu visite aux SDF de la ville. Aujourd’hui pour les familles à qui il reste quelque chose, ce n’est pas pour vivre mais pour survivre, et je n’admettrais pas qu’on dise que c’est du misérabilisme. Lorsqu’on connaît la charge que représente le logement dans le budget des ménages, on ne peut plus continuer. Des politiques publiques doivent être engagées sur des questions fortes comme le logement. 84
Il faut faire en sorte que se loger et se maintenir dans le logement soient des réponses catégoriques, qui tiennent compte de la mixité sociale, spatiale, des évolutions de la société et des modes de vies. Certes, il faut des jacuzzis, mais d’abord un logement pour tous. La crise du logement en banlieue MARIANNE LOUIS Adjointe à l’Urbanisme d’Evry, Secrétaire Nationale à la Politique de la Ville du PS Avant d’évoquer la spécificité des enjeux d’habitat en banlieue, je souhaiterais revenir sur une question. Y a-t-il ou non une crise du logement ? Certaines études internationales en effet, comme les récents rapports de l’Institut Thomas More ou de l’OCDE, laissent penser que le soutien au logement, notamment social, serait excessif. Je cite pour exemple, une note benchmarking de mai 2011 de cet institut libéral qui indique que «78% de l'effort collectif est dédié au seul parc social, lequel représente 16% de logements en France. (…) Rapporté à la population, ce grand gaspillage français(...)c'est sept fois plus d'argent investi chaque année dans le parc locatif social qu'en Allemagne». La question posée aujourd’hui par les RNLH fonde notre approche : oui il y a une crise du logement. Non ce n’est pas en réduisant un peu plus le soutien au logement social qu’on la réduira. Les RNLH proposent à ce titre une démarche très intéressante : c’est une collectivité locale qui organise un débat sur la question du logement et de l’habitat, en le traitant à la fois dans une dimension locale par rapport à ses propres enjeux et qui simultanément ouvre la réflexion aux enjeux nationaux. Etant Francilienne, on pourrait 85
croire que nous ne sommes pas dans la même dynamique, mais le choix de la problématique générale « 5 ans pour résoudre la crise du logement ? » et non « 2 jours pour s’interroger sur le logement » montre bien la présence d’un postulat entre tous les participants. L’existence d’une crise. D’autre part, pour élargir le champs et donner s’il en était besoin un argument supplémentaire à la légitimité d’une collectivité locale à se saisir de ce débat, je voudrais attirer votre attention sur le fait que même si spontanément, quand on parle du logement, de la crise du logement, on pense aux questions de foncier, de développement de l’offre, d’aide à la pierre, la crise du logement, ce sont aussi des milliers de copropriétés en difficultés, des habitants dépassés par leur statut de copropriétaire, incapable de faire face à leurs obligations, et donc consécutivement tout un travail d’accompagnement social qui mobilise les collectivités locales. Et puisque c’est d’actualité, cela démontre également, la vacuité d’un projet de remise en cause de la clause de compétence générale des Conseils généraux. Alors vous me demandiez si la crise du logement était la même en « banlieue parisienne » qu’ici. Je ne sais pas comment elle est vécue ici. Mais moi je suis adjointe à l’urbanisme à Evry, préfecture de l’Essonne au Sud Est de Paris, une ville qui comporte plus de 40% de logements sociaux. La qualité de l’habitat, l’accès au logement, les difficultés des copropriétaires, sont des sujets qui nous occupent en permanence car ils se posent violement à nos concitoyens. Le logement est cher, rare, et souvent, vécu comme une contrainte, une assignation à résidence pour ceux qui ne peuvent pas en changer. On a le sentiment que tant de choses « découlent » du lieu où l’on vit : mobilité et accès à l’emploi, réussite scolaire, sécurité… Tout ne se joue 86
pourtant pas dans le logement, nous le savons, mais c’est la partie la plus visible de ce mal vivre. En un mot, je crois que la question du logement reste la même, en pire. Quand le tiers d’une population dans nos quartiers vit avec moins de 900 euros par mois et que le prix du logement a terriblement augmenté, le reste à vivre est devenu quasiment nul. Nos habitants sont en fait privés d’un de leurs droits fondamentaux. Paradoxalement, ce n’est pas celui du logement car à Evry une personne qui cherche un logement et qui dispose de ressources (60% des demandeurs sont dans la frange la plus basse) peut se loger, mais une fois payé leur loyer, certaines familles ne peuvent plus rien faire. Elles peuvent à peine faire leurs courses et encore pas toutes. Pour elles, il n’y a plus de liberté. Quel que soit tout ce qu’offre notre société, nos habitants ne sont libres de rien. Evidemment, une telle situation provoque un grand sentiment de révolte. Ils n’ont qu’un seul espoir, au fond : qu’on arrive à renouveler le quartier et à lui redonner de l’attractivité. Cette attractivité passe par la qualité urbaine, ce qu’on appelle parfois les aménités, les qualités de la ville.
87
Les enjeux de la maîtrise publique
MARIE-NOËLLE LIENEMANN Sénatrice de Paris, Ancien Ministre du Logement Ce grand sujet du logement ne peut devenir une grande cause nationale que si chacun des territoires, comme le fait à sa manière le Pays d’Aubagne et de l’Etoile avec les RNLH, s’approprie les enjeux et le débat, en associant les citoyens à des réflexions d’apparence très technique, mais qui en réalité font partie des choix de société auxquels ils doivent être associés. A travers la clé Maîtrise Publique, je développerai ce qui de mon point de vue, peut contribuer à résoudre la crise du logement. Sur les outils fiscaux Premièrement, la régulation des prix du logement – de l’immobilier, des loyers et du foncier – dans notre pays, en redonnant à la puissance publique une capacité de régulation. Ces prix ont en effet dérapé de tous bords : lorsqu’on souhaite acheter un logement, la part du foncier est devenue significative parce qu’une rente foncière considérable s’est installée, avec un décalage croissant entre les dépenses des Français en matière de logement et 89
leurs revenus. Le taux d’effort, c’est à dire la part de revenus consacrée au logement, ne cesse de s’accroitre. Mais après ce constat, que peut-on imaginer pour changer ces tendances et cet état de faits ? Si la politique récente du gouvernement a accéléré ce mécanisme, je pense notamment aux aides fiscales qui ont comme le Scellier entretenu la hausse des prix, il faut bien dire que lorsque la gauche était au pouvoir, nous n’avons pas mis en place d’outils pour réguler sérieusement les prix. Pour les élaborer, il nous faut plonger au cœur du sujet. La maîtrise publique ne doit pas être vue simplement comme la possession de prérogative, mais comme la capacité d’agir pour réguler. Plus-values, taxe foncière Parmi les outils fiscaux, deux idées sont débattues actuellement, pour essayer d’éviter que les prix de l’immobilier ne flambent ou plus justement, pour permettre qu’à travers l’augmentation des prix, nous ayons suffisamment de ressources publiques pour développer une intervention publique : c’est la réforme de la fiscalité. On y trouve notamment la taxation progressive sur les plusvalues. Il est légitime de bénéficier d’une plus-value jusqu’à un certain niveau ; au-delà, la plus-value est taxée beaucoup plus. Dans le cas d’un système quasi spéculatif, on peut même envisager un impôt presque confiscatoire, faisant en sorte que la spéculation soit sans objet. La piste alternative s’appuie sur la modification des bases de calcul de l’impôt foncier, faisant que cet impôt soit plus justement adossé à la valeur du bien. Prenons un exemple : une agglomération réalise un tramway qui confère une valeur nouvelle au terrain. Aujourd’hui, de petits mécanismes permettent à la collectivité de récupérer un peu des externalités de son investissement. Or on pourrait considérer normal qu’à la mise en fonction d’un 90
tramway, faisant de facto augmenter la valeur des terrains, l’impôt foncier augmentera de sorte que la rente foncière sera captée par la collectivité publique dès le début. La seconde idée figurait déjà dans nos propositions de 1981 : déposer une loi qui prévoit que l’impôt foncier soit calculé sur une base déclarative. Le principe est le suivant : estimant que votre maison ou votre terrain vaut tant, vous payez votre impôt foncier en fonction. Cependant, dans le cas où vous cédez votre maison ou votre terrain, une actualisation est opérée. Si le prix de vente s’éloigne de la valeur déclarative, un arriéré d’impôt sera demandé. Ainsi, le mécanisme ne pousse pas à spéculer parce que l’arriéré d’impôts est automatique. On voit ainsi qu’à travers la fiscalité, on doit pouvoir non pas brutalement faire baisser les prix mais éviter leur hausse massive. Développer les réserves foncières Dans un autre registre, on peut mettre en place des outils capables de rendre à la puissance publique la capacité de constituer des réserves foncières. Les établissements publics fonciers sont des structures lourdes, il conviendrait de les compléter par des dispositifs plus proches des élus ou au sein des structures d’HLM ellesmêmes, créant des réserves foncières spécifiques à l’échelle des agglomérations ou des collectivités territoriales. Mais au préalable, des ressources doivent être trouvées. La réforme fiscale peut en apporter une partie, je reste en effet convaincue que les droits de mutations doivent être adossés à la spéculation. Par exemple, dans une ville comme Paris où vous observez 20% d’augmentation des prix du foncier et dans le même temps une augmentation des droits de mutation, il ne serait pas illégitime d’imposer aux collectivités un certain pourcentage de ces droits de mutations en obligation de 91
réserve foncière. Cela représenterait de surcroit un avantage pour ces collectivités : lorsque les prix du foncier augmentent, les recettes augmentent et contribuent à créer de la réserve foncière ; lorsque les prix baissent, la collectivité a la possibilité de compenser la diminution de recette en vendant ses terrains, un levier pour niveler le niveau d’impôts en quelque sorte. Je crois en tous cas qu’il nous faut doter les établissements publics foncier locaux, régionaux voire les organismes HLM eux-mêmes, de moyens pour créer de la réserve foncière. Acheter des terrains est une façon de réguler leurs prix. Loyers à la relocation Sur les loyers, des idées ont fait leur chemin. On sait que les augmentations de loyers les plus importantes ont lieu au moment de la relocation, notamment dans la région parisienne, les grandes agglomérations, la région PACA et en général les bords de mer. Il s’agit donc d’encadrer les conditions de relocation. Sauf en cas de rénovation d’économies d’énergies ou d’amélioration sensible suite à des travaux, le loyer devrait continuer sur la base de l’indice normal de la hausse des prix. J’insiste sur ce point car il avait été négligé lorsque la gauche était au pouvoir, parce qu’on était alors très largement inspiré par l’idée selon laquelle on pouvait laisser faire globalement le marché et donner seulement des aides à la personnes pour accompagner la hausse des prix d’une part, accorder un soutien à la construction de logements abordables de l’autre. Ce type de régulation est insuffisant, il n’a pas d’incidence sur les effets de hausse de prix importants. Construire, avec des objectifs précis Il nous fait construire massivement du logement et du logement adapté aux besoins de nos concitoyens. 92
Aujourd’hui, deux tiers de notre production correspondent à peu près à des logements abordables pour le tiers supérieur des plus riches ; un tiers seulement correspond aux deux tiers de la population. Tous nos efforts doivent se concentrer sur la construction massive de logements correspondant à cette catégorie. Il n’y a pas de miracle, cette exigence passe par l’aide à la pierre. Certes, le foncier est déterminant, mais l’aide à la pierre l’est tout autant. Alors se pose la question des ressources que possède le pays. Comment la maitrise publique peut-elle les mobiliser ? Au préalable, les aides fiscales ne servent à rien de mon point de vue, car l’aide accordée ne porte pas sur ces logements correspondants aux besoins. Citons les Scellier ou encore les fameux crédits d’intérêts d’emprunts du nouveau prêt à taux zéro dont le tiers des bénéficiaires se situent dans les catégories 9 et 10 de revenus. Franchement, ces gens-là ont-il besoins d’une telle aide pour accéder à la propriété ? De tels dispositifs contribuent à la hausse des prix en général, ces fonds pourraient avantageusement être réaffectés à destination de l’accession à la propriété des ménages modestes. Ciblons toutes les aides publiques selon cet objectif. Reste que les aides publiques doivent être conservées. Le livret A qui finance les HLM, ne remonte plus à 100% sur la Caisse des dépôts. Une partie des fonds est resté sur les banques des particuliers pour théoriquement être réinvestis comme aide au logement et aux PME. En réalité, personne ne sait contrôler si tel est vraiment le cas, il existe de grandes contestations sur ce point. Je pense que d’une manière générale, il faut remobiliser les banques et les assurances pour produire du vrai logement abordable. Car les besoins sont divers. Ici les territoires ont besoin spécialement de logements sociaux ou très sociaux quand ailleurs ce sont des logements intermédiaires qui viennent 93
à manquer. Ou bien ils sont tellement chers qu’ils deviennent inabordables pour les salariés moyens. Sous De Gaulle, on avait après 1954 imposé aux banques et aux assurances d’avoir dans leur patrimoine des réserves pour du locatif intermédiaire. Il faut réitérer cette démarche en rappelant les nombreux avantages que l’Etat a consenti lors des récentes difficultés de ces organismes. Quant au logement social, ses ressources doivent être garanties. Si nous continuons d’assécher le 1% en substituant à des subventions d’Etat le prélèvement du 1%, il nous manquera les fonds pour créer du locatif et construire du logement abordable dans ce pays. Quelle mise en œuvre ? Reste posée l’organisation même de cette maîtrise publique du logement. Revient-elle à l’Etat, aux collectivités locales ? Comment mettre en musique tous ces acteurs plus ou moins publics, mais toujours d’intérêt général. Comment déployer leur action sur le territoire ? Notons d’abord qu’aujourd’hui, les collectivités locales payent plus pour la construction d’HLM que la subvention budgétaire de l’Etat. Sans le relai des collectivités, nous n’aurions pas atteint les chiffres actuels, bien que persiste encore, je pense, un problème d’appropriation territoriale. Car en la matière, on se retrouve vite confronté au débat de la loi SRU : on trouve souvent un accord de principe pour privilégier le local, mais encore faut-il que chacun fasse son devoir, distinguant le local motivé de celui qui le serait moins. Pour dépasser ce paradoxe, il nous faut réinventer un système dans lequel on planifie au sens noble du terme le rattrapage de la construction de logements sociaux en France. Premièrement, faire appliquer sans mollir la loi SRU. Rappelons que si les objectifs étaient atteints, nous 94
disposerions de 400 000 logements sociaux de plus, c’est à dire environ la moitié du chemin à parcourir pour rattraper le retard. Pour avancer maintenant, il ne suffira pas d’augmenter les recettes en multipliant simplement les amendes par 3, 4 ou 5. Je plaide depuis longtemps – l’idée était d’ailleurs déjà sous-jacente dans la loi – pour qu’une collectivité en cas de manquement manifeste à la mise en œuvre de la Loi SRU perde ses droits d’urbanisme en terme de droits de permis de construire, le préfet devenant alors compétent en la matière. Ne doutons pas que les maires, déjà très réticents face au glissement du permis de construire à l’intercommunalité, sauront réagir dès lors qu’ils sentiront venir le vent de la dépossession. Voilà un outil pour agir. Nous devons toutefois aller plus loin que la stricte mise en œuvre de la loi SRU. J’ai beaucoup étudié le fonctionnement très décentralisé de nos amis allemands. Bien que n’étant pas de tendance très décentralisatrice, je sais qu’aujourd’hui nous ne réussirons pas si nous ne sommes pas capables de territorialiser une implication claire des collectivités locales pour assumer leur devoir. Dans cet esprit je propose un système à deux vitesses. Une loi de programmation générale est préparée, dans laquelle est défini ce dont le pays a besoin. Par exemple, on pourrait y trouver : « toute opération de logement dans les zones urbaines ou à urbaniser doit prévoir un minium de tant de logements sociaux ». Lorsque la loi SRU n’est pas respectée en particulier, on doit avoir tout de même ce seuil minimum de 20 à 25% par exemple. Il est important de trouver des repères clairs, des règles générales qui s’appliquent partout. Ce ne peut être à la tête du client : à Paris on fait 30%, à Neuilly résultat est différent. Les promoteurs immobiliers s’adapteront à ces règles, qui seraient en l’occurrence plutôt un avantage commercial. Ils seraient assurés à chaque fois que le tiers du programme est vendu. 95
Deuxièmement pour ce qui est des collectivités, les besoins globaux doivent être estimés au préalable en distinguant de grandes régions, sous forme d’une loi. Ensuite, chaque collectivité doit délibérer pour fixer ses ambitions en matière de logement en fixant des objectifs chiffrés. Puis les collectivités sont consultées pour les accompagner dans la méthode, définir les aspects techniques à maitriser, les conditions à réunir pour la meilleure efficacité. Intervient alors une seconde loi. Soit les engagements des collectivités sont conformes aux grandes ambitions nationales, soit elles n’y pourvoient pas suffisamment et dans ce cas, le parlement assume sa légitimité. L’égalité républicaine doit être garantie par des mesures de contrainte. Or précisons que la contrainte ne se manifeste que lorsque la collectivité n’a pas été en situation de s’approprier l’enjeu et de donner ses arguments qui montrent comment elle y prend pleinement sa part. On ne peut envisager de fonctionner « à la Schlag » et les Français savent freiner ce qui de force leur est imposé. Mais en même temps, la République a ses exigences, celles-ci doivent être tenues. Evidemment, tout cela ne fonctionne que si l’Etat met de l’argent. J’ai évoqué les niches fiscales, il existe des réserves fiscales non négligeables. Dans tous les cas, il est clair que si la maîtrise publique ne met pas en mouvement tous ses moyens – Caisse des dépôts etc. – au service de cette ambition, nous ne parviendrons pas à régler le problème. Mais surtout, nous devons garantir au moins 2% du PIB au logement pendant une dizaine d’années pour rattraper notre retard. Sur le plan de la mise en œuvre, je pense que serait très bénéfique l’instauration d’un guichet unique, régional ou départemental réunissant dans une même structure des représentants de la caisse des dépôts, des agglomérations, des départements, des régions, d’action logement, du 1% territorialisé… Parce qu’il n’est 96
plus possible de travailler avec vingt-cinq mille critères de subventions, dans le cadre de zonages rigides. Une souplesse locale est souhaitable. En résumé, il nous faut l’Etat « d’intérêt public local » comme acteur de la mise en commun des énergies autour d’une planification rénovée, et une façon de concevoir le service public de l’habitat au moins pour le champ de la production. Je n’ai pas du tout évoqué la réhabilitation, la gestion, etc. Les sujets cruciaux ne manquent pas.
97
Le 1% au cœur de la tempête ? BERNARD LOTH Administrateur de l’APAGL Les tempêtes, nous en essuyons régulièrement… comme en 1998 avant la conclusion de l’accord avec Lionel Jospin sur la convention du 1% en faisant contre poids, pour ne pas dire barrage à Bercy qui , depuis 1995 voulait la fiscalisation du 1% logement et suivant la méthode de la contractualisation, qui selon le Conseil d’Etat était une forme moderne de gestion du service public. A l’évidence, l’actuel pouvoir et surtout sa technostructure de Bercy semble ne pas partager ce point de vue. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau dans l’œil du cyclone suite à une période 2008-2011 qui a été précédée d’une crise interne au patronat d’une exceptionnelle gravité. Elle s’est soldée - j’allais presque dire en repensant au film de L. Besson – par le passage d’un nettoyeur… On a bradé un peu trop hâtivement ce qui était quand même l’argent des entreprises et des salariés, puisqu’il ne s’agit ni d’un impôt, ni d’une taxe, mais bel et bien d’un investissement privé obligatoire pour le logement des salariés des entreprises cotisantes. Dans le même registre, le prélèvement sur le 1% logement peut même constitutionnellement poser problème puisque le Conseil Constitutionnel a rappelé dans le cadre d’une QPC que l’Etat ne pouvait pas mobiliser ces fonds comme il le souhaitait mais devait respecter cet argent privé affecté à des missions d’intérêt général. Le dispositif a été étendu dans une démarche tout à fait normale à l’ensemble des salariés au titre de la solidarité interprofessionnelle, voire à des populations défavorisées dans le cadre d’une démarche sociétale. En 1997, nous avions même innové en instituant la notion de droit ouvert avec son corollaire, la mutualisation et en prenant comme 98
cible au cas présent les jeunes.... Dès l’instant où je remplis les conditions pour bénéficier d’un emploi du 1% logement, je peux m’adresser indifféremment au CIL où l’entreprise, mon lieu d’exercice professionnel, verse sa contribution ou celui de proximité de mon habitat Bref, le lien avec l’entreprise se trouve distendu car le 1% logement n’est pas une variable de la politique sociale de l’entreprise mais un élément de l’application des droits qui me sont reconnus en tant que salarié!. Or tout cela aujourd’hui, dans la conception libérale, est remis en cause. Les droits ouverts sont remis en cause, la façon dont on approche le logement social est remise en cause. Je me demande qui est, de l’œuf ou de la poule, celui qui le plus rapidement opère ces remises en cause, du gouvernement français ou de l’OCDE. Je tiens à attirer l’attention sur ce dernier rapport de l’OCDE qui considère le logement comme une marchandise alors que c’est tout au contraire un élément essentiel de l’insertion économique et sociale, avec l’emploi, la formation, la santé de surcroit et naturellement derrière tout cela, la défense du pouvoir d’achat. Si l’on perd cela de vue, on a perdu le sens de ce pourquoi nous nous battons : le logement économiquement accessible au grand nombre de la population. Partenaires sociaux : un statut devenu incertain Les partenaires sociaux aujourd’hui revendiquent leur indépendance. Nous avons indiqué depuis un certain nombre d’années que nous nous situons dans une logique de complémentarité aux politiques publiques. Mais la complémentarité ne va pas jusqu’à venir nous prendre tel un hold up, l’argent dans la poche ; prendre notre carnet de chèque pour financer en fin de compte ce que l’Etat ne veut plus financer. Je constate que les aides à la pierre se réduisent. Que demande-t-on au 1% ? De subventionner davantage. On passe de 170 millions à 285 millions sous 99
forme de subventions, rien que pour compenser les aides de l’Etat. Dans le même temps, les collectivités sont mises de la même manière à contribution, ne serait-ce que lorsqu’on regarde la question du financement de la surcharge foncière. Cette méthode nous interroge. Nous sommes d’accords pour que des priorités soient reconnues et nous faisons acte qu’hier, c’était au-delà du concept de précarité qui aujourd’hui devient malheureusement une tendance générale, qu’on ciblait les publics et des territoires. N’est-il pas tout de même paradoxal de constater que là où l’emploi se développe, c’est également là où nous avons par habitants le moins de logements sociaux, c'est-à-dire de logements économiquement accessibles ? Comment un jeune, pour ne prendre que cet exemple, peut-il ne pas trouver un obstacle à l’accès à l’emploi si déjà l’accès à un logement économiquement accessible lui est fermé ? Les partenaires sociaux sur ce plan sont prêts à faire les efforts. Voilà quinze jours, ce qu’on appelle un ANI, (un accord national interprofessionnel) sur les jeunes et le logement a été conclu. Action Logement l’intégrera dans sa démarche sur la période 2012-2014 et l’a même anticipé depuis au moins deux ans. Cependant, ce progrès semble insuffisant. Une fois de plus en effet, nous sommes en présence d’un Etat dont je dis d’ailleurs qu’il prétend de manière fausse qu’il est en état d’impécuniosité - quand un Etat permet le Scellier sans contrepartie sociale en termes de loyers ou d’accessibilité notamment, celui-ci a les moyens de sa politique du logement, sans avoir besoin, au demeurant, de puiser dans la poche des partenaires sociaux-… J’ai rencontré Monsieur Scellier qui m’a dit : « On aurait mis une clause sociale en matière de plafonnement des loyers à pratiquer, j’aurais voté cette disposition. A travers l’effort financier consenti par la nation, il faut qu’il y ait une contrepartie sociale qui trouve sa concrétisation dans la réponse à un besoin de la population 100
Une situation de crise Pourtant, nous sommes bien dans une période de crise du logement, comme l’indique le mot d’ordre des RNLH. Quand j’entends qu’on se gargarise de 150 000 logements sociaux financés, on oublie de dire qu’on en a 15 000 qui correspondent à des rachats d’ICADE. La production c’est de la construction, et éventuellement de la réaffectation. Il ne faut pas confondre financement et production! En fait je crois que notre gouvernement est autiste sur ce sujet. Quant à nous, je veux parler en particulier des militants syndicaux et pour être plus précis encore, ceux de ForceOuvrière, nous avons proposé des mesures exceptionnelles, la réquisition de logements vacants taxés, avec une juste indemnisation de leur propriétaire, assorti si besoin de la garantie des risques locatifs, pour se garder de toute complication éventuelle pour les petits propriétaires qui possèdent un, deux voire trois logements dont les loyers sont la source de leur revenu. Les Institutionnels, quant à eux, devraient se voir opposer la prorogation du conventionnement arrivant à terme ou à défaut, au moins, la reconnaissance du loyer plafond des ménages en place tel qu’il était fixé dans le cadre du conventionnement. Produire, avec peut-être pour se faire, quelques propositions iconoclastes comme par exemples, en matière de maîtrise du foncier ou d’exercice du droit de préemption, c’est permettre l’accès notamment dans un logement économiquement accessible. Le droit de propriété, pour important qu’il soit puisque reconnu constitutionnellement et au niveau européen, ne doit concerner que le terrain et ses constructions mais assurément pas les droits à construire résiduels résultants de ce qui existe de ce que la collectivité a décidé d’autoriser a fortiori si cette collectivité a décidé de
102
conduire une politique globale de densité urbaine et de mixité sociale. Est-il normal que le maire d’une commune SRU a fortiori en constat de carence, ne soit pas contraint de porter à connaissance les cessions foncières pour lesquelles il entend ne pas exercer le DPU et empêcher ainsi au Représentant de l’Etat de se substituer à cette autorité défaillante, dans son obligation de résultat. Mais la crise trouvera sa résolution dans un partenariat fort entre un Etat qui oublie parfois qu’une condition pour assumer son statut de garant du droit au logement est de mettre la main à la sébile, les élus locaux, porteurs de projet, de l’aménagement territorial. Enfin les acteurs, dont les partenaires sociaux qui doivent être associés aux mises en œuvre pour la meilleure adéquation possible entre financement et réponse aux besoins. Cela suppose bien évidemment des moyens. Sur le plan national, je suis partisan d’une loi de programmation. D’ailleurs, la loi de programmation et de rénovation urbaine a été un outil très utile. La convention signée entre l’Etat et l’UESL avait en annexe l’engagement gouvernemental en autorisation de crédit et de paiement; une précision que Bercy s’est pourtant empressé de balayer d’un revers de main avec la Loi Boutin, oubliant au passage que l’Etat restait redevable envers l’ANRU de 4 milliards d’euros. Enfin, je souhaiterais souligner une nouvelle fois que nous sommes en situation de crise : il nous faut produire. Il manque en France entre 900 000 et 1 000 000 de logements, et la production actuelle ne répond pas même aux nouveaux besoins. On se situe en effet à environ 350 000 logements neufs par an, alors que sont recensés des besoins de l’ordre de 450 000. Nous couvrons à peine l’évolution du besoin sans résorber le problème passé. Le grand emprunt devrait servir pour le logement, afin qu’il 103
nous permette dans les cinq années à venir de développer une production adaptée. Celle-ci permettrait de garantir l’emploi dans la filière du bâtiment, et occasionnerait même l’émergence de métiers nouveaux en plus de la réponse au besoin fondamental des Français en matière d’accès à un logement locatif social ou en accession. Car l’accession est un élément fondamental auquel souscrivent les partenaires sociaux, lorsqu’elle découle d’un choix personnel et pour peu qu’il soit prévue une sécurisation. Cette période que nous vivons, dans laquelle on connaît une forte montée du chômage, impose que les accidents de la vie ne soient pas un obstacle à l’accession à la propriété, lorsqu’il s’agit d’un choix personnel des salariés. Action Logement est prêt à intervenir sur ce sujet. C’est également une façon de redonner de l’oxygène dans l’offre locative des bailleurs sociaux. Ainsi est-il possible de répondre simultanément à des préoccupations individuelles et à un souci collectif. STEPHANE PEU Vice-Président de Plaine Commune Président de Plaine Commune Habitat Un modèle social à défendre Le foncier constitue la matière première de la production de logement et donc de l’immobilier de manière générale. La régulation publique en la matière doit donc être beaucoup plus forte. Les propositions portant sur les établissements publics fonciers existent à partir de procédures règlementaires. L’aménagement public lui aussi gagnerait à être remis à l’ordre du jour, soit en le défiscalisant, soit en l’encourageant financièrement. La décennie qui vient de s’écouler a en effet été celle de la plus faible création de ZAC sur l’ensemble du territoire, en 104
raison de l’idée que le secteur privé peut se substituer à l’aménagement public. Bien sûr, les pressions exercées en ce sens ont été nombreuses. Notre pays a un modèle social à défendre. Certes celuici n’est pas immuable, il doit être modernisé, adapté, mais pour autant farouchement défendu. En conséquence, une telle exigence demande parfois de s’affranchir des contraintes, notamment européennes. Il n’y aura pas de grande politique publique sur le logement dans notre pays, comme sur d’autres sujets, si l’on ne décide pas de rompre avec le pacte de stabilité, si on ne reprend pas un certain nombre de marges de manœuvres comme certains savent le faire. Les Allemands sont soumis à la même obligation européenne de scissions des métiers du transport et de la possession des infrastructures. Or ils ont décidé de ne pas l’appliquer. On met souvent sur le compte de l’Europe des évolutions fortement préjudiciables. Le logement est lui aussi concerné. Depuis plusieurs années, il existe une forte pression pour faire sauter l’exception française sur les questions foncières : le droit de préemption. Doit-on se priver de cette spécificité? Comment demain prôner une maîtrise publique et une régulation publique du foncier, à la base de tout comme je l’ai précédemment indiqué, en plus de l’ensemble des difficultés que nous connaissons ? Le droit de préemption est la base de la maîtrise publique, insuffisamment mis en œuvre par les collectivités, bien qu’un outil juridique efficace. On doit rendre grâce au préfet Duport d’avoir établi un rapport au Conseil d’Etat qui a évité à l’Assemblée Nationale de légiférer sur le sujet. Restaurer le modèle social français et le moderniser est d’autant plus impérieux que nous vivons une période où il suffit d’aller écouter les gens de la Puerta del Sol pour se rendre compte que là-bas, le transfert de la réponse sociale vers le secteur privé pose question. Rappelons que l’exemple espagnol, le plus emblématique en Europe, était 105
celui du Président de la République lors de sa campagne vantant la « France de propriétaires ». Le résultat est là pour montrer la catastrophe qu’amènent de tels choix. L’Espagne est le pays où les jeunes quittent le plus tard le domicile familial, vers 33 ans. En parallèle, on trouve des villes fantômes, vides, avec des milliers et des milliers de logements vides. On voit bien que là où le transfert vers le privé a été privilégié, c’est le contraire de l’efficacité qui se produit. Financement : l’incontestable recul de l’Etat Action Logement a quant à elle un statut très particulier. Les responsables syndicaux ont fait une erreur en refusant l’idée de territorialisation du 1%. Quand l’Etat est venu changer la donne en s’accaparant une partie des fonds, les élus locaux n’avaient pas la visibilité suffisante pour défendre Action Logement. Les unions départementales, locales, leurs représentants, ne connaissaient pas suffisamment la situation, les MEDEF locaux non plus. Territorialiser le 1% permettrait de le défendre plus efficacement, comme une part essentielle du modèle social et économique du logement en France. Ce dernier doit reposer sur trois pieds. La participation des salariés et des employeurs à l’effort de construction ; un pôle public bancaire adossé au livret A et à la Caisse des dépôts - bien qu’il ait été remis en cause dans la dernière période, il demeure une source de financement sur les prêts bas à taux bas et de longue durée permettant de construire et de produire des loyers modérés ; un investissement public à la fois de l’Etat et des collectivités locales, la part de l’Etat étant cependant en baisse. Prenons un exemple sur le désengagement manifeste de l’Etat : le modèle social des HLM. Dans une rue de SaintDenis, l’office que je préside livrait un ensemble de logements. Un immeuble qui comportait des logements de 106
catégorie PLUS, construits avec des loyers de sortie plafonnés à 6,80"/m!. A 200 mètres dans la même rue, on trouve l’immeuble d’un promoteur dont la moitié a été vendu en Scellier. Le loyer moyen du Scellier est de 16 "/m!. Or, fait encore plus scandaleux, l’effort de la collectivité publique, de l’Etat c’est à dire l’argent qui a été consenti par la Nation est 10 fois plus élevé dans le Scellier qu’il ne l’a été dans le logement social. Aujourd’hui en Seine-Saint-Denis, le Préfet nous a réuni récemment pour nous indiquer le montant des aides à la pierre : 600 " par logement, lorsqu’un logement social coute en moyenne 150 000 " à produire. Ce sont donc les collectivités qui compensent. En revanche, vous pouvez monter selon votre régime fiscal, vos revenus et la taille de votre appartement, ainsi que l’avait démontré lors de son lancement la Fondation Abbé Pierre, de 50 à 70 000 " d’aides fiscales de l’Etat en achetant un Scellier si vous en avez les moyens. Il y a donc eu une déportation totale des aides publiques vers l’accession à la propriété des plus riches. Ainsi, se libérer de telles contraintes redonnerait des marges de manœuvre à l’intérieur de la dépense existante de la nation pour le logement, et permettrait de la répartir en faveur des plus modestes. Je crois beaucoup au Service Public du logement. Service Public ne signifie pas grande machine nationale, mammouth pour reprendre l’expression, mais volonté politique nationale : des moyens mis en œuvres, des cadres règlementaires, un déploiement sur le terrain local par une décentralisation et une application au plus proche des cas singuliers, au plus juste dans l’effort qui doit être produit.
107
LIONEL PRIMAULT Membre du collectif Jeudi Noir Sur la notion de propriété « Application de la loi de réquisition / Régulation des loyers à la con ». Voilà deux slogans habituels de Jeudi Noir, que l’on retrouve dans les manifestations et ailleurs. Voilà deux des mesures que nous prônons depuis notre création assez récente, une petite poignée d’années. Malgré tout et pour les avoir défendues devant de nombreux interlocuteurs publics, privés, partis et organisations diverses, nous butons chaque fois sur cette vache sacrée du droit français que constitue le droit de propriété absolu, inviolable et sacré. Une révolution culturelle est à mener en France sur cet héritage du droit romain, qui fonctionnait très bien avec le droit rural du temps des sociétés agricoles. On comprend bien en effet qu’on puisse être propriétaire du sol, du sous-sol et du ciel jusqu’à l’infini lorsqu’on est propriétaire d’un lopin de terre en Picardie, avec une petite maison dessus. On comprend le droit finalement incontestable du propriétaire de faire quelque chose de son lopin, ou de laisser sa maison vide. Or aujourd’hui dans notre société majoritairement urbaine, ce droit est devenu complètement désuet. Pourtant, on entend parfois dire : « Je suis propriétaire à Paris d’un trois pièces dont j’ai hérité, les locataires m’enquiquinent. Je n’ai plus envie de louer. Tout compte fait, je le revendrai quand j’aurai besoin d’argent. En attendant, je le laisse vide et c’est mon droit absolu, ne venez pas me le contester.» Il me semble qu’un travail est à mener sur ce droit de propriété. Faut-il un grand soir de la propriété comme un grand soir fiscal ? Faut-il renforcer la fiscalité sur la plus-value ou bien sur la richesse que représente la propriété foncière ? On me disait récemment qu’à un terrain agricole était associé un impôt foncier sur le terrain agricole. S’il devient constructible, du 109
jour au lendemain par le fruit d’une décision publique locale, le propriétaire devient fiscalement propriétaire d’une friche, qui n’est alors plus soumise à l’impôt car, c’est bien connu, une friche ne vaut rien… On touche bien là à la nécessité d’une réflexion sur la nature même de la propriété, des plus-values associées et de leur fiscalité. Sur la relation propriétaire-locataire Concernant la régulation des loyers, le Secrétaire d’Etat au Logement Apparu a pris des mesures mais il y a un piège dans les choix opérés. Admettre qu’il y a des abus sur les petites surfaces et les petits appartements à Paris et décréter un plafond à ne pas dépasser sans l’interdire – l’Etat se partageant le gâteau au détriment du locataire - Je trouve cela assez copieux. Ce plafond a été fixé à 40 euros du mètre carré, résultat obtenu sans explication. En réalité, je crois qu’on se trompe, en négligeant un problème plus profond qu’est la relation propriétaire-locataire. Lorsqu’on est locataire, on se trouve face à un propriétaire, comme un salarié face à un petit patron. Avec l’unique propriétaire d’une entreprise qui emploie un ou deux salariés, les négociations salariales sont extrêmement dures parce que symboliquement voire émotionnellement, ces augmentations paraissent toujours des efforts considérables. Remarquons au passage que les personnes salariées dans ces petites entreprises sont rarement les mieux payés. On retrouve ce genre de relation dans celle qui oppose le locataire au propriétaire particulier, surexigeant. Celui-ci estime toujours que son bien a une valeur absolue, qui dépasse de 10 fois celle de l’appartement d’en face. Il exige donc un locataire absolument parfait, qui se présente avec son papa et sa maman, la jolie cravate, la caution, … Pour réellement réguler ces « loyers à la con », la relation locatairepropriétaire ne devrait plus être interpersonnelle. 110
Plusieurs solutions sont possibles. Par exemple, faire en sorte que les propriétaires qui investissent eux-mêmes directement, localement, qui réalisent un investissement locatif, investissent plutôt dans de petites sociétés d’économie mixte ou d’économie sociale locale, dans lequelles ils seraient propriétaires de parts gérées avec une forme de regard social et collectif. Il y aurait toujours un rendement, mais découlant d’une organisation plus mutualisée à l’échelon local. Les investisseurs institutionnels d’autre part doivent revenir dans le secteur du logement, puisque justement ils fonctionnent sous une forme non interpersonnelle. Enfin, je souhaiterais ajouter une remarque sur le Scellier, qui est source de nombreux commentaires. Dans le cadre de mon activité professionnelle, je suis amené à suivre des copropriétés en difficultés. Cela m’amène à m’interroger sur les coûts futurs du Scellier. Mettre dans un même lieu un ensemble de copropriétaires pour la plupart éparpillés dans toute la France, qui pour certains n’ont jamais vu la couleur de l’immeuble en question, se retrouver avec 100% de propriétaires-bailleurs : que se passera-t-il lors des premières grosses réparations ? On le sait malheureusement déjà, certains ne feront pas face à leurs échéances. Il faut donc se préparer à de futures copropriétés plantées, avec des marchands de sommeil et des conditions de vies lamentables, doublées de localisations mal situées. En définitif, on payera le Scellier deux fois.
112
Les enjeux du financement JEAN-LUC BERHO Président de l’APAGL, Vice-Président de l’UESL Financer les risques locatifs dans le parc privé L’APAGL, l’Association pour l’Accès aux Garanties Locatives, est l’enfant de la CLU. En 2001, Marie-Noëlle Lienemann alors Ministre du Logement m’avait demandé de travailler à un rapport sur ces problématiques, que j’ai remis juste avant l’élection présidentielle de 2002. Par la suite, ce rapport a servi à caler les armoires pendant plusieurs années… Cela dit, il ne faut jamais s’arrêter à partir du moment où la question posée est pertinente et n’a pas de solution. En l’occurrence, celle-ci était simple : Comment faciliter l’accès et le maintien dans le logement pour l’ensemble des ménages ? Simple à poser, la réalisation est très complexe. En France, nous disposons de 4,5 millions de logements sociaux et 6,5 millions de logements locatifs privés. La réflexion porte donc sur cette seconde catégorie de logements. Comment faire en sorte aujourd’hui, plus encore qu’hier, que la texture du salariat notamment, ainsi 113
que toutes les personnes bénéficiant d’un autre mode de rémunération, puisse entrer dans le locatif privé et s’y maintenir, malgré le difficile paiement du loyer ? La Garantie du Risque Locatif, GRL, sécurise actuellement la relation bailleur-locataire et devrait fonctionner sans difficulté. Or, parmi les multiples compagnies d’assurances, toutes n’ont pas saisi qu’il fallait mettre en place un système de garantie. Pour schématiser, l’assurance en général n’assure que le non-risque… La remarque n’est bien entendu pas valable pour toutes, il existe quelques assureurs mutualistes, avec d’autres positions sur le sujet. 200 000 logements sont couverts par cette GRL proposée par 3 assureurs. Les autres assureurs amenés par les courtiers et administrateurs de biens ont choisi une niche, extrêmement sélective, la Garantie Locative des Impayés, la GLI. Cette GLI pose comme condition un taux d’effort maximum de 34% lorsque la GRL accepte jusqu’à 50%. On pourrait dire que le seuil pousse au crime mais le mal est déjà là. En effet, 60% des personnes qui sont rentrées dans le logement aujourd’hui ont un taux d’effort supérieur à 34%. Par conséquent, si ce niveau du taux d’effort n’avait pas été monté, ces personnes auraient subi la double peine. Non seulement elles n’auraient pas pu rentrer dans le logement, mais elles n’auraient pas pu bénéficier de la garantie du risque locatif. La plupart des assureurs proposent, eux, un dispositif particulièrement discriminant. Cette remarque n’est pas une défense pro domo mais la conclusion de la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discrimination et pour l’Egalité, dans sa délibération du 13 décembre dernier, pour qui seule la Garantie du Risque Locatif mise en place par l’APAGL s’avère non discriminante. Cependant, la GRL souffre d’une très mauvaise image véhiculée par les assureurs à cause d’un phénomène très particulier. Ceux-ci font feu de tout bois pour dire que ce dispositif serait 114
déresponsabilisant. Pourtant, le passage à la GRL est loin de s’être opéré d’un claquement de doigt : le principe a été testé pendant dix ans dans une forme homologue, caractérisée par une couverture nettement inférieure qui s’appelle le Loca-Pass. S’il fonctionne toujours dans le parc social, la GRL s’y substitue dorénavant dans le parc privé. La déresponsabilisation y est démentie par les faits : le taux de casse observé par l’UESL est inférieur à 2%. Dans ces conditions, comment développer la GRL ? Il n’existe pas trente-six solutions. Au moment du vote de la loi de finance rectificative, nous avons tenté de passer par le Sénat, en demandant que soit inscrite une « contribution de solidarité ». Payé par la GLI à hauteur de 15% au profit de la GRL, elle aurait permis d’instaurer un effet mutualisant. Les Sénateurs ont voté cette mesure tous groupes confondus. Malheureusement, ce dispositif débattu lors de la Commission Mixte Paritaire n’a pas été suivi par les députés. Nous avons d’autre part préparé une proposition de loi qui rendrait la GRL obligatoire et ferait jouer à plein l’effet de mutualisation, une condition de réussite. Cela signifie que tout logement du parc privé, en deçà évidemment d’un certain montant de loyer, y compris au mètre carré, serait garanti. Le prix de la prime actuellement de 2,18% HT du montant du loyer, serait considérablement diminué grâce à la mutualisation. Sur 6,5 millions de logement, au moins 5 entrerait dans le cadre de la GRL, ce qui permettrait de descendre à environ 1,4 - 1,3%, selon les simulations établies par l’APAGL. Si l’on ajoutait à ce fonds les dépôts de garanties actuellement d’un montant d’un mois de loyer, on baisserait encore ce taux de 0,5%. Ainsi, la prime de cette GRL reviendrait à moins de 1% du loyer. Voilà l’ambition de cette GRL. Je rencontre les représentants de l’ensemble du spectre politique présent à l’Assemblée pour faire avancer ce projet. Hier soir, je rencontrais M. 115
Hollande et dernièrement M. Coppé. Prochainement, nous rencontrerons M. Bayrou, M. Laurent. Cette idée est désormais dans les cartons et j’espère qu’elle pourra se retrouver dans un véritable projet de loi. Financement et désengagement de l’Etat Le logement en France représente 22% du PIB, c’est à dire plus de 350 milliards d’euros. Secteur considérable, il pèse également de plus en plus dans le budget des ménages, comme le note Jean-Claude Driant dans son étude. Que représente le financement public dans cette affaire ? Environ 35 milliards d’euros, un poids qui lui est inférieur à 2% du PIB, et qui baisse depuis quelques temps de manière récurrente. L’Etat a utilisé plusieurs modes de désengagement, je suis obligé d’employer ce terme. Prenons le cas de la loi de 2009 dite Molle, dont l’acronyme est éloquent pour une loi de mobilisation… Lors de la loi de Cohésion Sociale encore avec Jean-Louis Borloo, l’Etat s’était engagé de manière très claire et très forte. Sur la Loi de Rénovation Urbaine, il s’agissait également d’un véritable engagement. Présent à l’Assemblée dans le poulailler, je me rappelle entendre le Ministre défendre sa loi avec des trémolos dans la voix. Parce qu’il s’agissait bien de dire que sur la Rénovation Urbaine, enfin on engageait une loi programme, c’est à dire avec des fonds sanctuarisés. Sanctuarisé signifiait que sur les 12 milliards de subventions du PNRU, 6 seraient apportés par les partenaires sociaux quand l’Etat apporterait également 6 milliards, résumé dans la règle dite du 1 pour 1.
116
Les partenaires sociaux ont parfaitement rempli leur tâche mais il se trouve que dans cette loi Molle, l’Etat a quant à lui complètement disparu. Aujourd’hui lorsque vous coupez un ruban à côté du préfet, il manque le représentant des partenaires sociaux. Représentant des syndicats ou des patrons, il pourrait souligner que les résultants des projets ANRU ne sont possibles que parce que les partenaires sociaux et principalement les confédérations syndicales des salariés sont toujours été d’accord pour soutenir la rénovation urbaine. Néanmoins, ce déséquilibre ne pourra pas perdurer puisque Action Logement se voit aujourd’hui en déficit chronique. La négociation reprendra avec l’Etat sur ce qu’on appelle le triennal 2012-2014. Pour la fin de cette année la Rénovation Urbaine est en lévitation du point de vue financier, ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. L’Etat s’est retiré sur la pointe des pieds, sans aucun bruit. Personne n’a réagi, même pas du côté associatif. Je pèse également mes mots en affirmant que l’Etat se retire complètement de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat. Les 480 millions d’euros apportés à l’ANAH ont entièrement pourvus par les partenaires sociaux. Voilà, parmi d’autres, un exemple précis de désengagement.
CHRISTOPHE ROBERT Délégué Général Adjoint de la Fondation Abbé Pierre Repositionner le thème du logement Avant tout, il me semble primordial de repositionner le logement dans le débat politique global. En résonnant en secteur « fermé » comme aujourd’hui, nous ne pourrons réussir à donner l’impulsion dont nous avons pourtant besoin, compte tenu des dégâts sociaux provoqués par le 118
logement : ce sont 10 millions de personnes qui sont touchées de près ou de loin par la crise du logement, dont 3,5 millions de mal-logés. Deux chiffres insupportables. Il s’agit en effet de relier la question du logement à des débats plus larges, sur l’emploi notamment. Comme l’indique à juste titre M. Sagot-Duvauroux!, nous avons à faire en sorte que le logement fasse écho à nos concitoyens, afin de l’intégrer à un programme politique dont les enjeux dépassent la seule question du logement. Mettre en œuvre cette exigence n’est pas aisé et passe par de la pédagogie. Il y a en effet un enjeu formidable à montrer combien les coûts sociaux, sanitaires, économiques du mal-logement pourraient être récupérés par une politique préventive, en matière d’expulsion locative pour ne citer que cet exemple. L’absence de politique préventive conduit par exemple au paiement de chambres d’hôtel pour répondre aux situations d’urgence sociale: un outil d’amortisseur de crise au demeurant inadapté pour les personnes (le plus souvent, impossibilité de faire la cuisine, d’inviter des amis…) qui représente un coût social mais aussi un coût économique important pour la collectivité. Un état de fait qui commence, je crois, à être reconnu. Inverser la logique nous permettra de penser quel est le bon niveau d’intervention globalement, car la logique suivie ces dernières années est préoccupante. D’un côté, le budget de l’Etat pour le logement social est en baisse, de l’autre les partenaires sociaux font l’objet d’une ponction. A force de ponctions, moins d’argent est finalement consacré au logement ainsi que le note JeanLuc Berho. Voilà un élément de préoccupation générale sur le financement. Ensuite se pose la question de la destination et de la répartition des fonds. Où va l’argent, pour qui et sur quels territoires ? Prenons le cas du prêt à taux zéro depuis cette ! voir chapitre Sur la gratuité et le service public
119
année ouvert aux plus riches : cette ouverture représente un coût de 500 millions d’euros en 2001, alors que précédemment celui-ci n’était accessible qu’aux 80% des ménages aux ressources les plus faibles. Un choix économique doublé d’un choix politique scandaleux qu’il faut absolument combattre. La défiscalisation interroge également. Le produit Scellier (qui coûte plus cher au budget de l’Etat qu’un logement social) contraint à louer pendant 9 ans le bien financé, quand un logement social lui exerce un bénéfice social pendant 50, 80 ans, traduisant donc une véritable maîtrise dans le temps à des prix bien en dessous du marché (le scellier présente quant à lui des loyers proche de ceux du marché). Un appartement Scellier peut être loué aux enfants du propriétaire. Avec ces deux exemples se voit donc posée la question de la priorité de l’affectation des fonds publics. De notre point de vue à la Fondation Abbé Pierre, il est très clair que l’argent public doit aider ceux qui ont besoin d’être aidé par la collectivité, voilà ce qui devrait être le guide de l’action politique et le guide de l’orientation des moyens financiers. Parmi les sujets majeurs, face à celui qui nous préoccupe principalement le Ministre reconnaît lui-même que la question est difficile à traiter. Nous sommes en présence d’un marché du logement qui aujourd’hui se voit sous perfusion pour produire de la quantité, mais sans réelle préoccupation de sa destination sociale ni territoriale et qui accuse un effet de prix. Le prêt à taux zéro pour reprendre cet exemple, peut accompagner une hausse des prix, l’histoire le montre. Qui donc maîtrise quoi ? Bien sûr, une aide à l’accession sociale à la propriété doit être prévue, comme une aide à la défiscalisation nécessaire parce que le logement social ne peut pas à lui seul pourvoir à la demande, mais en observant des contraintes de prix vraiment en dessous du marché et des plafonds de ressource pour pouvoir en bénéficier. Deuxièmement sur la territorialisation, les dernières options prises par le 120
gouvernement sont scandaleuses. En affichant une priorité sur l’Île-de-France et PACA, deux questions aussi déterminantes sont passées sous silence. Il y a en fait moins d’argent pour le logement en Île-de-France, notamment l’aide à la pierre pour la construction de logements sociaux. Les zones rurales disparaissent alors qu’elles sont au cœur des enjeux de gouvernance et font l’objet de difficultés qui leurs sont spécifiques, tel que le propriétaire en situation de précarité énergétique pour ne citer que lui. Les autres thèmes de réflexion incontournables ne manquent pas. En complément de ces réflexions générales, comment retrouver des fonds sur les mécanismes actuels du système du logement ? Lorsque les APL représentent à elles seules plus de 15 milliard d’euros par an, il est de notre avis de les connecter à la régulation des loyers. Je signalerai par ailleurs trois taxes qui méritent d’être débattues. Une taxe sur la solidarité urbaine qui ferait payer la rente pour distribuer l’argent vers le financement du logement social est une option intéressante. Elle pourrait intégrer un prix croissant (les prix de l’immobilier ont doublé en 10 ans), être discutée en fonction d’une péréquation, pourrait être mise en rapport avec les droits de mutations. Sur la rente foncière, il me semble important d’envisager de partager les plus-values liées à la valorisation de terrains (terrains rendus constructibles, créations de voieries, d’équipements publics…) avec la collectivité. Sur les logements vacants, leur taxation fonctionne très bien et il faut donc la généraliser, quitte à envisager après un délai de 5 ans par exemple la réquisition lorsqu’ils ne sont pas remis sur le marché sans motif particulier. Enfin, l’idée d’une loi de programmation me paraît fondamentale. On doit mettre au mérite de l’action de Jean-Louis Borloo d’avoir été à l’origine de lois présentant 121
de vrais objectifs sur cinq ans, non seulement sur le renouvellement urbain, mais aussi sur le plan de cohésion sociale et la création de logements sociaux. Ainsi, le gouvernement ou le ministre n’a pas besoin de négocier chaque année avec Bercy. Des objectifs de production sont fixés, l’ensemble des acteurs dispose d’une visibilité dans le temps, un cadre qui permet de définir comment chacun peut travailler. Ces repères claires évitent les négociations à la petite semaine comme on les connaît douloureusement de mois en mois depuis aujourd’hui quatre ans. A travers l’exemple d’une politique régionale OTMAN EL HARTI Président de la commission Logement du Conseil Régional de Rhône-Alpes Pourquoi la région se mêle-t-elle du logement, quand ce domaine ne relève pas de ses compétences obligatoires ? C’est l’expression d’une volonté politique : dès lors que dans une démocratie nos concitoyens font le choix d’une majorité, ils attendent de cette majorité qu’elle pointe du doigt ce qui lui paraît essentiel en termes de développement. C’est la vocation de la fameuse close de compétence générale, la possibilité pour ces majorités de mettre en avant leur sensibilité, leur différence. J’ai commencé à travailler sur les nouvelles orientations politiques de la région Rhône Alpes en matière de logement sans venir professionnellement de ce milieu, donc par une entrée purement citoyenne. J’ai voulu d’emblée comprendre ce qui était en train de se passer dans le nouveau paysage politique et législatif que met en place le gouvernement par la voix de son Secrétaire d’Etat Benoist Apparu. Pour cela, j’ai beaucoup lu les travaux qui analysent l’histoire du logement au XXe siècle, il est passionnant de constater que ce paysage dans lequel nous 122
entrons est similaire point par point à celui du début du siècle dans notre pays. Il semble que nous soyons, pour schématiser, dans une phase de régression totale sur ce qu’on peut qualifier comme un acquis de civilisation : le droit au logement. Sont mises en place d’apparentes nouvelles recettes dont on connaît cependant les résultats. L’histoire nous enseigne en effet que l’initiative privée, individuelle n’a pas été en mesure au début du XXe siècle, de répondre à la question du logement social. Même les plus fervents défenseurs de l’initiative individuelle s’étaient rendus à l’évidence d’une nécessaire présence des pouvoirs publics sur cette question. Il paraît donc aujourd’hui aberrant de voir que les orientations vont dans ce sens, comme si la formule « une France de propriétaires », appelait plutôt des « déformes » que des réformes. En matière de financement, quelques évidences méritent d’être rappelées. Elles appellent des propositions. Une politique volontaire sur la question foncière via les collectivités est nécessaire, elle interroge la place à donner à l’échelon local, en particulier sur le point crucial du foncier. Le contexte de réforme des collectivités territoriales pose clairement la question du rôle des collectivités dans le financement du logement. Une politique volontaire sur l’aide directe à la pierre est tout aussi nécessaire. Pour une région comme Rhône-Alpes en secteur tendu, nous accusons une perte de 30% des subventions par rapport à l’an passé, annoncée dernièrement par le Préfet de Région lors de la commission régionale de l’habitat. On passe ainsi de 62 millions d’euros en 2010 à 47 en 2011. Lors de la séance, le Préfet a annoncé aux élus des collectivités territoriales rhônalpines que leurs craintes devaient être modérées, sachant qu’un ajustement au moins de juin était possible compte tenu du taux de réalisation et du taux de consommation de l’enveloppe d’aide à la pierre en PACA. En discutant avec 123
des élus de PACA, j’ai constaté que l’annonce équivalente avait été faite dans leur région. Il est inadmissible qu’une concurrence entre les territoires pour la distribution des subventions puisse être mise en place. Cette anecdote révélatrice doit rappeler l’Etat à sa responsabilité, ainsi que la place des collectivités dans la responsabilisation de l’Etat. Troisième piste, le maintien de l’allocation logement tout en garantissant la maîtrise du risque inflationniste. Enfin je souhaiterais souligner l’importance d’une réflexion à mener sur une démarche que j’appelle la haute qualité de service et d’usage. Si l’aide à la personne dont il est beaucoup question peut passer concrètement par de l’argent, je pense qu’aujourd’hui nos logiques doivent aussi évoluer. Cultiver le principe de démarches intégrées, faisant en sorte que les services, l’usage de la cité fassent partie de nos projets de logement. Travailler notre capacité à trouver une articulation entre l’espace domestique – comment on adapte un logement à chaque période de la vie par exemple – et l’occupation, les pratiques de l’espace public. Renforcer l’interrelation entre espace public et espace domestique autour des services de proximité, des commerces et les moyens de vivre et bien vivre dans le logement. L’ambition des RNLH est notamment de contribuer à ce qu’en 2012, le logement soit une thématique essentielle de la campagne présidentielle ; je pense que cela passe par deux conditions. D’abord, s’efforcer d’être clair, car on paie le manque de visibilité et de compréhension des problématiques du logement. Les gens ne nous comprennent pas alors qu’avec l’emploi, le logement compte parmi les premières priorités de nos concitoyens, l’attente existe bien. Ce fossé vient de ceux qui émettent les messages, et impose un effort de clarification de nos propos. En parlant du loyer, du couple loyer charges, les 124
citoyens savent parfaitement de quoi il s’agit, de même lorsqu’on évoque les conditions d’habitation. Ensuite, la seconde condition est tout aussi essentielle : renverser la logique. Je discutais hier avec Jean-Claude Driant à qui je posais la question de savoir pourquoi en France, on n’avait pas réussi à faire de la politique du logement une politique structurelle. Rare étaient pourtant les questions aussi transversales et multidimensionnelles, tant de champs de la société sont traversés. Sa réponse m’a interpelé : peut-être en cela tenait justement le problème. Je pense qu’il nous faut opérer un renversement idéologique, disant alors que c’est parce qu’elle est multidimensionnelle, traversant les questions d’emploi, de conditions sociales, d’environnement, que la politique du logement doit devenir aujourd’hui une véritable politique structurelle. De mon point de vue, la mère des propositions serait donc, comme le souligne Marie-Noëlle Lienemann, de faire du logement un droit constitutionnel. Si l’on considère qu’il s’agit d’un bien fondamental qui appelle à la dignité de chacun d’entre nous, il nous faut actualiser ce droit de valeur constitutionnelle en un droit constitutionnel à part entière ; de là découlera tout le reste.
125
FABRICE PEIGNEY Secrétaire Général du Comité d’Evaluation et de Suivi de l’ANRU Le financement du PNRU Aujourd’hui le financement du PNRU est très débattu et continuera certainement de poser question dans les mois et les années à venir. Une enveloppe initiale de 12 milliards d’euros de subventions était programmée et reste cristallisée par la loi de programmation. Cependant, la ventilation entre les 6 milliards d’euros pour l’Etat et 6 milliards d’euros pour Action Logement n’est pas respectée. On se situe actuellement dans un processus où Action Logement s’avère l’essentiel financeur du programme, bien qu’en phase très avancée. La Loi de Rénovation Urbaine prévoyait qu’en 5 ans, on détruirait 250 000 logements et on reconstruirait autant, à côté de 400 000 réhabilitations. Des chiffres très optimistes. Les porteurs de projets sont très satisfaits de ce qui se produit. Alors qu’ils se plaignaient beaucoup de l’ANRU qui leur imposait un délai de réponse extrêmement court, ils louent aujourd’hui le fait que ce calendrier certes très rude, a finalement permis une rapide mise en œuvre. On a vu sortir de terre des opérations qui sur le plan urbain ont changé l’image des quartiers. Elles furent rarement réalisées en cinq ans mais souvent en six ou sept. Si elles ne concernent pas l’intégralité des grands quartiers comme les ZUP, c’est au moins une grande partie des quartiers qui a été profondément transformée grâce au rôle moteur de l’ANRU. Le PNRU est désormais sur une phase correspondant à la moitié de son programme, qu’on appelle la « bosse de l’ANRU », puisqu’aujourd’hui les démolitions ont été largement effectuées. 127
La mixité sociale dans le PNRU On associe souvent le PNRU et l’ANRU voire parfois on les amalgame. Si l’ANRU, l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine est le guichet unique, l’agence qui crée les règlements généraux et financiers. Ces sont les porteurs de projets eux-mêmes, c’est-à-dire les Communautés d’Agglomérations, les Communes, les bailleurs qui nourrissent, qui créent et donnent une couleur au PNRU, le Programme National de la Rénovation Urbaine. Le PNRU s’est déployé sous l’implusion de l’Etat dans un univers politico-administratif très décentralisé. En conséquence le local à un rôle fondamental dans les résultats qui peuvent être produits. On le voit par exemple à travers l’un des grands objectifs de la rénovation urbaine, la volonté de créer de la mixité sociale à travers la diversification de l’habitat. Les porteurs de projet ne disposent pas des mêmes ressources (humaines, financieres, techniques), ne subissent pas les mêmes contraintes (démographie, ressources fiscales, qualité et profondeur du parc social) et ne se sont pas mobilisés de façon uniforme sur cet enjeu. Lorsqu’on regarde en détail les PRU locaux, on passe sur certains sites de 1% de diversification de l’habitat à 25%. La diversification de l’habitat consiste, dans ces quartiers parfois à construire 100% de logements sociaux, à développer en conséquence une nouvelle offre locative ou d’accession. On intègre alors des logements PLS, de l’accession sociale à la propriété ou des logements de l’Association Foncière Logement, émanation d’Action Logement qui a pour objectif de construire 20 000 logements dans les quartiers ANRU avec une production de très haute qualité. Ainsi, la diversification s’exprime par une variété de réponses et est diversement répartie sur l’ensemble des sites. En conclusion, on constate que cette 128
diversification n’a pas généré la mixité sociale attendue mais elle a produit toute une série d’effets à prendre en compte : installation massive de logements du parc privé attendus depuis 30 ans, meilleures conditions de logement pour les locataires à travers une meilleur prise en compte des besoins, véritables possibilités de mobilité résidentielles. La mixité sociale sera cruciale. Encore une question importante pour le PNRU 2 car pour éviter les processus de séparatisme social les villes ont besoin de respirer et de faire en sorte que les groupes sociaux ne vivent pas chacun dans un espace déterminé. L’attention sur ces quartiers d’habitat social devra donc continuer d’être forte. L’attention devra aussi porter sur les copropriétés créées, afin de se prémunir contre leur dégradation. En l’occurrence, un produit paraît très intéressant à développer : l’accession sociale à la propriété, qui gagnerait à être largement pris en compte dans un PNRU2. Toute une série de propositions peuvent être formulées pour améliorer le PNRU avec en toile de fonds une meilleure adaptation aux contextes locaux. Tout en gardant l’instruction nationale le PNRU 2 pourrait insister sur une meilleure association des habitants, un aménagement des quartiers plus accueillant, une mobilité résidentielle accrue, l’intervention plus forte vers les copropriétés. Bref, tout un ensemble de mesures visant à améliorer qualitativement un programme massif d’aménagements.
129
Partant du Droit au Logement JEAN-JACQUES PORCHERON Responsable Logement de l’Association Nationale des Elus Communistes et Républicains
Si l’on veut résoudre la crise du logement, répondre à la demande, mettre en place une offre adaptée, on ne peut aborder la question du logement en segmentant les problèmes. Il nous faut, resituer le logement dans l’ensemble de la problématique qui aujourd’hui est posée à la gauche. En face de la domination des marchés financiers sur l’ensemble de la société, comment projeter le logement dans une vision de développement de la société qui laisse une place beaucoup plus forte, prioritaire, aux individus, aux humains ? Que ce soit dans le rapport logement-emploi, dans le rapport logement-précarité, il n’est plus possible de continuer à vivre dans cette situation. J’entendais voilà 10 jours lors d’un colloque à Paris le Maire d’Aubagne dire combien il recevait de personnes venant lui demander un logement, déplorant de n’avoir pas forcément les moyens d’y répondre, rappelant que c’est un drame. Tous les élus vivent cette situation de même que toutes les associations et mouvements de défense des intérêts des citoyens. Une rupture est désormais nécessaire. L’alternative est simple : ou le logement est un droit, ou il ne l’est pas. S’il est un droit, alors nous devons rompre en termes politiques avec la notion en cours aujourd’hui, selon laquelle le logement serait un bien marchand, qui devrait se balader sur les marchés financiers. En définitive, s’extraire des marchés financiers pour pouvoir dégager un logement et une production de logements correspondant aux besoins humains. Voilà les termes de la réflexion que nous posons à l’ANECR. Répondre aux besoins humains. Celle-ci amène une grande question : Le logement social peut-il devenir une forme de logement référentiel 131
universel, pour tous, tous les salariés par exemple, qui ont besoin de se loger tout au long de leur vie ? Une façon d’intégrer les périodes de difficulté, de rupture, la possibilité d’être maintenu dans le logement. En ce sens, je crois qu’un seul produit de logement social permettrait de gagner en efficacité, au lieu de subventionner divers prêts consécutifs comme les PLAI, les PLUS, les PLI etc… Au lieu de découler du coût du foncier et de l’évolution du marché immobilier, du coût de la construction, le loyer du logement serait appuyé sur les revenus contributifs de ceux qui occupent le logement. Nous proposons un grand débat, partant de l’idée de fixer à 20% des revenus des occupants du logement le loyer et les charges comprises. En parallèle de ces réflexions associées à des débats sur les concepts, des ruptures concrètes et simples se font attendre. Nous avons besoin du retour de l’investissement public par l’Etat, qui doit assumer sa responsabilité première de garant de la solidarité nationale par le logement, mais aussi les collectivités territoriales à tous niveaux. Une condition est que la gauche s’engage à se dégager de la construction européenne telle qu’elle se fait aujourd’hui, c’est à dire de la domination de la banque centrale européenne et des politiques d’austérité qui sont imposées partout en Europe. Il n’est plus possible de continuer dans ce sens. De même, on ne pourra pas accepter non plus la loi prévoyant une réforme territoriale qui privera les collectivités d’investissements, de marges de manœuvres, y compris pour soutenir le logement social. Une autre rupture doit s’opérer pour s’émanciper des marchés financiers, en revenant sur des fondamentaux. Nous pensons que le livret A, pour schématiser, Action Logement, l’aide à la pierre, doivent être les piliers du financement du logement locatif, social et d’accession. Sans doute faut-il également ajouter d’autres financements. Par exemple, une contribution à hauteur de 10% des 132
bénéfices fiscaux réalisés par les grandes majors de la construction, les banques, les assurances qui sont aujourd’hui les grands propriétaires fonciers et immobiliers de notre pays, pourrait contribuer aux logements. Envisager l’appropriation sociale du foncier au travers de baux emphytéotiques et ainsi obtenir un droit d’usage pour 90 ans qui déconnecte toute idée de spéculation sur le foncier de la réalisation de logement correspondant ainsi plus directement aux besoins des citoyens. Ces propositions s’inscrivent dans le cadre d’un service public qui devrait se décliner en trois ou quatre segments dont un pôle public bancaire et financier, une agence foncière nationale décentralisée au niveau des régions pour aider les territoires à la production de logement sociaux partout, aider les communes qui ont besoin de construire et imposer aussi des règles contre celles qui refusent de participer à l’effort national pour le logement. M.-N. Lienemann rappelle que 400 000 logements pourraient être construits dans les communes SRU. Dans mon département le Valde-Marne, il nous manque 55 000 logements dont 20 000 sont attendus dans seulement 18 communes qui ne construisent pas par refus municipal caractérisé d’appliquer la loi. Non seulement la taxe prélevée dans ce cas doit être augmentée, mais il faut aller beaucoup plus loin, en imposant tout simplement de construire. Par exemple, exiger que dans tout programme à partir de 10 logements, la moitié soit des logements sociaux. Une décision qui devrait être imposée par les préfets, sinon le problème persistera. Toutes ces novations supposent globalement la révision de l’affectation des crédits bancaires réorientés en faveur du logement.
133
Les 9 pistes de la charte du logement Outre les séances plénières, dont les chapitres qui précèdent se font l’écho, 9 ateliers thématiques composaient le programme des 1ères Rencontres Nationales du Logement et de l’Habitat à Aubagne, les 26 et 27 mai 2011. Ceux-ci avaient notamment pour objectif de formuler une piste, d’identifier un repère, d’élaborer l’une des clés de la charte du logement. ! Inventer un service public qui sécurise le droit au logement ! Elargir les espaces de citoyenneté pour une plus grande appropriation démocratique du logement ! Prioriser la réhabilitation comme facteur essentiel pour la qualité de vie et la réduction des charges ! Trouver les moyens pour construire plus et moins cher ! Envisager des mesures efficaces pour réduire le taux d’effort des ménages ! Construire des logements de qualité pour répondre aux besoins de chaque territoire ! Généraliser l’accès du 1% à tous les salariés, public comme privé ! Revenir à une politique d’aide à la pierre ambitieuse ! Créer une nouvelle fiscalité volontariste et incitatrice 135
Chiffres clés
10 000 000 dix millions de personnes en difficultés de logement (17ème Rapport sur le mal-logement Fondation Abbé Pierre) CA MM CR 8 236 000 Personnes sans logement, ou très mal logées ou en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme. Chiffre extrait du tableau de synthèse du rapport mal logement 2011 de la Fondation Abbé Pierre. EC 4 200 000 4,2 millions de ménages dont le revenu résiduel, après dépenses de logements (loyers, remboursement, charges, après aides à la personne) est inférieur à 500 euros par unité de consommation. JCD 3 600 000 3,6 millions de personnes sont mal-logées (Fondation Abbé Pierre) ML MM SIF RF CR JPT 1 200 000 et 133 000 C’est le 1,2 million de personnes en attente d’un logement social 133 000 personnes sans domicile JJP 137
600 000 C’est le nombre d’enfants mal-logés en France (FAP) ML MM 239 647 Le surendettement repart à la hausse en 2011 Le nombre de dossiers déposés en 2011 auprès des commissions de surendettement a progressé de 6,6 %, à 232.493, a indiqué hier la Banque de France. En 2010, il n'avait augmenté que de 0,8 %. En décembre, 18.055 nouveaux dossiers sont venus grossir le stock. Le nombre de dossiers traités est quant à lui en hausse de 10,1 %, à 239.647. (02/02/2012, Les Echos) TE
-
25,6%, voire + Selon le ministère du Logement, le taux d’effort moyen des ménages (couple monoactif avec 2 enfants - revenus 2 SMIC) a augmenté de manière sensible, passant de 22,5% en 2002 à 25,7% en 2010. Ce taux d’effort peut, pour certains ménages, dépasser les 50%, ce qui est véritablement impressionnant et inquiétant ! JLB 25,7% 25,7%: C'est la part moyenne des ressources des ménages affectée au logement et à son fonctionnement dépassant le poste alimention des familles (13%). Cela pose aujourd'hui, concretement la question de l'acces et du maintien dans le logement au regard de la stagnation voire de la baisse du revenu de nos concitoyen(ne)s. Source: 138
Rapport 2011 sur le mal logement Fondation Abbé Pierre OEH 1 sur 2 à >40% Selon le rapport 2010 de la fondation Abbé Pierre pour plus de la moitié des ménages, les dépenses de logement dépassent 40 % des revenus. GG 1 tous les 7 ans Pour ne pas s’en tenir qu’aux seuls 8 millions de mal logés du dernier rapport de la fondation de l’ Abbé Pierre, ou celui du pourcentage élevé des familles dont les revenus ouvrent droit au logement social, je préfère citer trois constats liés à la question foncière : celui de la consommation de l’équivalent d’un département tous les sept ans pour l’urbanisation, auquel s’ajoutent le chiffre exponentiel des démembrements et celui des gaspillages qu’une action concertée et intégrée permettraient d’ éviter… : ils nous désignent comme chantier prioritaire celui de réfléchir de manière cohérente et dans le même projet celui de construire du logement et de préserver les terres agricoles OJ 30 par jour 10 599 expulsions par le concours de la force publique en 2009 contre 5936 en 2000, soit +78%. Cela représente 30 nouvelles familles violemment jetées à la rue chaque jour. (Source : rapport mal logement 2011, fondation abbé Pierre, page 134) LP x 10 Les prix de l’immobilier multipliés par deux en 10 ans qui ont interrompu le parcours résidentiel des classe moyennes, ou pauvres, gelant ainsi les taux de rotation en HLM, endettant les primo-accédants aux limites du 139
raisonnable, favorisant la spéculation, renchérissant le foncier. DF Le nombre d’articles, d’émissions, de papiers, d’interventions que suscite, chaque année, la sortie du rapport de la FAP sur l’état du mal-logement en France (cf. en particulier la sortie du 17ème rapport annuel en 2012). BC
140
Index des auteurs
CORYNE AGOSTINI, Directrice du service Habitat de la Communauté d’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile
JEAN-LUC BERHO Président de l’APAGL, Vice-Président de l’UESL FATHI BOUAROUA, Directeur régional de la Fondation Abbé Pierre. DENIS BURCKEL Terra Nova, Animateur du groupe logement pour le projet 2012
MAURICE
CAPEL, Vice-Président de la Communauté d’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, délégué à Droit eu Logement BERNARD COLOOS Directeur aux affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment
EMMANUELLE COSSE Vice-Présidente déléguée au Logement de la Région Île-de-France
LEOPOLD CUOMO Directeur Adjoint du Développement de 13 Habitat JEAN-CLAUDE DRIANT Professeur des Universités à l’Institut d’Urbanisme de Paris
TAHAR EDDAM Président d’Immocoeur OTMAN EL HARTI Président de la commission Logement du Conseil Régional de Rhône-Alpes
DANIEL FONTAINE Maire d’Aubagne, Vice-Président délégué au Logement et à l’Habitat du Conseil Général des Bouches du Rhône
ROGER FRANÇOIS Ancien Président de la CNL des Bouches du Rhône 142
MAGALI GIOVANNANGELI Présidente de la Communauté d’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile
SERGE INCERTI FORMENTINI Président de la Confédération Nationale du Logement
ODILE JACQUEMIN Architecte-Urbaniste, Présidente PACA de Terre de Lien.
GILBERT GALLIOT Vice-Président de Nantes-Métropole, délégué aux Logements spécifiques et à l’Habitat
FLORENT HOUDMON Directeur régional des Compagnons Bâtisseurs MARIE-NOËLLE LIENEMANN Sénatrice de Paris, Ancien Ministre du Logement
MARIANNE LOUIS Maire Adjointe à l’Urbanisme d’Evry et Conseillère Régionale de l’Ile de France, Secrétaire Nationale à la Politique de la Ville du PS
BERNARD LOTH Administrateur de l’APAGL MICHEL MASO Directeur de la Fondation Gabriel Péri FABRICE PEIGNEY Secrétaire Général du Comité d’Evaluation et de Suivi de l’ANRU
STEPHANE PEU Vice-Président de Plaine Commune, Président de Plaine Commune Habitat
JEAN-JACQUES
PORCHERON Responsable Logement l’Association Nationale des Elus Communistes et Républicains
de
LIONEL PRIMAULT Membre du collectif Jeudi Noir GERARD RAMPAL Vice-Président de la
Communauté d’Agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, délégué à l’Habitat et à l’Urbanisme
CHRISTOPHE ROBERT Délégué Général Adjoint de la Fondation Abbé Pierre
YVES ROY Directeur Général adjoint de Nexity-George V Provence JEAN-LOUIS SAGOT-DUVAUROUX Philosophe JEAN-PIERRE TROCHE Co-Président de l’AITEC Association internationale des techniciens, experts et chercheurs Photographies : PATRICK MASSAÏA
143
Eléments bibliographiques
1% LOGEMENT, le Livre Blanc du 1% Logement, 2009 ABBE PIERRE, L’appel de l’abbé pierre de 1954, éditions du Linteau, réed. en 2011 AITEC, Cahier Voltaire , la Ville à l’épreuve du libéralisme, Paris, 2006. ALTERNATIVES ECONOMIQUES, « Couples et familles, les grandes transformations », hors série, n° 74 2008 AMZALLAG M. et TAFFIN Claude, Le logement social, collection Politiques Locales, éditions LGDJ, 2003, 117p. BATSCH L. , BURCKEL D. , CUSIN F. , JUILLARD C. , Demande de logement : la réalité du choc sociologique, Paris, Numéro Hors Série de la « l’Onservateur de l’immobilier » revue du Crédit Foncier, 2006, 94p BOURDIEU P. (dir.), La misère du monde, Paris, Le Seuil, 1993, 960p. BRUN J., SEGAUD M., DRIANT J.-C. Dictionnaire de l’habitat et du logement, Paris, 2003, Armand-Colin, 451 p. BURCKEL D. , CUSIN F. , JUILLARD C. , Le logement, facteur d’éclatement des classes moyennes, Université Paris-Dauphine, 2009, 51p. 145
CAMBIER A. , Qu'est-ce qu'une ville? Editions Vrin, collection Chemins Philosophiques, 2005. 128 p. CASTEL J.C. , Les coûts de la ville dense ou étalée, éditions du CERTU, 2005 CES de l’ANRU, Les quartiers en mouvement : pour un acte 2 de la rénovation urbaine, Rapport 2011 CLERC D. (dir.), Pour un nouvel urbanisme, collection Société civile, édition Yves Michel, 2008, 157p. CNL, délégation régionale, Point de vue des locataires sur la réhabilitation des cités HLM Région PACA, 12 rue Haxo, 1979 CNL, La CNL en mouvement – 90 ans de luttes pour le Droit au logement, 2006 COLOOS B. , Habitat et Ville, Quinze questions et controverses, éditions de l’Aube, collection ville et territoires, 2010, 435p COMITE DE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU DALO, rapport annuel CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL, rapports sur le logement CONTAL M.-H. , GAUZIN-MÜLLER D., LECOEUR C., MENARD J.P. Habiter écologique « Quelles architectures pour une ville durable », Actes Sud, Cité de l’architecture, 2009, 412p. DONZELOT J. , La ville à trois vitesses, éditions de la Villette, collection Penser l’Espace, 2009, 11p. DRIANT J.-C. , Politiques de l’habitat et crise du logement, Problèmes politiques et sociaux, n°944, Paris, La documentation française, janvier 2008, 120 p. DRIANT J.-C. « Défaire les grands ensembles » dans DONZELOT J. (dir.) A quoi sert la rénovation urbaine ?, Paris, PUF, 2012, pp.13-24 146
DRIANT J.-C. « Le logement social en France entre inertie et mutations. Un état des lieux du système HLM au seuil des années 2010 » dans HOUARD N. (dir.) Loger l’Europe. Le logement social dans tous ses états, Paris, La Documentation française, 2011, pp.128-143. DRIANT, J.-C. , Les politiques du logement en France, Les Etudes, 2009, Paris, La Documentation française, 185 p. ENGELS F. , La Question du Logement, Paris, Herne, collection les Carnets Ant-Capitalisme, 2009 FATHY H., Construire avec le peuple, édition La Bibliothèque Arabe, 1970, 314p FAUROUX R. , DEVERT B. (dir.), En finir avec le mallogement, une urgence et une espérance, éditions du Cerf, collection l’histoire à vif, 2010, 189p. FONDATION ABBE PIERRE, L’Etat du mal logement en France, Rapports annuels GRANELLE, J.J. , Économie immobilière, éditions Economica, 1998 HARVEY D. , Le capitalisme contre le droit à la ville, Éditions Amsterdam, Paris, 2011 HOUARD N. coord. , Loger l’Europe, le logement social dans tous ses états, Paris, La documentation Française, 2011 INSEE, « Quelques caractéristiques du parc de résidences principales » 2008 JACQUEMIN O. , Projet Urbain, Hyères, le paysage littoral et la rade, Editions Mémoire à lire, Territoire à l’écoute, 2008 JEUDI NOIR, Le petit livre noir du logement, éditions La Découverte, collection Cahiers Libres LECHEVALIER L. (coord.), Europe : pas sans toit ! Le logement en question, Aitec, Paris, 2008 147
LE CORBUISER, La Charte d'Athènes, Paris Le Seuil, collection Point Essai, 185p. LE CORBUSIER, DE PIERREFEU F . , La maison des hommes , Plon, 1942, 209 p. LEGER, J.-M. , Derniers domiciles connus, éditions Creaphis, 1990, 168 p. Lienemann, M.N. , Le scandale du logement, J.-C. Gawsewitch éditeur, 2005 MAGIN D. , La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, éditions de la Villette, 2004, 432 p. MASSU C. Le droit au logement, mythe ou réalité, éditions sociales, 1975 PAQUOT T. , Habiter, le propre de l’humain, Paris, La Découverte, 2007 PISANI E. , L’utopie foncière, édition du Linteau, réédition en 2009, 237p. PREEL B., La ville à venir, éditions interfaces, collection Iterfaces-société, 1994, 268p. Rapport au Conseil National de l’Habitat sur la Couverture Logement Universelle (CLU) – février 2002 Rapport au Conseil National de l’Habitat sur la Garantie des Risques Locatifs (GRL) – Rapport adopté à l’unanimité en novembre 2004 REGARDS CROISES SUR l’ECONOMIE, Pour sortir de la crise du logement, La Découverte, numéro 9, mai 2011, 281p. REVUE ESPRIT, Le logement au cœur de la crise, janvier 2012 ROBERT C. , Eternels étrangers de l’intérieur , les gens du voyage en France, Paris, Desclée de Brouwer, 2007. ROBERT C. , Le mal-logement, état des lieux, in Habiter autrement, Le Mook Autrement, éditions Autrement, octobre 2009. 148
ROBERT C. , Rien ne va plus sur le front du logement, in Les inégalités en France, Pratique n°043, Alternatives Economiques, mars 2010 ROBERT C. , Travailleurs pauvres : il faut en finir avec le discours sur la méritocratie, in XXI n°10, printemps 2010. ROBERT C., en collaboration avec VANONI D. , Logement et cohésion sociale. Le mal-logement au cœur des inégalités, Paris, La Découverte, 2007 ROBERT C., Le logement, à la marge de l’action publique, entretien in, Esprit, Le logement au cœur de la crise, janvier 2011. SEGAUD M., BONVALET C. , BRUN J. , Habitat l’état des savoirs, Paris, La Découverte, collection Textes à l’appui, 1998 SENAT, « Les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement ». Rapport du Sénat - 2004 STEBE J.-M. , Le logement social en France : 1789 à nos jours, Paris, PUF, collection Que sais-je ?, 2007, 127p SUGRANYES A. , MATHIVET C. , Villes pour toutes et tous, Propositions et expériences pour le droit à la ville, Santiago du Chili, 2011 TERRA NOVA, L’accès au logement : une exigence citoyenne, un choix politique. Rapport de Terra Nova, Juillet 2011
149
Sommaire
Introduction………………………………………... 7 Les multiples visages de la crise du logement I. Etude……………………………………... 13 II. Exemples…………………………………. 24 Sur le service public et la gratuité…………………. 33 Quels repères pour sortir de la crise du logement ?.. 43 Les enjeux de l’Habitat……………………………. 75 Les enjeux de la maîtrise publique………………... 89 Les enjeux du financement………………………... 113 Les 9 propositions de la charte du 27 mai 2011…... 135 Chiffres clés……………………………………….. 137 Index des auteurs………………………………….. 142 Eléments bibliographiques………………………… 145
150
Achevé d’imprimé en février 2012 sur les presses de Roudenn Grafik 11 impasse des Longs Réages 22194 Plérin cedex Imprimé en France
151
DÉBATS DES 26 ET 27 MAI 2011 À AUBAGNE! 5 ANS POUR SORTIR DE LA CRISE DU LOGEMENT La crise du logement est une réalité, la résoudre est à notre portée, telles sont les conclusions des premières Rencontres Nationales du Logement et de l’Habitat (RNLH). En mutualisant les compétences dans un esprit citoyen, il est possible de comprendre la crise du logement, malgré la technicité du sujet, et d’identifier les repères clairs pour en sortir à l’issue de la prochaine mandature. Un grand chantier est devant nous. Les choix politiques seront déterminants et indispensables pour deux raisons. Les acteurs du logement les attendent, afin de retrouver toute l’efficacité de leur action au quotidien, loin d’être à la mesure de leur engagement. Les citoyens l’exigent aujourd’hui et ne cesseront de l’exiger parce que la crise du logement est le scandale d’une politique à notre mesure. Ce livre, tiré des échanges des premières Rencontres, en est le témoignage. Ainsi, résoudre la crise a en somme déjà commencé. Les RNLH veilleront à ce que ce mouvement devienne irréversible.
Le comité de concertation à l’origine des Rencontres Nationales du Logement et de l’Habitat (RNLH) est composé des élus et techniciens de la ville d’Aubagne et de sa Communauté d’Agglomération, de professionnels de la région PACA, de l’équipe d’HQB conseil, accompagnés des trois parrains du projet, Marie-Noëlle Lienemann, JeanClaude Driant et Jean-Luc Berho.! Lors des premières Rencontres les 26 et 27 mai 2011 à Aubagne, 300 élus, experts, professionnels, militants associatifs, syndicaux et citoyens de toute la France sont venus s’associer au projet, pour croiser leurs expertises, confronter leurs points de vues dans l’intention d’écrire une charte commune qui pose les premières pistes pour sortir de la crise. Ce travail, inédit dans sa méthode participative, vient compléter les nombreuses initiatives en faveur d’une politique du logement volontariste, indispensable pour résoudre la crise du logement.!
."%1/22(+"(-3%
!"#$%&'"()"*+,% ,-%&,%.',-/0.,%
444567789:;6<=>6?@67AB5C9D%
HQB conseil! C9AE6CEFGH@C9A=BI85C9D%
LES RENCONTRES NATIONALES DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT www.crisedulogement.fr!