Protection des droits et libertés fondamentaux - Métiers du droit

Page 81

Les procédures et les libertés

A. L’ingérence de l’État dans la vie privée 1. Le droit à l’autonomie personnelle 153. Traditionnellement, la France a une conception étroite fondée sur le secret (champ couvert par la loi du 17 juillet 1970 qui a créé l’article 9 du code civil) et traitant à part, comme éléments intéressant l’État et l’ordre public, les questions d’identité, de sexe, de famille, de libre disposition de soi. Au contraire, la CEDH présente une conception large et très évolutive, intégrant toutes les dimensions de l’autonomie personnelle. « La notion de vie privée est une notion large non susceptible d’une définition exhaustive », écrit la CEDH dans l’affaire Pretty28. La vie privée est un concept juridique qui rassemble de multiples manifestations de la protection de l’intimité de l’individu et de l’expression de ses choix de vie dans un cadre public ou professionnel. En droit français elle se fonde sur le principe de liberté personnelle29, alors que pour la CEDH cette autonomie personnelle est inhérente au respect de la vie privée et familiale de l’article 8.

2. Abstention ou prestation ? 154. Le droit à la vie ne présente pas une seconde face, négative, qui consisterait en un droit à mourir ; l’État n’a pas à donner la mort sur demande ni à fournir les moyens de se la donner. Dans l’affaire Pretty30, la requérante était une dame de 43 ans atteinte d’une maladie neurodégénérative progressive qui conduit à un grave affaiblissement des bras et des jambes ainsi que des muscles impliqués dans le contrôle de la respiration entraînant la mort. Mme Pretty a besoin de l’aide de son mari pour mourir et invite le ministère public à prendre l’engagement de ne pas le poursuivre. Le procureur et la chambre des Lords refusent. 155. La Cour observe inversement que la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne. L’imposition par l’État de mesures contraignantes ou à caractère pénal est alors attentatoire à la vie privée et n’est justifiée que par des motifs proportionnés d’ordre public. La requérante en l’espèce est empêchée par la loi d’exercer son choix d’éviter ce qui, à ses yeux, constituera une fin de vie indigne et pénible mais les États ont le droit de contrôler, au travers de l’application du droit pénal général, les activités préjudiciables à la vie et à la sécurité d’autrui.

28. 29. déc. 30.

CEDH, 25 avril 2002, § 61. Rattachement exprès à l’article 2 de la Déclaration de 1789 par CC, 23 juillet 1999, no 99-416 DC. CEDH, 29 avril 2002, Pretty c. Royaume-Uni.

79


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.