Journal européen des droits de l'homme 2013/5

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Vie privée et familiale

Chroniques / Columns

dernier ait vérifié que les conditions du changement étaient remplies. Parmi elles, il est notamment imposé que « l’intéressé soit, de manière définitive, empêché de procréer » (art. 40). La requérante invoque une violation du droit au respect de sa vie privée (article 8 CEDH), caractérisée par la différence qui existe entre la perception mentale qu’elle a d’elle-même en tant qu’homme et sa constitution physiologique en tant que femme à laquelle les autorités turques se refusent de mettre fin. Elle souligne alors les incohérences de la loi turque en insistant sur la condition de stérilité qui lui est opposée. Cette condition ne peut être atteinte que si elle est autorisée à procéder à une intervention chirurgicale qui, par ailleurs, lui est refusée. Elle se trouve donc dans une situation insoluble au sein de laquelle on lui impose de demeurer dans la contradiction inhérente au syndrome du transsexualisme. Il appartient alors à la Cour européenne de se prononcer sur la contrariété de la loi turque à la Convention et particulièrement sur la condition préalable à la réaffectation qu’elle semble imposer à travers la procédure de stérilisation ou le dispositif hormonal. Dans ce cas, une condamnation de la Turquie pourrait être à prévoir car une telle condition constitue un obstacle quasi systématique au changement de sexe et par conséquent est constitutif d’une violation au droit au respect de la vie privée. S.T.

B.  Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou le sexe 1.  Discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle 4.  Le 12 juin 2012, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt Genderdoc-M c. Moldavie (req. no 9106/06), relatif à l’interdiction par le gouvernement moldave d’une manifestation prévue par l’organisation non gouvernementale Genderdoc-M dont le but était d’informer et d’assister la communauté des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT). La manifestation devait être organisée pour promouvoir l’adoption d’une loi sur la protection des minorités sexuelles contre la discrimination. Le 7 avril 2005, l’organisation sollicita la municipalité de la capitale moldave afin d’obtenir l’autorisation de manifester, mais la demande fut rejetée le 27 avril au motif qu’un tel rassemblement était inutile puisqu’une loi sur la protection des minorités sexuelles existait déjà. Cette décision fut confirmée par le bureau du maire. L’ONG contesta cette décision devant les juridictions moldaves considérant qu’elle était illégale et discriminatoire, mais en vain. Les juges estimaient, en effet, que l’organisation ne présentait pas les garanties nécessaires pour une bonne tenue de la manifestation qui représentait un risque de trouble à l’ordre public. Elle saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme en alléguant une violation des articles 11 (liberté de réunion et d’association), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de la discrimination). La Cour européenne a accueilli favorablement le recours et admis la violation des articles 11, 13 et 14 combinés avec l’article 11. Elle reconnait donc 2013/5

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