Gresea Echos N°78

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Un colloque, peu de réponses, beaucoup de questions Bruno Bauraind, Gresea

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out est-il à réinventer? Peut-être pas. Faut-il construire sur l’existant? Sans doute. Les différentes initiatives présentées lors de ce colloque montrent que le syndicalisme d’entreprise à une dimension internationale. Il n’est pas, par contre, ce que que Charles Levinson appelait en 1970 «une contrepouvoir syndical multinational». Retour sur quelques enjeux futurs.

Il n’est pas aisé de conclure un colloque qui rassemble des initiatives aussi différentes que celles présentées lors de la journée du 27 mai 2014, organisée par le Gresea en collaboration avec le GRAID1. Comparer les luttes syndicales transnationales dans la métallurgie, un secteur toujours stratégique et structurant de l’économie mondiale, avec celles du textile ou des centres d’appels dont la faiblesse des salaires reste le déterminant essentiel de la localisation des investissements, peut conduire à des propos réducteurs. Dans ces secteurs, le rapport de force ou les moyens financiers des acteurs syndicaux ne sont évidemment pas les mêmes. Néanmoins, plusieurs éléments nous semblent essentiels dans la compréhension de ce qu’est aujourd’hui « le syndicalisme d’entreprise multinationale ». Plusieurs questions également qui représentent autant de défis futurs pour la construction d’un véritable contre-pouvoir syndical au sein des entreprises multinationales.

Un syndicalisme sans Histoire des luttes Si, le syndicalisme se constitue à l’échelle internationale dès la fin du

19ème siècle, le syndicalisme d’entreprise multinationale est né en parallèle du mouvement d’intensification des investissements directs étrangers au cours des années 1970. Un peu moins de 50 années d’histoire qui sont principalement étudiées sous la loupe des institutions. La littérature sur les Conseils de groupes mondiaux, les Comités d’entreprises européens ou les accordscadres internationaux ne manquent pas. Souvent très techniques, ces analyses du syndicalisme d’entreprise multinationale comme institution font cependant souvent l’économie de l’étude des luttes de dimension transnationales qui ont permis aux travailleurs de créer les conditions de la mise en place de ces institutions. Qui aujourd’hui, parmi les syndicalistes européens, se souvient de la lutte des « Saint-Gobain » ou des « Philips » durant les années 1970 ? Plus proche de nous, comment, dans le mouvement syndical, sont évaluées les mobilisations transnationales coordonnées mises en place dans les secteurs de l’automobile, du transport, de la chimie (la grève des raffineries) ou, plus spécifiquement, chez ArcelorMittal ou chez

1. Groupe de recherche sur les acteurs internationaux et leurs discours (GRAID), Université Libre de Bruxelles.

Alstom ? Autrement dit, le syndicalisme d’entreprise multinationale peut-il se constituer en tant que contre-pouvoir sur la scène internationale en se trouvant déconnecté des luttes et des mobilisations qui sont consubstantielles à sa construction ?

Secteurs forts vs secteurs faibles ? Le colloque dont il est question dans ces lignes l’a, si besoin en était, à nouveau démontré: le syndicalisme d’entreprise multinationale ne peut être abordé sans être articulé aux secteurs d’activité. Dans ce contexte, les mégasfusions à l’œuvre au sein des fédérations de branches internationales et européennes posent la question du rapport de force asymétrique existant entre les organisations syndicales issues des secteurs forts, riches d’une histoire syndicale longue comme la métallurgie par exemple, et de secteurs plus faibles où le taux de syndicalisation reste marginal (le textile en Asie ou les calls center en Afrique). Près de 50 ans après la décolonisation, cette asymétrie semble toujours se doubler d’une domination des syndicats occidentaux sur les agendas des fédérations syndicales internationales. La création en 2011 d’un réseau syndical international dans les calls centers en marge de UNI Global union2 répond d’ailleurs pour partie au fait que cette fédération syndicale internationale a, jusqu’ ici, fait peu de cas des conditions de travail de ce que Frédéric Madelin désigne comme un nouveau « lum2. UNI Global union représente sur la scène internationale les travailleurs du secteur des services.

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