1213 - Programme opéra n°24 - Rusalka - 06/13

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Ondine et Roussalka Walter Zidarič

La figure de la roussalka ébauchée par Pouchkine et Dargomyjski représente donc un être intermédiaire qui n’est pas humain mais qui en conserve l’aspect, puisqu’il l’a été autrefois. Dans Sadko de Rimski-Korsakov, par contre, le personnage de Volkhova – la fille du dieu de la mer – n’est pas un être humain et ne l’a jamais été, cependant, il en a l’apparence. C’est là, sans doute, l’incarnation slave de l’ondine germanique présente notamment chez la Motte-Fouqué car, tout comme Ondine, Volkhova se sacrifie en se transformant en rivière. aucun équivalent dans la culture et les traditions populaires locales. Pouchkine, en revanche, présente le portrait idéal de la roussalka telle qu’elle existe, notamment, dans les croyances populaires du sud de la Russie. Dans son drame, il s’agit bien d’une jeune fille qui se noie à cause d’un chagrin amoureux ; devenue une roussalka, une être démoniaque mais anthropomorphe, elle médite sa vengeance. En somme, avec Pouchkine l’on assiste à la codification littéraire de ce personnage présent dans les récits populaires : sa roussalka, tout comme l’ondine de la Motte-Fouqué, devient ainsi le modèle de référence, bien que Pouchkine n’eût pas donné de titre à son poème dramatique et que ce choix du titre posthume est sans doute imputable à Joukovski qui le publie en 1837 sous la forme qui a été considérée pendant longtemps comme inachevée. Pouchkine se sert d’abord des croyances sur les jeunes noyées présentes dans le folklore, ce qui lui fournit aussi le contexte familial et le décor pour son intrigue. En effet, dans le folklore, le moulin est souvent associé aux roussalkas car « elles jouent avec les vagues, s’assoient sur les pales du

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moulin, tournent avec elles, s’amusent à éclabousser. »10 En raison des croyances populaires, le poète établit donc une liaison directe entre son héroïne et l’endroit où elle vit et trouve la mort, d’où sa création du personnage de la fille du meunier qui est absolument original et n’a pas de modèle dans la tradition littéraire antérieure mise à part la roussalka du Dniepr qui présente un esprit de l’eau, un être fabuleux essentiellement naïf et incapable de malveillance, qui n’a pas eu de vie humaine auparavant. Signalons, toutefois, qu’au début du deuxième volet de l’opéra-comique, la roussalka apparaît au prince habillée en paysanne et que dans les deux premiers volets elle se déguise à plusieurs reprises en fille de meunier. Chez Pouchkine, c’est l’exact contraire qui se produit, puisque le prince rencontre d’abord la fille du meunier qui deviendra plus tard une roussalka, en acquérant de surcroît les traits distinctifs cruels qui la caractérisent dans le folklore russe. Quant à l’ondine de la Motte-Fouqué – un être sur10

Dmitrij Zelenin, Очерки русской мифологии, Petrograd, tip. Orlov, 1916, fasc. 1, p. 162.

Grand Théâtre de Genève • N° 24 | rusalka

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