Las ! Ce qui a aussi disparu avec les détestables Goulags et le KGB, sans que nous en mesurions à l’époque toute la portée, c’est un potentiel de contradiction institutionnalisé et planétaire à l’ombre duquel des discours différents pouvaient encore exister. Désormais les thèses libérales ont établi leur hégémonie absolue dans l’espace de la pensée économique. Une croissance continue serait donc possible et « la main invisible du marché », toujours et encore, conduirait ce développement sans fin, telle une gentille fée, vouée au bonheur de l’humanité. Les quelques soubresauts inhérents à la nature humaine, que d’aucuns nomment « crises », seraient tôt ou tard, dépassés et assurés d’un « happy end » grâce à la baguette magique de la dite fée ! « La difficulté - écrivait le philosophe Wittgenstein - c’est de nous rendre compte du manque de fondements de nos croyances ». Pourtant même l’observateur le plus distrait pourrait constater, en regardant autour de lui, combien ces thèses libérales se trompent et nous trompent. Le « progrès en marche » n’a jamais généré autant d’inégalités : de revenus, d’accès à l’éducation, aux soins, à la culture, aux biens et aux services. Malgré la mondialisation, dont on nous vantait la capacité à réduire les écarts entre pays riches et pays pauvres, les disparités entre pays ne cessent de s’accroitre et les progrès technologiques, s’ils améliorent le sort d’une minorité, semblent contribuer à exclure une part croissante d’individus, des droits, des égards et des services que leur société est censée leur apporter. Comment aussi peut-on ignorer la diminution de ressources naturelles et l’impact de cette production boulimique dans les déséquilibres environnementaux et les pollutions en tout genre qui accompagnent l’urbanisation forcenée de notre planète ? Alors d’où vient cette foi dans les bienfaits de l’économie libérale ? D’où viennent ces certitudes que la croissance serait sans fin et bénéfique à tous ? Les penseurs occidentaux, exégètes de cette idéologie, ont-ils oublié les leçons des philosophes antiques ? L’«Ubris» ou la passion de l’accumulation des richesses, des biens, du pouvoir, le dépassement de la mesure, s’accompagne inexorablement de la « Némésis » c’est-à-dire d’une destruction qui anéantit bien plus profond encore que ce qui a été accumulé. En France, où l’économie est tirée par la consommation des ménages, le : « travailler plus pour gagner plus », fut un slogan particulièrement habile du candidat Sarkozy aux élections présidentielles de 2007. Cette formulation lui a attiré les suffrages d’une partie de l’électorat ouvrier qui s’est laissé duper malgré l’opposition de certains syndicats, notamment de la CGT. En la circonstance, le pari fait par le candidat était de s’appuyer sur des représentations, encore prégnantes dans le monde ouvrier, d’un
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