Magazine Photo N째1 - Janvier 2011
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édito
En ce début 2011, Fill-in fête déjà son troisième anniversaire. C’est en effet un soir de février 2008 que nous est venue l’idée de partager notre passion commune pour la photographie en réunissant quelques courageux volontaires autour d’un site Web. Ce beau projet a connu des hauts et des bas, mais trois ans après la toute première publication, fill-in est toujours là, fidèle au poste, et c’est à vous, chers lecteurs, que nous le devons. Pour fêter comme il se doit ce troisième anniversaire, nous avons souhaité que ce début d’année soit marqué par un nouvel événement : La création d’un magazine trimestriel qui prolonge l’aventure fill-in sur un nouveau support. Des reportages «made by Fill-in» des découvertes de photographes, et pour que ce projet soit aussi le votre, une place importante vous y sera consacrée dans chaque numéro. 2011 s’annonce donc pleine de nouveaux défis ! Nous espérons continuer à vous compter longtemps encore parmi nos lecteurs, et parce que ce projet ne serait rien sans vous, nous vous souhaitons la plus belle des années... L’équipe Fill-in
sommaire P.03 : Reportage Fill-in - Grands Lacs P.18 : Exposez-vous : Julien Gasco P.09 : Exposez-vous : Gérard Uféras P.36 : Photographe Canadien : Jean Malek P.42 : Variation : Harry Callahan P.46 : Les photos des lecteurs P.60 : Coups de coeur
Ci-contre : «Great Lakes» dans les rues de Chicago, Illinois (USA) Jeremy Barré
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reportage
Great Lakes 3
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Après une bonne journée de route à travers le Michigan, me voilà enfin à Détroit. Je quitte l’autoroute direction le centre ville. Je me retrouve par le plus grand des hasards aux pieds de la tour « General Motors » et bifurque à gauche dans l’espoir de trouver un parking où me débarrasser de la voiture pour la journée. Tout semble rouler ! Je trouve un énorme Car Park affichant des prix plus que raisonnables à proximité immédiate d’un casino. Après m’être équipé d’une partie de mon matériel, je quitte l’endroit et me retrouve dans les rues du vieux Detroit.
reat Lakes, ce sont 4 semaines et un reportage photo sur les routes à travers 4 états (Michigan, Illinois Indiana et Wisconsin). Ce sont plusieurs milliers de kilomètres dans cette région aux multiples facettes, depuis la dynamique Chicago, à la décadente Detroit, en passant par Flint, la surprenante ; un voyage dans l’antre de l’industrie automobile américaine pour mieux comprendre les effets d’une crise qui s’est installée il y a longtemps déjà… Journal d’un Roadtrip dans la région des grands lacs.
Bâtiments en briques rouges typiques – énormes bouches d’égouts crachant leur vapeur douteuse – l’ambiance est au rendez-vous ! La ville est vaste, mais les rues me paraissent étrangement calmes pour un jour de semaine. Pourquoi ? C’est en levant les yeux que je trouve une partie de la réponse. Les buildings sont vides… Rapidement, je ne vois plus que ça. Les vieux grattes ciels ont été abandonnés et condamnés. Avec le temps, les murs se sont fissurés, la peinture des façades s’est craquelée, les vitres ont été brisées ou couvertes de graffitis et la nature commence doucement à reprendre ses droits sur ces friches urbaines verticales.
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Authenticity : Détroit, Michigan (USA) Jeremy Barré
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Accrochés aux structures, les vieux lambeaux de publicités indiquant la disponibilité des locaux n’attirent plus personne : Ici à Détroit, tous les locaux sont disponibles. Partout en ville, le spectacle qui s’offre à moi est terrible. D’autant plus que j’imagine aisément ces immeubles majestueux se dresser fièrement au dessus du Détroit des années 50, en pleine heure de gloire de l’industrie automobile américaine. Une époque clairement révolue aujourd’hui. La ville m’apparait alors comme une cité, non pas simplement décadente, comme peut l’être Reno,
mais véritablement mourante. Le Financial District, plus récent, connait bien une certaine activité et au croisement de quelques rues, l’illusion de me trouver dans une ville américaine moderne et dynamique est presque parfaite. Malheureusement, il suffit de lever les yeux au ciel pour apercevoir les anciennes gloires de Detroit en toile de fond. Même avec la meilleure des volontés, je ne peux échapper à ce triste retour à la réalité. Après un bon petit déjeuner et quelques heures de marche, je décide de faire une pause. Je m’adosse à un mur et 8
Photo 1 & 2 : Dans les rues de Détroit, Michigan (USA) Jeremy Barré
bonne et je trouve ce clin d’œil publicitaire très malicieux. C’est avec le sourire que je reprends mon chemin un court instant, ce joli coup du sort valant bien une petit Coca bien frais (à moins que ce fut un Pepsi…). Je m’installe donc en terrasse, l’occasion d’échanger quelques mots avec le serveur, puis reprend ma balade dans les rues de cette ville de plus en plus énigmatique. Les sujets ne manquent pas mais la lumière est trop intense en ce tout début d’après midi ensoleillé. Pour optimiser le temps, je décide alors de me rendre au « GM » building, quatre tours gigantesques avec une base commune, moins élevée, servant de Hub, et accueillant l’ensemble des services proposés aux travailleurs. En arrivant sur place, je suis étonné de pouvoir me faufiler assez facilement à l’intérieur de l’édifice. Aucun contrôle de sécurité et une zone publique ouvrant directement sur la partie réservée aux employés. A l’intérieur, changement d’ambiance ! L’immeuble a été entièrement rénové ; des bureaux flambant neufs, un centre commercial, un mini salon de l’automobile présentant les derniers véhicules des différentes marques du groupe, des restaurants… Tout est neuf et contraste violemment avec l’état de la ville !
m’applique à ranger mon matériel lorsque je découvre, face à moi, une scène qui attire immédiatement mon attention. Une simple camionnette aux couleurs vives est garée sous la structure en béton du métro aérien. Brusquement, tout se met à trembler, annonçant l’arrivée imminente du wagon au dessus de ma tête. J’arme rapidement l’appareil et Clic ! Je déclenche au moment ou un train rose fluorescent flanqué d’une publicité géante pour Pepsi Cola passe au dessus du véhicule. Le mot « OPTIMIIIIIIIIIIIIISM » est inscrit en lettres capitales sur tout le côté de la rame. La photo est 9
A cet instant précis je me trouve dans ce qui semble être le dernier bastion de l’opulence de Detroit. Tout est clinquant, comme pour faire oublier aux gens qui y travaillent et y passent une bonne partie de leurs journées l’état de la cité, dehors, tout autour. Comme un roi sur la fin, dépensant sans compter ce qui reste d’or au pays pour se persuader que tout va bien. Je n’aime pas ce que je vois et même si la situation n’est heureusement pas si grave, c’est réellement l’impression que cet étalage de richesses et de technologies laisse au visiteur que je suis. Une chose toutefois est constante, ici à Detroit : encore une fois, tout est vide ! Dans cet immense espace, je ne croise en effet que de rares employés, circulant entre les tours ou discutant par petits groupes. Il est 13h environ, et le restaurant d’entreprise central est désert. Le son des couverts des rares personnes qui s’y trouvent résonne dans le hall gigantesque, au centre de l’édifice. Il me faut traverser le bâtiment pour trouver une zone un peu plus vivante : une grande terrasse avec une hauteur sous plafond considérable et une large baie vitrée ouverte sur la Detroit River séparant les États-Unis du Canada. Quelques employés prennent une pause autour d’un verre ou d’un café, profitant de la vue imprenable sur le pays d’en face. Au loin, un casino, et une ville, Windsor, qui paraît plus prospère, mais les apparences sont peut être trompeuses. Après un tour complet du propriétaire et quelques clichés, je quitte le complexe et retrouve le monde réel, celui de la crise. Le soleil semble s’accrocher tout en haut. La lumière est toujours écrasante et je ne suis pas tout à fait satisfait de mes photos. J’insiste pourtant, plusieurs heures durant, et arpente le centre ville dans toutes les directions possibles, m’arrêtant de temps à autre pour une pause puis reprenant tranquillement mon chemin. En fin d’après midi, je décide de retrouver ma voiture, de quitter « Downtown detroit » et de m’éloigner un peu, espérant trouver les anciens quartiers industriels.
longtemps abandonnés, squattés et saccagés. De temps à autres, de vieilles pancartes publicitaires à peine lisibles et rongées par le temps me rappellent que cette zone était bien vivante… quand ? J’aurais du mal à le dire tant l’état de tout ce qui reste est terrifiant. Tout ce qui manque à ces pierres tombales, ce sont des dates. Difficile d’imaginer cette région à l’époque ou toutes ces usines fonctionnaient à plein régime ; le spectacle de ces cheminées, crachant leur fumée noire devait être tout aussi marquant. Je quitte à plusieurs reprises ma voiture
Je reprends l’autoroute en direction du nord et tombe rapidement sur un spectacle bien plus désolant encore. Alors que je quitte l’Interstate, me voilà au beau milieu d’un cimetière d’usines. Des ruines et des friches à perte de vue ; un spectacle quasi apocalyptique… Partout autour de moi, un enchevêtrement de structures métalliques rouillées, soutenant difficilement les restes des quelques bâtiments en briques encore debout, mais depuis bien 10
GM building, Détroit, Michigan (USA) Jeremy Barré
Retrouvez cet extrait, les photos du reportage complet ainsi que le livre photo «Great Lakes» sur fill-in.fr
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Quartier industriel de Détroit, Michigan (USA) Jeremy Barré
pour m’enfoncer dans le quartier et tombe, pas le plus du quartier, les clochards et autres passants inquiétants. Il grand des hasards, sur un ancien entrepôt réhabilité, est évident que sortir en bon touriste avec mon appareil accueillant toutes sortes d’artistes : peintres, sculpteurs, serait suicidaire sans connaître quelqu’un par ici. Sur artisans, se retrouvant ici et travaillant leurs perrons en ruines, les habitants me sous l’œil attentif de quelques rares dévisagent, je ne passe pas inaperçu avec «De temps à curieux. Après cette note positive assez mon véhicule flambant neuf. autre, de vieilles inattendue, je continue mon chemin dans les alentours ; la zone n’est clairement pas Je continue ma route dans le quartier, pancartes sûre, je dois faire attention. Le temps de réfléchissant à ce que j’aurai pu faire ici publicitaires à quelques clichés et je reprends la voiture avec un peu de préparation. C’est déçu peine lisibles en direction du nord. que je reprends mon chemin, conscient et rongées par que je ne pourrai pas travailler comme je le temps me Non loin de là, les quartiers pauvres de le souhaitais. Traiter cette crise et essayer Detroit et nouveau choc. Un vrai ghetto, rappellent que cette de la comprendre au mieux dans le peu des maisons en ruines, abandonnées, de temps que j’avais nécessitait pour zone était bien habitées ou squattées – pas une n’est dans moi la découverte des centres villes tout vivante…» un état correct ! Comment tiennent-elles d’abord, puis des quartiers industriels et debout ? Dans les rues, les carcasses de des quartiers populaires ensuite. Les deux voitures et détritus bloquent plus ou moins le passage, la premiers points n’avaient pas posé de problème majeur végétation s’étale sans limites… Me voilà sans doute au ici à Detroit, même si le second demandait un minimum beau milieu du pire des quartiers de Detroit. Naïvement, je de précautions. Mais me heurter à une telle situation dans pensais que les scènes qui se déroulent maintenant devant ces quartiers où l’absence de l’état est criante, remet mes yeux n’existaient que pour le cinéma américain. Je complètement en question ma capacité à traiter mon sujet suis atterré par ce que je vois. Je circule parmi les bandes en si peu de temps. De toute évidence, il aurait fallu prévoir 12
Quartier industriel de Détroit, Michigan (USA) Jeremy Barré
Quartier industriel de Détroit, Michigan (USA) Jeremy Barré
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Quartier industriel, DĂŠtroit, Michigan (USA) Jeremy BarrĂŠ
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et rencontrer, non pas seulement sur place, mais bien avant, des personnes de confiance, capables de m’accompagner dans ces endroits, connaissant les habitants et dont la présence m’aurait assuré de pouvoir travailler dans de bonnes conditions. A ce problème de sécurité s’ajoutait un problème moral : Sortir l’appareil au poing et prendre ce que je voyais en photo me paraissait totalement déplacé. Cette gêne, ce malaise face à la pauvreté extrême d’une population, je l’ai plusieurs fois ressentie dans des pays pauvres ou en voie de développement, mais c’est la
première fois que je m’y trouve à ce point confronté ici, aux États-Unis. Le choc est violent. Je n’y étais clairement pas préparé. Ce coup au moral me pousse à quitter la ville - prendre la direction de Flint, et peut être revenir plus tard ? À ce moment précis, je suis un peu perdu. Cette réflexion peut attendre et seule une heure de route sépare les deux villes. Pour l’instant, il me faut changer d’air. Sur le chemin, toutes sortes de pensées traversent mon esprit : je pense bien entendu à ces quartiers où les gens doivent vivre un véritable enfer au quotidien. Je pense
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à ces paysages industriels désolants. Mais je pense aussi à ce cliché du wagon rose, à cet instant particulier qui résume finalement parfaitement mon sentiment sur Detroit. La ville est dans un état lamentable, effrayant parfois. Mais les personnes que j’ai pu y rencontrer, les discussions que j’ai pu y capter assis à la terrasse d’un bar ou à la table d’un restaurant me laissent finalement une image positive : malgré toutes les difficultés, les habitants semblent garder le sourire, font preuve d’une incroyable hospitalité, et surtout d’un attachement viscéral à leur ville
qui force le respect. Je suis resté peu de temps – trop peu de temps – mais je suis resté suffisamment pour ressentir cet esprit bien particulier qui fait de Detroit une ville unique. Je repense au Jazzy Café, petit bar surprenant au pied d’une tour abandonnée, Je pense à cette dame qui me raconte avec une passion évidente son amour pour sa cité. Je pense à ces artistes, travaillant au beau milieu d’une zone industrielle laissée à l’abandon, dans cet entrepôt gigantesque, symbole qu’une nouvelle vi(ll)e est possible, même ici. Détroit a déjà connu bien des épreuves par le passé. Sa devise ? « Nous espérons des temps meilleurs ; ils ressurgiront de ses cendres ». Il faudra sans doute des années avant de voir Detroit prospérer à nouveau. Elle devra se réinventer, plus modestement, elle devra sans doute faire des sacrifices, et aborder l’avenir différemment, mais je suis certain que le courage de ses habitants aura le dernier mot : «Optimisme». Jeremy Barré
Retrouvez cet extrait, les photos du reportage complet ainsi que le livre photo «Great Lakes» sur fill-in.fr
Détroit Detroit, Michigan, fut fondée par des Français en 1701, le long de la rivière Detroit, entre les lacs Érié au sud, et St Clair au nord. Avec ses 916 952 habitants, elle est aujourd’hui la onzième ville des États-Unis. Elle connu son heure de gloire au début du XXème siècle et jusque dans les années 1950 grâce à l’industrie automobile. A l’époque, sa population approchait les deux millions d’habitants. Depuis, elle n’a cessé de chuter (de plus d’un million en 50 ans) : Entre 1990 et 2010, ce sont près de 150 000 personnes qui ont quitté la ville. Aujourd’hui, environ 30% de sa population vit sous le seuil de pauvreté, essentiellement des jeunes de moins de 18 ans.
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Exposez-vous !
Julien Gasco
J
ulien Gasco présentait son travail photographique du 28 novembre 2010 au 5 Janvier 2011 au «de l’autre côté» à Paris. A cette occasion, cet habitué de Fill-in.fr s’était prêté au jeu des questions ; Nous revenons sur cette interview.
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Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? J’ai 26 ans, je suis Chargé de communication et je fais de la photo pour le plaisir. J’habite à Paris mais je suis né et j’ai grandi à Montpellier. Depuis quand pratiquez-vous la photographie ? Je pratique la photo depuis 2005. J’ai commencé à m’y intéresser quand j’ai acheté mon premier numérique, un Sony modèle «grosse brique» - un ou deux ans auparavant, mais rien de bien sérieux à cette époque. C’est un ami qui m’a dit que je devrais «creuser» un peu. Je me suis pris au jeu, j’aime l’objet en lui-même autant que le moyen d’expression. Avec quel type de matériel avez-vous débuté ? Je me suis acheté un bridge à l’occasion d’un voyage en Chine. Un moyen d’aller un peu plus loin sans avoir à porter deux kilos de matériel en plus de mes bagages, et de prendre des photos de meilleure qualité. Mais c’est en rentrant en France que j’ai commencé à y consacrer un peu plus de temps. J’ai récupéré le réflex Ricoh de mon père avec deux focales fixes, un 30mm et un 50mm. C’est un excellent moyen d’apprendre les rudiments techniques et de réfléchir à ses prises de vues -pellicule oblige. Un an après, je me suis acheté un reflex numérique. Quelques anecdotes sur les étapes de votre apprentissage ? Une des étapes les plus importantes de mon apprentissage a été l’achat d’un labo photo d’occasion avec des amis en 2008. D’une, parce qu’on a passé des soirées excellentes. De deux, parce que j’ai découvert que la retouche existait en argentique, et même qu’elle était une étape inévitable pour tirer le meilleur de son négatif : filtres de contraste, masques, virages, etc. Je me suis mis à Photoshop pour faire la même chose en numérique. C’est devenu une étape incontournable de mon « travail ». Pouvez-vous nous dire quelles sont, vos “références” en matière de photographie ? Je ne suis pas très calé en histoire de la photo. J’admire Willy Ronis pour sa capacité à saisir l’instant et ses cadrages toujours justes. Mais j’ai aussi un faible pour le coloriste Saul Leiter. Si vous deviez citer UN photographe qui vous inspire particulièrement, qui serait-il ? Saul Leiter m’inspire plus que les autres, parce que j’admire son coup d’œil et son traitement de la couleur. 19
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Je trouve ça beau sans vraiment arriver à expliquer pourquoi. Cette capacité à figer des « tableaux », ça me fascine. Je pense notamment à une de ses photos d’une femme assise à la terrasse d’un café parisien. Le tirage est magnifique, on dirait une peinture ! Avec quel matériel travaillez-vous ? Qu’est-ce qui a motivé votre choix ? Les objectifs du Ricoh à monture K m’ont orienté vers le Pentax K100D, puis au K7, qui me convient amplement. En argentique, j’ai aussi un Leica R3 avec un summicron 50mm f2 que m’a donné mon oncle. Pas facile à maîtriser, mais je m’y emploie. Le plus important c’est quand même que l’appareil soit fidèle et qu’on se sente bien avec, pas la marque ou le modèle. Quel(s) type(s) de photos réalisez-vous ? Une raison particulière à cela ? Je fais presque exclusivement de la photo quand je voyage. Quand je reste trop longtemps au même endroit, je perds un peu l’inspiration. En ce qui concerne mon style de photographie, c’est à vous d’en juger, mais je pense que j’ai un regard plutôt contemplatif. Je privilégie l’ambiance et le spontané, ou l’insolite, plutôt que le témoignage. Vos photos sont prises dans des pays et lieux très différents (France, Chine, Hong Kong, Danemark…). Comment s’articulent votre travail et vos voyages ? J’ai eu la chance de voyager avec mes parents étant jeune, puis pendant mes études et mon travail (j’ai vécu un an en Chine et six mois à Hong Kong). Je n’ai jamais voyagé pour prendre des photos, c’est toujours l’inverse qui s’est produit. Je shoote pour le plaisir et pour le souvenir, en essayant d’éviter l’effet carte postale. Et ce n’est pas toujours facile ! Vous semblez apporter un traitement particulier à chaque photo. Pouvez- vous nous en dire plus sur votre démarche, de la prise de vue au traitement de vos clichés ? J’essaie surtout de capter l’ambiance du lieu. Ensuite je modifie niveaux et couleurs pour mieux la retranscrire. Je considère de toute façon que le moment où l’on déclenche, aussi bien que le cadrage ou le choix de la couleur ou du noir et blanc sont une interprétation de la réalité. Accentuer ou modifier un peu les couleurs par un traitement croisé, c’est juste une interprétation de plus que je m’autorise. Bon, il ne faut pas tomber dans l’excès
«Je n’ai jamais voyagé pour prendre des photos, c’est toujours l’inverse qui s’est produit. Je shoote pour le plaisir et pour le souvenir, en essayant d’éviter l’effet carte postale.»
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L’exposition a eu lieu au café restaurant «De l’autre côté», dans le 10ème, à Paris (métro République), du 28 novembre au 12 janvier.
Retrouvez les photos de l’exposition sur www.juliengasco.com
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non plus… J’essaie, j’explore et parfois je me trompe et je reviens en arrière ! Et puis, je fais aussi un peu de noir et blanc.
«Quand une photo surgit de nulle part alors qu’on se demande pourquoi on a eu l’idée de sortir avec son appareil, c’est vraiment jouissif ! »
Vous avez organisé une exposition sur Paris, Quelles expériences en avez-vous tiré ? Cela fait un moment que j’y pensais, sans vraiment oser le faire… Et mes amis m’ont fait ce joli cadeau pour mon anniversaire : ils ont trouvé un café où exposer mes photos et financé une partie de l’expo ! C’était une superbe opportunité de présenter mon travail, et je profite de cette interview pour les remercier de nouveau. Au final, le bilan est très positif, j’encourage tout le monde à tenter l’expérience. Cela demande de l’énergie et un peu de temps, mais cela vaut vraiment le coup. A mon avis, le plus difficile est de faire sa sélection de photos, de choisir les tailles de tirage appropriées et de trouver un laboratoire satisfaisant. Le reste c’est un peu d’apprentissage et quelques heures de réflexion (ça y est, je comprends presque tout des profils d’impression), un marchand de meuble suédois pour vos cadres, de l’huile de coude, et des amis ! Cela représente aussi un certain budget, mais plutôt que de craquer sur un nouvel objectif, je conseille à tout le monde de se faire ce plaisir-là. Et quand les ventes font plus que rembourser les frais de départ, ça ne gâche rien ! En bref, une expérience à reproduire. Avec la photographie numérique, on fait moins vivre ses photos : je suis le premier à prendre 500 photos en deux jours et à les laisser dormir dans mon ordinateur. Les voir sur le papier, encadrées, dans un endroit sympa, et les partager avec qui veut les voir, c’est génial. Si vous deviez choisir un seul de vos clichés, lequel serait-il ? Ce n’est pas facile de choisir… En ce moment j’aime bien la photo de l’ouvrier en contre-jour, en dessous d’une fenêtre pendue à une grue. J’étais tout seul dans Copenhague ce soir-là, et la lumière était superbe, je me suis régalé. Qu’aimez-vous particulièrement dans la photographie ? Quels sont vos petits plaisirs ? Quand une photo surgit de nulle part alors qu’on se demande pourquoi on a eu l’idée de sortir avec son appareil, c’est vraiment jouissif! On n’est pas toujours récompensé, mais quand ça arrive, ça fait plaisir… alors on recommence ! 23
Exposez-vous !
Gérard Uféras
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e 23 septembre dernier s’est tenue à l’atelier Richelieu dans le deuxième arrondissement une exposition photographique couplée à la présentation de l’ouvrage « Quelque chose en eux». Vingt et un portraits réalisés par le photographe Gérard Uféras étaient présentés. L’objectif de cette exposition était d’informer le public sur une maladie encore peu connue le GIST : tumeurs stromales gastro-intestinales (GastroIntestinal Stromal Tumor). Nous avons rencontré pour vous Gérard Uféras, qui s’est prêté au jeu des questions / réponses.
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Comment en êtes vous venu à faire des photos pour l’association « Ensemble contre le GIST » ? Qu’est ce qui vous a poussé à faire l’exposition ? En fait, pour moi, la demande est venue d’un ami JeanYves Verdu qui était en charge de tout l’aspect visuel de l’aventure et qui m’a demandé si je voulais y participer. Jean Yves Verdu a fait la mise en page du livre. Connaissiez-vous cette maladie auparavant ? Non, je ne savais absolument pas ce qu’était le GIST. Il est vrai que c’est une maladie orpheline qui est rare sauf à y avoir été déjà confronté. Je n’avais par ailleurs jamais travaillé sur le cancer, même si malheureusement comme tout le monde, il y a des gens autour de moi qui ont un cancer qui luttent ou qui en sont morts … mon père est mort d’un cancer du cerveau. Comment avez-vous appréhendé ce reportage ? Comment vous-êtes vous préparé ? C’est vrai qu’il n’a pas été évident de décider de le faire. Je me suis demandé comment j’allais faire quand j’allais me retrouver face à ces gens atteints de cette maladie. C’est difficile quand on se projette, on se demande si on va avoir la bonne attitude, mais aussi qu’est ce qu’est la bonne attitude ? Dans nos sociétés on parle beaucoup du cancer, mais on n’est pas habitué à s’y confronter, on est souvent démuni. Il n’était donc pas évident de dire oui, mais j’ai trouvé que l’idée était intéressante et très belle. Pour le 1er portrait j’y suis allé un peu inquiet, mais aussi un peu curieux … enfin je n’étais pas forcément très à l’aise avant la première rencontre. Et en fait cela a été une rencontre extraordinaire, même si ce qui est dommage, c’est que ce premier portrait ne figure pas dans le livre « Quelque chose en eux ». Il s’agissait d’une jeune femme de 34/35 ans avec un enfant et la rencontre a été absolument merveilleuse, l’enfant était là et c’était un vrai rayon de soleil. Dans un moment où la maladie et l’éventualité de la mort sont évoquées, voir ce gamin qui était là, plein de vie, c’était extraordinaire ! Cela a complètement balayé mes inquiétudes.
« Pour ces portraits il s’agissait soit de les photographier dans leur environnement personnel, soit dans un lieu en rapport avec leur passion. » Face aux personnes photographiées qu’elle a été votre approche ? En fait ce à quoi je tenais absolument, c’était de montrer un respect absolu à la personne que j’allais photographier. Mais de toute façon dans tous les portraits que je fais et d’une manière plus large dans tous les travaux que je conduis, avoir du respect pour l’autre est extrêmement important … et ce n’est pas toujours le cas dans le monde de la photo. Et finalement ce qui m’est apparu très vite c’est qu’en fait ce sont les personnes qui sont confrontées à la maladie qui ont une attitude positive. Même si elles ont des périodes de faiblesse, de doute ou de découragement, elles ont une vraie capacité à se reprendre, à lutter. Ces rencontres sont de véritables hymnes à la vie. Est-ce que c’était la première fois que vous travaillez à deux ? Comme je travaille avec des journalistes il m’arrive d’assister aux interviews et dans le cas présent les textes étaient à la charge de Christophe Renault Il n’était pas là pour le 1er portrait mais par la suite j’ai assisté et participé aux entretiens. Il n’y avait rien de formel. On ne s’est pas posé en disant lui il est journaliste et moi photographe. On est venu en se disant qu’on allait faire une rencontre. Ce qui primait avant tout pour lui comme pour moi, était le rapport humain. Cela a été extrêmement enrichissant. Si j’avais fait les portraits sans lui, il y a plein de choses qui m’auraient échappé. Comment se déroulaient les séances photographiques ? En fait, on photographie avec ce que l’on est, selon le rapport que l’on a aux gens et on photographie aussi dans un lieu que l’on choisit. Pour ces portraits il s’agissait soit de les photographier dans leur environnement personnel, soit dans un lieu en rapport avec leur passion. J’ai photographié un type dont la passion était la course à pied. Au départ on est allé dans un café, et comme son truc pour tenir dans la vie c’est vraiment de courir, je lui ai proposé de le photographier dans un endroit où il aimait courir.
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Est-ce que vous avez fait des rencontres plus difficiles que d’autres ? Il y a des personnalités qui ont été extrêmement attachantes, mais toutes les rencontres ont été intéressantes. Nous nous sommes par exemple retrouvés face à quelqu’un qui ne voulait parler uniquement que de la maladie ne rien révéler qui lui soit personnel.
« Je suis toujours très curieux de savoir comment les gens que j’ai photographiés reçoivent mon travail. [...] Je me demande comment ils ont perçu ma vision de leur univers, de leur passion. »
Toutes les personnes interrogées font partie de l’association « Ensemble contre le GIST ». Lui a voulu participer au projet car il pensait que cela pouvait faire avancer la connaissance de la maladie, il a donc participé au projet, mais il ne voulait rien dire qui lui soit personnel. Pour réaliser ce portrait qui révélait peu de chose de l’homme, on a pris le parti de s’appuyer sur ce refus et de le réaliser sur le mode de l’humour, car finalement on sentait bien que cela le gênait presque cette décision de ne pas se confier plus.
Dans l’introduction du bouquin j’ai écrit « quand je fais un portrait, il faut toujours un certain temps pour que s’installe la confiance qui va permettre que je connaisse un peu mieux mon interlocuteur et ainsi me donner la chance d’approcher la vérité d’une personne, car c’est cette vérité qui doit habiter ce que je nomme un bon portrait. Bien sur je n’ai pas la prétention d’aller plus loin que l’évocation, mais celle-ci doit être unique, coller à la peau de la personne et de notre rencontre. ». Je crois que je ne peux pas mieux le dire que ça (rires). En fait, quand on fait un portrait c’est extrêmement difficile, qu’est ce qui reste de la personne dans un portrait ? Il faut qu’il y ait vraiment quelque chose de la vérité profonde de la personne. Mais on ne peut pas être exhaustif car chaque personne est multiple. En fait à chaque fois que je termine un travail, je me demande toujours quel regard les gens que j’ai photographiés vont porter sur leurs photos et s’ils vont s’y reconnaître.
En les écoutant, on comprend que les personnes que nous avons rencontrées ne parlent pas ou peu de leur maladie. Elles n’en parlent pas dans leur milieu professionnel et dans la mesure ou cela représente une souffrance pour leurs proches, elles en parlent peu pour ne pas les ennuyer. Ces gens ont accepté de se livrer, de s’ouvrir à nous. Ils nous ont raconté des choses très intimes, très personnelles. C’était des moments très forts. Qu’est ce que cette expérience vous a apporté ? Sur le moment on se dit que face à ces témoignages on devrait vraiment relativiser les petits soucis quotidiens. Et en même temps on a conscience qu’on ne s’impose pas cette conduite tous les jours. Ces personnes se retrouvent après des opérations invalidantes, voire très invalidantes au quotidien mais, elles continuent à avoir de l’humour, à garder de l’espoir. Ces rencontres ont été de véritables leçons de vie.
Je suis toujours très curieux de savoir comment les gens que j’ai photographiés reçoivent mon travail. C’est le cas par exemple pour les photographies réalisées sur le personnel de l’opéra ou les créateurs de mode. Je me demande comment ils ont perçu ma vision de leur univers, de leur passion.
Et du coup, à travers vos photos qu’est ce que vous souhaitiez transmettre ? Qu’est ce qu’on veut transmettre …. (blanc), on veut transmettre un peu de la personne.
Et concernant l’exposition pour le GIST, avez-vous eu des retours ? Oui, des retours très positifs. Les gens étaient très émus. D’une manière générale que vous apporte la photographie ? Et pourquoi avoir choisi ce métier ? La photo que je pratique est une façon d’aller vers le monde, de découvrir le monde. C’est une rencontre entre le monde et ma sensibilité. Elle me permet d’exprimer mes émotions.
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Mais c’est aussi une aventure visuelle. J’aime l’art, et pour moi arriver dans une situation en mouvement, dans laquelle il se passe une multitude de choses et arriver à traduire l’émotion que l’on ressent, c’est aussi une façon de comprendre le monde. On traduit une émotion. On formule une certaine compréhension du monde dans un espace graphique qui obéit à des règles, des forces formelles, puissantes, c’est formidable. C’est vraiment intéressant de réussir retranscrire des évènements dans un espace en 2 dimensions. J’aime quand mes images racontent des histoires. En tout cas, je ne peux pas vivre sans art, sans musique, sans art visuel … La photo que je pratique répond à ce besoin. C’est une grande aventure artistique, dont j’ai besoin pour vivre. C’est ce qui vous a amené au métier de photographe ? En fait mon père avait beaucoup d’appareils photo, mais n’en faisait pas beaucoup. C’est moi qui faisais les photos. J’ai fait des photos très jeune vers 9/10 ans. J’ai également fait beaucoup de photo avant de devenir photographe professionnel à 28 ans. Quel matériel utilisez-vous ? J’utilise un Canon EOS 5 MarK II. Où pourra t-on voir l’exposition pour le GIST ? Elle sera présentée à partir de l’année prochaine dans des centres anticancéreux. Je pense que vous pourrez trouver tous les renseignements sur le site internet http:// www.ensemblecontrelegist.com/index.php. Nous remercions sincèrement Gérard Uféras pour le temps qu’il nous à accordé et nous lui souhaitons la plus grande réussite dans ses projets à venir.
Fanny Leloup
« La photo que je pratique est une façon d’aller vers le monde, de découvrir le monde. C’est une rencontre entre le monde et ma sensibilité. Elle me permet d’exprimer mes émotions. »
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Photographe Canadien
Jean Malek
C
omme vous le savez peut-être déjà, une partie de l’équipe Fill-in vit à Montréal, ce qui nous permet de vous faire découvrir des photographes émergents de l’autre côté de l’Atlantique. Pour cette nouvelle rubrique «Photographes Canadiens», nous sommes donc fiers de vous présenter un artiste à multiples facettes : Jean Malek.
Retrouvez Jean Malek sur son site Internet : www.jeanmalek.com
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En premier lieu, faites un tour sur son site internet www. jeanmalek.com ! Un vrai chef d’œuvre : conçu par l’agence Interactive Montréalaise AKUFEN. Il a remporté plusieurs prix notamment celui du Applied Arts, et une apparition sur le site FWA. La réputation de Jean Malek n’est plus à faire, il signe projets après projets, participe à des annonces pour Adidas opérées par Sid Lee, à des campagnes contre les ITS pour Santé et Services Sociaux du Québec et apparait dans les journaux et magazines les plus lus en ville : Nightlife, Voir et SNAP ! Magazine. Ces quelques photos sont réalisées pour la maison de production La cavalerie. Si vous souhaitez en savoir plus,
voici le communiqué de presse La Cavalerie Pour ma part je trouve que leur identité graphique d’une grande pertinence présente judicieusement les valeurs de cette maison de production, créative et riche. « La Cavalerie dispose de 15 ans d’expérience dans la production et la post production de messages publicitaires. Les médias et les communications ont changé et nous l’avons compris. Les campagnes publicitaires s’inscrivent maintenant dans un cadre plus large et moins sectorisé ; La Cavalerie est un partenaire de production capable de naviguer de façon créative et libre dans l’univers de la télé, de l’imprimé ou du web, et ce, sur le marché local, national ou international. » Tania Koller
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Jean Malek Š Secretary
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Jean Malek Š Secretary
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Variation
Harry Callahan
«Eleanor, Chicago», 1949
UNE IMAGE FORTE PRODUCTRICE D’HISTOIRE Ne pourrait-on pas concevoir une belle image comme une image qui appelle à la narration, à l’interrogation? Avant de lire la suite, vous pouvez vous aussi vous prêter à ce jeu de divagation, vous verrez que cet exercice peut être très jouissif. La première chose est de se poser la question: Pourquoi cette image nous attire ? Qu’est qui la rend si attirante ?
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UNE IMAGE « DOUBLE »
UNE INVITATION AU VOYAGE Cette photographie me fascine. A première vue, elle m’inspire un sentiment de plénitude, une invitation au voyage. Le visage d‘Eleanor capte le regard ; il est encadré par cette longue et épaisse chevelure noire, jouant avec un contraste fort. Cette image passe du blanc presque surexposé au noir profond. On peut noter que le motif principal, le visage d’Eleanor, se situe légèrement décalé à gauche du centre de l’image. L’environnent aquatique participe à ce sentiment d’envolée, où le corps est en apesanteur, comme libéré de son poids. Elle flotte à la surface, sans rencontrer aucune difficulté. Elle est au delà du ressenti corporel, tout semble se jouer par l’esprit. Pense t-elle à quelque chose? Ou est-elle arrivée à un stade de concentration proche de la méditation, c’est à dire à la recherche d’un néant, du vide tant recherché dans le monde occidental ? Se vider la tête et l’esprit peut être ? On le sait Eleanor est un motif important dans l’oeuvre de callahan: c’est une matrice. Ce mot est dérivé de mater, qui signifie « mère » – un élément qui fournit un appui ou une structure, et qui sert à entourer, à reproduire ou à construire. Cette éthymologie est intéressante, et nous pouvons y reconnaître une piste permettant de mieux comprendre l’oeuvre de Callahan. C’est à travers la matrice d’Eleanor qu’il explore des pistes variées (par ce motif de différence et de répétition) et créant par la même occasion son oeuvre. Les yeux clos tournés vers le monde de l’imaginaire, de l’introspection et du mystère. Elle est dans le noir et pourtant si lumineuse. La Photographie est collée à son propre objet physique, à rendre l’image des corps et non de l’esprit.
Elle semble avoir une apparence double. Le temps d’un instant, elle peut apparaître comme une femme méditéranènne au visage sévère : « la Mama » , comme un arrêt sur image d’un film de Fellini, dans lesquels les personnages féminins tiennent une grande importance. Et, à l’instant suivant, nous la voyons comme la plus belle des amantes : aimante, douce et passionnée . C’est peut être grâce à ce contraste fort de à la chevelure épaisse et sombre que notre oeil passe d’un sentiment à l’autre. Si l’on fixe le visage et focalisons notre regard dessus, il ressort découpé dans cette surface noire. Elle nous apparait alors plus sombre, plus sévère. Mais si, au contraire, notre regard circule de la chevelure au visage, là elle semble plus paisible et douce. La présence de cette chevelure nous amène également à dériver dans l’imaginaire. Dans tous les contes, par exemple, les personnages féminins ont les cheveux longs. Et les contes ne sont que des histoires métaphoriques sur le monde, du microcosme au macrocosme (dans un sens plus moderne, « macrocosme » désigne une vue globale.) C’est un symbole de féminité et de séduction. Ils tombent sur ces seins se basculant au gré du vent, mouillés aux extrémités. C’est alors que l’on peut presque y voir se dessiner la forme d’un corbeau noir. On ne peut échapper au mythe des sirènes. En grec ancien, une sirène est une créature mythologique hybride : mi-femme et mi-oiseau (tradition antique) ou mi-femme et mi-poisson (tradition médiévale). A la beauté surnaturelle, elles séduisent les hommes. Le corbeau en rêve est censé être un oiseau de mauvaise augure. Mais c’est alors qu’elle se transforme en maîtresse de la création…Matrice à construire des histoires; Une oeuve d’art qui impose ce désir créatif; en un mot une image immémoriale.
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UN PEU D’HISTOIRE HARRY CALLAHAN Il est né le 22 octobre 1912 à Détroit, dans l’État du Michigan aux États-Unis. C’est en 1938 qu’il s’achète son premier appareil photo et rejoint le club de photographie chez Chrysler Motors, où il travaille. En 1941, il assiste à un atelier du photographe Ansel Adams qui l’influence beaucoup. László Moholy-Nagy lui offre un poste d’enseignant à l’Institute of Design de Chicago en 1946. En 1962, il part enseigner à la Rhode Island School of Design. Il dirigera son département jusqu’à son départ en retraite en 1977. En 1983, il déménage à Atlanta, Géorgie et y vit jusqu’à sa mort le 15 mars 1999. Ses sujets sont sa femme, Eleanor, sa fille, Barbara, et les scènes qu’il croise au détour des rues de sa ville. À chaque fois, il met l’accent sur les lignes et les formes ainsi que le contraste et la luminosité. Il joue aussi avec les techniques d’expositions multiples. Son travail est une réponse très personnelle à sa vie. Il encourage d’ailleurs ses étudiants à faire de même en « photographiant leur vie » ; et il le leur montre au travers de ses propres images. Malgré ça, il n’est pas sentimental, romantique ou émotionnel. Il illustre beaucoup la place centrale qu’occupe Eleanor dans sa vie en faisant d’elle son sujet principal pendant prêt de 15
ans, mais les images ne représentent pas ce qu’elle est, ce qu’elle a fait ou ce qu’elle pense. Callahan laisse 100 000 négatifs et plus de 10 000 tirages derrière lui. Le Center for Creative Photography (Université d’Arizona) – qui possède plus d’archives et de travaux de photographes américains du xxe siècle que tout autre musée dans le monde – conserve les archives de Harry Callahan. « La photographie est une aventure, tout comme la vie est une aventure. Si une personne veut s’exprimer photographiquement, elle doit absolument comprendre sa propre relation à la vie ». Harry callahan Tania Koller
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Les Photos des lecteurs
L’Apple Store de New York au soleil couchant : Guillaume Flandre - http://www.flickr.com/photos/guiome/
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Couple ĂŠlectrique : Jeremie Carrere http://www.flickr.com/photos/jeremiecarrere/
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Le serpent rouge : Tony Aubry http://www.flickr.com/photos/bnctony/
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Down To Earth : Remy Rey De Barros
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Arnaud Wacker www.1974.fr
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Electric point’s area : Hamaoui Hassene
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Benjamin Becker http://www.benjaminbecker.fr
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Coups de coeur
Les beaux livres ROAD BOOK VÉRONIQUE DURRUTY Voyageurs du monde, 80 pays, 1000 photographies et carnets. Ce livre invite au voyage, vingt articles de référence des plus grands journalistes du monde entier, publiés par le magazine Courrier international, donnent un regard d’expert et, aux approches multiples sur les pays traversés, un certain «état du monde».
Éditeur : La Martinière Date Parution : Octobre 2010 Pages : 312
ESCLAVES AU PARADIS CÉLINE ANAYA GAUTIER Céline Anaya Gautier et Esteban Colomar ont pu s’introduire, non sans risques, dans des camps de travail, les “bateys”, grâce à deux prêtres, Christopher Hartley et Pedro Ruquoy, présents sur le terrain pour aider, défendre ces hommes, femmes et enfants réduits en esclavage. Elle programme alors un deuxième voyage, cette fois accompagnée d’un ingénieur du son. L’idée : révéler une réalité par l’image et impliquer les populations des bateys par leurs chants.
Éditeur : Vents d’Ailleurs Date Parution : Mai 2007 Pages : 156 Dimensions : 24 X 24 cm 60
LE NOIR ATTEND LE BLANC, MARIO GIACOMELLI Trés bel ouvrage, pour les amteurs de Mario Giacomelli. Amoureux de l’Italie et de la dichotomie en noir et blanc, ces photographies expriment la gravité métaphysique du monde. Conçu et dirigé par Alessandra Mauro, (cent dix photographies reproduites en duotone) propose des analyses critiques et des réflexions transversales de l’ensemble de l’oeuvre de Giacomelli. A découvrir absolument.
Éditeur : Actes Sud Date Parution : Juin 2010 Pages : 255 Dimensions : 28 x 27.5 cm
WOMEN ARE HEROES, JR, MARCO BERREBI On ne vous présente plus JR. Ce projet consiste à réaliser, avec un objectif de 28 millimètres, des portraits de “gens du commun” et à les afficher dans la rue. Ici, les femmes kenyanes, brésiliennes, indiennes ou cambodgiennes sont à l’honneur. « Women are heroes » permet à JR de tenir la promesse qu’il a faite à ces femmes : “faire voyager leur histoire”.
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ème
Éditeur : Alternatives Publication : Janvier 2011 Pages : 600 Dimensions : 23 x 32.5 cm
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Dans le numéro d’avril 2011
Bons Baisers de Pripiat Retour à Tchernobyl
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Remerciements : Focale Alternative : http://www.focale-alternative.be/ Photo Actu : http://www.livresphotos.com/ Jean Malek : http://www.jeanmalek.com Gérard Uféras : http://www.gerarduferas.com/ Julien Gasco : http://www.juliengasco.com
Les photographes sélectionnés Benjamin Becker Hamaoui Hassene Arnaud Wacker Remy Rey De Barros Tony Aubry Jeremie Carrere Guillaume Flandre Un nouveau concours sera organisé pour le numéro d’avril 2011. Surveillez la rubrique magazine !
Rédaction Fill-in : Fanny Leloup Tania Koller Baptiste Galea Jeremy Barré
Retrouvez les articles et les reportages sur fill-in.fr L’équipe Fill-in recherche des passionnés de photo qui souhaitent rejoindre le projet. Si vous êtes intéressé(e), n’hésitez pas à nous contacter.
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