Journal entrevues n°2 lundi 27 novembre 2017

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édito Chaque année la Fabbrica s’adapte pour devenir une vitrine artistique de l’invité d’honneur d’Entrevues Belfort. Pour cette 32e édition, c’est le producteur Saïd Ben Saïd qui nous propose son festival rêvé. À cette sélection de films s’ajoutent des rencontres avec l’invité d’honneur et des personnalités qui lui sont proches. Ce dimanche 26 novembre, nous avons eu la chance de pouvoir assister à la première rencontre Fabbrica. La conférence s’est divisée en plusieurs parties, tout d’abord une brève présentation du long métrage Le Lieu du crime d’André Téchiné (1986) de Saïd Ben Saïd et Pascal Bonitzer (scénariste pour ce film). Puis, après avoir présenté le contexte créatif du film, l’invité d’honneur a dévoilé au public son lien personnel avec l’oeuvre et les spectateurs ont été conviés à échanger avec les personnalités présentes pour cette première rencontre Fabbrica.

Alors rendez-vous aujourd’hui à 14h30 pour vivre la troisième et dernière rencontre Fabbrica du Festival autour du film de Claude Chabrol, Juste avant la nuit (1971). L’équipe de rédaction du Blog.

Saïd Ben Saïd, invité d’Honneur de la 32e édition d’Entrevues Belfort, nous parle de son festival rêvé à travers ses séances Fabbrica. Ultime séance aujourd’hui. © Vincent COURTOIS

les Temps forts

La journée a aussi été rythmée par d’autres événements : du lancement des rencontres avec les réalisateurs, dorénavant tous les matins de 11h à midi, au Bar du Cinéma Pathé, à la seconde rencontre Fabbrica ouvrant le débat sur le long-métrage de Brian De Palma Passion (2012), en présence du producteur Saïd Ben Saïd et du monteur François Gedigier. N’oublions pas le début de la compétition, dont les projections sous l’oeil avisé d’un jury sont elles aussi suivie d’un débat en français ou en anglais traduit en direct.

Jean douchet et Saïd Ben Saïd

▪ à 12h15, ils présentent la séance Le Destin de Madame Yuki de Kenji Mizoguchi. ▪ à 14h30, dernière séance Fabbrica avant la projection de Juste avant la nuit de Claude Chabrol.

CARTE BLANCHE à thierry garrel

▪ à 16h, L’héritage de la chouette : épisodes 1,2, 3 et On vous parle de Paris : Maspero les mots ont un sens de Chris Marker, séance présentée par Thierry Garrel et Lili Hinstin.

COMPétition internationale

12h15 London Calling de R. Botiveau et H. Baillot, I am truly a drop of sun on earth de E. Naveriani | 14h30 Déter de V. Weber (en sa présence) et Niñato de A. Orr | 17h She’s beyond me de T. Takano (en sa présence) et Casa Roshell de C. José donoso (en sa présence) | 20h Rouge amoureuse de L. Garcia et Corpo Elétrico de M. Caetano (en sa présence)


Autum, Autumn

Mar. 28 nov à 12h15 | jeu. 30 nov à 14h30

De Woojin Jang | corée du sud, 2016, 1h18 Ji-hyun passe un entretien à Séoul avant de rentrer chez lui à Chuncheon en train. Il s’assoit à côté d’un couple âgé, Serang & Heung-ju, poursuivant la même destination. Durant cette traversée, dont les rails sinueux et les différents embranchements rappellent les choix et les obstacles à laquelle toute vie fait face, peu de mots seront échangés. Pourtant, ne nous sommes nous jamais demandés ce qu’il advient de nos compagnons de route, dont nous ne connaissons finalement que le visage, une fois le seuil du train franchi ? Que l’esprit vagabonde ou non vers ces considérations, la vie reprend son cours et nos personnages sont aiguillés vers leur histoires respectives : Ji-hyun et son angoisse de ne pas trouver d’emploi, de l’avenir en général ; Se-rang & Heung-ju en plein feel trip vers cette ville chargée de nostalgie et de souvenirs lointains. Nous suivons, tantôt l’un, tantôt les autres : Autumn Autumn nous montre des

CORPO ELETRICO

tranches de vie, à deux périodes clés : le temps du choix, et le temps des regrets. Deux phases de questionnements faisant écho l’une à l’autre, quelle que soit la génération, ou la situation sociale. Car il est question de contexte social dans ce métrage : Jihyun, bien que brillant, reste au banc de la société car sans emploi, quand d’autres parmi ses proches sont allés jusqu’à tout sacrifier pour surmonter cet obstacle. La question de sa propre responsabilité, dans ces évènements comme dans ceux passés, semblent peser lourdement sur ses épaules. À contrario, Se-rang & Heung-ju, sont bien installés socialement : femme au foyer et professionnel, ils rentrent dans le modèle social proposé. Mais sont-ils pour autant heureux dans leurs mariages

? Entre regrets, distance qui s’installe, et monotonie ? C’est l’automne ; les feuilles changent de couleur, se flétrissent et flottent lentement, à l’instar de nos protagonistes et de leurs espoirs… Ou bien ne serait-ce là la promesse, après l’automne, après l’hiver, d’un avenir plus radieux, d’un questionnement personnel ayant trouvé sa réponse, et d’une solitude, sourde et sous-jacente enfin comblée, au-delà de la pudeur des sentiments et des considérations sociales ? Thibaud Martin

lun. 27 nov à 20h

| ven. 1er déc à 14h30

De Marcelo Caetano | brésil, 2017, 1h34

La petite vingtaine, Elias est assistant styliste dans un atelier de confection, à São Paulo. Il élabore les patrons qui serviront à découper dans 500 épaisseurs de tissu à la fois, pièces de robes et de chemises, qui seront assemblées en prêtà-porter par une petite équipe d'ouvriers, hommes et femmes. Malgré les heures supplémentaires et la répétitivité du travail à la chaîne, ce n'est pas le pire des bagnes. On arrive encore à composer, ensemble ou avec le chef d'équipe. On peut de temps en temps

prendre soin des autres et se ménager, par professionnalisme certes, mais pas seulement. Car dans le ronflement continu des machines à coudre ou des ciseaux électriques, si personne ne crie jamais, personne ne peut véritablement se parler non plus. C'est cela qui manque et fait rêver d'autre chose. Heureusement, jours fériés et solstice d'été du Nouvel An favorisent les soirées improvisées entre collègues, qui se prolongent en week-ends à la plage. Elias papillonne sans drame entre nouveaux et anciens amants, amis, amours et aventures d'un soir ou d'une pause-déjeuner à la galerie marchande. Autant de prétextes à des rencontres intimes ou collectives, qui croisent les infinies variances sensuelles de l'humanité. Se mêlent ainsi toutes les nuances des couleurs de peau, des classes sociales

et des âges, et aussi des accents très différents d'une même langue, de Recife, Rio de Janeiro ou de Guinée-Bissau. Il y a surtout les hommes, les femmes, et il y a aussi les autres, qui sont entre les deux et les deux à la fois. Il y a ceux ou celles qui jouent au foot autour d'un barbecue, et il y a celles ou ceux qui préfèrent les virées collectives queer ou full drag : scooter customisé LED, paupières et casque pailletés, perruque fluo et combi de vinyl lamé. Et l'un n'empêche pas l'autre : ce qui ailleurs pourrait séparer, ici bien au contraire séduit, attire, rassemble et réjouit. Marcelo Caetano fait le portrait tout en douceur d'une société délicatement épicurienne, libre et métissée, où les rapports humains ne sont jamais bavards, mais toujours attentionnés à l'autre, à sa singularité comme à sa profondeur. Christophe Ottello


déter

lun. 27 nov à 14h30

| jeu. 30 nov à 20h

De Vincent Weber | france, 2017, 35’

Le Grau du roi : là où sables et mer ont des frontières indistinctes. Dans la moiteur de l’été, garçons et filles ont mis leurs peaux nues, couleur ambre. Daniel, en vacances, sur le fil rouge de la quête, très déterminé à trouver le bonheur, va à la

rencontre de l’autre. Rencontres parfois « brut de décoffrage » entre potes. Ça dit c’que ça pense, tant pis pour les injures. Rencontre aussi par la danse, langage inconscient du corps, de l’indicible. Ce taiseux pourrait dire : « j’ai pas les mots »

CASA ROSHELL

Du côté de la prise de vues, souvent en plans moyens, la caméra se fixe non-stop sur notre héros. Elle privilégie l’opposition entre dedans et dehors, entre une attitude intériorisée ou expansive de Daniel, seul ou en groupe. C’est

par les chiffres très présents que la scansion rappelle celle du slam, soutenue, hachée. Mais parfois la rencontre se fait tendre quand ce Roméo kiffe sa Juliette, tendre dans sa grande douceur. Quand ça foire, ce cœur cabossé se replie dans sa bogue de châtaigne, et s’emmure sur ses blessures. 35 minutes de film ont suffi à nous rappeler l’image du garçon, ou de la fille que nous avons été… Image enfouie. Sur le seuil de la salle, persiste encore en moi l’odeur de la mer, le cri des mouettes, et la sensation des grains de sable collés à mes doigts gourds… Michelle Megy

lun. 27 nov à 17h

| jeu. 30 nov à 12h15

De Camila José Donoso | chili-mexique, 2016, 1h11 Bien sûr il y a les plumes, les fourreaux rebrodés de sequins, de pampilles, les perruques laquées, les cils recourbés, les résilles et les stilettos qui galbent la jambe et font la silhouette en X, les faux seins sur de vrais tatouages, et le lustre à facettes reflète un millefiori de mille couleurs sur les miroirs profonds, les riches plafonds... Il y a les alcools, les orangeades, les musiques chaloupées, le décor chaleureux et feutré, une backroom aussi, discrète mais assumée. Bref, l'ambiance appropriée. Mais ce n'est pas un cabaret, c'est un club. Le Club Roshell serait presque anglais si on n'était à Mexico, car c'est un vrai foyer, où l'on vient parfois en secret, parfois aussi en famille. C'est un refuge contre la rudesse du

monde, pour vrais gentlemen et vraies ladies, de tous âges et tous milieux. Dans les loges on se hâte lentement, en salle on partage tranquillement conseils ou plaisanteries, on devise et on s'embrasse, de désir ou de sororité. Si on se dispute, rarement, si on se fait la cour ou même l'amour, c'est toujours avec douceur et politesse extrêmes. On vient pour les rencontres, mais surtout pour le respect : celui des autres et celui de soi-même. La fondatrice du lieu y chante, et fort bien, mais c'est loin d'être l'activité principale. Il y a des conférences et des ateliers où tout un chacun peut apprendre l'art et les règles du maquillage et du drag, en pratique et dix

commandements. Ça n'est pas un travestissement, c'est une identité à affirmer et raffiner, une démarche, une voix à poser : la sienne. C'est enfin une solidarité à construire, aussi belle que nécessaire. On passerait sa vie entière au tribunal, dit Roshell Terranova, si on devait poursuivre la discrimination, mot pudique pour dire les insultes et les violences, que l'on doit affronter chaque jour quand on est trans*. Ici c'est

un havre de paix, un paradis promis et retrouvé. Camila José Donos a voulu un film entre les miroirs de la fiction et du documentaire. Elle a demandé aux personnes du Club (et trois acteurs) de rejouer pour sa caméra ce qui s'y joue en réalité(s). Parce que les frontières binaires et hermétiques n'ont jamais été celles des genres cinématographiques... ni celles de l'identité de genre. Christophe Ottello


presse La culture n'a pas de prix

12.2017 —— 01.2018

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© Myriam Huré - Urban Sketchers

l’ours

.../... DIRECTION DE LA RÉDACTION : Elsa Lançon avec la collaboration d’Anna Tarassachvili MISE EN PAGE : Thierry Cuenat TIRAGE : 500 exemplaires IMPRESSION : Atelier de Reprographie du Grand Belfort Communauté d’agglomération

© Arnaud Heidet - Urban Sketchers

© Florent Wong - Urban Sketchers


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