Eyes on Europe #20 - Europe is what you make of it

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Et s'ils ne s'étaient pas trompés de bouton…

Hélène Gire

Il est coutume de dire que l'erreur est humaine. Elle peut cependant avoir d'importantes conséquences notamment lorsqu'il s'agit de voter les législations européennes. Cet article revient sur les erreurs de vote commises par les parlementaires européens lors des séances plénières du Parlement européen. Les erreurs de vote – lorsqu'un député européen se trompe tout simplement de bouton – sont généralement anecdotiques. Quelques parlementaires commettent une erreur et la corrigent par la suite. Parfois, jusqu'à vingt parlementaires ont appuyé sur le « mauvais » bouton et ont voté l'inverse de ce qu'ils souhaitaient. Pour rappel, les députés ont exactement douze secondes pour prendre leurs décisions et choisir d'appuyer sur l'un des trois boutons disponibles : oui, non et abstention.

Il y a des erreurs quasiment à tous les votes. La plupart de ces erreurs n'auraient pas changé le résultat du vote. En effet, dans la quasi totalité des cas les résultats des scrutins sont conformes aux vœux de la majorité des parlementaires européens. Il existe néanmoins des cas remarquables où les résultats, après corrections des votes, auraient pu basculer. Ce fut le cas par deux fois lors de la séance plénière du 10 décembre dernier. Le Parlement rejetait l'interdiction du chalutage en eaux profondes, une technique de pêche dénoncée pour son impact écologique, d'une courte majorité de 16 voix (342 contre, 326 pour, 19 abstentions). Au final, le texte entériné par le Parlement européen prévoit un encadrement plus strict de la pêche en eaux profondes. Or, après correction de la part des députés votants, il s'avère que 343 députés ont rejeté le premier amendement et aurait donc pu voter en faveur de l'interdiction du chalutage profond, que 330 députés l'ont adopté et que 15 d'entre eux se sont abstenus. Il apparaît que même les députés ayant soutenu publiquement cette interdiction se sont trompés. Lors de cette même séance plénière, le Parlement européen s'est également prononcé contre un texte visant à faire du droit à l'avortement un principe reconnu par l’Union européenne. Il ne s'agit pas d'une loi à proprement parler mais d'un texte à portée symbolique constitué par le rapport de la députée portugaise Edite Estrela. Ici, certains députés semblent avoir été induits en erreur par les interprètes français et allemands qui, en faisant des contre-sens dans leur interprétation de la langue portugaise, ont créé la confusion dans l’hémicycle. Ici cependant, les votes corrigés auraient amené un résultat strictement à égalité (334 pour et 334 contre).

Les votes corrigés n'ont aucune valeur juridique. Dans la journée et jusqu'à deux semaines suivant le vote, les députés peuvent indiquer qu'ils modifient leur vote initial. Ces corrections n'ont néanmoins aucune incidence rétroactive sur les scrutins. Ces corrections, volontaires, si elles sont inscrites dans les archives du Parlement européen par la suite, ne sont donc que des dispositions de pure forme.

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En effet, il n'existe aucun recours juridique qui permettrait de prendre en compte le nouveau résultat du vote. D'un point de vue réglementaire, l’article 171 du règlement intérieur du Parlement ne le permet pas ; celui-ci précise que « le Président du Parlement européen décide de la validité du résultat proclamé. Sa décision est sans appel ». Le caractère irrévocable du vote est somme toute logique car l'existence d'un tel recours pourrait être source de pressions voire de menaces sur les députés. Il revient par la suite aux États membres de prendre en compte ou non, dans leurs discussions lors des Conseil des ministres, le résultat fidèle aux intentions des députés ainsi que les pressions de l'opinion publique.

Pourquoi les députés se trompent-ils ? Peut-on se risquer à évoquer l'acte manqué ou l'émotion ? Il existe de nombreuses autres raisons plus probables pour expliquer les erreurs des députés européens. Tout d'abord la nature même du vote. Celui-ci est électronique ce qui peut occasionner des erreurs de manipulation du boîtier. Cependant, certains estiment qu'il arriverait également que les députés fassent un choix qu'ils ont du mal à assumer. Ils utiliseraient ensuite cette possibilité de correction pour se dédouaner auprès de leur électorat, et ce d'autant plus lorsqu'un texte est médiatisé. Ensuite, le nombre élevé de votes au cours de la séance parlementaire peut également être à l'origine d'un manque momentané de concentration des députés. Ainsi, en décembre 2013, les députés devaient se prononcer sur 39 propositions dans la journée. Durant l'année 2012, un nombre record de 7 400 amendements avaient été déposés par les parlementaires européens sur le projet de réforme de la Politique Agricole Commune présenté par la Commission européenne. Autre raison déjà évoquée : la mauvaise interprétation due au système « en relais ». Pour des raisons pratiques, les autorités européennes ont désigné cinq interprètes principaux (en anglais, en français, en espagnol, en allemand et en italien) qui servent de référents pour les autres langues traduites en différé. Les erreurs d'interprétation se répercutent ainsi d'une langue à l'autre sur un même canal.

Le piège des motions alternatives Une autre raison invoquée est liée à la complexité du vote des amendements. Les listes de votes comprennent parfois des motions dites alternatives qui compliquent parfois la tâche des représentants européens. Les motions de ce type sont votées en premières car elles conditionnent la poursuite du vote des autres amendements.

Économie et social

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