Pharma 99 bdgayane

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• Murs nus et étagères vides : difficile d’imaginer qu’il y a un peu plus d’un an ce local accueillait une pharmacie.

administrés par des actes administratifs unilatéraux. Le droit de préemption a été pris en ce sens. » Coïncidence du calendrier, une missive de l’ARS des Pays de la Loire parvient alors à la mairie. Elle mentionne que la cessation d’activité de l’officine entraîne la caducité de sa licence d’exploitation, qui doit être remise au directeur général de l’ARS par son dernier titulaire. « Faux, rétorque Stéphane Barbier. La licence survit le temps du recours. » Un autre courrier arrive également sur le bureau de M. le maire. Il s’agit du recours gracieux formulé par la sous-préfète, qui conteste l’arrêté municipal. « Comme par magie, le droit de préemption a réveillé les administrations, note avec ironie Jean-Claude Lecuit. On s’intéresse de nouveau à nous. »

La population mobilisée

• Une banderole à l’entrée du village rappelle que le combat ne faiblit pas. Bien au contraire…

Kafka en Anjou

La bataille entre alors dans une nouvelle phase. En analysant le courrier de la sous-préfète, Stéphane Barbier constate que ce dernier est entaché de nullité par plusieurs erreurs de droit.

La demande de retrait de la sous-préfète repose sur l’usage des règles du droit de préemption immobilier urbain en lieu et place de celles du droit de préemption mobilier urbain. Pour le futur repreneur, « une telle confusion témoigne d’une méconnaissance des règles régissant le droit de préemption commercial. » Côté ARS, un courrier du 12 décembre 2012 fait état de « l’incompétence de l’agence pour se prononcer sur l’exercice du droit de préemption. » « Comment peuvent-ils nous attaquer

Une lutte qui ne date pas d’hier

©© photos O.V.

alors qu’ils avouent noir sur blanc leur incompétence dans ce domaine ? », s’étonne Jean-Claude Lecuit. L’ARS refusant d’assurer le transfert de la licence en cas d’exercice d’un droit de préemption, le juriste se tourne à présent vers l’Europe et la directive 2006/123/CE. « Cette directive proscrit toute entrave administrative à l’installation de services, explique le pharmacien. Or, les licences d’exploitation en France par les ARS sur des critères de population sont considérées par la Commission européenne comme des entraves administratives à la libre installation de pharmacies. » Un avis partagé par Jean-Claude Lecuit, qui fustige le seuil de 2 500 habitants par officine : « C’est arbitraire. La Pouëze aujourd’hui, ce sont 1 838 habitants, mais 2 327 en comptant ceux de la commune voisine, qui n’a pas de pharmacie. D’autre part, ce quota ne prend pas en compte notre développement démographique, la construction de trois lotissements, le projet d’un pôle de santé intercommunautaire… L’application mathématique des textes est ridicule. »

La mobilisation des habitants de La Pouëze pour le maintien de leur pharmacie rappelle aux plus anciens d’entre eux un autre épisode mouvementé. Dans les années 1970, la création de l’officine avait déjà fait l’objet d’une longue lutte. La commune était alors connue pour ses mines d’ardoise, principale ressource économique du village depuis des décennies. L’instauration d’une pharmacie était une revendication des 150 mineurs ardoisiers qui, sans pharmacie mutualiste, ne pouvaient bénéficier de leur régime particulier de Sécurité sociale. En vigueur depuis 1946, le régime minier, auquel 200 000 personnes sont affiliées, combine

une assurance-maladie où tout est pris en charge à 100 % et une offre de soins dans des établissements de santé. Emmenée par des syndicalistes, la population s’était alors tournée vers un pharmacien libéral. Problème : La Pouëze avoisinait à l’époque les 1 500 habitants, bien en dessous du seuil requis (2 500) pour l’ouverture d’une pharmacie. Une dérogation signée par Simone Veil, alors ministre de la Santé, avait permis l’ouverture de l’officine, qui, après une convention avec l’Assurance maladie, s’était vue autoriser à appliquer le régime minier. Pour la petite histoire, son titulaire est parti à la retraite en décembre 2011. Ça vous dit quelque chose ?

Pour mener cette croisade, Jean-Claude Lecuit et Stéphane Barbier peuvent compter sur le soutien de la population. Outre le comité de soutien, une banderole à l’entrée du village rappelle que le mouvement ne faiblit pas. À la tête du comité, Hervé Blanchais ne décolère pas : « C’est une tragédie sans précédent. On ne comprend pas ce qui nous arrive. Du jour au lendemain, sans concertation, on prive la population d’un service de proximité et de santé publique indispensable. » Comme souvent, la solidarité s’est installée. Des systèmes de covoiturage ont bien été mis en œuvre. Provisoirement. « L’officine la plus proche est à 7 kilomètres. Comment font les personnes âgées, les mères de famille ou les nourrices qui n’ont pas de voiture, s’inquiète Hervé Blanchais. On a un pharmacien avec un projet de reprise solide, on a un local et une population qui a besoin d’une offre de soins de proximité. Il ne nous manque plus que le sésame administratif. » Un sésame que se fait fort de conquérir Jean-Claude Lecuit : « Je ne laisserai pas des technocrates déconnectés des réalités locales réfléchir à notre place sur la nécessité d’une offre de soins. Il nous appartient de mener ensemble ce combat dont dépend l’avenir de notre commune. » Olivier Valcke

février 2013 - Pharma N°99 • 21


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