EUROPA STAR PREMIERE

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SMARTWATCHES

EUROPA STAR PREMIÈRE | NO 1 | 19

Smartwatch: effet de mode ou révolution électronique? thétique générale, la compatibilité ou l’autonomie limitées, la redondance avec les fonctionnalités des smartphones et la taille de l’écran.

L’heure de vérité approche à grands pas pour les montres connectées: 2015 devrait être une année charnière pour ce secteur en plein boom. Analyse. PAR JULES

BOUDRAND,

SENIOR MANAGER CORPORATE FINANCE, DELOITTE EN SUISSE

Les exportations annuelles de montres-bracelets suisses ont atteint un record de 20,6 milliards de francs suisses (+2 %) en 2013, malgré un recul de 3,6 % des volumes. Une différence entre valeur et volume qui s’explique principalement par l’évolution inverse des montres mécaniques (+ 8 % en volume) et des montres à quartz (chute de 7 %). Les montres mécaniques confirment leur rôle moteur dans cette croissance sur les dix premiers mois de 2014. En constante progression depuis dix ans, elles représentent environ 80 % de la valeur des exportations sur cette année. A l’inverse, malgré des bonnes années 2010 et 2011, les exportations de montres coûtant moins de 200 francs (quasi exclusivement des montres à quartz) ont chuté de plus de trois millions d’unités sur les trois dernières années. Un déclin qui peut être attribué, entre autres, à l’essor d’acteurs étrangers comme Ice-Watch. Or, c’est ce segment qui semble le plus directement menacé par une catégorie ayant connu des développements importants ces derniers mois: les smartwatches. La dernière étude sur l’industrie horlogère suisse, publiée par Deloitte en septembre dernier, fait ressortir que bien que peu concernés par les smartwatches, 44 % des cadres du secteur horloger suisse ayant participé à cette étude les considèrent comme la prochaine «innovation majeure»

2015, l’année du tournant?

de l’industrie. Un résultat révélateur d’une certaine prise de conscience du secteur face à cette nouvelle catégorie en pleine expansion.

Un produit encore immature Le marché des smartwatches est scindé en deux offres de produits distinctes et complémentaires. D’un côté, les «fitness trackers» qui sont des bracelets connectés principalement liés à une activité physique et au «soi quantifié». Ces appareils sont en plein boom mais représentent une menace moins directe pour l’horlogerie traditionnelle. De l’autre, les smartwatches qui apportent, en plus des applications de santé, un «miroir» du smartphone avec les notifications d’appel, de SMS ou encore d’e-mails. Bien que les smartwatches soient en pleine croissance sur les deux dernières années, l’adoption de masse par les consommateurs se fait attendre. Considérées comme relativement «immatures» jusqu’en 2014, plusieurs facteurs ont empêché leur véritable essor, parmi lesquels l’es-

Alors que certains de ces problèmes persistent, des progrès importants ont néanmoins été réalisés côté logiciel et matériel. Avec la version 8.0 d’iOS et Android Wear, Apple et Google ont publié des versions de leurs systèmes d'exploitation mobiles dédiées aux «wearables» (vêtements et accessoires connectés) et aux «applications santé» pour offrir une expérience utilisateur plus convaincante. L'esthétique et la qualité globale ont également été améliorées avec certains des derniers modèles comme la Moto 360 de Motorola et la Galaxy Gear R de Samsung qui offrent des finitions plus soignées, habituellement caractéristiques des montres de luxe, comme le verre saphir, des boîtiers en acier/aluminium, des bracelets cuir/acier interchangeables et surtout un design classique de montre. L’ Apple Watch sera quant à elle disponible en or jaune et rose 18 carats. Elle existera également en deux tailles de boîtiers différentes, 38 et 42 mm, pour notamment couvrir le marché féminin. Ces derniers développements, qui apportent des produits plus évolués techniquement et

La Moto 360 de Motorola et la Galaxy Gear R de Samsung offrent des finitions plus soignées comme le verre saphir, des boîtiers en acier/aluminium, des bracelets cuir/acier interchangeables et surtout un design classique de montre.

plus haut de gamme, laissent à penser que 2015 pourrait potentiellement être une année charnière pour le marché des smartwatches.

Les Suisses s’y mettent aussi Il est encore tôt pour évaluer l’impact, tant en termes d’opportunités que de menaces, du développement des smartwatches sur les offres traditionnelles de l’industrie horlogère suisse. Le secteur de l’horlogerie mécanique moyen à haut de gamme semble peu concerné du fait d’un positionnement différent, que ce soit en termes de prix, d’image, de représentation de statut social, d’objet d’art ou encore d’obsolescence. Au niveau de l’entrée de gamme, les menaces semblent en revanche plus concrètes mais la Suisse dispose de nombreux atouts à faire valoir: des marques fortes et reconnues dans le monde entier, un savoir-faire en termes de design et de distribution, un accès aux technologies du Centre Suisse d'Electronique et de Microtechnique (CSEM) et le label

Contradictoire

Smartwatches et pirates

«J'en ai acheté quelques-unes dès leur sortie, y compris celle de Samsung, et c'était franchement décevant.» Dans un entretien avec l'Australian Financial Review, le cofondateur d’Apple Steve Wozniak s'est montré sceptique à l'égard des montres intelligentes dont personne, selon lui, n'a encore démontré la réelle utilité.

Qui sera la première victime d'une cyberattaque via une montre connectée? La question peut sembler absurde mais ne l'est pas du tout. C'est même la très sérieuse organisation Europol qui met en garde dans un rapport publié cet automne: une vague de cybercriminalité est à prévoir qui utilisera les nouveaux canaux des objets connectés. On évoque même le «premier cybermeurtre» qui ne devrait pas tarder et qui, selon une autre étude, américaine celle-ci, devrait avoir lieu dans les tout prochains mois… Le Monde, qui évoque cette question, raconte que Dick Cheney, l'ancien vice-président américain, a annoncé publiquement en 2013 «avoir fait éteindre les fonctions connectées de

«Nous voulons faire le meilleur produit au monde. L’un de nos concurrents en est à son quatrième ou cinquième essai et personne ne porte sa montre connectée», a expliqué à Bloomberg Businessweek Jeff Williams, vice-président en charge des operations chez Apple.

DR

Versus

Galaxy Gear R de Samsung

Motorola Moto 360

son stimulateur cardiaque afin d'éviter d'être la première victime d'un cyberterroriste». (Vous pouvez le vérifier en allant voir sur YouTube la vidéo «Dick Cheney Worried About Remote Assassination Attempt Via Pacemaker».) Certes, une montre connectée n'a pas la même fonction vitale qu'un pacemaker mais elle pourra contenir suffisamment de données sensibles (sur notre activité, nos déplacements, nos rendez-vous, nos modes de paiement, nos contacts, etc…) qui, une fois hackées, pourraient servir à bien des usages à visées criminelles. «L'intelligence intégrée aujourd'hui dans un frigidaire, un équipement médical ou une voiture, c'est l'équivalent d'un PC, ex-

Swiss made, véritable gage de qualité. Sur le segment d’entrée de gamme, Swatch Group semble être le plus à même de proposer une alternative concrète, le CEO Nick Hayek ayant d’ailleurs annoncé que plusieurs produits connectés devraient être disponibles d’ici Baselworld 2015. Les révélations récentes de projets en cours chez certaines autres marques comme Frédérique Constant, Festina ou encore TAG Heuer (qui vient d’annoncer être en pleine négociation avec Intel) montrent que l’industrie horlogère suisse planche désormais sur des alternatives. Si certaines incertitudes demeurent, il semble que la meilleure réponse de l’industrie horlogère suisse serait de s’appuyer sur ses atouts pour proposer un vrai produit horloger connecté en alternative aux «smartphones de poignet» actuels.

44%

La proportion des cadres supérieurs de l’industrie horlogère suisse qui considèrent la smartwatch comme la prochaine «innovation majeure» pour le secteur.

plique Guillaume Poupart, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des système informatiques (France), et cela peut se pirater comme un PC, mais la problématique de la sécurité dans l'industrie des outils connectés est beaucoup moins prise en considération que dans l'informatique traditionnelle.» L'essayiste français Paul Virilio expliquait qu'avec l'invention de chaque nouvelle technologie on inventait un nouveau type «d'accident». A quand donc «l'accident» de la montre connectée? Ou «l'accident» de la brosse à dents connectée? (PM)


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