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La crise énergétique (1/12)
I) Cause ?
A) Causes structurelles
A en croire certains, ceux qui en profitent ou qui répandent les explications, la cause de l’augmentation des coûts serait essentiellement la guerre en Ukraine. Et c’est un peu court. On ne peut effectivement pas nier que la guerre est un facteur mais il y a avant cela bien d’autres causes. Nous allons en passer quelques-unes en revue.
1- Libéralisation de l’énergie 2007 donc 15 ans
Je travaillais pour Luminus au moment de la libéralisation, j’avais postulé parce que je voulais faire partie de ce changement majeur dans nos vies. Je me suis donc retrouvé dans un callcenter pour expliquer ce qu’était la libéralisation, ce qui allait se passer au niveau des contrats et rassurer les consommateurs. On parlait à ce moment-là de zones dédiées. Exemple, Liège qui dépendait de l’ALE tombait dans l’escarcelle de Luminus tandis que Namur dépendant de Ores tombait chez Electrabel. En gros c’étaient les GRD (gestionnaires de réseaux) qui influaient.
L’occasion pour moi de rappeler le cheminement de l’électricité et les différents intervenants. Rappelons qu’à cette époque, l’énergie verte n’en était qu’à ses débuts et qu’il n’y avait guère qu’un producteur national. Je parle dans ce cas-ci de la Wallonie-Bruxelles.
Le producteur : Electrabel
Le distributeur : Elia (Fluxys pour le gaz)
Le GRD : ALE devenu Tecteo/Resa puis Publifin et actuellement Enodia ORES Sibelga
Les fournisseurs : Electrabel – Luminus – Lampiris – Essent – Nuon
En gros à ce moment, le fournisseur n’était qu’un service comptable puisque le réseau, les compteurs et tout le système appartenait essentiellement aux GRD. Bref on a juste ajouté un élément à la facture. Ce qui a automatiquement augmenté les coûts.
La libéralisation n’était et reste une grande arnaque… Puisque de toute façon, on ne pouvait pas faire réellement jouer la concurrence puisque 95% de la facture restait dans les mains d’autres sociétés.
En 2022, les fournisseurs sont aussi devenus producteurs ou acheteurs, cela change un peu la donne puisqu’ils sont au départ et à l’arrivée de la chaîne qui compte toujours 4 maillons.
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La crise énergétique (2/12)
I) A) 2- La politique énergétique
Il faut distinguer le gaz et l’électricité. Aucun pays de l’UE n’est producteur de gaz. Les seuls qui peuvent éventuellement avoir des puits en mer sont la Norvège et le UK.
Dès lors, le gaz est importé à presque 100% et on est donc dépendant des fluctuations du marché, comme pour le pétrole.
Au niveau électrique, il existe différentes sources déjà expliquées à maintes occasions mais cette fois, on va y ajouter la source, ce qui justifiera la variation des prix de production.
Modèle allemand
L’Allemagne est un producteur de charbon et elle s’en sert pour produire de l’électricité. Il y a de grands investissements dans les énergies renouvelables.
Exemple pour 2019
Renouvelables 242 TWh
Charbon/lignite 182 TWh
Nucléaire 75 TWh
Gaz importé 86Gm³
Modèle français
Le parc énergétique est essentiellement nucléaire, la France est donc presque autonome. Mais, il faut quand même acheter les substances propres au nucléaire.
Quant au parc d’énergie renouvelable, il est assez faible avec des éoliennes et sans doute des panneaux photovoltaïques individuels.
Exemple pour 2019
Nucléaire 399 TWh
Renouvelables 47 TWh
Gaz importé 37Gm³
Modèle belge
On produit de l’électricité à partir de nombreuses sources
Exemple pour 2019
Nucléaire 43,52 TWh (46,6%)
Gaz (TGV) 25,73 TWh (27,5%)
Renouvelables 21,25 TWh (22,7%)
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La crise énergétique (3/12)
I) A) 2-
Allemagne Belgique France
Renouvelables 242 TWh 21,25 TWh 47 TWh
Nucléaire 75 TWh 43,52 TWh 399 TWh Fossile 182 TWh 25,73 TWh //
Comme vous le constatez La Belgique reste dépendante au gaz dans sa production électrique à concurrence de +/- 20%. A cela s’ajoute l’importation du gaz de chauffage.
La politique a toujours été vers la diminution de la production nucléaire tout en augmentant la consommation de gaz ce qui est à ce jour une erreur. L’Allemagne est en belle position de production en autonomie mais reste encore dépendante de son charbon.
B) L’évolution des prix en Europe
Voici l’évolution du prix de la facture elec (gauche) et gaz (droite) pour des clients résidentiels (haut) et pro (bas).
https://www.creg.be/fr/professionnels/fonctionnement-et-monitoring-du-marche/evolutionprix-de-lenergie-belgique-et-pays
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La crise énergétique (4/12)
I) B)
Il y a deux choses à constater, c’est que les prix ont fort augmenté et surtout que cette augmentation est déjà significative en décembre 2021 et ce pour la majorité des pays. Constatons aussi que l’évolution de l’élec en France (mauve) est très faible, de même que le gaz au UK (rouge). La conclusion légitime, c’est que l’explication de l’augmentation des coûts à cause de la guerre en Ukraine est fausse et fallacieuse
Analysons l’évolution des prix sur le marché de gros.
En France, on est passé de 50 euros le MWh en 2021 à un pic de 700. Or, il n’y aucune raison de modification des coûts de production puisque la France est autonome et ne dépend absolument pas du gaz russe pour sa production d’électricité. D’où vient cette augmentation ?
En Belgique l’évolution est similaire tant pour l’électricité que le gaz.
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La crise énergétique (5/12)
I) B)
Quant au UK, on constate que les prévisions des coûts de production diminuent avec le temps.
L’une des raisons est sans doute l’augmentation des sites de production OFFSHORE.
Quant au gaz, il n’y a pas de mystère, on sait tous que les prix de gros ont explosé. Voici les prix pour la Belgique.
https://eneco.be/media/2510/cal23-gas-092022.png
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La crise énergétique (6/12)
I) C) Ce que disent les fournisseurs
Les fournisseurs/producteurs tentent de justifier la hausse des prix et surtout leur incapacité à diminuer les factures parce qu’ils seraient en perte depuis plusieurs années et qu’il est difficile de modifier les contrats parce que les prix sont établis sur plusieurs années. En gros et pour exagérer, ils achètent à un prix en 2019 et le vendent à un autre prix en 2021. Et c’est vrai que si l’on achète un produit à 100 euros et qu’on le vend toujours à 100 alors que le prix du marché est passé à 500, il y a une perte. Mais ce n’est valable que pour des contrats dont le prix est fixé or les variations tarifaires sont généralement effectives tous les 3 mois. Et le contrat fixe n’est pas forcément la règle. Et sans oublier que le phénomène inverse est tout aussi vrai.
Les fournisseurs se plaignent donc de pertes. Soit, vérifions les comptes annuels et les dividendes versés. Je me base sur les rapports des comptes annuels, les bénéfices à distribuer ou confirmés des comptes de résultat publiés à la BNB. Ces chiffres sont donc publics. En millions d’Euros.
2017 2018 2019 2020 2021 Luminus SA 35 // 10 // ? Engie Electrabel 445 - 417 766 - 1993 1915
Ces chiffres ne tiennent pas compte des résultats financiers en millions d’euros !
2017 2018 2019 2020 2021 Electrabel // 1 086 2 903 // 3044
« En 2019, le Groupe Electrabel a ainsi réalisé sur une base consolidée plus de 15,1 Milliards d’Euros de chiffre d’affaires et 3,9Md€ d’excédent brut d’exploitation (EBITDA) permettant à Electrabel SA de bénéficier d’importantes distribution de dividendes de ses filiales internationales (8,4 milliards d’euros en 2019 et 1,1 milliard en 2020). »
Electrabel a versé à l’état belge pour l’exercice 2021 ISOC 61 M Contribution nucléaire 145 M Taxes 91 M
J’ai regardé les comptes pour ENGIE, il y a 200 pages car cela reprend tous les sites mondiaux. Et de même, le compte de résultat ne tient pas compte des opérations financières. « Electrabel S.A. confirme avoir remonté vers ENGIE S.A., en décembre 2020, un dividende de 693 millions d’euros ». Ce qui signifie que la maison mère est loin d’être en perte.
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La crise énergétique (7/12)
I) D) Le système tarifaire
Nous allons parler du gaz et de l’électricité puisqu’au niveau du pétrole, il y n’a pas de contrat, c’est un achat à la demande en ce qui concerne le mazout de chauffage et un prix à la pompe pour les véhicules.
En ce qui concerne les contrats, il y a trois grands types + 1 système prépayé
Contrat variable
Contrat fixe à 1 ou 2 ans.
Tarif social Compteur à budget
La législation prévoit que le client peut rompre son contrat à tout moment pour changer de fournisseur, même pour des contrats fixes, ce qui est anormal, on devrait respecter la durée. La plupart des fournisseurs ont supprimé les contrats fixes car l’augmentation est devenue trop importante et surtout trop imprévisible.
Le tarif social est accordé sur base des revenus « faibles ». Il y a un pallier maximum et celuici ne tient pas compte de la réalité du terrain pour certains ménages qui ont certes des revenus supérieurs mais aussi des frais plus élevés et qui, au final, ont moins d’argent que d’autres qui en bénéficient. Mais nous n’analyserons pas le niveau de vie de chacun ni la pertinence des dépenses.
Pour comprendre une tarification et donc une facture, il faut se rappeler d’une chose fondamentale, le montant des acomptes devrait être calculé sur base du montant du décompte annuel. Seul le décompte annuel est une facture. Dès lors, demander des frais de rappel (ou toute autre sanction) sur un acompte devrait être illégal. Le montant des acomptes est fixé par le consommateur et validé par le fournisseur.
Ensuite, il faut voir ce qui est facturé. Voici deux exemples trouvés sur internet. Ce qui compte ce n’est pas tant le montant mais les postes concernés.
https://tse2.mm.bing.net/th?id=OIP. NBaF6rlI2RPFKWdwT_LTfwHaFG &pid=Api&P=0
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La crise énergétique (8/12)
I) D)
La facture propose une structuration en trois points, je vais moi vous proposer une autre méthode qui permettra de mieux comprendre ce qui est variable ou non.
1* Livraison/distribution
- Coûts de transport (jour/nuit)
- Coûts de distribution (jour/nuit)
- redevance (jour/nuit)
- location du compteur
Ces prix sont fixés par le GRD et Elia pour la partie transport. La redevance est fixée et invariable. C’est un peu l’abonnement.
2* Coût de l’énergie
- coût énergétique (jour/nuit)
C’est en vérité la seule partie variable, elle dépend du fournisseur qui suit les cours du marché.
3* Taxes
Environ 15% de la facture + TVA
Je vous mets une facture de gaz, c’est en gros le même principe. http://i56.servimg.com/u/f56/14/20/03/89/gaz_2010.jpg
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La crise énergétique (9/12)
I) D)
Là où ça coince… C’est que le coût de l’énergie en tarif variable est décidé par le fournisseur à un instant T qui peut être soit la date du relevé du compteur, soit la date anniversaire du contrat, soit un moment dont on ne connaîtrait pas la logique. On peut espérer que ce soit le prix moyen de la période, mais on n’en a aucune certitude.
Pour info, voici le coût tarif européen de l’électricité pour 2017.
https://www.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/2019/05/6a2a8bfa-45d0-4957-b501d3b706e0f647/860_visactu-les-prix-de-l-electricite-pour-les-menages-en-europe.webp
Si vous voulez voir en détail l’évolution des prix tant en Belgique qu’en Europe, voici la liste des rapports de la CREG. Je vous avoue que le problème majeur est que les chiffres sont présentés de manières différentes régulièrement rendant très difficile le suivi de l’évolution du montant des factures proposés.
http://www.creg.info/Tarifs/EvolPrices/Francais/
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La crise énergétique (10/12)
II) Les mesures proposées
A) au niveau politique
Le gouvernement belge a proposé le 9 septembre une série de mesures valables jusqu’en Mars 2023 en plus de la rente nucléaire versée par Electrabel depuis 2010.
Elargissement du tarif social Report de charges
Baisses des accises sur essence
Droit passerelle
Chômage temporaire
Primes énergies
En Europe, les choses bougent aussi, parfois plus vite, parfois moins.
L’Europe (Commission)
Réforme structurelle
Plafonnement des prix
La Belgique en détail car les compétences sont à différents niveaux
Régions
Tarif social Primes (isolation)
Surprofits distribution (ores /resa) Bas de facture (redevance, taxes)
Fédéral
Tarif social Tva
Droit passerelle
Chômage temporaire
Report cotisation
Luxembourg Plafonner les prix
France
En attente mais proposition de la 1er min
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La crise énergétique (11/12)
II) A)
Allemagne
Contribution des gros producteurs
Italie
Taxe des superprofits
Portugal et Espagne
Plafonner les prix
Diminuer 3X le gaz
Hongrie et République Tchèque continuent à acheter le gaz russe
B) Des mesures concrètes
Les différents gouvernements belges proposent des mesures concrètes, y compris les bourgmestres. Voici quelques exemples dont certaines sont appliquées
100km/h sur les autoroutes en Wallonie Extinction des lumières sur autoroute sur certains tronçons Fermeture de certaines piscines communales Diminution de la température de chauffage
Même les particuliers sont invités à réduire leur consommation sous peine de pénurie.
Certains commerçants doivent, pour survivre, fermer certains jours ou diminuer une partie des activités très consommatrices d’énergie ralentissant ainsi la production et augmentant les risques de manques.
III) L’avenir ?
Une des solutions est d’atteindre l’autonomie énergétique électrique, mais pas à n’importe quel prix. Le but n’est pas d’augmenter la production nucléaire mais bien de maximiser les énergies renouvelables et de supprimer toutes les énergies fossiles. Mais c’est un objectif qu’il sera difficile à atteindre. De plus, certaines instances en Belgique préconisent de remettre le nucléaire en place alors que des plans de sortie avaient été longuement négociés.
Un deuxième point inquiétant est le souhait européen de réduire la consommation des particuliers, comme si c’était possible. Déjà plus de 20% de la population vit au seuil si pas sous le seuil de pauvreté et demander plus d’efforts est absurde.
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La crise énergétique (12/12)
III)
Certains envisagent de ne pas chauffer. D’autres doivent choisir entre manger et se chauffer. Il ne s’agit même pas de confort mais juste de vivre. D’autant plus que ce taux de 20% va allègrement dépasser les 40% prochainement. Les demandes aux CPAS ont déjà doublé.
Au niveau économique, il ne faut pas se leurrer, tous les secteurs sont en danger mais il y en a certains qui risquent de disparaître avant les autres. Voici une première liste qui risque de s’allonger.
Agriculture / Elevage Producteurs de fruit / légume et Maraîchage
Boulangerie / Boucherie Grande surface
Snack et autres services de petite restauration
Et même les écoles ont vu leurs factures augmenter dans des proportions insoutenables.
On nous parle comme solution de baisser la consommation pour diminuer la demande et donc faire baisser les prix mais c’est impossible de le faire dans des proportions utiles et on sait très bien que le coût ne changera pas puisque de toute façon, ce n’est pas lié à la loi du marché. Il y a une volonté structurelle de faire du profit, comme il y a eu une volonté de se soumettre aux sociétés pharmaceutiques productrices de vaccins. Chacun veut sa part du gâteau.
Voici des tableaux réalisés sur base des rapports de la CREG pour les années proches de la libéralisation. Imaginez la consommation électrique dans un monde où les voitures sont toutes électriques ainsi que les transports en commun, les camions et les trains…
Consommation 2006 2007 2008 20230
Elec 79,22 TWh 78,34 TWh 78,15 TWh ?? GAZ 190,4 TWh 189,3 TWh 190,9 TWh ??
N° de points d’accès 2006 2007 2008 2030 Elec 5 320 274 5 377 048 5 443 639 GAZ 2 6646 416 2 696 610 2 767 608
La consommation électrique ne va cesser d’augmenter tant que nous serons dans une économie de marché liée à la maximisation des profits. Et l’écologie risque de passer à la trappe également alors que c’est un enjeu aussi important. La production énergétique ne peut pas se faire au détriment de la planète et malgré qu’on le sache, rien n’y fait.