emoplux 2019

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EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2019

Avant-propos FOR ENGLISH TEXT SEE THE SUPPLEMENT

La septième édition du Mois européen de la photographie au Luxembourg s’est donné comme fil conducteur le corps dans la photographie. Les arts visuels et particulièrement la photographie exploitent le sujet depuis longtemps, mais l’évolution récente des mœurs et des sciences a considérablement modifié les approches artistiques. Du côté des mœurs, le féminisme a changé la donne en contestant le point de vue masculin du corps, particulièrement celui de la femme. Du côté de la science, les possibilités offertes par la chirurgie plastique ou encore les interventions dans le code génétique ont remanié notre manière de considérer le vivant et sa matière. Les modes de représentation du corps en image en ont été bouleversés. Ainsi, une nouvelle génération d’artistes embrasse maintenant une approche multi-forme de la représentation, et des techniques hybrides composent une nouvelle image de l’homme et de la femme. Si la photographie classique tient toujours une place importante, les démarches qui visent une représentation plus plasticienne gagnent du terrain : la chorégraphie, la vidéo, la réalité virtuelle – à côté des modifications que peuvent apporter des interventions dans le code digital de l’image – déterminent maintenant les modes de représentation. Comme pour les éditions précédentes, le Mois de la photographie repose sur une collaboration internationale entre plusieurs institutions qui se consacrent à la photographie. Ainsi, l’objectif premier des commissaires d’exposition des six villes partenaires du réseau EMoP (European Month of Photography asbl) – avec comme membres les Kulturprojekte Berlin, la Maison Européenne de la Photographie à Paris, le Musée de la photographie hongroise, la Maison de la photographie de l’Europe Centrale de Bratislava, le Kunst Haus de Vienne et notre association – est de réunir un nombre de projets significatifs autour de ce qui fait débat, à savoir la question du genre, celle de l’hybridation du corps et les problèmes relatifs à la représentation et perception du corps, notamment celui de la femme dans les médias. Sur un portefeuille comptant à l’origine plus de cent photographes, le jury du Mois européen de la photographie – composé à l’occasion de six hommes et d’une seule femme – a retenu en sélection finale trente artistes femmes et seulement cinq artistes hommes. À une époque où les débats sur les quotas et l’égalité des sexes occupent les esprits, ce résultat interroge. À l’évidence, il n’était pas dans les intentions du jury de vérifier systématiquement le genre des artistes sélectionnés. La question était plutôt : quelles œuvres reflètent le mieux les actuels débats sur le corps, et quelle photographie se montre à même de traiter le sujet d’une façon intelligente et esthétiquement parlante. Cette

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nette domination féminine soulève donc a posteriori de nouvelles questions qui ont étoffé le sujet. Les positions artistiques de cette nouvelle génération de photographes – pour la plupart des femmes, donc – divergent des représentations traditionnelles par une absence quasi totale de nus classiques (pas même de nus masculins) et une très faible présence d’une photo esthétisante ou glamour. Cette dernière semble être condamnée – en quoi cette approche se distingue d’une période allant des années 60 aux années 80 (citons Bourdieu, Newton, Sief, Bettina Rheims…) – au nom probablement d’une attitude critique d’un certain féminisme radical qui combat “la domination du regard masculin”. Une fois le voile de cette vision masculine levé, la photographie qui se présente à notre regard est caractérisée par la fragmentation et la dislocation du corps. Le sujet, parfois traité de façon si obsessionnelle, semble refléter un malaise persistant avec les rôles de genre et remet en question parfois radicalement les fonctions vitales et naturelles du corps. Certaines images reflètent également les mutations biotechnologiques de notre société où la transformation ou l'hybridation du corps fait désormais partie de la vie quotidienne des humains. Tatouage, chirurgie plastique ou encore robotisation du corps : les thèmes sont nombreux. Si les images retenues se distancient des représentations esthétisantes du corps, la photographie véhiculée par les médias – notamment les médias sociaux comme Facebook ou Instagram – fournit tout de même un terrain fertile à la


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