Revue Vie Chrétienne n°3

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Chercher et trouver Dieu

le dossier Au travail, c'est l'enfer ! ´ E

Élodie et Stéphane sont deux jeunes trentenaires de mon entourage. Est-ce mon âge ? (j’ai soixante-deux ans) ou mon expérience de cadre ? (j’ai pris ma retraite il y a peu), toujours estil qu’ils m’ont demandé de les aider à faire le point. Élodie est graphiste dans une agence de publicité. La crise a ramené les effectifs de 27 à 8 personnes. Elle fait 60 heures par semaine. Elle a craqué en tombant dans une profonde dépression et son « hiérarchique » nie sa maladie ; lui et ses clients la sollicitent par téléphone pour compenser son absence.

Avec la crise économique, le malaise s’est amplifié. Je suis d’abord surpris qu’ils m’appellent. Je les écoute. Cela dure longtemps, car le sac est lourd et il leur faut beaucoup de temps pour le vider. Ils ont besoin de parler. Ensuite, avec eux, j’essaie de mettre des mots sur les choses, de leur faire préciser ce qu’ils subissent. Car il y a une grande confusion dans le vocabulaire utilisé, dans la perception des situations. Par exemple, je demande à Élodie : « Pourquoi n’écourtestu pas poliment la conversation téléphonique avec ceux qui t’appellent à ton domicile ? Pourquoi ne pas leur rappeler que tu es en© iStock

Stéphane pilote sept commerciaux téléphoniques. Les weekends, il finit de répondre à ses mails en souffrance et prépare la semaine de travail de son équipe. Il aimerait gagner plus, mais ses bons résultats n’influent pas l’évolution de sa rémunération ;

core malade et que ton médecin et ton état de santé ne te permettent plus de répondre à leurs questions ? » À Stéphane, même type de question : « Et si tu ne travailles pas pendant le weekend, que se passera-t-il ? As-tu informé ton chef des conséquences ? Et pourquoi endosses-tu des reproches qui sont du ressort d’un collègue. Ce serait une bonne occasion de redéfinir les règles du fonctionnement hiérarchique. »

il souffre d'un manque de reconnaissance. Son directeur, suspicieux, court-circuite les hiérarchies, change de cap, incapable dans la liste « des courses à faire » qu’il lui dresse chaque matin de fixer la moindre priorité.

J’essaie aussi d’éclairer autrement la pression qu’ils subissent ; ne s’est-elle pas développée sur un terrain favorable qu’ils ont eux-mêmes préparé à leur insu ? Soit grâce à l’investissement (légitime mais peut-être exagéré) fourni dans leur travail pour atteindre pouvoir, reconnaissance et bonne rémunération, soit grâce à l’illusion entretenue que la « boîte » repose sur eux. « Je bosse, me dit Stéphane et je n’ai pas d’augmentation sérieuse. » Je lui demande alors : « L’as-tu demandée ? En as-tu précisé le niveau ? » Il me répond : « Non, s’il est le patron, il doit bien savoir ce que je vaux, je n’ai pas à le lui souffler ». Je lui dis alors naïvement : « Il lui est plus facile de savoir ce que tu veux que ce que tu vaux. » Idem avec Élodie : « Si je ne réponds pas au téléphone quand je suis malade, la boîte va s’écrouler, mes clients comptent sur moi ». Les mots m’échappent : « Tu t’octroies les responsabilités de ton chef sur l’avenir de

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