DH Magazine 128 - Octobre 2009

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SANTÉ DURABLE risques d’inadaptation du virage prévu par les pouvoirs publics en faveur de la santé vue sous l’angle d’un hypothétique bien être, car il conduirait à s’éloigner de la route qui doit conduire la médecine à un authentique progrès scientifique et technique. Concernant la loi HPST ce n’est pas tant la crainte de l’omnipotence du directeur général qui était avancée, d’autant qu’un climat de confiance réciproque s’était peu à peu installé dans bon nombre d’établissements, mais plutôt celle de la non prise en compte des préoccupations des médecins vis-à-vis de la mission de soin qui leur appartient en propre et de leur subsidiarité vis-à-vis de préoccupations économiques, qui devenait intangible. De même concernant la réforme de la psychiatrie, la perspective de la création des GLC avec ce qui a été dénoncé comme un « dépeçage » du secteur psychiatrique à travers la disparition de son « monopole » et la redistribution des rôles entre médecin, infirmier et psychologue a retenu toute l’attention. Pour le réformateur, ce qui s’apparente à un glissement des fonctions, est sensé être économique en termes de dépenses de santé mais il a peut être aussi l’avantage d’éroder encore un peu plus le pouvoir médical. Pour les médecins il s’agit d’une dérive préoccupante clairement exprimée par le président de l’Association des psychiatres français, Jean-Pierre CAPITAIN : « On risque une destruction du secteur de la psychiatrie et une disparition de notre spécialité au bénéfice de la santé mentale » (9). Mais remarquons le, ce souci peut animer l’ensemble des spécialités médicales dès lors que le virage annoncé prétendrait bénéficier à la santé du seul fait de son orientation vers un champ citoyen. En effet dans une période d’incertitude où les valeurs de référence perdent de leur crédibilité, l’irrationnel devient une solution d’autant plus attractive qu’elle s’auréole de la magie d’une mise en œuvre non contraignante. Un climat de suspicion vis-à-vis de la pollution, d’éventuels effets nocifs accompagnant les nouvelles technologies, s’installe d’autant plus facilement que la transparence sur ces questions n’est pas toujours parfaite. Dans ces conditions il est commode d’imaginer de nouvelles références, admises sans démonstration. Il est commode d’élaborer sur ces prétendues bases un pseudo-savoir opposé à la médecine basée sur des preuves. Le goût actuel pour des médecines alternatives s’exacerbe. Le risque, de voir des groupes de pression se constituer autour de vrais faux mandarins dont la légitimité paraît d’autant

plus évidente que les institutions médicales conservatrices avec leurs vrais mandarins refusent de les admettre, représente un réel danger pour peu que le principe de précaution et un soupçon de démagogie ne les aident, dans une démarche citoyenne, à trouver…. droit de cité. Plus que jamais méfions nous des faux prophètes ; la rigueur et la science doivent être de règle, la santé n’est pas qu’un problème de perception.

Conclusions Quelle entreprise difficile que de réformer un système de santé, lorsque le mot santé est défini par un bien être qui devrait être complet, physique mental et social ! Il est déjà bien difficile de s’accorder sur une définition du bien-être ; alors savoir si le bien être perçu est normal, anormal, complet ou partiel, et dans quel secteur du spectre physique, mental et social existe une anomalie et comment la palier, mieux vaut encore se pencher sur la normalité de l’amour synchrone, tant la formule je t’aime moi non plus est la règle entre tous les acteurs de la santé ! Le normal du citoyen, n’est pas exactement celui du médecin, et pas davantage celui du politique. Il en est de même des logiques qui les animent tous. Le problème de la gouvernance est ainsi posé, chacun répond à sa propre logique, chacun possède sa propre vérité pourtant il doit y avoir un décideur. Quel qu’il soit battons nous pour que celui-ci accepte d’être éclairé, et ne laissons pas se dessiner une réforme de santé qui conduise à distinguer la médecine citoyenne d’une médecine qui ne le serait pas, même si paraît-il il existe un normal et un paranormal ! K

Références 1- GOMES M et coll., De la psychiatrie communautaire à la psychiatrie citoyenne, in La réhabilitation psychosociale en psychiatrie, sous la direction de Gilles VIDON, Ed Paris, 1995, 433-467 2- PIEL E. et ROELANDT J.-L., De la psychiatrie vers la santé mentale, rapport de mission, juillet 2001, http://www.sante.gouv.fr. 3- ROELANDT J-L, La démocratie sanitaire dans le champ de la santé mentale. Place des usagers et développement des partenariats, rapport de mission, avril 2002 http:// www.sante.gouv.fr. 4- COUTY E, Mission et organisation de la santé mentale et de la psychiatrie, janvier 2009 www.sante-sports.gouv.fr/...sante/ rapports/.../Rapport_Missions_et_organisation_de_la_sante_mentale_et_de_la_ psychiatrie 5- MILON A, Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé. Rapport 328 sur la prise en charge psychiatrique en France, mai 2009. www.senat.fr/rap/r08-328/r083281.pdf 6- CZERMAK M, Destruction de la psychiatrie, disparition du citoyen ? Journal Français de Psychiatrie 2004, 19 ; 2 7- JOUANNET P, Principes éthiques, pouvoir médical et responsabilités du praticien. In Le pouvoir médical, Pouvoirs, 1999, 89 ; 5-14 8- HASSENTEUFEL P, Vers le déclin du pouvoir médical ? Un éclairage européen : France, Allemagne, Grande Bretagne. In Le pouvoir médical, Pouvoirs, 1999, 89 ; 51-64 9- Bientôt une réforme de la psychiatrie en France. Le Figaro 13 février 2009

Octobre 2009 K DH Magazine n°128

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