Journal des tribunaux 2013-1

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Le Code de déontologie de l’avocat vec l’an nouveau, en guise de cadeau pour les avocats des barreaux membres de l’O.B.F.G., un Code nouveau de déontologie, qui entrera prochainement en vigueur. Le commentaire qui suit en fait un premier survol.

S’il est une profession qui, au fil des siècles, a créé ses propres règles et que ces règles ont façonnée, c’est bien la profession d’avocat. Il y va de simples règles morales qui régissent l’exercice de la profession (la déontologie stricto sensu, ce mot inventé par Jérémy Bentham pour définir une théorie des devoirs), d’un ensemble d’usages et coutumes qui sont des sources de droit, consacrées par ces institutions publiques autonomes que sont les Ordres, et de dispositions légales de natures diverses. Le cadre des diverses lois nationales et des principes généraux du droit propres à chaque pays a d’ailleurs été dépassé : on songe ainsi à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui a fait du secret professionnel de l’avocat un droit fondamental protégé par les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’œuvre « autorégulatrice » du Conseil des barreaux européens qui a rédigé dès 1968 le Code de déontologie des avocats européens et, en 2008, la Charte des principes essentiels de la profession. Il était donc logique que l’on procède à une codification, qui est le classement organisé et structuré de normes existantes. Le C.C.B.E. avait en quelque sorte montré la voie il y a 45 ans, et de nombreux barreaux nationaux et locaux ont depuis des années adopté des codes. Il était donc paradoxal qu’on n’en ait encore rien fait dans notre pays. C’est maintenant chose faite, du moins pour ce qui concerne l’Ordre des barreaux francophones et germanophone. Il y a, comme on le sait, diverses formes de codifications : la codification au sens plein du terme implique la rédaction d’une œuvre nouvelle, qui rompt avec les textes anciens. Certes, la rupture n’est jamais totale, car des portions significatives de l’ancien droit sont reprises, mais le fond et la forme sont nouveaux. Cette codification de rupture a des exemples célèbres. L’on songe évidemment à l’immense œuvre napoléonienne qui a vu apparaître en six ans le Code civil français en 1804, puis les codes impériaux : Code de procédure civile (1806), Code de commerce (1807), Code d’instruction criminelle (1808) et Code pénal (1810). En Belgique, les exemples récents sont assez rares : le Code judiciaire (1969) et le Code de droit international privé (2004). La codification à droit constant constitue une rupture dans les textes, mais pas dans le droit positif. Les textes antérieurs sont expressément abrogés, mais leur contenu est repris dans le code, de sorte que le droit positif demeure : c’est la pratique actuelle. Elle se distingue encore de la « codification-compilation », qui se contente de regrouper les textes existants, qui subsistent. Nous sommes en présence en l’espèce d’une codification à droit constant, le président de l’O.B.F.G. parlant bien dans sa présentation du nouveau Code1 d’un « agencement des textes », d’où « découle une réelle cohérence entre les règlements existants ». La matière demeurant inchangée ne nécessite pas de longs commentaires. Mais le Code nouveau nous donne l’occasion, qui n’est pas si fréquente, de revisiter une matière qui est à l’avocat ce que la prose est à M. Jourdain. Nous le ferons bien entendu en suivant l’ordre des neuf titres dont on nous annonce qu’ils présentent la matière « de manière logique, pratique et cohérente »2. Une remarque préliminaire, accessoire mais non sans intérêt pratique, a trait à la numérotation : afin d’éviter de devoir procéder trop rapidement à des renumérotations au fil des modifications qui ne manqueront pas de survenir, un numéro a été attribué à chaque titre. Elle va donc de 1 à 9, avec les subdivisions voulues (article 1.1, 1.2, etc.)

(1) Code de déontologie de l’avocat, O.B.F.G., Anthemis, Limal, 2013, p. 5.

(2) Ibidem.

1 Titre 1 — Principes fondamentaux et devoirs généraux Ce titre est l’exception qui confirme la règle : l’agencement des règles existantes est précédé par l’énoncé des principes fondamentaux de la profession, qui est une nouveauté. À la seule lecture des quatre articles qui composent ce titre, on comprend immédiatement quelle en a été la source d’inspiration : le Code C.C.B.E., et il est intéressant de lire ces textes en parallèle. L’article 1.1 est ainsi libellé : « Fidèle à son serment, l’avocat veille, en conscience, tant aux intérêts de ceux qu’il conseille ou dont il défend les droits et libertés qu’au respect de l’État de droit. Il ne se limite pas à l’exercice fidèle du mandat que lui a donné son client ». L’origine est évidente : c’est le Code C.C.B.E. dont l’article 1.1 est ainsi libellé : « Dans une société fondée sur le respect de la justice, l’avocat remplit un rôle éminent. Sa mission ne se limite pas à l’exécution fidèle d’un mandat dans le cadre de la loi. L’avocat doit veiller au respect de l’État de droit et aux intérêts de ceux dont il défend les droits et libertés. Il est du devoir de l’avocat, non seulement de plaider la cause de son client, mais aussi d’être son conseil. Le respect de la mission de l’avocat est une condition essentielle à l’État de droit et à une société démocratique. » La mission de l’avocat lui impose dès lors des devoirs et obligations multiples (parfois d’apparence contradictoire) envers : » — le client; » — les cours et tribunaux et les autres autorités auprès desquelles l’avocat assiste ou représente le client; » — sa profession en général et chaque confrère en particulier; » — le public, pour lequel une profession libérale et indépendante, liée par le respect des règles qu’elle s’est données, est un moyen essentiel de sauvegarder les droits de l’homme face au pouvoir de l’État et aux autres puissances dans la société ». Il est intéressant de noter que le préambule de la Charte des principes essentiels de l’avocat européen commence par la reproduction du début de cet article, suivi par la déclaration suivante qui décrit le mode de raisonnement qui a présidé à la rédaction de ce texte fondateur : « Il existe des principes essentiels qui, même exprimés de manière légèrement différente dans les différents systèmes juridiques, sont communs à tous les avocats européens. Ces principes essentiels fondent divers codes nationaux et internationaux qui régissent la déontologie de l’avocat. Les avocats européens sont soumis à ces principes qui sont essentiels à la bonne administration de la justice, à l’accès à la justice et au droit à un procès équitable comme l’exige la Convention européenne des droits de l’homme. Dans l’intérêt général, les barreaux, les cours et tribunaux, les législateurs, les gouvernements et les organisations internationales doivent faire respecter et protéger ces principes essentiels ». La boucle est ainsi bouclée : les dix principes essentiels de la profession trouvent leur source dans les différents codes nationaux et internationaux qui régissent la profession, et le Code de l’O.B.F.G. s’inspire directement de la Charte. Que l’on en juge.


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