Julien Allegre | Scupteur

JULIEN ALLEGRE sculpteur

Julien Allègre ses cicatrices d’humanité Par vive possession, Allègre s’élance d’une trame élémentaire, puis il jette la clef des codes. Sorties du souterrain, ses formes acérées, fantasmées et possédées font disparaître toute banalité fatiguée.

Parfois, comme un soleil, la forme incante l’espace. Parfois, un visage d’immensité emporte l’horizon. Face éclatée et plurielle, traversée de tous les creux du monde.

Ce sculpteur ose priver les masses de leur masse. Ne restent que l’enveloppe, la carcasse nue, et la peau fragile de l’essentiel… Par la matière évidée, Allègre déchire l’étendue. Par les failles de l’espace, il échancre la matière. Il met en fleur des cicatrices d’humanité. Ecriture sauvage de la défiguration. Espace déchiqueté.

Ses sculptures sont des fulgurances. La fièvre des profondeurs habite ces grands surgissants, ces chromatiques brûlées, et ces masques d’intimité. Ses êtres frénétiques, libres de toute évidence culturelle, bouleversent l’inertie du réel, et s’enracinent aux affres du désir. Etrange énergie sacrificielle. Dans cet art d’empoignade et de combat, les jouissances vitales exultent, dans l’obscurité des fantasmes.

Formidable terrien, Julien Allègre impose un art barbare et lumineux, exultant de sauvage santé, au poids immense de vie dévorante et de magma à peine apprivoisé.

Il éprouve la puissance solaire des transgressions vitales qui emportent nos vies et nos vides. L’ordre vacille, hanté d’inventives secousses formelles. Présence de masques à prodiges, sidérant de sensibilité, au bord de l’abîme.

Archaïque et contemporaine, l’œuvre délivre l’occident de ses concepts fatigués, et de sa pesante matérialité. Allègre réinvente la figure mythique, qu’il arrache à nos certitudes. Son art cru, métal et feu éclairants, emporte ces allures aiguës, hantées d’universalité, et ces totems fabuleux. Abrupte présence des origines.

Ses œuvres font apparition. Elles ne cessent de veiller. Temps des grands veilleurs, en espace ouvert. Allègre a l’âme chamanique, durement saisie de toutes les puissances dévoratrices du présent.

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Julien Allegre His scars of humanity Julien Allègre’s starting point is a simple framework that he gradually shapes and finally takes over; from then on, he abandons all conventions. His sharp, steely forms, initially the product of his fantasies, emerge as though from underground, like creatures possessed who quickly override time-worn banality.

At times, form is an incantation of space, like a sun. At other times, a vast face blots outthe horizon – a fragmented, protean face, criss-crossed by all the furrows of the world. This sculptor dares deprive the masses of their mass. The only thing left is the envelope, the bare carcass, fragile skin of the vital essence… And with this hollowed-out material, Allègre rips vastness apart. Through the cracks he creates, he adds width and depth to his material. He brings scars of humanity to their prime. Savage calligraphy, words wrenched out of disfiguration. Space torn to shreds…

His sculptures are intense, vivid, fearful. The feverishness that haunts these huge, looming creatures, scorched colours and secret masks comes from the depths of obscurity. These twisted, frenzied beings bearing no obvious cultural references invade the inertia of reality to take root in the tormented throes of desire. The energy is sacrificial.

In this martial art of combat, the sheer joy of life brims over, ecstasy in the midst of dark fantasy.

Julien Allègre, like the tremendous man of the earth he is, imposes a luminous barbarian art crying out its unfettered freedom onto the huge weight of all-consuming life and almost untamed magma. He feels the solar power of the primal sins that carry off our lives and their vacuity. Order is unstable, it quivers like a candle-flame traversed by inventive, earth-shattering gestures of form. The presence of wondrous masks, breath-taking in their sensitivity, hovering on the edge of the abyss.

Ancient yet contemporary, the body of Allègre’s work lifts the West out of its worn concepts and the burden of its concern with the material world. The sculptor takes a new pose on things, reinvents mythological characters wrested from the last scraps of our convictions. His rough-hewn art, inspired by metal and fire, gives birth to craggy, haunted faces expressing universal themes and totems of legend. Our own origins suddenly there before us, watching over us incessantly. The time of the great vigils has come, out there in the open. Allègre’s shamanic soul is caught up in the greedy, destructive forces of the present.

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J

e suis né en Arles en 1980. Ma jeunesse fut plutôt banale : l’école ne m’intéressait pas, je ne comprenais pas à l’époque tout ce que l’enseignement pouvait m’apporter !

Ainsi, j’ai par défaut fait des études de mécanique ; si tel était le prix à payer pour être libre, j’allais finir mes études et trouver du travail pour acquérir mon autonomie.

A côté de cela, j’étais un adolescent plutôt curieux qui se fiait à son instinct et qui avait un besoin profond de liberté. C’est sans doute ce qui m’a donné la volonté d’aller vers mes rêves, le goût pour le travail et la persévérance.

À l’époque, je commençais à travailler sur des plaques métalliques, souvent très érodées.

Je recousais leurs déchirures avec des tiges de brasures de bronze que je soudais, puis je dessinais sur le métal rouillé. Souvent, c’était le dessin que je lisais dans les accidents de la rouille qui me dictait le sujet, comme le font les enfants qui découvrent dans les nuages des monstres.

Je commençais alors à me sentir très proche de la pensée de l’art brut, entendant par là un art spontané, sans prétention culturelle et sans démarche intellectuelle.

À l’âge de 19 ans, je fis une rencontre déterminante : un artiste de Saint Rémy de Provence qui devint un grand ami et surtout éveilla mes besoins de créer ; lui même peintre et batteur, il me guida et me transmit ces deux vocations... Je crois que les rencontres font beaucoup dans la vie... Si j’avais pu rencontrer un sculpteur à 14 ans, j’aurais certainement foncé à tête baissée dans cette voie.

En février 2006, nous fîmes le tour du Maroc ; ce fut une rencontre culturelle et humaine riche ; des ateliers d’artisans dans tous les coins de villages, l’architecture, les dessins berbères... des traces d’un passé dans tous ces ouvrages, des savoir-faire transmis au fil des générations et aussi la musique, toujours source d’inspiration pour mon imaginaire.

De retour je fis quelques dessins, cherchant encore comment retranscrire toute la richesse du monde que j’avais vu... Mais c’est le métal qui m’attirait plus que tout.

J’assemblais de vieux bouts de métal rouillés, souvent des bidons tellement oxydés qu’on percevait à peine leur origine, puis je retravaillais la figure humaine ou animale en rehaussant la structure de peinture.

Ainsi, après avoir exercé quatre ans en temps que mécanicien, je profitai d’une petite année sabbatique pour me découvrir dans la peinture. A l’époque j’habitais Barbantane, un village non loin de Saint Rémy de Provence, mon petit atelier était mon refuge, je puisais au fond de moi mon inspiration.... et nourrissais mes démons inassouvis en tapant sur ma batterie ! Je travaillais des couleurs terre ou ocres, creusais dans une matière mi-gesso mi-sable des formes et des signes... puis j’ai commencé à utiliser un fil de fer qui se transformait en figures humaines que je fixais sur mon tableau. C’est à cette époque-là, en 2001, que je découvris l’œuvre de

GIACOMETTI lors d’une rétrospective à Beaubourg intitulée « Giacometti, la rage de dessiner ». J’ai eu un réel choc en voyant cette profusion de dessins, cette façon inéluctable d’approcher au plus près l’âme du sujet. Je voyais là un génie, je découvrais pour la première fois la force d’une approche artistique et captais ébloui, la passion débordante de cet individu. Cette rencontre m’a donné envie d’élargir mon champ de connaissances.Au cours d’un voyage au Sénégal en 2002, je découvris l’art du recyclage et l’œuvre d’Ousmane SOW. Ce premier voyage a été déterminant dans ma façon de travailler.

En 2003, je fis la rencontre de Muriel Landerer, ma compagne. Originaire du Tyrol italien, une voyageuse dans l’âme qui a étudié l’histoire de l’art, elle m’apporta beaucoup dans mon cheminement. Au cours d’un voyage en Italie du nord, je plongeai dans une partie de la renaissance italienne avec fascination, les villes de Padoue et de Venise regorgées de fresques et de sculptures. L’art était peut être un signe de richesse à l’époque, aujourd’hui, il est un patrimoine inexorable et ce pays savait le mettre en valeur.

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Petit à petit le bidon s’est imposé dans mon travail, j’y trouvais un sens. Comme pour les Nouveaux réalistes qui utilisaient les objets de la société pour en faire des reliques, des symboles puissants de la consommation, ce contenant renferme tout un symbole : l’or noir. Le pétrole est à l’origine de la société de consommation et encore plus aujourd’hui du développement et des flux de la mondialisation : au XXème siècle, aucune autre matière première, fût-elle très précieuse, n’a suscité autant de tensions, voire de guerres. Cette matière me parle autant qu’elle me déconcerte.

Je la détourne pour me l’approprier, je la rends sensiblement humaine et vivante.

Au fil du temps, mon exigence envers une forme humaine plus réaliste s’est accentuée ; je travaillais avec plus de précision le métal, repoussant la matière, cherchant à le contorsionner pour apporter du mouvement.

En 2008, j’abandonnai complètement la peinture sur mes sculptures, j’apportai de nouvelles matières : le cerclage métallique. Ces lignes me permettent de bâtir une ossature et de structurer mon volume dans l’espace. Puis vint l’utilisation de la brasure de bronze, une alternative pour colorer ma pièce ; cette matière brillante contraste avec la vulgarité du matériau pauvre qu’est le bidon… elle maquille la pièce, masque sommairement cette origine souillée et belliqueuse.

Au cours de l’été 2008 je réalise ma première installation : les 12 chinois.

J’avais envie de parler des évènements scandaleux qui avaient lieu au Tibet, l’armée chinoise attaquait les civils et les moines bouddhistes ; cette domination et cette violence déversée sur un peuple pacifiste me bouleverse. Intrinsèquement lié à cette prise de pouvoir grandissante, je me sens extrêmement préoccupé par les inégalités et les problèmes en lien avec l’environnement.

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Mes voyages au Maroc, en Thaïlande, au Vietnam et en Inde m’ont beaucoup fait réfléchir par rapport à ces questions. Nous ne sommes pas égaux malheureusement face à ce problème. Les pays d’Asie ou d’Afrique découvrent la consommation, ils sont si nombreux et leur fatalisme ne les amènera que très lentement vers une prise de conscience. Nous, pays riches, ne pourrons faire marche arrière que si des alternatives plus écologiques se substituent à notre petit confort pollueur et à nos habitudes corrompues.

Je ne crois pas pouvoir faire différemment de ce que je suis. De nature opiniâtre, j’aime aller au bout des choses. Même si le doute guette à ma porte, je veux continuer à chercher, à approfondir ce qu’il m’a été donné de commencer au travers de la sculpture et de la création en général.

LA CAMBRURE devant l’atelier

Au travers des matériaux que j’utilise, j’espère transmettre avec humilité un message d’écologie. Je voudrais aussi dire que pour moi la beauté n’est pas forcément dans le neuf, le brillant mais qu’elle existe surtout dans un objet marqué par le temps ; que l’histoire et le passé sont tellement importants pour aborder l‘avenir. Je l’accentue souvent, ce marqueur de temps qui fait vivre la surface de mes pièces, fait entrer la vie et parler la matière.

Fin 2008, je commençai une nouvelle aventure avec le bronze. Ce qui m’a surtout intéressé, c’était de partir d’un matériau inscrit dans notre présent, fondamental dans notre société actuelle, le baril, et de le transposer dans un matériau antique qui perdure depuis des milliers d’années. Cette matière m’attira aussi par sa musicalité : cette matière lourde émet une vibration bien particulière. De sa préciosité émane une notion d’intemporalité qui est aux antipodes de ma recherche sur les barils.

Ce contraste comme un petit caprice ne me déplait pas. J’allais aussi découvrir l’alchimie des patines ; je développe une coloration personnelle, qui, je l’espère se rapproche de mon univers, faisant un affront à la connotation de préciosité du bronze.

La démarche du sculpteur plasticien Anthony GROMLEY, que j’admire profondément, a motivé mon passage au bronze. J’ai envie que mes pièces côtoient l’espace extérieur, que le temps joue avec. L’érosion de mes pièces ne me dérange pas, le temps apporte une dimension unique et esthétique au métal, mais la pérennité du bronze est bien plus tolérée et estimée dans l’inconscient collectif.

Début 2009, un voyage en Australie me fit prendre conscience de la richesse et de la beauté de la nature. J’ai eu l’opportunité d’approcher cette matière qu’est le bois et travailler un élément naturel dans ce contexte s’imposait.

De retour, j’avais envie de pousser encore plus les possibilités avec le métal, explorant inlassablement toutes les facettes : filigrane, tissage, dentelle.

Puis, ces explorations faites, je suis revenu peu à peu à une sorte de plénitude, la naissance de mon fils m’apportant peut être une envie de me surpasser et: établir des contrastes et des rapports de force , comme dans la vie. Je travaille beaucoup, la nuit est un moment privilégié... la contemplation et l’écoute, car je travaille en musique, me permettent de me détacher de cette matière qui m’enivre.

Fukushima 11 mars 2011, je crois que pour tout humain cet événement est la preuve que l’homme est une menace pour lui même : je réalise quelques pièces pour nouer un lien avec le temps arrêté sur cette tragédie : la tête nipponne, baiser japonais, le nippon, blue pétrole.

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Une humanité de tôle Depuis que l’or noir submerge la terre, baril et bidon demeurent les symboles de la malédiction du monde : ils sont roulés, déplacés, immobilisés, stockés, perforés : leurs bouchons dévissés libèrent le concentré de leurs distillations, de leurs raffinages, répandent pollutions de l’eau, de l’air et du sol.

L’artiste Julien Allègre, qui a une haute conscience de ce mal, a pris possession de cette quincaillerie de tôle pour opérer de singulières métamorphoses. Il a donc accumulé barils et bidons à l’entrée de son atelier (qui est pour eux comme le seuil d’un abattoir). L’un après l’autre il les démembre, découpe, écartèle, puis il les emboutit, reperce, martèle, soude, engrave. Revêtu de ses gants, de son masque et ses lunettes, J.A. fait jouer le feu, jaillir les étincelles, résonner le marteau. On ne peut s’empêcher de songer à l’image d’Ephraïstos, dieu de la forge et du feu, enfermé dans son antre volcanique, inspirant crainte et respect sacré.

Le métal (qui, travaillé à froid, est toujours rebelle) conserve ainsi les effets des forces contradictoires qui s’exercent sur lui, en opposant un certain pouvoir de résistance. Et il est impossible au sculpteur d’atténuer les traces des coups, d’aplanir les « hématomes », de réduire les arêtes, de lisser les pliages : une mémoire des forces s’est enregistrée dans l’épaisseur de la tôle se traduisant par une stratification d’actions transformatrices. C’est ainsi que le « pathétique » dont ces visages sont empreints qui est l’essence de leur plastique, traduit la réactivité du métal utilisé. Les trous des yeux, du nez, de la bouche, par exemple, ont tous des bords acérés, arrachés, effrangés. Ce sont des trous obtenus à coups de scalpel, par le feu, la perforation, l’entame. Je vois aussi ces larmes de fer qui s’écoulent de l’amande des yeux : on dirait des scarifications. De telles larmes, inassimilables, ont la nostalgie de la transparence, de leur éphémère écoulement sur la chair des joues. Elles me font penser aux visages éplorés des Pietà baroques.

La forge mentale Nous sommes ainsi placés devant une œuvre qui est née d’une forge mentale, d’où ont progressivement émergé des figures de fer dévoilant les facettes du tragique humain. Elles sont là, ces figures, immobiles, placées devant nous sur leur piédestal, et nous nous sommes saisis par elles. Nous les entendons crier à travers leur silence, crier leur humaine condition, leur saillie dans le monde, chacune avec leur visage abîmé. Elles nous dévisagent parce que nous la dévisageons, mais en même temps elles nous restent lointaines, fixant un ailleurs indéfinissable ou quelque point obscur, source d’effroi. Certaines semblent vouloir s’abstenir de voir, mais, rarement leurs yeux sont clos. Leurs visages de tôle ont le plus souvent des regards qui ont la force, la puissance, l’expressivité de ceux qu’on lit sur tout visage de chair.

Stigmates, faute originelle ou ironies ?

On peut observer sur certaines sculptures la présence du bouchon métallique qui nous rappelle l’ancien contenant : il en est ainsi de la tête nommée « l’Africaine (p.47) » au visage jaune scarifié : on y voit un gros bouchon circulaire toujours vissé au milieu de la joue gauche. « Inga (p.49)» (buste altier de couleur jaune au visage interrogatif), de même que « Le nomade » (buste rouge au regard figé autant qu’ébahi), conservent sur leurs flancs gauche et droit deux gros bouchons bien visibles de couleur sombre. On dirait qu’il suffirait de les dévisser pour accéder à l’intérieur de leur volume. Pourquoi ces bouchons ne nous paraissent-ils pas incongrus ? Sans doute parce que les sculptures portent l’empreinte de leur origine et qu’on ne saurait l’oublier. Les bouchons en sont les signes, les signatures, au même titre que l’inscription « TOTAL » sur certaines poitrines ou sur le front d’autres sculptures. Plutôt qu’une « tâche originelle » ces soi-disant « incongruités » prennent un sens nouveau lorsqu’elles intègrent la forme humaine : comme si les bouchons étaient finalement irréductibles. Il y a là une ironie certaine.

Ces têtes, ces faces, ces formes de proues, d’emblèmes, d’allégories, ces apparitions, manifestent des traits d’affliction qui nous fascinent. Elles nous ressemblent trop. Chacune de ces figures affiche à sa manière divers états expressifs de la psychologie humaine : nous avons la tragédie des pleurs « La femme et la mer (p.50)» ou « l’Incomprise (p.54)», la tragédie de l’effroi, « Bellina (p.60)» ou « Zakir (p.44)», celle de l’ébahissement, « Le Nomade (p.49)», de la clameur, de la mort désenfouie ou de l’agonie « L’homme-Lune (p.32)» ; nous avons aussi la marche héroïque « Libertad (p.30)», l’émerveillement « La Muse (p.39)», l’attendrissement « L’Equilibre (p.42)», la concentration méditative « la Cambrure (p.9)», la horde envahissante « Douze Chinois (p.58)».

Nous découvrons qu’il y a autant d’œuvres que d’attitudes, de postures humaines, comme si s’élaborait là un répertoire, un inventaire, comme si nous avions affaire à une galerie de portraits.

D’où proviennent chez Allègre ces faces de tourment, de terreur, de résignation, d’égarement, de tristesse ou de mélancolie ? Je pense que, pour une bonne part, elles sont l’effet du comportement même de la matière qui les compose, lorsque l’artiste la soumet à un traitement « au forceps » pour la plier à sa volonté créatrice.

N’oublions pas que l’objet produit est le résultat de l’emboutissage, de la découpe, du forçage, du pressage, du pliage des surfaces, etc…

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En retournant cette idée d’ironie, ne pourrait-on pas concevoir que celle-ci apparaisse précisément dans la forme humaine, si l’on songe que l’objet utilitaire de départ, le bidon, est inepte et inapte à magnifier le cœur de l’homme ? C’est ainsi qu’est proposée au « regardeur » une expérience (désormais classique) de détournement, expérience qui est l’aboutissement d’une métamorphose du contenant, ici unique autant que singulière. Si l’on considère par exemple cette sculpture représentant un homme assis sur un perchoir regardant au loin, on remarque que la forme humaine s’agrège au bidon dont on distingue parfaitement la partie supérieure où s’arrime encore l’opercule. La sculpture prend racine sur lui, s’appuie dessus ; elle en est comme une excroissance. Ajoutons enfin que de grandes lettres publicitaires sont largement visibles sur la poitrine tordue du personnage. On saisit alors ici combien forme d’origine et forme imaginée sont consubstantielles. Ces figures de tôle restent-elles affligées de leur origine ?

Nous avons parlé de « tâche originelle ». Peut-être. C’est une question d’ontologie à laquelle la notion de stigmate pourrait apporter quelque éclairage.

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Allégorie.

L’installation « OILY MAN (p.23) » est un autre bon exemple du rapport entre sculpture et matière d’origine. La scène est frappante : voilà le personnage debout en équilibre sur le tas de barils colorés. Il les surplombe, les domine. On dirait qu’il s’apprête à déployer ses ailes en dentelles de fer. Avec son casque de protection il a le regard tourné vers l’horizon. Il porte sur la poitrine l’inscription « TOTAL » comme d’autres ont sur leur T- shirt la publicité d’une université américaine ou de telle marque de yogourt. Sauf qu’ici « TOTAL » est plus qu’un tatouage, bien plus qu’un quelconque choix publicitaire. L’homme-volant, l’ange de fer, porte sur la poitrine indélébilement imprimé l’emblème de la multinationale. Les lettres frappent par leur vive coloration. L’ange n’a pas peur de son origine, il porte la couleur de ses barils ; il trône au-dessus d’eux. Avec ses pieds, il va très vite les pousser vers l’abîme avant que d’ouvrir ses ailes et s’élever au-dessus du monde. Il est comme un Fantômas issu d’une terre défoncée, saignée à blanc par les exploiteurs d’or noir. Il vole au-dessus d’une humanité déboussolée. On l’entend approcher avec ses ailes qui battent dans son dos en grinçant alors qu’il pousse un cri d’effroi retentissant : ce cri est celui de la vengeance pour une terre spoliée, dépossédée et salie. Comme ces anciens tôlards jubilants à qui on a ouvert toutes grandes les portes de la liberté, ne pouvant dissimuler leurs tatouages insensés gravés sur le bras, la poitrine ou dans le dos, lui, « l’Oily man », exhibe son insigne qu’il ne peut arracher de sa poitrine et qu’il arbore. Et on entend en même temps le bruit d’enfer d’une cohorte de barils de pétrole roulant dans les pentes vomissant par leur goulot préalablement dévissés le liquide infernal…

Polymorphie.

Bien d’autres sculptures en pied, couchées ou debout, en équilibre sur une main, ont surgi de l’imagination du forgeron. Toutes nous entraînent à aller voir au-delà du possible. Pour y parvenir, quoi de plus sûr que de mélanger, d’agréger les sources de l’inspiration ? Car n’est pas la moindre des qualités de ces œuvres que de concentrer, tisser ensemble, mixer, des références formelles puisant dans l’histoire des cultures occidentales et extra-occidentales. Cette polymorphie peut surprendre ; elle est le reflet de la turbulence de notre temps où tout se percute, tout se rencontre autant qu’il s’exclut ou s’assimile. Dans ce cas, peut-être certains pourront considérer de telles résonances, similitudes, rappels des formes du passé comme paraissant un peu trop péremptoires. Mais pourquoi nier le courant de ces sources quand le matériau employé impose de si sévères contraintes plastiques et formelles ?

Regardons par exemple la « dépouille » de fer colorée accrochée au mur de l’atelier.

Ne s’impose-t-elle pas d’emblée à notre regard aussi bien comme un habit de spectacle plus ou moins clownesque accroché à un porte-manteau que comme une apparition angélique à tunique rouge et aux ailes sombres (dont une seule, la droite déploie sa forme parfaite) ? Ou bien, n’apparaît-elle pas comme une emblématique figure tutélaire ou encore une dépouille funéraire ? Comment en effet ne pas la rapprocher de l’image de l’un de ces séraphins écarlates aux larges ailes déployées entourant le Plérôme divin dans la peinture religieuse de la Renaissance ?

En même temps, si on change de focale mentale, ces attributs féminins (seins et sexe) fortement mis en relief, ne renvoient-ils pas tout aussi bien à des déesses12

mères préhistoriques, cependant que le visage blême, blanc, encadré d’une coiffure sombre, rappelle le visage mortuaire d’une momie précolombienne ? Dans cet ordre d’idée, le corps rouge de la momie pourrait tout aussi bien être perçu tel un couvercle de sarcophage égyptien anthropomorphe. D’autres œuvres semblent faire allusion à la statuaire antique : telle, la statue intitulée « l’équilibre (p.42) », µs’érigeant comme la figure d’une divinité celtique ou un petit Jupiter gallo-romain.

Les bustes jaune et rouge « Inga (p.49)» et « Le nomade (p.49) », quant à eux, n’ont-ils pas la noblesse de certains bustes antiques ? Enfin, « l’Africaine (p.47)» au visage scarifié, ne nous met-elle pas en mémoire, de par sa physionomie, sa coiffure, l’expression d’unvisage ébahi et concentré, certains bronzes ifes du Bénin ? Considérons enfin la majestueuse sculpture intitulée « La Cambrure (p.9)». Que ne voit-on dans son allure générale que la synthèse accomplie d’un coq de girouette, d’un Sphinx en méditation dans l’attente de la réponse à la question posée à Œdipe, d’une proue de navire, ou encore de la silhouette d’une de ces terribles sirènes (telles qu’on les voit représentées surles vases attiques à figures rouges), qui tentèrent Ulysse attaché à son mât ?

Et cependant, la Cambrure restera toujours l’unique et mystérieuse Cambrure à nulle autre pareille !

Faces cachés.

Il faut tourner autour de ces effigies. On est tout d’abord happé par leur face ; on découvre le visage figé dans une agonie indéfinissable, dont les traits sont tendus à l’extrême et rehaussés de couleurs (comme par exemple « Le nomade (p.49) » ou bien « La Féministe (p.53)», dont les lèvres sont exagérément soulignées de rouge, ou bien cet autre visage jaune fripé d’une dormeuse ou d’une morte aux lèvres sanguines bien dessinées émergeant d’une espèce de gangue de coiffure sombre effrangée par derrière. La référence aux masques du théâtre Nô ne fait guère de doute (l’objet a été nommé « Tête nippone (p.37)»). L’artiste a ainsi voulu témoigner à sa façon du terrible tsunami qui a ravagé le Japon.

Lorsqu’on s’approche du dos de la sculpture on découvre autre chose : les contorsions du métal donnent l’impression d’une imbrication de creux sombres, faits d’agencements de lames de métal qui nous éloignent de la face anthropomorphe.

C’est comme si l’expression de la tension des traits était a contrario refoulée par la vision, à l’arrière de la tête, d’une déficience de la forme au profit d’un réagencement abstrait, inquiétant, où le creux entraîne une vision du néant, de l’informe. Il faut se rendre à l’évidence : ces agencements sont structurellement attachés au visage, ils en sont la charpente, le support : ils leur sont consubstantiels. Nous ne pouvons l’oublier. Lorsque nous revenons à nouveau vers la face du masque, nous nous demandons alors quels sont les points de raccordements entre l’avant et l’arrière, comment s’ordonnent, se relient ou non les différents éléments métalliques (voir le dos de la sculpture appelée « l’Africaine (p.47) ») qui, curieusement, rappellent la structure de ce casque ? articulé conçu avec des plaques de métal du mirmillon (gladiateur antique). Dans ce cas précis, l’arrière du masque est un puits d’obscurité d’où les trous du nez et ceux des yeux dessinent des jours comme le négatif d’une autre figure inconnue.

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Une de ces sculptures ressemble à un masque : c’est ZAKIR (p.44). Si on regarde sa face lugubre, nous frappe sa bouche béante d’où sort quelque cri d’effarement.

L’arrière du masque nous réserve une autre surprise : dans le creux de la forme de couleur verdâtre nous découvrons les traits d’un nouveau visage où les larmes blanches s’écoulent d’une paire d’yeux tout aussi blancs. Nous sommes en présence d’un trompe-l’œil. L’artiste a ingénieusement détourné l’objet pour nous offrir une face logée au creux de ce que nous avions pris pour le masque. Il a instauré le jeu paradoxal du creux qui se fait relief et vice versa. Cet objet est donc la mise en abîme d’une forme de masque présentant le retournement subtil du dedans vers le dehors.

Antécédents.

L’art de J. Allègre a affaire avec une certaine technique qui est celle de la tôle de métal au repoussé. Il y a peu d’exemples d’œuvres ainsi conçues dans l’histoire des formes occidentales. Rappelons pour mémoire (mais il faudrait sans doute creuser plus avant) que l’Occident médiéval et moderne ne l’ont pas utilisée. On pourrait néanmoins le rapprocher de certaines objets (masques ou bustes) en tôle de bronze repoussé témoins de la prodigieuse métallurgie celtique : telles sont les sculptures trouvées à Tarbes et Evreux en milieu cultuel, d’époque gallo-romaine. Ailleurs, nous vient à l’esprit ce masque en feuille d’or, appelé « Masque d’Agamemnon », retrouvé dans les tombes royales de Mycènes par Schliemann. On aurait des exemples sans doute ailleurs, en Afrique, de bustes en bronze (pleins) ou en fer, souvent très stylisés. Dans aucun cas on ne peut assurer d’une filiation plastique.

Julien Allègre puise à sa seule source intérieure, avec ses propres émotions, les moyens qu’il s’est donnés et la technique qu’il a éprouvé. Il a rencontré en même temps sur son chemin tellement de visages singuliers ayant traversé l’histoire des représentations humaines ! Il est contemporain d’un temps de perdition, d’espoir, de contacts, de turbulences et de fusion. Son art n’est pas de renouveau : il est de renouvellement, il est de continuité, de singularité. La matière brute, industrielle, des contenants de tôle est sublimée sous ses doigts, par ses gestes, sous les coups de son marteau de magicien, à l’appui du poste à soudure. Il est le forgeron des âmes humaines errantes qui émergent de ses bouquets d’étincelles.

Joël-Claude MEFFRE ( juin 2012 )

METEORE BLEUE 2012 Métal et Bronze 54 x 54 x 35 14

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Humanity in Metal Ever since black gold began submerging the planet, the barrel and oil drum have become symbols for the curse of the world; they are rolled, moved, left immobile, stocked, perforated. Once their stoppers are unscrewed, they release the odour of different processes – distillation, refineries – into the world, spreading pollution through water, air and the earth.

Artist Julien Allègre is highly aware of this evil, and has gathered together a whole ironmongery of metal so as to bring about his singular metamorphoses. This explains the accumulation of barrels and oil drums near the doorway of his workshop (the equivalent of the entrance to the slaughterhouse for them). One after another, he takes them apart, cuts them out, rips them to slivers, then stamps them, makes new holes in them, hammers, solders and engraves them. Clad in special gloves, mask and goggles, Julien Allègre makes the flames dance, the sparks fly, the hammer ring. The obvious image that comes to mind here is that of Hephaestus, God of the forge and fire, shut up in his volcanic den, an awe-inspiring and fearful figure.

Nor should we forget that the finished object has been stamped, cut out, forced into shape, compressed, its surfaces creased and folded etc… and what we see is the result of this. Any metal will always produce a resistance when worked cold; here it keeps the effect of the contradictory forces it is subjected to by offering a certain power of resistance in return. It is also impossible for the sculptor to alleviate the marks of his blows, flatten out the “bruising”, reduce the ridges, or iron out the creases; the forces at work here are inscribed in the object, they become its memory concealed within the thickness of the metal, and are made visible by the layers of different transformative processes. Thus the pathos written in the expression of each of these faces – the very essence of its sculpted form – is a sign of the reactivity of whatever metal has been used. The holes representing the eyes, the nose and the mouth, for example, all have sharp, torn, even frayed edges. These holes are obtained by the use of a scalpel, by fire, perforation, incision. Also visible are some steel tears running down from slit almond-shaped eyes which look like scarification marks. Tears of this kind, outside the main body of the sculpture, long to be transparent again, as they remember the fleeting moment of their flow down the flesh of the cheeks. They remind me of weeping Pietas of the Baroque period.

The mind as forge Thus we find ourselves before a body of work born of a forge of the mind, from which iron or steel figures have gradually emerged to reveal the various facets of the human tragedy. There they stand, motionless in front of us, each figure on a pedestal – and we are transfixed at the sight. We can hear their cries cutting through the silence, cries proclaiming their human condition, their sudden appearance in the world, each with its face damaged. They are staring at us because we are staring at them, yet at the same time they remain distant from us, their gaze fixed on an indefinable horizon or some obscure but terrifying point. Some of the figures appear reluctant to see, though only rarely are their eyes closed. For most of them, their metal faces bear a powerful, strong look and the expressiveness that can be read on any real face.

These heads and faces in the shape of ships’ figureheads, emblems, or allegories are apparitions bearing signs of affliction; they are a source of fascination to us the viewers.

They are too close to our own selves. Each of these figures has its own way of expressing various states of the human psyche. So we have the tragedy of mourning in “La femme et la mer (p.50)” and “L’Incomprise (p.54)”, tragedy linked to terror as in “Bellina (p.60)” and “Zakir (p.44)”, that of astonishment, “Le Nomade (p.49)”, of clamour and protest, death exhumed or the agony of “L’Homme-lune (p.32)”; there is also the heroic march “Libertad (p.30) ”, wonderment in “La Muse (p.39)”, soft tenderness in “L’Equilibre (p.42)”, meditative concentration in “La Cambrure (p.9)”, and the invading horde of “Douze Chinois (p.58)”.

There are as many works to be discovered as there are attitudes and human postures, as if a whole repertory or inventory was being listed here and the overall subject was really a portrait gallery.

Where do they come from, Allègre’s faces expressing such torment, terror, resignation, confusion, sadness and melancholy? My own view is that for a good many, they are the result of the constitutive material and how it reacts to certain treatments: when the artist uses “forceps,” for instance, to fold them according to his will and creative instinct.

Stigmata, original sin or irony ?

On some of these sculptures, the metal cap is visible, reminding us of its former container – such is the case with the head of the so-called “L’Africaine (p.47)” with its yellow scarified face. A large circular cap is still screwed into the middle of the left cheek.

“Inga (p.49)” (a proud yellow bust with a questioning expression on the face), and similarly “Le Nomade (p.49)” (a red bust with a fixed, startled gaze) still have a dark-coloured oil drum cap visible on each side; It looks as though they only need to be unscrewed for us to peer inside and even enter the space. Why do these metal caps not seem incongruous to us? No doubt because all the sculptures have retained traces of their origins, meaning we as viewers cannot escape them either. These caps are signs and signatures – just as the name TOTAL inscribed on certain chests or the forehead of other sculptures is. Rather than being a sign of original sin, these so-called incongruities take on a new meaning when they appear on the human form. It is as if the caps and stoppers are irreducible in the end. There is certainly some irony here.

If we turn the idea of irony round, it becomes possible to see things otherwise – might irony appear in the human form precisely because we consider the original object, the oil drum, to be unsuited for and incapable of glorifying the human heart? Thus what is being offered to viewers here is an experience/experiment (classical by now) in changing the use of things. It is the natural result of the metamorphosis undergone by the container, unique in each piece here and all the more singular for it. So if we observe the sculpture representing a man sitting on a perch and looking into the distance, we notice how the human shape has incorporated that of the drum, whose upper part is still perfectly clear, with the protective cap still in place. The sculpture is rooted in this and leans on it so that it resembles an excrescence. Mention must also be made of the large letters (an advertisement) still clearly visible on the character’s twisted chest.

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It becomes evident now how the original form and the form imagined by its creator are consubstantial. Are these metal figures suffering because of their origins?

The expression “original sin” has been used above. So perhaps they are. The question is an ontological one, to which the notion of stigmata could bring some elements of reply.

Allegory The “OILY MAN (p.23)” installation is another good example of the relationship between sculpture and its raw material. The scene is striking: a character is standing upright, delicately balanced on top of a heap of coloured oil drums. He is looking down over them, he dominates them. It seems as though he’s just about to spread the tracery of his iron wings. His head clad in a steel helmet, his gaze is turned towards the horizon. His chest bears the inscription TOTAL, just as some people wear a t-shirt advertising an American university or such and such a make of yogurt, except that here, TOTAL is much more than a mere tattoo or a selected advertising slogan. This birdman, the iron angel, has the emblem of the multinational firm stamped on his chest forever. The letters stand out by their colour. But the angel is not afraid of his origins, he’s wearing the colour of his barrels; he stands imposingly above them. He is about to push them rapidly over the edge into the abyss before opening his wings and flying up over the world. He’s like a kind of Fantômas from some worn-out land, bled dry by those who exploit black gold. He is flying over a humanity that has lost its bearings. We can hear the beating of his creaky wings as he gets nearer and nearer and cries out loud, a fearful, ringing cry of terror, the cry of vengeance for a land despoiled, dispossessed, sullied and defiled. Like those former prisoners with their cries of jubilation, for whom the gates to liberty have just been thrown wide open, but they cannot hide the wild tattoos engraved on their arms, chest or back, the “Oily Man” displays an insignia on his chest that he can never efface or pull off. And all the while, the infernal sound of a cohort of oil drums reaches our ears, as they roll down the hills vomiting their terrifying liquid through the previously unscrewed stoppers…

invites and attracts our gaze; or could they be a dark-winged angelic apparition in a red tunic, with the right wing unfurled to show the perfection of form? Or do we see before us an emblematic, guardian-like figure or even a corpse awaiting burial? Indeed, how can we avoid comparing it to one of those scarlet seraphim with their large wings who surround the divine Pleroma depicted in religious paintings of the Renaissance?

At the same time, if we change our mindset, the female attributes of breasts and genitals so boldly shown up surely refer us back just as strongly to prehistoric Mother Goddesses, whilst the pallid white face framed by dark hair recalls the death mask of a pre-Columbian mummy. And following the same line of thought, the red body of the mummy could also be perceived as one of the covers for an anthropomorphic Egyptian sarcophagus.

Other works seem to refer to statues from the world of antiquity: these include the statue entitled “L’Equilibre (p.42)”, standing upright like the figure of some Celtic divinity or a small Gallo-Roman Jupiter. The yellow and red busts, “Inga (p.49)” and “Le Nomade (p.49)” respectively, surely have all the nobility of certain busts from ancient times. Finally, “L’Africaine (p.47)” with its scarified face, particular physiognomy, distinctive hairstyle and the expression of concentrated amazement on its face is surely reminiscent of certain Ife bronzes from Benin? And last of all, let us consider the majestic sculpture entitled “La Cambrure (p.9)” – what do we see in its general posture but the accomplished synthesis of a weathercock, a Sphinx in meditation as it awaits the reply to the question put to Oedipus, a ship’s figurehead, or even the silhouette of one of those terrible sirens, such as can be seen on red-figure Attic vases, who tried to tempt Ulysses bound to the ship’s mast? And yet “Cambrure” will always remain “Cambrure”, totally unique and mysterious, unlike anyone or anything else!

Polymorphism Many other sculptures, lying flat on their pedestal or standing upright, or balanced on one hand, have emerged from the smith’s imagination. All of them incite us to go and look beyond what is possible. And to achieve that aim, what could be better than mixing or blending the sources of inspiration? Not the least of the qualities of these works is the way they concentrate, interweave and mix certain formal references drawn from the history of Western cultures and beyond. This polymorphism can surprise the viewer; it reflects the turbulence of the times we live in where everything hurtles into everything else, meets up with everything else, just as things are mutually exclusive or inclusive.

In this case, perhaps certain viewers will consider such resonances, similarities, or evocations of forms of the past as being rather too peremptory. But why deny the obvious trait these sources represent when the raw material imposes such severe restrictions in plastic and formal terms? Let us take the example of the coloured iron “remains” hanging on the workshop wall.

Their resemblance to some sort of clown’s costume dangling on a coat-hook unfailingly

Hidden aspects Those who wish to see these effigies in their entirety must go right round them.

The first thing that strikes one will be the front view, with the face frozen forever in some indescribable agony; the features, picked out with various colours, are all extremely drawn – take for example, “Le Nomade (p.49)” or “La Féministe (p.53)” where the lips are exaggerated with red for emphasis; or this crumpled yellow face of a sleeping or even dead woman whose well drawn, blood-red lips emerge from some kind of tight-fitting dark fringed haircut behind. The reference to masks from Noh theatre is quite obvious here (note how this particular object is called “Tête nippone”). This is evidence of the artist’s sympathy, expressed in his own way, over the terrible tsunami that recently devastated Japan.

If you go nearer to the back of the sculpture, you will find something else – the twisted metal gives the impression of dark, overlapping hollows made of metal blades arranged in a certain way, so that this side has nothing to do with the front view and its anthropomorphic aspect. It seems as though the expression of tension in the facial features there is suppressed once we see, at the back of the head, how the form is somehow inadequate and has been replaced by a new, abstract arrangement that arouses anxiety in the viewer; the hollow leads to a vision of total emptiness and formlessness.

We must go back to the evidence – these constructions are structurally attached to

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the face, are its framework, its support; they are consubstantial with it. We cannot merely ignore this. When we come back round again to the front of the mask, we wonder how both sides are linked, what holds front and back together, how they fit together and whether the various metal elements are joined or not (take a look at the back of “L’Africaine”). Curiously, they recall the structure of the mirmillo’s (a gladiator in the world of Antiquity) jointed helmet made out of sheets of metal. In this particular case, the back of the mask is a deep well of darkness where the holes representing the nostrils and eyes describe spaces of daylight, like the negative of another unknown figure.

One of these sculptures, “Zakir”, resembles a mask. One look at this mournful face and we are struck by the gaping mouth from which some sort of cry of total alarm is being emitted. Once again, the back of the mask holds another surprise for us – in the murky greenish hollow, the traits of yet another face are revealed, with white tears running down from a pair of equally white eyes. What we have before us here is a trompe-l’œil.

The artist has ingeniously transformed the object into something unexpected – what we took to be the mask has another face nestling inside its hollow back. A whole play of intaglio and relief has been set into action here, with the hollow turning out to be in relief and vice versa. This object is therefore a mise en abyme in the form of a mask that subtly presents its inside face towards the outside.

Antecedents Julian Allègre’s art involves a particular technique associated with sheet metalwork in raised relief and known as repoussé technique. Few examples of this exist in the history of Western forms. It should be mentioned, however, (though doubtless, more in-depth research needs to be done) that neither the medieval nor the modern Western world has used it. Nevertheless, his work can be compared to certain objects (masks and busts) made from sheet bronze by the repoussé technique that are evidence of the prodigious metalwork of the Celts. Examples include sculptures found on sites of religious importance in Tarbes and Evreux dating from the Gallo-Roman epoch. Otherwise, Allègre’s art also recalls the gold-leaf mask known as Agamemnon’s Mask, found

by Schlieman in the royal tombs of Mycenae. There must be others from Africa, for instance – solid bronze or iron busts often of very stylised form, but nowhere can any true sculptural filiation be guaranteed.

Allègre draws inspiration from his own inner resources and nowhere else. He calls upon his own feelings, the means to his end he has given himself and his tried and tested technique. At the same time he has come across so many unusual faces along the way, all of whom have already come through the history of human representation!

He is contemporary with a time of loss, hope, contacts, turbulence and fusion.

His art is not one of revival, but rather one of renewal, continuity and singularity. His raw material is industrial sheet metal of the kind used to make large containers that are then transformed into something beautiful beneath his touch, his gestures, and the blows of his magic hammer (akin to a wizard’s wand) assisted by his soldering iron. He is the smith who forges the wandering human souls that gradually emerge from his showers of sparks.

Joël-Claude MEFFRE ( June 2012 ) 20

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Installation OILY MAN 2011 Ă la Ferme des Arts de Vaison la Romaine

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REGARDS EN EAUX TROUBLES 2012 Métal et Bronze 100 x 80 x 80

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Blue Petrole 2011 MĂŠtal et Bronze 120 x 75 x 60 26

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TEMPO Métal

2012 120 x 80 x 80

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LIBERTAD 2010 Métal et Bronze 190 x 90 x 80

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L’HOMME LUNE 2011 Métal et Bronze 60 x 40 x 50

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LE REVEUR CORRODE 2011 Métal et Bronze 48 x 40 x 40

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TÊTE NIPPONE 2011 Métal et Bronze 140 x 80 x 80

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LA MUSE 2011 MĂŠtal et Bronze 48 x 40 x 40

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LE MASQUE 2012 Métal 150 x 140 x 80

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L’EQUILIBRE 2009 Métal et Bronze 150 x 80 x 60

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ZAKIR 2009 Bronze 56 x 53 x 50 44

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L’AFRICAINE 2010 Bronze 44 x 31 x 30

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INGA 2008 Bronze 37 x 20 x 14

LE NOMADE 2008 Bronze 38 x 18 x 14

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LA FEMME ET LA MER 2011 Bronze 73 x 68 x 58

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LA FEMINISTE 2010 Bronze 38 x 20 x 14 52

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L’INCOMPRISE 2010 Bronze 43 x 28 x 26

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FACE CONTRE TERRE 2010 Bronze 50 x 24 x 19 56

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Au cours de l’été 2008 je réalise ma première installation : les 12 chinois. J’avais envie de parler des évènements scandaleux qui avaient lieu au Tibet, l’armée chinoise attaquait les civils et les moines bouddhistes ; cette domination et cette violence déversée sur un peuple pacifiste me bouleverse. Intrinsèquement lié à cette prise de pouvoir grandissante, je me sens extrêmement préoccupé par les inégalités et les problèmes en lien avec l’environnement.

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LE CHINOIS 2009 Bronze 80 x 50 x 10

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BELLINA 2010 Bronze 37 x 19 x 19 60

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EXPOSITIONS

2012

Galerie Les Robinsonnes, exposition personnelle, Antibes Galerie 22, exposition personnelle, Coustellet Galerie p 13, exposition personnelle, Heidelberg, Allemagne La Galerie Sans Nom, exposition collective, Bruxelles, Belgique Villa des Roses, exposition collective, Bois Colombes Hors Les Murs, exposition collective, Vaison La Romaine

2011

Galerie Fae, exposition personnelle, Boulogne Galerie Au delà Des Apparences, exposition personnelle, Annecy Ferme Des Arts, exposition personnelle, Vaison-la-romaine Les Murs de la Tuilière, exposition collective, Saint Marcellin-les-vaison Création D’une Performance vidéo-musique «Mirage» MAC 2000, exposition collective, Paris

2010

Galerie 2 Bis Montfort, exposition personnelle, Vaison-la-romaine Galerie LBL, exposition collective, Ile de Ré Galerie Pierre Marie Vitoux, exposition collective, Paris Galerie Ariel Sibony, exposition collective, Paris

2009

Galerie 2 Bis Montfort, exposition personnelle, Vaison-la-romaine

Galerie du Temple, exposition collective, Lourmarin

MAC 2000, exposition collective, Paris 2008

MAC 2000, exposition collective, Paris Affordable Art Fair, Galerie Artemisia, Londres Festival D’Art Singulier, exposition collective, Banne La Métamorphose Des Matériaux, exposition collective, Paris

2007

Festival D’Art Singulier, exposition collective, Banne La Métamorphose Des Matériaux, exposition collective, Paris Musée du Livre, exposition collective, Verderonne Ferme des Arts, exposition collective, Vaison-la-romaine

2006

Espace OKO, exposition collective, Clichy-la-forêt

Festival D’Art Singulier, exposition collective, Banne 62

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Mes remerciements aux photographes : © Ludovic MARCELIN © Laeticia DIAZ- JUTEAU Mes remerciements à la ville de Vaison-la-Romaine pour les photographies prises dans le site archéologique de la Villasse, M. Christin NOORBERGEN et M. Joel-Claude MEFFRE, Delia MORRIS pour sa traduction.

Ma profonde gratitude va à tous ceux qui me soutiennent dans ma création et mes collectionneurs.

www.julienallegre.com

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