Les droits d'auteur face à la révolution technologique

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l’utilisation faite de leurs œuvres par les utilisateurs est difficile, voire impossible à contrôler, le législateur retire aux auteurs la possibilité d’autoriser ou d’interdire la circulation de leurs œuvres et leur propose une rémunération à titre de dédommagement. Ce mécanisme existe en droit belge pour de nombreux usages tels que la copie privée, prévue par l’article 55 de la loi belge de 1994 sur le droit d’auteur ou « le prêt public des œuvres littéraires, de partitions d’œuvres musicales, d’œuvres sonores et d’œuvres audiovisuelles effectué dans un but éducatif et culturel par des institutions reconnues ou publiques », comme le précise l’article 23 § 1 de la Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins (Loi du 30 juin 1994). Pour les « échanges d’œuvres hors-marché » comme les appelle Philippe Aigrin, la licence non-volontaire consisterait à prélever cette rétribution auprès des supports de l’information (selon le même principe que la copie privée), à savoir les FAI. Ainsi, au prétexte que ces derniers bénéficieraient de la plus-value engendrée par le partage de ces œuvres sur leurs réseaux, ils seraient sommés par le législateur de contribuer au financement de la création. La somme ainsi récoltée serait alors redistribuée aux auteurs selon une clé de répartition respectueuse de la fréquence d’utilisation des œuvres. Aussi, les avantages de la licence non volontaire sont appréciables :  un mécanisme qui autoriserait l’échange de l’ensemble des contenus, tous types confondus, incluant les œuvres étrangères, soit une solution globale ;  une absence de contrat ;  un droit à rétribution des auteurs garanti par le législateur (COLIN et DUSSOLIER, 2011) ;  le respect le plus strict de la neutralité du réseau. Or, si la solution semble séduisante tant pour les auteurs que les utilisateurs, sa véritable mise en place suppose quelques difficultés juridiques et pratiques non négligeables. Principalement, Caroline Colin et Séverine Dussolier identifient les difficultés juridiques et pratiques suivantes : 

une incompatibilité avec la liste exhaustive des exceptions au droit d’auteur prévue par la directive de « La société de l’information » (Union européenne, 2001) ; 79

une probable incompatibilité avec le test des trois étapes

;

le modèle ne figure pas parmi les limitations prévues explicitement par la convention de Berne (Convention de Berne, 1886).

le rôle contributif des FAI doit faire l’objet d’une révision de la loi de 1994 ;

la mesure s’imposant aux FAI, les frais encourus risquent de se répercuter sur l’utilisateur, qui n’aurait d’autre choix que de subir une hausse des prix de l’abonnement à Internet (COLIN et DUSSOLIER, 2011).

Enfin, il est une série d’incertitudes difficilement catégorisables qui découlent directement des limitations des droits moraux de l’auteur :  Quid du respect de l’intégrité de l’œuvre ? Philippe Aigrin voit cela comme de nouvelles opportunités de création, issues des réappropriations artistiques mutuelles entre les utilisateurs. Or c’est aussi la porte ouverte au plagiat généralisé ;  Quid de la notion de paternité de l’œuvre ?

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Les exceptions et limitations (…) ne sont applicable que dans certains cas spéciaux (1) qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé (2) ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit (3). (Union européenne, 2001). C’est l’auteur qui souligne. 78


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