Ainsi La Nuit © Alain Julien
Ici, je pense que quelque chose agit, subtilement mais sûrement », ajoutet-il. De nombreux artistes contemporains ont eu cette intuition qu'il
fallait débrancher des écrans pour se reconnecter à la nature. Alors usez du dehors sans l'abuser, ouvrez tous vos sens et revenez au monde !
LA PAROLE À...
VINCIANE DESPRET
A
> philosophe, professeure à l'université de Liège.
"
vant de rencontrer Luc Petton il y a des années, j'ai vu son travail. J'y ai découvert une grâce, une beauté, une attention qui donnaient l'impression d'assister à un moment privilégié entre deux espèces qui ont des modes différents de communication. Une cohabitation. Je me suis alors passionnée pour le travail de Luc. Parler de relation entre nature et culture, c'est parler l'ancienne langue du monde. Il faut trouver de nouveaux mots, de nouvelles histoires. C'est ce que fait Luc, en tâtonnant, avec beaucoup de précautions. J'ai vu le spectacle Live Birds (une chorégraphie avec des grues de Mandchourie, ndlr) avec un ami philosophe qui m'a dit : « nous assistons en direct à de la co-animation entre deux espèces. » C'est un travail ensemble où chacun doit accepter les propositions de l'autre. Ça demande des négociations. L'humain n'a plus toutes les cartes en jeu. De plus en plus d'artistes ont envie de montrer qu'il peut exister des rapports différents avec le vivant. Ce sont aussi des gens qui, en mettant l'animal sur scène, avec les humains, problématisent cette relation. Car la question va d'office se poser de savoir s'il s'agit de dressage ou d'autre chose. Et la réponse n'est pas si simple ! La problématisation dit aussi : regardez ce qu'on a fait de la nature, peut être qu'il faudrait repenser notre manière de faire. De nombreux philosophes, écologistes, scientifiques ont compris que si les gens ne les soutenaient pas dans leur inquiétude et dans la résistance qu'il faut absolument susciter aux projets qui abîment le monde, ils n'y arriveraient pas. Les pétitions ne suffisent pas. Les Jacques Tassin, François Sarano, Baptiste Morisot etc., invitent les gens à modifier et raviver ces sensibilités par rapport à des choses auxquelles nous n'étions pas forcément sensibles il y a une ou deux générations. Les arts peuvent servir à ça et les gens aujourd'hui demandent à être sollicités par autre chose que les choses. »