CM - Episode 11

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cessus d’identification au héros est facilité, et le lecteur se fait graduellement acteur de l’aventure. Cette évolution est également reflétée par le dessin, de plus en plus subtil au fur et à mesure de l’histoire. Cette volonté d’impliquer le jeune lecteur dans le récit est d’ailleurs revendiquée par Ponti : « Mes histoires sont comme des contes, toujours situées dans le merveilleux, elles parlent de la vie intérieure et des émotions de l’enfance, ainsi chaque enfant peut-il mettre ce qu’il veut dans les images : les personnages et les rêves qui sont les siens. »

g e e k

Les histoires de Claude Ponti proposent dans un premier temps une illustration des difficultés sociales de l’époque. Il s’agit là d’une tradition du conte : pensons par exemple à la famille du Petit Poucet. Pétronille et ses 120 petits (1990), dans lequel la mère souris devait éduquer et nourrir seule ses 120 souriceaux, symbolise les difficultés et violences auxquelles doivent faire face les mère célibataires. Si l’adulte fera facilement le lien avec son propre quotidien, l’enfant quant à lui sera inconsciemment sensibilisé à ne pas favoriser ce schéma une fois adulte. En ce sens, le conteur accompagne l’enfant dans l’éclosion de sa réflexion sociale. Mais la portée des histoires de Ponti ne se limite pas au simple décryptage de l’environnement de l’enfant. Que nous apprend l’Arbre sans fin (1992) ? Au début du récit, Hipollène apprend le décès de sa grand-mère : démarre alors un voyage initiatique aux multiples péripéties. Réduite (par tristesse) à une goutte d’eau, ce n’est qu’une fois au sol, après sa chute de l’arbre, abandonnée entre ossements et terre sèche, que la symbolique, notamment picturale, de la mort fait son apparition. Le lecteur pourra alors apercevoir un squelette de baleine. Délire total de Ponti ? Non, car la baleine, depuis le mythe de Jonas dans l’Ancien Testament, n’est autre que la métaphore de la résurection et du renouveau. Rappelons-nous Pinocchio, qui passe de pantin à vrai petit garçon après son passage dans le ventre du cétacé. Ainsi le lien étroit entre mythologies, mythes et contes n’est plus à démontrer. C’est pourquoi le conte, en cela qu’il sait reprendre des symboles ancrés dans l’inconscient de l’humanité, permet à l’enfant d’appréhender de manière ludique et fantaisiste des sujets aussi graves que la vie, la mort et le passage à l’âge adulte. L’impact psychologique du conte, et les œuvre de Ponti ne font pas exception à la règle, est irréfutable. Les expériences des protagonistes apportent énormément à l’Homme et stimulent les enfants dès leur plus jeune âge, grâce à la finesse et multiples niveaux de lecture de l’écriture. Chez Ponti le dessin participe également à cet apprentissage : s’il peut paraître naïf aux yeux du profane, il cache toujours au sein de son foisonnement visuel des détails qui enrichissent l’interprétation du récit. Non, rien n’est laissé au hasard, et le surréalisme des contes, leur univers magique et onirique, ainsi que leurs morales qui font écho à tout l’héritage de l’humanité ont éveillé des milliers de générations. Quel est l’avenir du conte aujourd’hui ? Ne peut-on craindre de le voir disparaître au profit de productions animées insipides, d’historiettes mollement sociétales, de livres électroniques sans âme ? Si le conte a toujours su se réinventer au fil du temps (après tout, nul doute que Perrault a dû sembler bien frivole aux esprits les plus frileux de son époque), prenons garde à le maintenir en vie, et avec lui l’imaginaire et la morale de nos enfants. |S.E ; |O.S

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