Cinematheque suisse no 296 - Mars/Avril 2018

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Focus sur le Nouvel Hollywood A partir des années 1940, les grands studios de production américains ont subi des bouleversements économiques et culturels qui ont conduit, au début des années 1960, à l’effondrement de l’âge d’or hollywoodien. L’attrait grandissant des familles pour le format télévisé et l’apparition d’un nouveau public, en désaccord avec les valeurs conservatrices du pays, contribuèrent en partie à creuser un fossé générationnel. Un vent de liberté et de contestation se mit alors à souffler sur les Etats-Unis et son industrie cinématographique, transformant non seulement la forme et les thèmes des films, mais aussi leurs auteurs. Si des réalisateurs comme Stanley Kubrick, Miloš Forman, Roman Polanski ou encore Woody Allen ont profité de ces nouvelles potentialités artistiques pour réaliser, chacun dans leur style, des œuvres d’un genre nouveau, ce sont véritablement de jeunes cinéastes issus de la télévision, du théâtre, du documentaire ou des écoles de cinéma qui ont redéfini les codes de l’industrie cinématographique. Refusant le star-system au profit de jeunes acteurs inconnus, les « enfants terribles » du Nouvel Hollywood déconstruisent les genres pour proposer une vision plus sceptique, isolationniste, intimiste, artistique et, par conséquent, plus réaliste du monde qui les entoure. Les films de Mike Nichols, Sam Peckinpah, Martin Scorsese, Robert Altman, George Lucas, Hal Ashby, John Boorman, Francis Ford Coppola, William Friedkin ou Jerry Schatzberg sont alors caractérisés par des récits basés sur l’anecdote et sublimés par des personnages antihéroïques. La plupart des historiens du cinéma s’accordent pour faire coïncider l’apparition du Nouvel Hollywood avec la sortie en 1967 du film Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, considéré par la critique américaine comme précurseur d’un style nouveau, inspiré du cinéma européen. Cette influence est palpable dans The Graduate (1967), qui cite les audaces formelles des cinéastes de la Nouvelle Vague française, mais les thèmes du Nouvel Hollywood restent fidèles aux préoccupations de la contre-culture américaine. Quel que soit le sujet ou le genre exploré, chaque film constitue un moyen d’exprimer une rupture avec le passé, que ce soit à travers les amours sans foi ni loi de Bonnie and Clyde (1967), le voyage psychédélique des motards d’Easy Rider (1969), l’indifférence des bouchers-chirurgiens de M.A.S.H. (1970), la violence exacerbée de Straw Dogs (1971) et Taxi Driver (1976), la révolte sanglante de Carrie (1976), les errances des laissés-pour-compte de Midnight Cowboy (1969) et Scarecrow (1973) ou encore les traumatismes de combattants du Vietnam de Deer Hunter (1978) et Apocalypse Now (1979). Témoins de cette effervescence cinématographique, les films sélectionnés dans le cadre de la première édition des Rencontres 7e Art retracent plus d’une décennie d’audace, d’inventivité et de rébellion artistique à Hollywood et révèlent les mutations d’une industrie qui, toujours en phase avec son époque, a fini par revenir à des formes plus classiques en entrant dans l’ère du blockbuster inaugurée par Jaws (1975). Raphaëlle Pralong et Chicca Bergonzi

Image : Robert De Niro dans Taxi Driver de Martin Scorsese (1976)

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