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Charlotte :
«La possession du monde exige une sorte de flair tactile. La vue glisse le long de l’univers. La main sait que l’objet est habitée par le poids, qu’il est lisse ou rugueux, qu’il n’est pas soudé au fond de ciel ou de terre avec lequel il semble faire corps. L’action de la main définit le creux de l’espace et le plein des choses qui l’occupent. C’est entre les doigts et au creux des paumes que l’homme les connut d’abord. L’espace, il le mesure, non du regard, mais de sa main et de son pas. Le toucher emplit la nature de forces mystérieuses.» extrait, Henri Focillon, Éloge de la main, 1934
Cathy et Camille :
Les murs ont été posés par Paul, maître des lieux. L’atelier d’Antoine se trouve quelque part dans ce labyrinthe.
Maurits Cornelis Escher
Une colonne, un axe, axis mundi qui non seulement relie Christian Desse, Trophée pour Valentine, 2002-2019 Emboitements de hampes de plumes d’oiseaux de mer, avec plumes de flamants roses. Œuvre vue cet été au Crac à Sète, exposition Valentine Schlegel Tu m’accompagneras à la plage, commissariat Hélène Bertin.
Poteaux Socles Élévations Ossatures Murs porteurs Valentine Schlegel : céramique 1950 - 1958 Catalogue, Pierre Staudenmeyer, Mouvements modernes, 2004.
les choses mais les tient.
double page, Evelise et Clotilde
La tour du soleil de Tarō Okamoto pour l’exposition universelle d’Osaka 1970.
modèle Hexpeak par Luxeoutdoor
Un axe qui déplie le ciel au dessus de ma tête, c’est une tente.
Charlotte :
« Un effet général d’éblouissement se crée petit à petit, dû à des contrastes de valeurs, à des contrastes chaud-froid, et surtout à des contrastes d’intervalles entre les valeurs : ici des contrastes entre deux valeurs distantes, ailleurs un contraste entre deux valeurs très proches, et bien-sûr aussi à des contrastes de superficie, des anneaux larges contrastant avec des anneaux très fins, et ces contrastes, si l’on peut dire, créent un effet de vibration et d’éblouissement. » Paul Cox dans Au soleil 2, publié par la libraire Petite Égypte en 2016, au sujet du livre Au soleil de Fanette Mellier publié aux Éditions du livre
Charlotte : contrôle regard vers le haut, soleil d’été éblouissant dans le jeu Proteus, capture d’écran du jeu vidéo Proteus, Ed Key et David Kanaga, 2013 Page suivante Camille : Photographie de la page 965 du livre-bible Art en théorie 1900-1990 une anthologie de Paul Wood et Charles Harrison. Extraits d’Arte Povera, texte écrit par le critique d’art Germano Celant.
Camille : Giovanni Anselmo, Senzo titolo (Struttura che mangia), 1968 On peut traduire le titre de l’œuvre par «structure qui mange».
Clotilde : Zoe Leonard, Strange Fruits, 1992-97
Au dessous et page précédente, Clotilde : Extraits de Art Queer, une théorie freak, Renate Lorenz, éditions B42, 2018
Cathy :
Je souhaite continuer cette conversation en évoquant l’anthropologue Philippe Descola. En effet, les photos et les textes que vous avez envoyé me rappellent les quatre ontologies (études des propriétés de l’être) qu’il a déterminé : animisme, naturalisme, totémisme et analogie. Selon lui, « on ne représente que ce que l’on perçoit ou imagine et on ne perçoit et imagine que ce que l’on a appris à discerner dans le flux des impressions sensibles et à reconnaître dans l’imaginaire ». On parle alors d’un « formatage du discernement » qui comprend à la fois des choses qui nous environnent et celles que nous nous figurons. Lorsque nous représentons un objet, on donne une forme matérielle plus ou moins ressemblante à une conception réelle ou imaginaire. « On rend présent l’invisible ». Les animistes voient les humains et les non-humains (entités spirituelles et nature) comme partageant une âme commune. Les naturalistes, eux, sont les désenchanteurs de notre monde, ils font une séparation nette entre ce qui relève de la nature et ce qui relève de la civilisation humaine. D’un autre côté nous avons les totémistes qui considèrent les humains et les non-humains comme coincés dans des enveloppes corporelles, il n’y a aucune discontinuité entre toutes ces entités. Enfin, les analogites s’opposent aux totémistes, ils se basent sur l’individuation et des correspondances analogiques (microcosme/ macrocosme). En d’autres termes, les analogistes voient le monde fait d’une multitude de singularités. Ces quatre ontologies peuvent être partagées par un seul individu selon les circonstances, cependant, la culture à laquelle il appartient reste déterminante. La question posée par la figuration est donc d’après Philippe Descola « Que cherche-t-on à objecter en figurant ? ». J’ajoute à sa question une nouvelle, quelle choix esthétique fait-on pour rendre visible une propriété que l’on attribue à l’une des quatre ontologies ? Sources : Philippe Descola, « Manière de voir, manière de figurer », 2010
Evelise :
« On cherche aujourd’hui à réentendre le monde, à réentendre « parler » les choses de la nature ; on jalouse d’ailleurs parfois, à ce sujet, les peuples de tradition orale, en se rêvant animistes. C’est qu’on espère retrouver une écoute et une sensibilité plus vastes, mais dans un sens renouvelé, tout entier nimbé de cette anxiété écologique. Sans doute même l’appétit avec lequel la pensée contemporaine se tourne vers les ritualités, les chamanismes ou les magies a-t-il avant tout à voir avec ce désir de réentendre parler le monde, d’entendre le monde dire ses idées, et de savoir que ce monde (êtres, choses) est lui aussi à l’écoute de ce que nous faisons. Je pense par exemple à l’animisme tranquillement professé par David Abram dans la proposition d’élargissement de la perception que constitue Comment la terre s’est tue. Comment la terre s’est tue : ce ne serait donc pas exactement qu’elle ne parle pas, mais qu’elle s’est tue — soit qu’on ne sache pas l’entendre, soit qu’elle ait décidé de faire silence, en certains points du monde, à certaines oreilles (pas toutes, c’est évident), peut-être à l’occasion de chaque nouvelle extinction. » Nos cabanes, Marielle Macé, Verdier, p.93-94.
Evelise : Carte postale, columnas de «Las Palomas», Uxmal, Yucatan, MX.
Evelise : Marque-page utilisé durant ma lecture de Nos cabanes. Carte de visite de Postindustrial Animism d’Eric Angenot.
Charlotte : photographie d’une partie des objets minéraux et végétaux qui habitent le même espace que moi (ma chambre). ce sont des objets offerts ou trouvés lors de randonnées ou voyages.
double page, Camille et Clotilde
« La division du continu ne doit pas être considérée comme celle du sable en grains, mais comme celle d’une feuille de papier ou d’une tunique en plis, de telle façon qu’il puisse y avoir une infinité de plis, les uns plus petit que les autres, sans que le corps se dissolve jamais en points ou minima.» (Leibniz, Pacidius Philalethi) Toujours un pli dans le pli, comme une caverne dans la caverne. L’unité de matière, le plus petit élément de labyrinthe, est le pli, non pas le point qui n’est jamais une partie, mais une simple extrémité de la ligne. » (p9) « […] quand la fluctuation de la norme remplace la permanence d’une loi, quand l’objet prend place dans un continuum par variation, quand la productique ou la machine à commande numérique se substituent à l’emboutissage. Le nouveau statut de l’objet ne rapporte plus celui-ci à un moule spatial, c’est à dire à un rapport forme-matière, mais à une modulation temporelle qui implique une mise en variation continue de la matière autant qu’un développement continu de la forme. »(p26) Deux extraits tirés de Gilles Deleuze, Le Pli, Leibniz et le baroque, Les Éditions de minuit.
Clotilde : collection personnelle, chewing-gums et un intrus
Sous une table, un chewing-gum collé fait penser à un bas-relief, baroque. Alors que le point marque le début ou la fin,
œuvre en chewing-gum d’Emi Otaguro vue il y a deux semaines à Paris internationale.
Gilbert Descossy mâche un chewing-gum par jour, qu’il accompagne d’un texte. #mood
Dans un article de Ouest France que j’ai trouvé sur internet, il se demande : « Pour quelle raison la main serait plus noble que l’intérieur de la bouche ? » image du travail de l’artiste Lexie Smith (@bread_on_earth)
le pli est ce qui se passe entre.
Cathy :
La bouche crée des formes aléatoires, laissant le hasard agir, on ne sait jamais qu’elle forme aura le chewing gum une fois qu’il n’est plus maché. La pratique de la céramique est un travail de la main. On modèle, façonne, sculpte, pétrie, figure, tripote. Chaque photo représente une pièce que vous avez confectionné lors de votre résidence :
Charlotte :
«Je prends plaisir à toucher la matière, en observer l’évolution. Quand on ouvre le sac, le plâtre ce n’est que de la poudre ; lorsqu’on commence à y ajouter de l’eau, il se transforme en un beau lait blanc. Plus on ajoute de la poudre dans l’eau, plus le lait devient consistant comme de la crème et glisse entre les doigts. Le temps passe et la crème devient du beurre qu’on peut sculpter, mouler, modeler.» extrait de mon mémoire de master, Toucher, 2015 Evelise : Souffle, Multiples réalisés en verre soufflé avec Fabienne Schneider, 20 exemplaires, 2017. Chaque pièce en verre est façonnée par un cycle respiratoire, une expiration, une inspiration, une expiration.
https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/ profession-philosophe-hartmut-rosa : Cet entretien avec le philosophe Hartmut Rosa m’a permis de beaucoup mieux comprendre sa pensée et notamment ses deux concepts : la résonance et l’accélération. Le premier étant la solution au second. Pour faire très très très simple : l’accélération décrit le monde contemporain, notamment le rythme effréné du capitalisme ; et la résonance, c’est notre contact avec le monde, une relation « réussie » que nous entretenons avec l’environnement matériel et naturel, c’est « vibrer » avec le monde. La résonance participe évidemment au bonheur des individus. Ces deux concepts peuvent s’illustrer par l’exemple de la balade en forêt (expliqué à 15:10). Je vais essayer de vous l’expliquer mais je vous recommande surtout d’écouter l’émission. La forêt est un lieu où l’accélération du monde est beaucoup moins perceptible. Quand on marche en forêt, généralement, on ne pense pas à l’usage économique du lieu. Lors d’une balade en nature, on se retrouve face à une réalité vivante à laquelle nous répondons, nous participons harmonieusement. Nous rentrons alors en vibration avec le monde, avec cet écosystème, ses animaux et végétaux. Camille
Clotilde : Terrazza sofa du designer Ubald Klug.
Charlotte :
Je conclus le jeu avec cette image, c’est une carte tirée d’un jeu réalisé par Vincent Naba, il comprend 27 cartes. https://vincentnaba.tumblr.com/supermoon
Édition réalisée à l’occasion de l’exposition collective « Entrées par la fenêtre » du 29 novembre au 1er décembre 2019, au sein de l’atelier d’Antoine Medes aux ateliers Paul Fleury à Montreuil. L’exposition est une restitution des résidences de Charlotte Beltzung, Clotilde Deschamps-Prince et Evelise Millet, menées entre juillet et août 2019 dans l’atelier d’Antoine. L’édition est le fruit d’une correspondance par e-mail entre les artistes invitées et les commissaires chargées de l’exposition, Cathy Crochemar & Camille Martin. Nous remercions Antoine Medes pour son initiative, ainsi que Louise Aleksiejew et les membres de l’atelier Paul Fleury.