CAROLINA ZAMUDIO
Rituels du hasard Rituales del azar Édition bilingue
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Rémy Durand
Poètes latino-américains contemporains
Éditions Villa-Cisneros
A Juan Manuel Roca À Juan Manuel Roca
Poètes latino-américains contemporains
Rituels du hasard Rituales del azar
Ce choix de poèmes a été publié dans la collection Doble fondo n°XII que dirige le poète Juan Manuel Roca pour la « Biblioteca Libanese de cultura », Bogotá, avril 2016. Esta selección de poemas fue publicada dentro de la prestigiosa Colección Doble fondo, edición n° XII, dirigida por el poeta colombiano Juan Manuel Roca, por la “Biblioteca Libanense de Cultura”, Bogotá, abril de 2016. Mise en page : Gérard Taes Couverture / Portada : Bernard Vanmalle, d’après les peintures rupestres de la Grotte des mains, site archéologique en Patagonie, Région de Santa Cruz, Argentine. Según las pinturas rupestres de la Cueva de las manos, sitio arqueológico en Patagonia, Provincia de Santa Cruz, Argentina
Rituales del azar fue declarado de interés cultural por la Provincia de Corrientes, Argentina La Région de Corrientes, Argentine a déclaré le recueil Rituels du hasard d’intérêt culturel © Carolina Zamudio pour les poèmes en espagnol © Rémy Durand pour la traduction © Association Gangotena et Éditions associatives Villa-Cisneros, avril 2017 Toute reproduction, même partielle, est interdite, sauf autorisation de l’éditeur de l’auteur et du traducteur
ISBN 978-2-919209-14-9
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Buenos Aires me florece lapachos y palabras sólo porque alguna vez ―con devoción provinciana― en Curuzú me sembraron.
Buenos Aires m’offre des fleurs de lapachos1 et des paroles parce qu’une fois seulement ‒ avec dévotion provinciale ‒ on m’a semée à Curuzú2
Le lapacho est un arbre d’Amérique du Sud, aux fleurs rouges, en français Pau d’Arco. Arbre sacré des Incas, arbre de vie dont les guérisseurs utilisaient l’écorce pour ses vertus thérapeutiques. 2 Curuzú Cuatiá est le nom d’origine guaraní de la ville de la poète, qui signifie « croix ». 1
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Teoría sobre la belleza La belleza no cabe en un trozo de papel sí en los ojos. Como ajustar el enfoque de una lente por detrás. No en la punta de la lengua más allá. Cabe en el aire al abarcar el ser. Puede asirse la belleza en silencio al reposar el cuerpo desde atrás, en eso de ser atesorar lo que haya sido y bello es. La belleza habita en la oscuridad el don que nos fue dado oculto la cáscara que se quita lo bello es un fin vacío de principios nace en el último tramo del próximo deseo. La belleza abraza la luz de la muerte o desata la nebulosa de la vida.
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Théorie sur la beauté La beauté ne tient pas dans un morceau de papier dans les yeux, oui. Comment régler l’ouverture d’une lentille par derrière. Pas au bout de la langue au-delà. Elle tient dans l’air quand on embrasse l’être. On peut saisir la beauté quand le corps repose en silence sur le dos, dans ce qui est toujours encore vivant et protéger précieusement ce qui a été la beauté. Même. La beauté habite dans l’obscurité le don secret qui nous a été donné la coquille dont on s’échappe le beau est une fin vide de principes qui naît sur le bord extrême du désir à venir. La beauté étreint la lumière de la mort ou libère la nébuleuse de la vie.
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Caricias La gente anda llena de consejos y los lanza como piedras. De palabras se erigen infalibles murallas y sólo ellas mismas —otras— pueden demolerlas: sutiles como ostras frescas carnosas como mangos maduros blancas como nardos. Lo menudo como avío para un gran cambio. Mejor aún, pronunciadas al pasar al descuido delgada caricia para quien quiera atraparlas. Palabras, no piedras.
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Caresses Les gens donnent plein de conseils et les lancent comme des pierres. De murailles inviolables se dressent des paroles et elles seules — d’autres ‒ peuvent les détruire : subtiles comme des huîtres fraîches charnues comme des mangues mûres blanches comme des tubéreuses. De petites choses pour un grand changement. Mieux encore, vite prononcées soit dit en passant, avec négligence douce caresse pour qui voudrait les saisir. Les paroles, pas les pierres.
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Entera De boca en boca del alimento al beso recodo en la palabra. Dar de comer entregar entera desde esta inmensidad y finitud desde mí en el mundo. Todo desde esa boca que espera el mordisco desde esa otra boca que concierta y se funde en esta. Casi nada, ínfima desde el cosmos que ―también― mide se desboca.
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Entière Je vais de bouche en bouche de l’aliment au baiser un nœud dans le mot. Donner à manger se livrer toute entière depuis cette immensité et mon infinie finitude sur cette terre. Tout depuis cette bouche qui attend la morsure et aussi depuis cette autre bouche qui pactise et se fond en elle. Presque rien, (c’est infime) depuis le cosmos qui — aussi — mesure lâche prise.
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Inundación Hay un par de zapatos jugando bajo tu cama. Parece que también hay víboras te atan a las sábanas. Un cortocircuito, una historia rebanada un trago áspero tu alma en el espejo delineando sudor. Parece que la inundación fue por tu llanto no cesó ni en los paros a los que se atrevió tu corazón. Parece que el amor abrió de golpe la ventana y sin haberlo pensado hizo lo suyo el suicidio mejor. Hay una mujer amarrada a una cama una historia en pausa entre alambres de púa.
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Inondation Il y a une paire de chaussures qui joue sous ton lit. Il semble aussi que des vipères t’attachent aux draps. Un court-circuit, une histoire qu’on interrompt une âpre gorgée ton âme dans le miroir qui délimite la sueur. Il semble que tes pleurs ont provoqué l’inondation même alors que ton cœur s’était arrêté de battre. Il semble que l’amour a brusquement ouvert la fenêtre et que sans y penser il a préféré faire sien le suicide. Il y a une femme attachée à un lit une histoire inachevée entre des barbelés.
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Cansancio Deberíamos morir todos así, de golpe y ella clava su lengua de acero recién afilado justo en medio de la médula de mi noche. Sostengo el cansancio entre temblores y ella sigue ―cándida y cruel― tejiendo su día: lo que queda de una enferma que aún respira aunque quiera dejarse ir que los restos de su madre sepultados años ha deben ser cremados que la muerte, la vida, la muerte. Algo tenue, umbilical, nos mantiene mientras una voz frenética hila dentro mío quien me dio la vida debería abstenerse de mezclar banalidad con cuestiones tan cruciales: la noche y el cansancio.
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Fatigue Nous devrions tous mourir ainsi, subitement et elle cloue sa langue d’acier récemment aiguisé au centre même de la mœlle épinière de ma nuit. Je supporte la fatigue entre des frissons mais elle est toujours là — candide et cruelle — tissant ses jours : ce qui reste d’une malade qui respire encore bien qu’elle veuille se laisser partir et que les restes de sa mère enterrés depuis de longues années doivent être incinérés et que la mort, la vie, la mort. Quelque chose de ténu, d’ombilical, nous soutient tandis qu’une voix frénétique tisse à l’intérieur de moi celle qui m’a donné la vie devrait s’abstenir de mêler la banalité à des questions aussi cruciales : la nuit et la fatigue.
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Los zapatos en la hamaca Los zapatos de la muerta en la hamaca. Aparecieron en sueños. Me empujaron al día. Estaban justo debajo de la hamaca en el patio de mi casa. Eran cerrados, color cobre. Era el patio de la casa de mi madre. Mi casa. Era la hamaca de mis hijas. Ella. Esos zapatos eran de la muerta. ¿De quién? Sólo supe que había muerto. La memoria trae en sueños Muertos desconocidos. Profanados. ¿Quiénes son estos a quienes la vigilia trae en sueños? No son míos. Despierto sólo para recordarlos. Me alerta su urgencia de que los recuerde. ¿Salvarlos del olvido? ¿Necesitan descansar en paz? Como yo. No me dejan. Mi conciencia en reposo se resiste a morir. Despierta y vive muertes. Cierta memoria aún vive en mí. O vivo para revivirla. Al alba, junto conmigo.
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Les chaussures dans le hamac Les chaussures de la morte dans le hamac. Elles sont apparues dans des rêves. Elles m’ont réveillé. Elles étaient juste au-dessus du hamac dans le patio de ma maison. Elles étaient lacées, de couleur cuivre. C’était le patio de la maison de ma mère. C’était le hamac de mes filles. Ce hamac. Celui-là. Ces chaussures étaient celles la morte. De qui ? J’ai seulement su qu’elle était morte. La mémoire apporte dans les rêves des morts inconnus. Profanés. Qui sont-ils ceux à qui l’insomnie offre des rêves ? Ce ne sont pas les miens. Je ne me réveille que pour m’en souvenir. Ils m’ordonnent dans l’urgence de ne pas les oublier. Les sauver de l’oubli ? Ont-ils besoin de reposer en paix ? Comme moi. Ils ne me laissent pas tranquille. Ma conscience apaisée résiste à la mort. Elle se réveille et elle vit des morts. Quelques souvenirs vivent encore en moi. Ou bien je vis pour les revivre. À l’aube, avec moi, tout près.
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Carolina Zamudio (Curuzú Cuatiá, Argentina, 1973). Poeta y narradora. Periodista y Magíster en Comunicación Institucional y Asuntos Públicos. Publicó Seguir al viento, Ediciones Último Reino (Argentina), La oscuridad de lo que brilla, edición bilingüe español / inglés, Artepoética Press (Estados Unidos), Teoría sobre la belleza y otros poemas, Ediciones de la Garza Mora (Argentina) y Las certezas son del sol, Vinciguerra Hechos de Cultura (Argentina). Ganó el Premio “Universitarios Siglo XXI” del diario La Nación de Argentina. Residió en Emiratos Árabes Unidos, Suiza, Colombia y Uruguay, donde vive en la actualidad. Fue incluida en antologías de Argentina, Colombia, España, Estados Unidos e Italia. Carolina Zamudio (Curuzú Cuatiá, Argentina, 1973). Poète et narratrice. Journaliste et titulaire du diplôme universitaire du magistère en communication institutionnelle et affaires publiques. Elle a publié Seguir al viento, Éditions Último Reino (Argentine), La oscuridad de lo que brilla, édition bilingue espagnol / anglais, Artepoética Press (États-Unis), Teoría sobre la belleza y otros poemas, éditions de la Garza Mora (Argentine) et Las certezas son del sol, Vinciguerra Hechos de Cultura (Argentine). Elle a obtenu les Prix “Universitarios Siglo XXI” du journal La Nación d’Argentine. Elle a été publiée dans de nombreuses anthologies. Elle a résidé dans les Émirats arabes unis, en Suisse, en Colombie et vit actuellement en Uruguay.
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Dans une langue à la fois lyrique et dépouillée, Carolina Zamudio décrit un monde de paradoxes, où s’affrontent deux temporalités : celle, familière, du cycle des jours, des nuits et des saisons, et une temporalité figée, celle de l’attente incertaine d’une révélation : un baiser, un frôlement du vent, le surgissement d’une larme peuvent déclencher une fulgurance. C’est un monde soumis à la logique décousue et pourtant implacable du rêve : on y explore des songes dont le sens se dérobe. Les objets sont porteurs de présages ambigus. On croise des fantômes amicaux et tristes. Le rêveur se dédouble, et se regarde rêver ; et le poète se désincarne, dépossédé de sa création, comme s’il n’était qu’un l’instrument que traversent les pensées qu’il exprime, et non pas leur auteur. Dans ce monde mouvant où jour et nuit s’interpénètrent, où intérieur et extérieur changent de places comme on retourne un vêtement, on cherche le refuge d’une maison ou d’un hamac. On aspire à l’inconnu, mais on est déchiré de devoir quitter ce que l’on connaît. On porte sur le quotidien un regard rétrospectif, qui anticipe l’adieu. On sait que ce qui viendra un jour sera à la fois saisissant et terrible, une épiphanie qui ordonnera le chaos apparent et en révèlera la beauté. Ou peut-être simplement la mort, comme un lumineux éveil au terme du songe ombreux de la vie. On n’émerge pas indemne de la lecture des poèmes de Carolina Zamudio, parce que ses rituels sont magiques, et nous apprennent à voir au-delà du hasard. Olivier Lécrivain Pouligny-Saint-Martin, février 2017.
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Entrevue avec Pablo Di Marco, écrivain argentin, pour « Livres et Lettres », revue culturelle de Colombie et d’Amérique latine. No. 7364 Bogotá, 29 mars 2016. […] La poeta Carolina Zamudio me hace pensar en Ella Fitzgerald. Hay algo en la cadencia de sus versos que me recuerda el fraseo cristalino de la Primera Dama de la Canción. Las dos, cada una a su manera, comparten un don infrecuente: son capaces de ocultar la complejidad detrás de un manto de sencillez, y la oscuridad bajo un estallido de luz [… ]. La poète Carolina Zamudio me fait penser à Ella Fitzgerald. Il y a quelque chose dans le rythme de ses vers qui me rappelle le phrasé cristallin de la Première Dame de la chanson. Toutes deux, chacune à sa manière, partagent un don peu commun : elles sont capables d’occulter la complexité sous un voile de simplicité, et l’obscurité sous une explosion de lumière. […].
Estás a punto de publicar tanto en Argentina como en Colombia. ¿Qué podés adelantarme? Tu vas bientôt publier en Argentine et en Colombie. Que peuxtu m’en dire ? Son satisfacciones inesperadas luego de la publicación reciente de La oscuridad de lo que brilla, el poemario bilingüe editado por Artepoética Press en Nueva York en 2015. Rituales del azar es una selección de poemas que se editará en Colombia por iniciativa gentil del gran poeta Juan Manuel Roca. Las certezas son del sol será presentado en la Feria del Libro de Buenos Aires, dentro de la colección Summa Poética, editada por Vinciguerra en su 30° aniversario, y de la que participaremos veinte poetas.
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C’est une satisfaction inespérée après la récente publication de La oscuridad de lo que brilla, un recueil de poèmes bilingue édité par Artepoética Press à New York en 2015. Rituales del azar est un choix de poèmes qui sera édité en Colombie grâce à la généreuse initiative du grand poète Juan Manuel Roca. Las certezas son del sol sera présenté à la Fête du livre de Buenos Aires, dans la collection Summa Poética, édité par Vinciguerra à l’occasion de son 30ème anniversaire, y qui réunit vingt poètes.
Así como hay escritores que son un dechado de carisma, también hay otros que sufren horrores la exposición pública. Te esperan meses agitados de presentaciones en la Feria del Libro de Bogotá y en festivales de poesía en Medellín y La Habana. ¿Cómo manejás ese “lado B” de tu trabajo como escritora? Contrairement aux écrivains qui n’ont aucune difficulté, de par leur charisme, à apparaître en public, d’autres le supportent très mal. Des mois agités de présentations t’attendent à la Fête du livre de Bogotá, et aux Festivals de poésie de Medellín et de La Havane. Comment vis-tu ce « côté B » de ton travail ? Aunque me siento más a gusto en el silencio de mi casa que ante un auditorio, no creo pertenecer a ninguno de los dos grupos. Admiro el don de la declamación, pero también confío en la intuición, en interpretar climas, ambientes y elegir cómo comunicarse a través de la poesía de acuerdo al momento. Cuando me puede la emoción, como me pasó al leer por primera vez mi último libro en el Instituto Cervantes de Nueva York, intento conectarme con la confianza que usé alguna vez para apreciar lo suficiente un poema y publicarlo […]. Je me sens mieux dans le silence de ma maison que devant un auditoire, et je crois que je n’appartiens à aucun de ces groupes. J’admire le don de la déclamation mais aussi je fais confiance à l’intuition, à la façon d’interpréter des ambiances et de choisir comment communiquer par l’intermédiaire de la 77
poésie selon les moments. Quand l’émotion m’envahit, comme cela m’est arrivé pendant la première lecture de mon livre à l’Institut Cervantes de New-York j’essaie de me rappeler la certitude que j’avais à aimer ce poème et à le publier […].
[…] Sos argentina y vivís en Colombia. […] ¿qué extrañás de Colombia cuando estás en Argentina, y que extrañás de Argentina cuando estás en Colombia? […] Tu es Argentine et tu vis en Colombie. […] ¿ qu’est-ce qui te manque quand tu es en Argentine et réciproquement ? En Argentina extraño de Colombia la amabilidad y la alegría de la gente, y la dulzura del español. En Colombia echo de menos de Argentina el estilo directo y osado de comunicarse, y la igualdad ―en la mayoría de los ámbitos― entre hombres y mujeres. Y no importa dónde, extraño siempre el ritmo de un colombiano y la “labia” de un argentino, los cafés de mi país y el café colombiano. En Argentine je pense à l’amabilité des Colombiens, à leur gaité, à la douceur de l’espagnol. En Colombie la façon directe et hardie de s’exprimer et l’égalité hommes-femmes des Argentins me manquent. Et où que je sois, le rythme et l’accent d’un colombien et la « labia »3 d’un argentin, les cafés de mon pays et le café colombien me manquent.
[…] Cambiemos de tema, decime, ¿alguna vez lloraste escribiendo? Si la respuesta es “sí”, ¿podrías compartir conmigo ese pasaje? […] Changeons de sujet : dis-moi, t’est-il arrivé de pleurer quelquefois quand tu écris? Si la réponse est affirmative, peuxtu m’en dire plus ?
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Le bagout
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No suelo llorar al escribir, sí antes o después. Vivo el proceso posterior a soltar un libro con especial sensibilidad: al tiempo que miro con algo de perspectiva lo escrito, repaso las circunstancias emotivas de ciertos poemas […] y siento honestamente que el texto ya no me pertenece. Eso puede conmover mucho. Je ne pleure pas quand j’écris, avant et après, oui ! Je suis très sensible après avoir publié un livre et les moments où je me distancie avec ce que j’ai écrit je me remémore les moments d’émotion de certains poèmes […] et je sens honnêtement que le texte ne m’appartient plus. Ceci peut provoquer beaucoup d’émotion.
Más allá de poeta también sos periodista. ¿Qué le aporta la Carolina periodista a la Carolina poeta, y viceversa? Tu es poète et journaliste aussi. Qu’apporte la Carolina journaliste à la Carolina poète et vice-versa ? La una le aporta a la otra, en ambos sentidos, la búsqueda constante de la verdad y la belleza. Ante el desconcierto, la periodista le da a la poeta algunas pocas certezas; la poeta, cierta esperanza. La poesía, además de crear lo imprevisto, debe ser verosímil y el periodismo puede ser arte que permita soportar la realidad. De ambos se infiere una forma honesta de vivir. También, en su mejor expresión, poeta y periodista comparten cierto criterio de síntesis, tan conveniente, creo, para ambos oficios L’une enrichit l’autre, dans la recherche permanente de la vérité et de la beauté. Devant le désarroi la journaliste offre à la poète quelques petites certitudes ; la poète, quelque espoir. La poésie, en plus de créer l’imprévu, doit être vraisemblable et le journalisme peut être un art qui aide à supporter la réalité. Des deux résulte une forme honnête de vivre. De
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même, poète et journaliste partagent un certain esprit de synthèse, qui convient aux deux activités.
Me gusta aquella frase que dice que un periodista es un puente que une dos soledades. Vos, al ser periodista, escritora y lectora tenés el privilegio de transitar tanto el puente como ambas soledades. ¿En cuál de los tres lugares te sentís más cómoda? J’aime cette assertion qui affirme qu’un journaliste est un pont qui unit deux solitudes. Journaliste, écrivaine et lectrice tu as le privilège de traverser le pont pour aller d’une solitude à l’autre. Où te sens-tu le mieux ? Siempre me siento más cómoda como lectora. Respecto de los puentes, creo que alguna vez deberíamos decidir saltarlos. Je me sens toujours mieux en tant que lectrice. Je respecte les ponts, je crois que de temps à autre on devrait se jeter dans l’abîme.
¿A qué escritor quisieras besar con pasión? A Leonard Cohen. ¿ Quel écrivain voudrais-tu embrasser avec passion ? Leonard Cohen
Vamos con las dos últimas y clásicas preguntas de Un café en Buenos Aires, Carolina: alguna vez Vargas Llosa dijo que el día más triste de su vida fue cuando Jean Valjean murió en “Los miserables” ¿Cuál fue el día más feliz de tu vida? Dernières questions comme dans un café à Buenos Aires, Carolina : Vargas Llosa a dit que le jour le plus triste de sa vie a été quand Jean Valjean meurt, dans « Les misérables ». Quel a été le jour le plus heureux de ta vie ?
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El fin de semana de hace más de veinte años que leí de un tirón El evangelio según Jesucristo de Saramago. No sólo me encontré con la versión más sensata de la célebre historia de la humanidad, sino que constaté que no hay límites para el lenguaje ni para seducir a un lector por primera vez. Es como una reverencia del escritor para hacerlo entrar a un recinto extraño y común, en el que el lector tiene la percepción de haber estado antes y del que no quiere volver a salir. Il y a plus de vingt ans, une fin de semaine quand j’ai lu d’une traite L’évangile selon Jésus-Christ de Saramago. Non seulement j’ai trouvé là la version la plus juste l’histoire de l’humanité mais de plus j’ai constaté que la langue n’a pas de limites pour séduire le lecteur dès la première lecture. C’est comme la marque de respect, la révérence d’un écrivain pour faire entrer le lecteur dans un endroit étrange et commun, où il a le sentiment d’avoir déjà été et qu’il ne veut pas quitter.
Te regalo la posibilidad de invitar a tomar un café a cualquier artista de cualquier época. Contame quién sería, a qué bar lo llevarías, y qué pregunta le harías. Je te propose d’inviter un artiste de n’importe quelle époque à prendre un café. Dis-moi qui, où tu l’emmènerais et quelle question tu lui poserais. Citaría a Philip Roth en la Biblioteca Pública de Nueva York ―esa construcción de culto a la introspección y al silencio en el centro de una de las ciudades más vibrantes del mundo― y le susurraría cómo resiste la tentación de “dejar de luchar con la literatura”, frase que usó para anunciar hace unos años su decisión de no volver a escribir. Je donnerais rendez-vous à Philip Roth dans la Bibliothèque publique de New-York ‒ cet hommage à l’introspection et au silence dans le centre d’une des villes les plus dynamiques du monde ‒ et je lui chuchoterais : comment résiste-t-il à la
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Ella es argentina, pero no precisa mencionar su nacionalidad, la delata el espiral de su vehemencia que salpica con un acento definido, y la tranquila solvencia con que resuelve sus ajetreos. Ahora habita en ese puerto a donde hace más de medio siglo ningún barco de gran calado llega, convertido como está en un refugio discreto para los que ejercen los distintos oficios del arte. La brisa llega desde todos lados, y el mar mismo, su olor y sus algas, son la razón de ser de aquel sitio entre la soledad y la inspiración. El encuentro de Carolina con este lugar es una historia reciente que acorta las distancias consigo misma, y se sosiega en el recorrido de su palabra hecha cristal en tanta pulcritud. Tampoco es muy extenso el río de sus poemas. Rastros de su quehacer en ese mundo de las letras sensibles, es posible encontrarlos en algunos pálpitos iniciales de sus incursiones en la lectura, en el despertar de la adolescencia ―en Curuzú Cuatiá, provincia de Corrientes― cuando la noche era un manto de expectativas que, renunciando a las sorpresas, fulgían en sus poemas como las primeras estrellas. Huellas suyas también se encuentran en el camino a la Universidad, en las horas discretas de su estadía en Buenos Aires, vaya uno a saber hasta dónde, el asomarse a esa gran ventana en la academia, le permitieron esas ínfulas para el riesgo, la fuerza para arrojarse en caída libre en las rutinas de la imaginación. Lo que sí puede inferirse es que en 2007 comenzó la historia de sus largos viajes por el mundo, y con ella la de los testimonios que iba deshojando en esas experiencia de la lejanía y el desarraigo, que la llevaron a establecer morada y pertenencia en geografías remotas, idiomas de distinto trasluz, en el cielo distante de tres apartados continentes, el emirato árabe de Abu Dhabi donde se recuesta el sol líquido de Asia, la sosegada niebla del invierno en Ginebra, instalada como una estatua de sal en el centro de Europa, y ahora la luz que relumbra hasta la ceguera en Puerto Colombia, la punta de lanza de Suramérica, sitios que –no por casualidad– forman la biblia de su poesía en tres grandes capítulos.
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Su trabajo aclara el escenario natural de un verso disciplinado, íntegro, en una poesía que es conceptual, sin incompatibilidades con el entorno, sin transigencias con el argumento de las sobreofertas de la razón, porque en ella no cabe un tránsito diferente en el camino de su ejercicio literario. La sensibilidad se impone en la espesura clara de sus versos, que son de follaje abierto, como suele suceder en el Caribe, de modo que puede conducirnos hacia un callejón reconocible en la noche, poco antes del sueño, hasta el escenario de los juegos amatorios, del alimento al beso para una misma boca que espera. O a uno cualquiera de esos lugares que nos acercan a una ciudad descubierta para el instante, la vida traducida como experiencia para ser revisitada en su conjunto. La luz y el tiempo son partes de una herencia lejana y llegan desde el calendario de verdades heredadas. La muerte en sus páginas es una penumbra que se deslíe, que se borra en un final latente, presentido y siempre ahí, como el otoño que dibuja sus hojas amarillas en el escaso sol del atardecer, para que los caminos absorban el mullido eco de unos pasos disciplinados. La atracción de su poesía está sostenida en una premisa simple: para explorar los afueras es prudente encontrarse dentro de sí mismo, como quien se mira en el espejo y ve la ciencia cierta de un deslucido brillo en medio de la sorna, que es la manera como se exhiben ante nosotros las franjas que se alargan en la frente, las estrías a lado y lado de los ojos. Así, el proceso de escritura cuando se percibe el ahora que se vive en cada plenitud, esas verdades rotundas ―los destellos de una opaca luz en el espejo― que parecen confundirse con distintos eventos soñados en altos balcones, y prevalecen en la curiosidad que atiza el deseo por saber más de esos aconteceres cotidianos. En este caso transcurren entre una ciudad y otra, entre aquel su libro primero, Seguir al viento, y el resto, eliminando distancias ante un evento literario y otro, hasta que sus horas terminan por cruzarse con sus búsquedas. El resultado es una declaración apasionada, cifrada en el lenguaje de la poesía, estableciendo en ese recorrido una suerte de pacto que dialoga con la realidad, como advirtió oportunamente el poeta francés, Boileau-Despréaux, al rehusar
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el preciosismo ornamental del verso en favor de un estilo basado en la claridad y el rigor. Estos poemas parecen haber sido diseñados al mejor estilo de una pintura en claro oscuro, como extendiendo las palabras para abrigar en su plenitud el amor, la más fuerte de las pasiones. También tropiezan con la desilusión del tedio, el más fuerte de los expedientes del fracaso, haciendo un contraste entre la figura suelta de la música en alto volumen con la conciencia de la mala hora que va dejando unas pisadas escritas en las extrañezas de los días que ya no son. Hay, en esa mirada de pupilas asombradas, el componente intelectual de la reflexión que admite el placer de la lectura, y tiene la forma sugerente de una red en el vértigo del aire. Es su manera de atrapar al lector en esos senderos no recurrentes, donde cada punto pareciera desapacible en sus zozobras al conectarse con otros poemas, dando origen, así, a múltiples caminos, distintos en su manera de leer, dispuestos todos para la aventura de pensar, mientras transcurre el largo intervalo que es el obligado viaje por el mar inmenso de la vida. En ese paisaje de olas dormidas, frente al muelle de Puerto Colombia, se doran los poemas de Carolina Zamudio. Sin caer en la tentación de los modos, apuran el fuego lento del ocaso que se dibuja cada tarde en el horizonte.
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Éditions associatives Villa‒Cisneros 4, rue Vincent Allègre ― 83000 Toulon ― F Dépôt légal avril 2017
ISBN 978-2-919209-14-9 édité en France